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La formation d’un précurseur : la procapside
In vivo, le point de départ de la construction de la procapside est généralement admi comme étant chez beaucoup de phages la protéine portail. Cette protéine forme un dodécamère en forme d’anneau (Moore et al., 2001 ; Agirrezabala et al., 2005) qui par la suite deviendra le composant central du connecteur (Orlova et al., 2003). Ce dodécamère sert en quelque sorte de point de nucléation à la polymérisation de la (ou les) protéine (s) de capside majeure sous le contrôle de la protéine d’échafaudage (ou du domaine N-terminal de la protéine de capside majeure dans le cas où le phage ne posséderait pas de protéine d’échafaudage indépendante (Conway et al., 1995)). En l’absence de protéine d’échafaudage, les structures formées sont souvent aberrantes et non fonctionnelles (Hohn et al.,1975). Pour le phage P22, l’assemblage d’une procapside correcte se fait par ajout successif des protéines de capside, seule ou en complexe avec la protéine d’échafaudage suivant le type d’interactions locales possible (Thuman-Commike et al., 1999). La procapside des phages à queue est une capside virale non infectieuse, instable, de taille plus petite que la capside finale (Dokland et al., 1993 ; Conway et al., 1995 ; Zhang et al., 2000).
Clivage protéolytique
D’une manière générale, une procapside de bactériophage est constituée par le connecteur à l’un de ces sommets, les multiples copies de la (les) protéine (s) de capside majeure et les protéines d’échafaudage. La totalité des protéines de capside majeure s’arrange suivant une symétrie icosaédrique contrairement au connecteur (Morais et al., 2001 ; Fokine et al., 2004) et aux protéines d’échafaudage (Morais et al., 2003 ; Thuman-Commike et al., 1999) qui sont autant de brisure de symétrie.
L’étape suivante dans le cycle d’assemblage des bactériophages à queue est l’élimination des protéines d’échafaudage ou des domaines ayant cette fonction soit par clivage par la protéase virale contenue dans la procapside (Duda et al., 1995 ; Miller et al., 2003) ou soit sous une forme intacte lorsqu’il n’y a pas de protéase virale (phage T7 (Cerritelli et al., 2003) et P22 (Fane et Prevelige, 2003) par exemple). Entières ou fragmentées, les protéines d’échafaudage sont évacuées par les pores de la procapside et il en résulte donc un volume interne plus grand, nécessaire à l’incorporation de la totalité de l’ADN viral.
L’expansion : transition procapside – capside
L’étape concomittante à l’élimination des protéines d’échafaudage est l’incorporation de l’ADN viral dans la capside. Cette entrée se fait par le connecteur formé dans les cas les plus simples par la protéine portail et les petite et grande sous unités d’enzymes virales appelées terminases. Ce processus a été beaucoup étudié et l’un des scénario est que le connecteur se comporte comme un moteur moléculaire qui, à chaque hydrolyse d’ATP, tourne d’un certain pas entraînant avec lui l’ADN à l’intérieur de la capside (Simpson et al., 2000).
Une fois la totalité de l’ADN introduite, celle-ci est clivée par les terminases et l’ouverture du connecteur est bloquée par l’ajout de protéines de complément et de la queue du phage.
In vivo, l’entrée d’une molécule fortement chargée négativement comme l’ADN à l’intérieur de la procapside, déjà déstabilisé par le départ des protéines d’échafaudage, force progressivement les protéines de capside majeure à se réorganiser, tout en conservant l’intégrité de celle-ci, jusqu’à ce que s’établissent de nouvelles interactions entre sous unités comme cela a été montré in vitro avec le phage HK97 (Lata et al., 2000). D’une manièr générale, la capside obtenue à ce niveau est plus grande, de forme plus angulaire que la procapside et les protéines de capside la composant s’organisent toujours suivant les symétries icosaédriques, à l’exception toujours du connecteur et de l’ADN confiné. Plusieurs modèles ont été proposés pour décrire l’arrangement de l’ADN au sein de la capside, mais une variété de reconstructions de capsides obtenues en cryo-microscopie électronique supporte le modèle en bobine co-axiale où l’ADN s’enroule autour d’un axe normal au connecteur (Cerritelli et al., 1997 ; Zhang et al., 2000)
La stabilisation
Pour s’accommoder de la présence de l’ADN emmagasiné sous pression dans sa capside (environ 6MPa pour une concentration maximale de 500 mg/mL (Smith et al., 2001)), la plupart des bactériophages ont recours à une dernière étape visant à augmenter la stabilité de l’ensemble capside/ADN. Deux stratégies différentes sont employées :
– L’addition en surface d’une ou plusieurs protéines de capside mineure (la protéine GpD pour le phage λ (Dokland et al., 1993 ; Yang et al., 2000), les protéines Hoc et surtout Soc pour le phage T4 (Iwasaki et al., 2000 ; Olson et al., 2001)) qui augmentent la résistance globale de la capside.
