L’Institut Américain du Pétrole a estimé en 1999 que l’approvisionnementmondial en pétrole serait épuisé entre les années 2062 et 2094, en supposant que les réserves totales en pétrole se situent entre 1,4-2 billions de barils et une consommation de 80 millions de barils par jour. Néanmoins, en 2004 après une nouvelle estimation des réserves totales en pétrole égale à 1,25 billions de barils et une consommation de 85 millions de barils par jour, l’épuisement en pétrole pourrait arriver en 2057 (Abril, 2012).
Cette estimation est critique en considérant que la consommation du pétrole continue à augmenter notamment dans le secteur des transports et stimulé par la croissance économique du fait de la demande de mobilité individuelle et du transport de marchandises. A cela s’ajoute l’augmentation des coûts d’extraction du pétrole lié à la nécessité de trouver de nouveaux champs de forage plus coûteux. En parallèle, les coûts de production du pétrole augmentent parce que les compagnies pétrolières doivent se tourner vers des champs plus coûteux et plus difficiles à exploiter pour remplacer les capacités épuisées et faire face à la demande croissante (International Energy Agency, 2011).
C’est dans ce cadre que plusieurs études se tournent vers la recherche d’une source énergétique alternative (Abril, 2012). De nos jours, nous parlons de biocarburants de première, deuxième et troisième génération qui sont simplement des carburants issus de la transformation de biomasse végétale (céréales à usage alimentaire), de biomasse à usage non alimentaire (lignocellulosique ou déchets agricoles) et de sources autres que biomasse (CO2, lumière). Les biocarburants de 1ère génération sont directement dépendants des produits alimentaires, contribuant de manière directe à l’insécurité alimentaire en terme de pénuries alimentaires et hausse de prix des aliments. Leur production a aussi un impact sur l’utilisation de la terre en terme de contrainte de déforestation ou perte de zones habitables ; sur les autres ressources naturelles tels que l’approvisionnement en eau ou la contamination issue de l’utilisation de fertilisants en grande quantités.
LES MICROORGANISMES OLEAGINEUX
Généralités
Certains microorganismes dans la nature ont la capacité d’accumuler des quantités importantes en graisses intracellulaires, quand ils sont cultivés en milieux contenant comme source carbonée des oses, des lipides, des alcanes etc. Ces microorganismes, appelés oléagineux, en allant de la classe la plus simple (bactérie) à la classe la plus complexe (champignon), présentent un intérêt économique et technologique accru (Davies et Holdsworth, 1992). Bien que les lipides microbiens (huiles d’organismes unicellulaires – H.O.U.) ne puissent pas concurrencer la matière grasse conventionnelle (huiles végétales et graisses animales), puisque le coût d’un procédé fermentaire est en général plus élevé, la potentialité des microorganismes oléagineux de pousser sur des substrats peu coûteux et de produire des lipides riches en acides gras polyinsaturés ou bien des succédanés des lipides peu répandus dans la nature (beurre de cacao, huile de baleine etc.) rend leur étude très attractive (Ratledge, 1987 ; 1994).
Un microorganisme dit « oléagineux » est défini comme un microorganisme capable d’accumuler au moins 20 % de sa masse en lipides (Ratledge et Boulton, 1985 ; Ratledge, 1993 ; 1994). Ces lipides sont majoritairement composés de triacylglycérol et constituent la principale réserve d’énergie du fait que leur oxydation dans le métabolisme produit plus d’énergie que l’oxydation des sucres. Récemment, un nouvel intérêt de ces molécules est lié au fait qu’elles pourraient représenter une alternative énergétique aux carburants fossiles. Une alternative énergétique est le biodiesel, produit par transestérification des triacylglycérols générant ainsi des esters monoacylés (Abril, 2012). Ce biodiesel possède un bilan favorable en terme de rejet de CO2 ou de soufre à l’atmosphère et génère moins de polluants gazeux que les carburants fossiles utilisés couramment (Martinez et al., 2004).
La production mondiale de biodiesel inclut l’utilisation des huiles végétales, des graisses animales et des huiles de déchets, néanmoins leur production nécessite de grandes surfaces agricoles et d’énergie (huiles végétales) ou des quantités considérables d’aliments et des coûts de l’élevage, dans les cas des animaux, pour générer ce biodiesel (Abril, 2012). Diverses études portent leur recherche sur des méthodes d’obtention du biodiesel à partir de méthodes moins chères et donc la possibilité d’un approvisionnement de biodiesel indépendante des contraintes saisonnières ou autres. Sur ce sujet, l’utilisation de microorganismes pour la production de biodiesel semble être une option viable due aux avantages qu’elle représente. Dans cette section seront expliquées les caractéristiques des microorganismes oléagineux et des exemples de souches productrices seront aussi donnés (Abril, 2012).
Les bactéries oléagineuses
Certaines bactéries tels que Rhodococcus opacus PD630 et Rhodococcus rurber NCIMB 40126 peuvent accumuler des lipides jusqu’à 87 % et 26 % de leur masse sèche (Uthoff et al., 2009). Les bactéries ont la capacité de synthétiser des acides gras du fait qu’ils sont les précurseurs pour la synthèse de leurs membranes cellulaires. Les principaux lipides produits chez les bactéries sont des : polyhydroxybutyrates, polyalkanoates, alcools gras, glyco-, sulpho-, phospho- et peptidolipides (Leman, 2009).
La production lipidique chez les bactéries oléagineuses implique des défis à résoudre, par exemple, une modification génétique pour atteindre des rendements élevés ainsi que la diminution de la production de glycérol, principal sous-produit de biosynthèse et finalement les conséquences de la toxicité des lipides chez les bactéries (Lu et al., 2008). Le principal problème de la production lipidique chez les bactéries est la difficulté à extraire les lipides car, ils sont produits sur la membrane externe résultant en une coextraction des produits non souhaités avec des propriétés allergéniques et antinutritionnelles (Steinbuchel et Fuchtenbusch, 1998).
