Les batteries redox à circulation d’électrolyte
Présentation générale
Constitution et architecture
Les batteries redox à circulation d‟électrolyte (redox-flow batteries ou RFB en anglais) constituent un type particulier de générateurs électrochimiques qui utilisent les changements d‟état d‟oxydation d‟espèces redox solubles ou en partie solubles pour stocker et restituer l‟énergie électrique. Divers systèmes ont été proposés à ce jour qui ont tous en commun la mise en œuvre de deux couples redox dont chacun est associé à une polarité et dont au moins une des espèces est dissoute en électrolyte. La plupart des systèmes utilisent deux électrolytes distincts, dans lesquels sont dissoutes les espèces correspondant à chaque couple. Ces électrolytes sont stockés en réservoirs externes et acheminés, par un système de pompage, vers le réacteur où les espèces réagissent électrochimiquement au contact d‟électrodes inertes, générant ou accumulant l‟énergie électrique désirée. Les deux électrolytes sont alors séparés par une membrane conductrice ionique dont le rôle est d‟assurer l‟électroneutralité du système tout en évitant la migration d‟espèces actives d‟un électrolyte à l‟autre.
Les espèces électroactives impliquées dans les réactions aux électrodes peuvent être toutes solubles, conduire à la création d‟un dépôt solide ou d‟une espèce gazeuse à l‟une des deux électrodes, ou bien de dépôts solides aux deux électrodes. La présence de deux électrolytes distincts et d‟une membrane est requise quand il y a nécessité de séparer les produits de charge, afin d‟éviter l‟autodécharge du système. Certains systèmes, cependant, ne nécessitent pas de membranes et peuvent fonctionner avec un seul électrolyte (voir classification des systèmes redox ci-après). Dans tous les cas, la tension de la cellule dépend des potentiels standards respectifs des couples redox mis en jeu, de la cinétique de chacune des demi-réactions aux électrodes et des chutes ohmiques se produisant dans l‟électrolyte, dans la membrane éventuelle et dans les collecteurs de courants. Une batterie complète est constituée d‟un ensemble de cellules élémentaires associées en série et/ou en parallèle. Le montage le plus courant est le montage dit « bipolaire » qui permet de mettre en série un grand nombre de cellules par l‟intermédiaire de parois étanches et conductrices électroniques séparant les compartiments, comme le présente la figure I-1(b). Ces parois sont en contact d‟un côté avec une électrode positive et de l‟autre avec une électrode négative. Elles assurent le collectage et le transfert des électrons entre deux cellules adjacentes. En modulant le nombre d‟éléments connectés en série et en parallèle, il est possible d‟obtenir une large gamme de courants, de tensions et donc de puissances pour le système de stockage.
Classification des systèmes redox en circulation
Bien qu‟il n‟existe pas de classification officielle des batteries redox à circulation, la revue de Leung et al. [Leu12] propose de regrouper les différentes technologies selon l‟état physique des espèces actives impliquées aux deux polarités. la classification utilisée dans cette revue et l‟applique à quelques systèmes de batteries redox. Ceux-ci se retrouvent répartis en trois catégories :
– les systèmes « tout-soluble » (all-soluble RFB), où les deux espèces des deux couples redox sont solubles, ce qui nécessite une membrane pour séparer les produits de charge et implique donc deux électrolytes distincts,
– les systèmes où l‟énergie est stockée par formation d‟un dépôt aux deux électrodes en charge. Aucune membrane n‟est alors requise du fait que les produits de charge sont physiquement séparés (on parle de systèmes indivisés ou « undivided flow cell »),
– les systèmes hybrides, qui regroupent les batteries à circulation impliquant la formation d‟un solide ou d‟un gaz à une demi-cellule, alors qu‟à l‟autre les deux espèces sont solubles. La majorité d‟entre elles nécessite une membrane, mis à part quelques exceptions (système zinc-cérium).
