Les banques centrales
Les banques centrales (BC) ne sont pas étrangères à cette situation de taux bas. Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, plusieurs d’entre elles ont même fait passer leur taux de déport en territoire négatif. Figure 6 : taux directeurs de banques centrales Pour diverses raisons, mais principalement pour relancer l’économie et l’inflation, les banques centrales lancent des actions de QE et baissent leur taux de dépôt, jusqu’au point d’être négatif (Marie Charrel, 2015). Ces actions ont deux effets majeurs : Tout d’abord, cela pousse les établissements financiers à réduire leurs fonds auprès de la banque centrale, et ainsi de les injecter dans l’économie au travers d’investissements, notamment en obligation. Cela fait donc augmenter la demande et baisser les taux sur le marché obligataire. Ensuite, étant donné que l’assouplissement vise à injecter de l’argent dans l’économie afin de relancer l’inflation, il y a beaucoup, voire trop de liquidité et cela favorise la spéculation. « La planète croule aujourd’hui sous 21.000 milliards de dollars de monnaie, soit trois fois plus qu’en 2007 et dix fois plus qu’en 2000 ! Peut-être cette politique monétaire hyper-laxiste a-t-elle permis d’éviter une récession généralisée. Mais, elle a aussi donné des armes à la spéculation ». (Patrick Artus cité par Sandrine Trouvelot, 2016) Dans ce contexte, on peut considérer le rôle des banques centrales par rapport à la maîtrise de l’inflation. En effet, elles ralentissent cette dernière quand elle se porte « trop bien », et lui redonne des forces lorsqu’elle se porte mal. Dans ce sens, certains investisseurs pourraient considérer les actions des BC comme un avertissement disant : « l’économie est dans une phase difficile et il faut la relancer ». Dès lors, si le message est perçu comme tel, plusieurs options d’investissement se présentent. Le point suivant traitera de la logique des investisseurs dans cette situation.
La logique d’investissement
Les obligations sont toujours prisées par les investisseurs (Patricia Meunier, 2014). Pourtant, elles ont des rendements très faibles et parfois même négatifs. Effectivement, investir lorsque les taux sont négatifs signifie perdre de l’argent pour un prêt. C’est, par nature, contraire à la logique économique qui veut que celui qui prête, reçoive une compensation pour la prise de risque induite de la créance. Figure 7 : maturité à partir de laquelle les taux sont positifs L’obligation est un instrument de protection contre les fluctuations du cycle économique. On pourrait donc la voir comme une assurance contre celles-ci. En outre, les titres de dettes les mieux notées peuvent être perçues comme une assurance contre le risque de défaut. Bien évidemment, même pour les titres les plus sûrs, il y a toujours le risque de ne pas être remboursé. Mais, ce risque est moindre pour ceux-ci. Par conséquent, les investisseurs peuvent logiquement préférer de payer pour s’assurer de la détention de leur capital (en cas de taux négatif), plutôt que de l’investir dans des obligations plus risquées et en proie de faire un défaut de paiement ; le scénario le plus catastrophique pour les investisseurs en obligation. Somme toute, ce titre a longtemps été considéré comme étant sans risque. Pourtant, les récentes crises nous prouvent l’inexactitude de cette idée reçue (BSI Economics cité par AJ, 2013). Dès lors, on devrait observer un changement des mentalités ou on pourrait se demander pourquoi ce titre est toujours perçu comme tel. A cet effet, la prochaine section traitera des alternatives à l’obligation et exposera les aspects qui peuvent leur être défavorables par rapport à un investissement dans cette classe d’actifs.
Le marché de la dette souveraine est sur une bulle
L’analyse démontre que le marché de la dette souveraine est sur une bulle. Non seulement parce que les fondamentaux ne vont pas dans le même sens, mais aussi, parce que malgré l’incertitude grandissante qui pèse sur ce marché, le nombre de titres qui y sont échangés et leur prix ne cessent de grimper. Les banques centrales manipulent leur taux de dépôt afin de relancer l’économie. Néanmoins, étant donné que leurs actions ne fonctionnent pas (Philippe Béchade cité par Vittorio De Filippis, 2016), elles ne devraient pas continuer sur ce chemin. En dépit de cela, elles persistent à abaisser leurs taux et impactent indirectement et négativement les prix sur le marché obligataire. Par ailleurs, les anticipations de déflation sont démesurées et parfois illogiques. Les taux négatifs dans les pays comme la Suisse ou dans la zone euro supposent une déflation et donc, un ralentissement de l’économie. Pourtant, comme on peut le voir sur le graphique suivant, le PIB ne cesse d’augmenter dans ces régions. De plus, on voit que les pays qui possèdent les taux les plus bas ont les anticipations de croissance du PIB les plus fortes. Un autre facteur est que les Etats empruntent de plus en plus malgré une croissance de leur PIB plus faible (Matthieu Jublin, 2014). Ils ont de plus en plus de dettes à payer, avec de moins en moins de ressources pour rembourser. Leur risque de défaut devrait donc s’accroître sur le long terme, si on anticipe un ralentissement de la croissance.