– L’établissement de nouvelles liaisons covalentes, par un mécanisme auto catalytique, entre toutes les sous unités de la protéine de capside majeur créant un enchevêtrement des sous unités les unes avec les autres à la manière des anneaux d’une chaîne (phage HK97 (Duda, 1998) et D3 (Gilakjan et al., 1999))
Similarités entre les virus procaryotes et eucaryotes
Il existe une énorme diversité de virus infectant tout type de cellules. Chaque genre de virus possède ses propres caractéristiques et stratégies d’infection. Néanmoins, au fur et à mesure que s’accumulent de nouvelles informations sur les virus notamment en raison du nombre croissant de génomes séquencés, il devient possible de déduire certains mécanismes de l’évolution virale. Cependant, la situation est encore compliquée par le fait que les séquences primaires de protéines virales de différents organismes, qui semblent similaires d’un point de vue structural et fonctionnel, sont souvent très divergentes à tel point qu’aucune similarité de séquence n’est détectable (Hendrix, 2004). Il y a tout de même des évidences suggérant que des virus actuels très différents descendent d’un ancêtre commun.
Ainsi, les phages à queue infectant les bactéries partagent avec la famille des virus de l’herpès certaines similarités morphologiques et certains mécanismes d’assemblage. En particulier, lors de l’assemblage des virions dans la cellule, les virus de l’herpès et le bactériophages s’assemblent tout d’abord sous la forme d’une procapside qui devient par la suite la capside mature. Dans les deux cas, la formation de la procapside est guidée par la présence de protéines d’échafaudage et la transition procapside/capside est irréversible et implique une forte réorganisation des sous unités au sein de la capside lorsque l’ADN viral est incorporé par le connecteur (Newcomb et al., 2001 ; Heymann et al., 2003).
Un autre exemple illustrant de possibles connexions ancestrales entre virus procaryotes et eucaryotes est donné par la similarité du repliement dans l’espace de la protéine de capside composant les hexons de l’adénovirus humain (Athappilly et al., 1994), du bactériophage PRD1 (Benson et al.,1999) et du virus d’algue PBCV-1 (Nandhagopal et al., 2002). Pour ces trois virus, les hexons composant leur capside sont des trimères dont chaque sous unité est constituée par deux domaines similaires en tonneaux β (motif « jelly roll ») (Nandhagopal et al., 2002). La même organisation des hexons a aussi été trouvée récemment pour le virus STIV infectant une archébactérie (Rice et al, 2004). Ainsi, cet exemple montre qu’il existe des relations de conformation entre les protéines de capside de quatre virus infectant les trois grands genres du vivant en dépit de toutes similarités de séquence. Ceci suggère que certains virus ont un ancêtre commun précédant la division entre les genres eucaryote, procaryote et archéobactérie il y a environ 3 milliards d’années et renforce l’intérêt des études sur les bactériophages en tant que système modèle de virus eucaryotes.
La microscopie électronique en transmission
La possibilité de réaliser un microscope avec des électrons résulte de plusieurs propriétés comme la nature ondulatoire des électrons, l’existence de lentilles adaptées à ce type de rayonnement (lentille électromagnétique) et de sources d’électrons (canon).
Les microscopes en transmission, quels que soient leurs domaines d’application, sont construits de la même façon. D’une manière très schématique, de haut en bas, on retrouve le canon à électrons, la colonne sous vide contenant tout le système optique permettant l grossissement de l’image de l’échantillon, puis les dispositifs pour visualiser et enregistrer les images agrandies (écran fluorescent, caméra, plan film, détecteur CCD).
