Respiration et fréquence respiratoire
La respiration, indépendante de notre volonté, est un phénomène dont il est possible de prendre temporairement le contrôle. Le muscle du diaphragme est le principal acteur de ce processus. La fonction première du système respiratoire est de prendre l’oxygène et d’éliminer le dioxyde de carbone. La ventilation alvéolaire représente le débit d’air inspiré qui pénètre dans les alvéoles et participe aux échanges gazeux. La ventilation alvéolaire se calcule suivant la formule suivante : VA (Ventilation Alvéolaire) = VC (Volume Courant) – VM (Volume mort) *FR. L’amplitude de la respiration est représentée par le volume courant (il est parfois appelé volume tidal : VT). Le volume mort est le volume de gaz (environ 150 ml) qui est toujours présent dans les alvéoles et qui ne participe pas aux échanges alvéolo-capillaires. La fréquence respiratoire est le nombre de cycles respiratoires comprenant l’inspiration et l’expiration, exprimée sur une minute. Au cours d’un exercice progressivement croissant en intensité, on observe que la ventilation évolue d’abord de manière linéaire puis à partir d’une certaine intensité (plus ou moins variable selon les individus en fonction de l’âge, du sexe et de la forme physique), la ventilation augmente significativement jusqu’à atteindre son maximum. Lors de l’effort, le corps agit sur les deux paramètres que sont l’amplitude de respiration agissant sur le volume courant et la fréquence respiratoire pour augmenter la ventilation alvéolaire. Néanmoins, il est préférable d’adopter une respiration lente et ample pour avoir un apport d’oxygène plus important que si l’on respire rapidement, de manière superficielle.
Son intérêt prouvé
La fréquence respiratoire joue un rôle important pendant l’exercice en tant que marqueur puissant de l’effort physique, plus encore que d’autres variables physiologiques traditionnellement surveillées (Nicolò et al., 2017). Des avantages physiologiques pourraient expliquer plus en détail l’intérêt d’utiliser FR en tant que variable de contrôle de l’effort physique en cours d’EPS. En effet, l’un de ses avantages est le contrôle de la ventilation par la commande centrale pendant l’exercice (Forster et al., 2012). Or, la commande centrale est également le signal sensoriel de l’effort perçu (Marcora, 2009). Ainsi, lors d’un exercice physique, la commande centrale présente dans le cortex moteur, à l’arrière du lobe frontal, régule la ventilation tout comme l’envoie des signaux sensoriels, sources de la perception de l’effort chez l’humain. Le contrôle de cette fonction ventilatoire avant, pendant ou après l’effort permettrait de renseigner les sensations corporelles vécues par l’athlète en exercice. Celles-ci sont liées à la fatigue musculaire, l’épuisement du glycogène, l’exposition à la chaleur et aussi et surtout à l’hypoxie lors de l’effort physique. Cela fournit donc une explication neurophysiologique de l’association observée entre l’effort perçu et FR. De plus, il a été montré que FR (contrairement aux autres variables physiologiques) dispose d’une réponse très rapide dès le début de l’exercice (Nicolò et al., 2015). Par exemple, lors d’un exercice complet et soutenu, FR augmente rapidement au début de l’exercice et atteint rapidement des valeurs maximales qui sont maintenues tout au long de l’essai (Nicolò et al., 2015). Son inertie faible, aux variations d’effort, a également été mise en exergue lors des exercices à haute intensité en intermittence (HIIT par cycle de 60 secondes de travail puis de récupération ; FR varie d’environ 20 à 30 mouvements respiratoires entre les phases, soit une augmentation ou une diminution de plus de 50% ; cf. annexe 1). Cette dernière s’étend d’environ 12 à 16 cycles au repos, jusqu’à plus de 60 par minute lors d’un exercice intense pour un sujet sain non entraîné de 20 ans. En guise de comparaison, le spectre de FC s’étend de 60 à 200 battements par minute pour un même sujet. Son inertie est forte aux variations d’un effort physique. En effet, FC croît très rapidement lors d’un effort mais décroît plus lentement lors de la récupération (sur une même durée, FC diminue de 25%, ne retrouvant donc pas sa valeur de départ). Cela fait de FR une variable utile pour décrire les changements rapides d’effort, très présents dans certaines APSA en EPS telles que le 3 X 500m. Cependant, il est important de souligner que la plupart des preuves suggérant que FR est un marqueur d’effort valide