Exigences des différents éléments
Les différents éléments d‟une batterie à circulation (espèces actives, électrolyte électrodes, membrane…) doivent remplir un certains nombres de critères pour permettre un fonctionnement efficace du système. D‟une part, les deux couples redox mis en jeu doivent avoir des potentiels standards suffisamment éloignés pour engendrer une force électromotrice (f.e.m.) significative. La plupart des systèmes redox ont une f.e.m. comprises entre 1 et 2 V. La cinétique des demiréactions aux électrodes doit aussi être assez rapide pour ne pas engendrer de trop fortes surtensions d‟activation et ainsi garantir un bon rendement énergétique. D‟autre part, les espèces actives doivent posséder une grande solubilité dans l‟électrolyte puisque de leur concentration dépend la capacité énergétique du système (nombre de wattheures potentiels par unité de masse ou de volume de l‟électrolyte). Elles doivent idéalement rester solubles sur une grande gamme de températures. La conductivité de l‟électrolyte, qui détermine une partie des chutes ohmiques, doit également être significative, et il est fréquemment ajouté un électrolyte support, constitué d‟espèces électrochimiquement inactives dont le rôle est de diminuer la résistance ionique de la solution. Pour les systèmes nécessitant la séparation des produits de réaction issus de la charge, la membrane séparant les électrolytes joue un rôle crucial. Constituée le plus souvent d‟un polymère conducteur ionique (anionique ou cationique), elle doit répondre à de nombreuses exigences dont les principales sont :
– une bonne sélectivité : la membrane doit laisser passer les ions spectateurs pour maintenir l‟électroneutralité du système mais empêcher au maximum la migration des espèces actives d‟un compartiment à l‟autre. La perméabilité de la membrane aux espèces actives est donc à minimiser,
– une bonne conductivité ionique afin de minimiser les pertes ohmiques,
– une bonne stabilité chimique face à la présence d‟espèces oxydantes susceptibles de dégrader de manière accélérée la membrane.
Le transport de l‟eau au travers de la membrane est également à prendre en compte. En effet, le passage d‟un volume significatif d‟eau peut se produire d‟un compartiment à l‟autre, ce qui induit une concentration des espèces actives à une polarité et une dilution à l‟autre polarité et peut éventuellement faire précipiter les espèces. Les membranes peuvent aussi être encrassées par des impuretés contenues dans l‟électrolyte, ce qui peut requérir l‟utilisation d‟électrolytes très purs et donc couteux. Une membrane peu sensible au transfert d‟eau et à l‟encrassement est donc un atout certain. Enfin, les électrodes et les collecteurs de courants sont à concevoir dans des matériaux inertes et stables chimiquement et ayant en outre une bonne activité vis-à-vis des réactions redox.
Avantages et utilisation des batteries redox à circulation
Du fait de leur architecture, les batteries redox à circulation offrent de nombreux avantages sur les autres systèmes de stockage de l‟électricité en général et sur les systèmes électrochimiques en particulier, principalement en terme de flexibilité et de prix. L‟avantage principal est le découplage possible entre la puissance et la capacité du système. Dans le cas des batteries à électrolyte statique (lithium-ion, plomb-acide traditionnelle, etc.), il y a interdépendance entre capacité (ou énergie) et puissance puisque une augmentation de capacité ne peut se faire que par l‟ajout d‟autres éléments, ce qui modifie aussi la puissance du système. Les batteries à circulation permettent quant à elles de choisir ces deux grandeurs indépendamment l‟une de l‟autre. En effet, la puissance du système de stockage en batterie à circulation est fonction directe du nombre de cellules associées et de la surface des électrodes. La capacité ne dépend quant à elle que du volume des réservoirs électrolytiques et de la concentration des espèces électroactives dissoutes dans ceux-ci. Ainsi le système de stockage peut être facilement adapté aux exigences de l‟application pour laquelle il est dévolu.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I. Batteries redox à circulation, technologie au plomb soluble et objectifs de la thèse