Pourtant, les taux sont toujours plus faibles et montrent donc un risque plus faible. A cela s’ajoute les investisseurs qui se basent sur des anticipations de déflation et tendent à investir de manière plus prononcée en obligation. Cela accentue l’idée que l’économie est en déclin ou que les dettes publiques sont plus sûres. Leur forte demande fait augmenter les prix et baisser les taux. Le problème est que, ce sont ces mêmes taux que l’on utilise comme « prédiction » de la santé économique future. Enfin, il y a la réglementation surprotectrice qui règne sur les marchés et qui s’est renfoncée après la crise de 2008. Leur tendance à forcer un investissement en obligation rend le marché plus inefficient. Ceci, parce que beaucoup d’investisseurs sont sur le marché de la dette souveraine par contrainte réglementaire et pas uniquement par attrait pour cette classe d’actifs. Dans ce cadre, des opportunités de marché désavantageuses ne leur font pas quitter le marché, ou du moins, réduire leur exposition à des niveaux adaptés. En somme, le marché obligataire n’est pas compliqué, mais relativement complexe. Les variables qui l’influencent sont multiples et il est très difficile d’anticiper celle qui aura le plus d’impact.
En outre, il est d’autant plus difficile de prévoir quelle variable peut causer un retournement de marché. Comme expliqué précédemment, la bulle sur le marché obligataire est causée par une accumulation de facteurs parfois liés de manière directe et parfois de manière indirecte. Trouver la source du problème serait alors la meilleure solution pour garantir la stabilité future du marché. Néanmoins, étant donné que le monde actuel change et évolue constamment, cette même source du problème pourrait suivre cette tendance. La prochaine section exposera donc des recommandations qui permettront de stabiliser la situation dans les temps à venir. Eliminer subitement un risque de bulle est, par définition, impossible. C’est pourquoi, pour garantir la pérennité du marché obligataire, il faudra un total changement des modes de fonctionnement et des modes de pensée.
Les Etats – limiter l’émission de dette
Les Etats émettent des dettes à taux faible pour rembourser. Mais, si les taux remontent, ils devront payer plus cher leurs emprunts. Ils auront plus de mal à payer et leur risque de crédit va augmenter. Dans cet ordre d’idées, si l’augmentation des taux n’est pas dû à un risque de défaut plus élevé des Etats, elle sera accentuée par ce facteur. De nos jours, il existe plusieurs réglementations et traités qui ont pour but de limiter la dette publique des Etats par rapport à leur production et potentiel de revenu. Néanmoins, elles ne sont pas respectées par tous les gouvernements. Comme par exemple, le Traité de Maastricht1,. « Aujourd’hui, seuls la Finlande et le Luxembourg respectent les critères de Maastricht! » (Dylan Gamba, 2013). Etant donné que tous les gouvernements bénéficient de cette possibilité de passer outre les accords internationaux, il est difficile de trouver un moyen de pression qui les dissuade. Une solution serait donc de mettre en place une réglementation avec des pénalités, dans le but de limiter les émissions obligataires. Ces pénalités pourraient être de plusieurs ordres, allant de la restriction de clause à l’émission d’obligation, à l’interdiction d’emprunter sur les marchés financiers pendant une certaine durée. Cette démarche a pour but d’inciter, voire de forcer les Etats à trouver d’autres sources de financement ou de revoir leurs prévisions de dépenses à la baisse. Cela permettra de fortement limiter l’émission d’obligations potentiellement insolvables en cas de hausse des taux et stoppera l’alimentation de la bulle sur laquelle se trouve le marché de la dette souveraine.
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Table des matières
Déclaration
Remerciements
Résumé
Liste des figures
1. Introduction
1.1 Définitions
1.2 Caractéristiques des obligations
1.2.1 Le prix
1.3 Le marché obligataire
1.3.1 Le contexte
1.3.2 Les taux
1.3.3 La liquidité
1.3.4 Importance du marché obligataire
1.3.5 Problématique
2. Analyse
2.1 Méthodologie
2.1.1 Récolte d’informations
2.1.2 Sources
2.1.3 Rédaction
2.2 Les investissements en obligation
2.3 Les bulles
2.3.1 Causes historiques des bulles
2.4 Facteurs propres au marché
2.4.1 Les taux
2.4.1.1 Le risque de taux
2.4.1.1.1 Investisseurs
2.4.1.1.2 Etats
2.4.2 Croissance et inflation
2.5 Facteurs propres aux investisseurs
2.5.1 Impact des crises précédentes – La réglementation
2.5.2 Facteur humain
2.5.3 Les banques centrales
2.5.4 La logique d’investissement
2.5.5 L’effet de substitution
2.5.5.1 Métaux précieux et matières premières
2.5.5.2 Démographie
2.6 Points importants de l’analyse
2.6.1 Le comportement des investisseurs
2.6.1.1 Le mimétisme
2.6.2 La courbe des taux
2.6.2.1 Anticipations de déflation
2.6.2.2 Les banques centrales
2.6.2.3 Une remontée des taux
2.6.2.3.1 Pour les investisseurs
2.6.2.3.2 Pour les Etats
2.6.2.4 La limite des taux négatifs
2.6.2.5 La crédibilité de la courbe des taux
2.6.3 L’implication des autorités régulatrices
3. Synthèse
3.1 Le marché de la dette souveraine est sur une bulle
3.2 Mise en pratique – France
3.3 Recommandations
3.3.1 Réglementation – alléger les standards
3.3.2 Les investisseurs – séparer la protection du rendement
3.3.3 Les Etats – limiter l’émission de dette
3.3.4 Banques centrales – remonter le taux de dépôt
4. Conclusion
4.1.1.1 Expérience
Bibliographie
Annexe 2 : Croissance et inflation
Annexe 3 : Situation mondiale
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