proviennent d’études qui ont utilisé le cyclisme comme modalité d’exercice. En revanche, moins de données sont disponibles relatives à d’autres modalités d’exercice, i.e. course à pied. Pour finir, la première tentative d’interprétation des données de FR normalisées en FR??? a été réalisée par Nicolò et al. (2014). Les auteurs ont trouvé une forte corrélation entre le pourcentage de FRmax (%FRmax) et l’effort ressenti (RPE), que ce soit au cours d’un exercice continu ou d’un exercice intermittent de haute intensité (HIIT). Ainsi, les auteurs ont montré que 80% de FR???correspondait à un effort perçu comme difficile alors que 88%… à un effort perçu comme très difficile. Une corrélation significative a été mise en évidence par ces auteurs entre la perception de l’effort (évaluée avec l’échelle 6 – 20 RPE) et la FR pour des intensités d’efforts comprises entre 65% et 100% de FRmax. Toutefois, certains auteurs tels que Vai et al (1988) ont mené des recherches sur la relation entre FR et l’intensité d’un effort physique, par l’utilisation de cycloergomètres lors de tâches de 30 secondes et avec des intensités croissantes (50, 100, 150 et 200 W). Ils ont observé et constaté une corrélation négative (-0,54 ± 0.38). Ils concluent sur le fait que ces observations ont confirmé leur idée selon laquelle FR n’est pas un indicateur pertinent, notamment au début d’un exercice de faible intensité. Cette étude est toutefois à relativiser du fait du nombre réduit de participants (4).
Sensibilité des variables FR, RPE et FC
Afin d’évaluer la sensibilité de FR, RPE et FC, des analyses de variance (ANOVA), pour un groupe à mesures répétées (facteur intensité, 6 intensités : 60%, 70%, 80%, 90%, 100% et 110% de VMA) ont été réalisées. En cas de significativité, un test post-hoc (HSD Tukey) a été appliqué afin de distinguer les différences entre les différentes courses. La valeur du partial eta square (ηp²) a été utilisée afin de mesurer la taille de l’effet avec des valeurs de ηp² > 0.01, ηp² > 0.07, ηp²> 0.14 pour respectivement, un effet faible, moyen ou fort (Cohen, 1988).
FR : un outil sensible et reproductible ?
Pour rappeler de façon succincte, l’hypothèse première de notre étude consistait à montrer que la fréquence respiratoire était un indicateur physiologique pertinent à utiliser car reproductible et sensible. Le contexte sanitaire ne nous a pas permis de confirmer totalement notre première hypothèse, la répétabilité des mesures de la fréquence respiratoire n’ayant pu être mesurée. Au sein du champ scientifique, il n’existe pas ou très peu d’études sur l’utilisation de la fréquence respiratoire en milieu scolaire. Or nos résultats ont montré une significativité importante entre la fréquence respiratoire et l’intensité de l’exercice sur les intensité basses et hautes (Figure 3.). En effet, entre 60 et 70%, la fréquence respiratoire augmente de 5 battements, de même qu’entre 100 et 110%. Nous ne pouvons pas nous appuyer sur des auteurs pour justifier l’absence de significativité pour les intensités modérées. Toutefois, nous émettons l’hypothèse que les élèves ont mis quelques secondes de plus à prendre la mesure de la fréquence respiratoire après leur course à 70 et 80% de VMA. Ce temps plus long s’explique par une réexplication de la prise de la fréquence cardiaque aux participants. Or, nous savons que la fréquence respiratoire a une inertie faible aux variations d’efforts (Nicolo et al., 2017) (Annexe 1.). C’est pourquoi, nous supposons que sur ce petit laps de temps, la fréquence respiratoire a diminué et a induit ce résultat (i.e. sensibilité) sur ces deux intensités de course. Ainsi, la variable fréquence respiratoire serait un indicateur physiologique pertinent en milieu scolaire pour discriminer des exercices réalisés à des intensités différentes, i.e. sensibilité. Cependant Vai et al (1988) ont mené des recherches sur la relation entre la fréquence respiratoire et l’intensité d’un effort et ont conclue sur le fait que la fréquence respiratoire n’est pas un indicateur pertinent, notamment au début d’un exercice de faible intensité (r = -0,54 ± 0.38). Les résultats de notre expérimentation entrent en divergence avec ceux trouvés par ces auteurs. En effet, à faible intensité (60% et 70% de la VMA), nous avons montré que la variable FR était sensible, indiquant de ce fait son évolution en fonction du facteur intensité. Sa pertinence à faible intensité est donc envisageable et à vérifier par de nouvelles expérimentations.