Le canon à électrons
Le canon à électrons doit produire un faisceau d’électrons parallèle, ayant une énergie haute et la plus constante possible. On distingue deux types de canons à électrons :
– Émission thermoélectrique (figure 1a): les électrons sont émis à partir d’un filament (cathode) chauffé à une température suffisante (2500°C pour du tungstène, 1700°C pour un monocristal d’hexaborure de lanthane (LaB6)) pour extraire les électrons du métal. Le wehnelt entourant le filament est chargé négativement, il permet de concentrer les électrons en un point situé entre la pointe du filament et l’ouverture du wehnelt. Les électrons passant par l’ouverture du wehnelt sont ensuite guidés vers l’entrée de la colonne au travers de l’anode (plaque métallique trouée, chargée positivement). – Émission de champ (figure 1b): les électrons sont émis à la pointe d’un filament de tungstène recouvert d’oxyde de zirconium. En appliquant une tension d’environ 3 kV entre la pointe et l’anode, on obtient dans cette région un champ électrique extrêmement intense (109 V/m) suffisant pour extraire les électrons de la pointe qui sont ensuite accélérés et dirigés ver la colonne au travers de l’anode.
Les lentilles électromagnétiques et les défauts limitant la résolution
Les lentilles électromagnétiques sont constituées d’un bobinage en cuivre et de pièces polaires en alliage magnétique. Lorsqu’un courant circule dans le bobinage, un champ magnétique est créé entre les pièces polaires et agit directement sur la trajectoire des électrons. En dépit des différences évidentes avec les lentilles en verre, les lentilles électromagnétiques obéissent aux lois de l’optique géométrique photonique. Ainsi, ellespossèdent un plan image où se forme l’image de l’objet et un plan focal où tous les rayons parallèles incidents se focalisent. En modifiant le courant circulant dans la lentille, celle-ci devient plus ou moins focalisante.
Comme pour leurs homologues utilisées en optique photonique, les lentilles électromagnétiques présentent des défauts ou aberrations qui altèrent la résolution des images.On distingue différents types de défauts :
– L’aberration de sphéricité provient d’une différence de convergence entre les faisceaux proches et éloignés de l’axe optique de la lentille. Malgré une forme optimale, les bords de la lentille sont trop convergents et le faisceau focalisé ne sera pas un point mais un disque. Ce type de défaut est caractérisé par un coefficient d’aberration de sphéricité (Cs) qui varie suivant le type de microscope électronique.
– L’astigmatisme se traduit par des distances focales différentes suivant les directions surtout lorsque les faisceaux incidents s’éloignent de l’axe optique. Ce défaut est corrigé à l’aide de stigmateurs.
– L’aberration chromatique est due au fait que le faisceau d’électrons incident n’est pas strictement monocinétique (vitesse initiale légèrement différente, fluctuation de la tension d’accélération, perte d’énergie par interaction avec la matière). Elle n’est donc pas directement causée par les lentilles. Mais, si les électrons ont des énergies différentes ; ils se comporteront de manière distincte pendant la traversée d’une lentille électromagnétique, on aura donc des différences de focalisation entre le électrons. (L’utilisation de canon à émission de champ (FEG) diminue ce défaut).
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Table des matières
Introduction
Les bactériophages – Introduction
I. Définition et présentation
II. Découverte et intérêts majeurs dans l’étude des bactériophages
III. Les bactériophages : acteur important dans l’évolution des bactéries
IV. Modification de la pathogénie des bactéries par les bactériophages
V. La présentation de peptide à la surface de phages
VI. Diversité et classification
VII. Architecture d’un bactériophage infectieux de la famille des Caudovirales
A. La capside à symétrie icosaédrique des Caudovirales
B. Le connecteur
C. La queue
VIII. Infection d’une bactérie par un phage de la famille des Caudovirales
IX. Cycle d’assemblage de la capside d’un bactériophage
A. La formation d’un précurseur : la procapside
B. Clivage protéolytique
C. L’expansion : transition procapside – capside
D. La stabilisation
X. Similarités entre les virus procaryotes et eucaryotes
La microscopie électronique en transmission appliquée à l’observation d’échantillons biologiques – Introduction
I. Quelques rappels historiques
II. La microscopie électronique en transmission
A. Le canon à électrons
B. Les lentilles électromagnétiques et les défauts limitant la résolution
C. La colonne du microscope
III. Principes de la formation d’une image agrandie par microscopie électronique en transmission