1. Les batteries redox à circulation d’électrolyte
1.1. Présentation générale
1.1.1. Constitution et architecture
1.1.2. Classification des systèmes redox en circulation
1.1.3. Exigences des différents éléments
1.2. Avantages et utilisation des batteries redox à circulation
1.3. Quelques technologies de batterie redox
1.3.1. Fer/Chrome
1.3.2. Vanadium-vanadium
1.3.2.2. Electrolytes
1.3.2.3. Electrodes
1.3.2.4. Membrane
1.3.2.5. Installations des batteries vanadium à travers le monde
1.3.2.6. Autres technologies employant le vanadium
1.3.3. Brome-polysulfure
1.3.4. Systèmes hybrides zinc-brome et zinc-cérium
1.3.4.1. Zinc-brome
1.3.4.2. Zinc-cérium
1.4. Limites et challenges futurs des batteries redox à circulation
1.4.1. Performances
1.4.2. Durée de vie
1.4.3. Coûts
2. Technologie plomb soluble-acide méthanesulfonique
2.1. Introduction
2.2. Principe de fonctionnement d’une cellule redox Pb-AMS
2.3. Etudes de cellules à électrodes planes de faibles dimensions
2.3.1. Caractéristiques générales (tension, rendements)
2.3.1.1. Réponses en tension
2.3.1.2. Rendements faradiques et énergétiques : influence des conditions d‟utilisation
2.3.2 Etudes du plomb à l’électrode négative
2.3.2.1. Additifs pour le plomb
2.3.2.2. Influence de la densité de courant et de la composition d‟électrolyte
2.3.3. Etudes du dioxyde de plomb à l’électrode positive
2.3.3.1. Morphologie et phases cristallographiques d‟un électrodépôt
2.3.3.2. Dioxyde de plomb en cyclage
2.4. Etudes de cellules à électrodes planes de 100 cm²
2.4.1. Réponse en tension
2.4.2. Analyse des modes de défaillance
2.4.3. Prolongement de la durée de vie
2.4.3.1. Maintien de la concentration en Pb2+
2.4.3.2. Cyclages en décharges partielles
2.4.3.3. Traitement du réacteur à l‟eau oxygénée
2.4.4. Modélisation du réacteur Pb-AMS
3. Synthèse et objectifs de la thèse
Chapitre II. Etude de la réaction de production d‟oxygène sur le α-dioxyde de plomb en milieu acide méthanesulfonique
1. Introduction
1.1. Contexte de l’étude
1.2. Du dégagement d’oxygène sur le dioxyde de plomb
2. Partie expérimentale
2.1. Détails expérimentaux
2.1.1. Dépôt de dioxyde de plomb
2.1.2. Electrolytes
2.1.3. Voltampérométrie cyclique
2.1.4. Spectroscopie d’impédance
2.2. Résultats et discussion
2.2.1. Caractérisation du dépôt
2.2.2. Voltampérométrie cyclique
2.2.2.1. Voltampérogrammes
2.2.2.2. Tracés de Tafel et d‟Arrhenius
2.2.3. Spectroscopie d’impédance électrochimique
2.2.3.1. Diagrammes de Nyquist
2.2.3.2. Ajustement des spectres d‟impédance
2.2.3.3. Tracés de Tafel E vs. log (1/R) et E vs. log Istat
3. Conclusions de l’étude
Chapitre III. Etude du cyclage dépôt/dissolution du dioxyde de plomb en milieu acide méthanesulfonique
1. Introduction
2. Mécanismes associés au cyclage du PbO2
2.1. Formation de PbOx et phénomène de passivation
2.1.1. Mise en évidence d’un phénomène de passivation
2.1.1.1. Effet de la composition de l‟électrolyte
2.1.1.2. Origine probable de la passivation
2.1.2. Etude du cyclage par microbalance
2.1.2.1. Faibles concentrations d‟acide
2.1.2.2. Fortes concentrations d‟acide
2.1.3. Morphologie du dioxyde de plomb en dissolution
2.1.4. Résumé des mécanismes
2.2. Interprétation morphologique des profils de potentiel
2.2.1. Considérations massiques
2.2.2. Mise en évidence d’une évolution morphologique du second dépôt
2.2.2.1. Analyses MEB
2.2.2.2. Caractérisation en spectroscopie d‟impédance
2.2.2.3. Relation probable potentiel/surface spécifique
2.2.3. Cyclage du PbO2 en dissolutions courtes
2.2.4. Cyclage du PbO2 en dissolutions complètes
3. Etude de différents modes de gestion du cyclage du PbO2
3.1. Cyclage en décharge partielle
3.2. Fin de décharge à plus faible densité de courant
3.3. Limiter la chute du potentiel en dissolution
3.4. Dissolutions à courant pulsé
4. Cyclage avec additifs
Conclusion générale