Applications pratiques
Cette étude, menée auprès d’une population lycéenne, peut avoir une portée pratique pour les enseignants d’EPS. En effet, il s’agit ici de se questionner sur l’utilisation d’un indicateur physiologique plutôt qu’un autre pour orienter les choix et les actions des élèves dans des activités de course en durée, dans lesquelles la place du ressenti et de l’effort perçu est importante. La fréquence cardiaque est majoritairement choisie par les enseignants d’EPS lorsqu’il s’agit de travailler sur les effets objectivables et subjectivables de l’effort physique. On peut comprendre aisément ce choix en reprenant nos résultats (Figure 2.), où la fréquence cardiaque augmente de manière croissante lorsque l’intensité des courses augmente, tout comme la RPE. Les élèves associent donc une intensité (%VMA) à une valeur de FC qui leur est propre pour réguler et ajuster leur projet de course avec un effort perçu cible. En revanche, d’après nos résultats, on peut conclure que le lien entre l’effort perçu et la fréquence cardiaque n’est pas évident, d’après les tests statistiques appliqués aux résultats de notre étude, d’autant plus que celle-ci présente certaines limites à son utilisation par les élèves (cf 3.2.1.). La fréquence respiratoire est un indicateur physiologique ignorée des leçons d’EPS. Les hypothèses de cette ignorance à son égard peuvent être nombreuses. Les enseignants d’EPS ne l’utilisent pas par manque de connaissance à son sujet, du fait de l’impact de leur formation ou encore de la littérature scientifique qui ne les oriente pas vers celle-ci. Néanmoins, au regard des résultats de notre étude, la fréquence respiratoire semble autant pertinente voire davantage en ce qui concerne sa relation avec l’effort perçu lors de courses à intensité variable, notamment sur les courses à intensité élevée. Cet indicateur n’est cependant pas exempté de limites (cf 3.2.2.). Ainsi, les enseignants d’EPS, pour lesquels se destine cette étude, pourront choisir d’utiliser la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire ou les deux en fonction des besoins de leurs élèves. Néanmoins, on ne peut que suggérer l’utilisation de la fréquence respiratoire comme variable physiologique par les élèves lors d’un exercice physique à intensité variable, en lien avec l’effort perçu, puisque celle-ci dispose de multiples avantages. Effectivement, cet indicateur évolue en fonction de l’intensité de l’exercice et peut permettre aux élèves d’associer une valeur de la fréquence respiratoire à une intensité de course pour réguler leur projet. De plus, sa prise de mesure ne nécessite pas de matériel numérique (cardiofréquencemètre) et, est plus simplifiée que la fréquence cardiaque puisqu’elle est facilement identifiable (on compte un à chaque fin d’inspiration) et comptable (intervalle de valeurs plus faible, 12 – 60/min), ce qui est positif pour l’activité des élèves en EPS. Enfin, elle est sensiblement corrélée à l’effort perçu, ce qui peut servir de point d’appui pour faire du lien entre les paramètres objectivables et subjectivables, afin de créer des échelles personnelles de ressenti pour chaque élève (intensité – FR – RPE), dans les activités de course du champ d’apprentissage numéro cinq.
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Table des matières
Introduction
1. Question de départ
1.1. Contexte de la recherche
1.2. Questions empiriques à l’origine de la recherche
Cadre théorique
1. Respiration et fréquence respiratoire
2. Système cardio-vasculaire et fréquence cardiaque
3. Effort perçu et exercice physique
Revue de littérature
1. La fréquence respiratoire comme marqueur de l’effort physique
1.1. Une variable négligée ?
1.2. Son intérêt prouvé
1.3. La suprématie discutable de la fréquence cardiaque ?
2. Comment mesurer la fréquence respiratoire sur le terrain ?
Objet de recherche
Méthodes
1. Participants
2. Protocole expérimental
3. Organisation des sessions
4. Variables mesurées
4.1. L’effort perçu
4.2. Fréquence respiratoire
4.3. Fréquence cardiaque
5. Analyse statistique
Résultats
1. Répétabilité des résultat
2. Effets de l’intensité de l’exercice sur les différentes mesures
2.1. Variable RPE et intensité des courses
2.2. Variable FC et intensité des courses
2.3. Variable FR et intensité des courses
2.4. Corrélation entre les variables RPE et FR
2.5. Corrélation entre les variables RPE et FC
Discussion
1. FR : un outil sensible et reproductible ?
2. FR : un outil plus fiable pour rendre compte de l’effort perçu ?
3. Limites de l’étude
4. Applications pratiques
Conclusion
Annexes
Bibliographie
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