A. Interactions électrons/matière
B. Fonction d’onde associée au trajet du faisceau d’électron dans la colonne du microscope (d’après Frank, 1996)
1. Interaction du faisceau d’électrons avec l’échantillon
2. Fonction d’onde associée au passage des électrons à travers l’objectif
3. Fonction d’onde dans le plan image
C. La théorie du transfert de contraste
1. La fonction de transfert de contraste (CTF)
2. La fonction enveloppe
3. Correction de la fonction de transfert de contraste
IV. La microscopie électronique en transmission appliquée à l’observation d’objets biologiques
A. La coloration négative
B. La cryo-microscopie électronique
C. Principe général de la reconstruction tridimensionnelle de molécules isolées à partir d’images prise en microscopie électronique en transmission
V. La cryo-microscopie électronique en biologie structurale
Caractérisation de la structure de la capside de Gifsy-2 à différentes étapes de son assemblage par microscopie électronique en transmission
I. Le bactériophage Gifsy-2
A. Introduction
B. Contexte, intérêts et objectifs de l’étude de Gifsy-2 en microscopie électronique
II. Résultats
A. Production et purification du bactériophage Gifsy-2
B. Les protéines structurales de Gifsy-2
1. Organisation générale de la région du génome de Gifsy-2 codant pour les protéines structurales
2. Identification de la protéine de capside majeure
C. Reconstruction de la capside de Gifsy-2 par cryo-microscopie électronique
1. Les différents types de capside en solution
2. Reconstructions de la procapside de Gifsy-2
3. Reconstructions des capsides de Gifsy-2 après expansion
D. Similarités structurales entre les protéines composant la capside des bactériophages de la famille des Caudovirales
1. Ajustement du modèle atomique d’HK97 dans la densité électronique de la procapside et de la capside mature de Gifsy-2
2. Ajustement du modèle atomique de la protéine de décoration GpD du phage Lambda dans la densité électronique de la capside mature de Gifsy-2
III. Conclusion et perspectives
A. Structure des capsides de phage
B. Stabilisation de la capside mature des bactériophages par une protéine externe
C. Les gènes structuraux impliqués dans l’assemblage de la capside de Gifsy-2
D. Perspectives
IV. Matériels et méthodes pour la microscopie électronique – Reconstruction tridimensionnelle d’objets biologiques par microscopie électronique en transmission
A. Préparation des échantillons
1. La coloration négative
2. La cryo-microscopie électronique
B. Prise d’images en microscopie électronique en transmission
C. Sélection des micrographies et numérisation
D. Analyse des données enregistrées en microscopie électronique en transmission
1. Sélection des particules
2. Spectre de puissance et calcul de la sous focalisation
3. Correction de la fonction de transfert de contraste
4. Détermination des paramètres d’orientation de chaque particule
5. Calcul de la reconstruction
6. Détermination de la résolution
V. Matériels et méthodes concernant Gifsy-2
A. Souches bactériennes
B. Production et purification des capsides de bactériophage
C. Gel acrylamide en condition dénaturante
D. Ajustement des modèles cristallographiques dans la densité électronique des reconstructions déterminées par microscopie électronique.
E. Microscopie électronique – Notes spécifiques à Gifsy-2
Le bactériophage T5 d’E.Coli
I. Introduction
II. Structure de la capside de T5 par coloration négative
III. Structure de la capside de T5 en cryo-microscopie électronique
A. Capside mature pleine
B. Capside vide
C. Caractéristique et identification de la protéine de capside mineure
IV. Similarités entre les protéines de capside de T5 et d’HK97
A. Modélisation d’HK97 gp5 dans la carte de densité de T5
B. Organisation des gènes structuraux
V. Analyse de la queue du bactériophage T5
A. Analyse du tube de la queue de T5 en coloration négative
B. Analyse du tube de la queue de T5 en cryo-microscopie électronique
C. Analyse de la partie distale de la queue de T5 en coloration négative
VI. Reconstruction du complexe capside/queue – Visualisation du connecteur
VII. Conclusions et perspectives
A. Détermination d’un modèle initial par coloration négative
B. Structure de la capside mature de T5
C. Similarités structurales avec les protéines de capside majeure de T4 et HK97
D. Structure du long tube flexible de la queue du phage T5
E. Perspectives
VIII. Matériels et Méthodes
A. Préparation des capsides vides
B. Microscopie électronique et analyse des données
C. Analyses de séquence
D. Reconstruction hélicoïdale du tube de la queue de T5
E. Reconstruction de la partie distale de la queue de T5
Conclusions
Bibliographie
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