Les algues oléagineuses
Les microalgues sont capables d’utiliser le CO2 comme source carbonée et la lumière comme source d’énergie pour l’accumulation lipidique dans des conditions environnementales très spécifiques sous la forme d’acides gras polyinsaturés (Feofilova et al. 2010). L’accumulation lipidique chez les microalgues varie suivant les espèces et peut être influencée par les conditions de culture telles que le pH, la salinité et les sources azotées. L’azote et l’intensité de la lumière sont les facteurs critiques de l’accumulation lipidique (Solovchenko et al., 2008).
Les microalgues sont des microorganismes potentiels pour produire différents biocarburants tels que le biogaz, du bioéthanol, l’hydrogène, les esters méthyliques des acides gras (FAME) et les hydrocarbures (Posten et Schaub, 2009). Néanmoins, leur culture semble être un des principaux problèmes dû au fait que leur croissance est normalement réalisée en bioréacteurs tubulaires étant dépendante de l’approvisionnement en CO2 et en lumière. Un autre risque est la contamination bactérienne (Feofilova et al., 2010). D’après Samori et al., 2010, les principaux problèmes de la production de lipides chez les microalgues sont les coûts élevés par rapport aux carburants fossiles, la méthodologie de production, la récolte des algues ainsi que l’extraction des lipides.
Les champignons oléagineux
Le contenu et la composition des acides gras chez les champignons oléagineux dépendent de l’espèce, de l’étape de développement et de croissance ainsi que des conditions de culture (Rose, 1989) et peuvent atteindre jusqu’à 86% de leur masse sèche sous la forme de triacylglycérols (Meng et al., 2009). Les champignons filamenteux peuvent synthétiser des acides gras saturés et insaturés à 10 – 24 atomes de carbone, le C16:0, C18:1 et C18:2 étant les principaux acides gras produits (Gunstone, 2007). Chez les champignons oléagineux, la température est un facteur important qui contrôle le profil lipidique. Les champignons thermophiles produisent des acides gras plus saturés que les champignons mésophiles (Bruszews et al., 1972).
Les levures oléagineuses
Sur 600 espèces des levures connues, seules 30 (5 %) ont été identifiées comme oléagineuses (Beopoulos, et al., 2009). Les levures oléagineuses possèdent des avantages par rapport aux autres microorganismes oléagineux, par exemple, leur temps de duplication est inférieur à une heure, elles ne sont pas affectées par des conditions saisonnières comme les plantes, et leurs modes de culture sont moins compliqués que ceux des microalgues (Abril, 2012).
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Table des matières
INTRODUCTION
Partie 1 : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I. LES MICROORGANISMES OLEAGINEUX
I.1. Généralités
I.2. Les bactéries oléagineuses
I.3. Les algues oléagineuses
I.4. Les champignons oléagineux
I.5. Les levures oléagineuses
II. UTILISATION BIOTECHNOLOGIQUES DES LEVURES
III. FACTEURS INFLUENCANT LE PROCESSUS D’ACCUMULATION LIPIDIQUE
IV. LA LEVURE OLEAGINEUSE Rhodotorula minuta
IV.1. Généralités
IV.2. La position systématique
IV.3. Le substrat osidique
V. VOIE DE BIOSYTHESE DU TRIACYLGLYCEROL A PARTIR DU FRUCTOSE
Partie 2 : MATERILS ET METHODES
I. MATERIELS
I.1. Le matériel végétal
I.2. Les matériels de laboratoire
II. METHODES
II.1. Isolement, purification et conservation des souches de levure à partir du bananier Musa acuminata
II.1.1. Isolement
II.1.1.1. Récolte du plant de bananier
II.1.1.2. Préparation de la suspension mère
II.1.1.3. Dénombrement de la flore fongique
II.1.1.4. Ensemencement sur gélose SAB-Chloramphénicol 5%
II.1.1.5. Sélection et isolement des levures sur milieu solide SAB-Chloramphénicol 5%
II.1.1.5.1. Sélection de la souche
II.1.1.5.2. Isolement des souches levuriennes
II.1.2. Purification des souches
II.1.3. Conservation des souches pures de levures
II.2. Identification des levures
II.2.1. Etude des caractères morphologiques
II.2.1.1. Examen à l’état frais
II.2.1.2. La coloration GRAM
II.2.2. Etude des caractères culturaux
II.2.3. Etude des caractères physiologiques
II.2.3.1. Détermination du type respiratoire
II.2.3.2. Recherche de la catalase
II.2.4. Etude des caractères biochimiques
II.2.4.1. Etude sur milieu HAJNA-KLIGLER
II.2.4.2. Etude sur milieu LYSINE-FER
II.2.4.3. Etude sur milieu MANNITOL-MOBILTE-NITRATE
II.2.4.4. Etude sur milieu CITRATE de SIMMONS
II.2.5. La galerie API 20C AUX
II.3. Bioconversion du Fructose en triacylglycérol par la levure oléagineuse Rhodotorula minuta MB1
II.3.1. Recherche des paramètres optimaux
II.3.1.1. Détermination de la concentration initiale optimale en substrat
II.3.1.2. Détermination de la température optimale
II.3.1.3. Détermination du pH optimal
II.3.2. La bioconversion optimisée
II.3.2.1. La préculture
II.3.2.2. La bioconversion
II.3.2.3. Suivi des paramètres
II.3.2.3.1. Mesure de la concentration levurienne
II.3.2.3.2. Mesure de la concentration du substrat transformé
II.3.2.3.3. Mesure de la concentration en produit
II.3.3. Equation stœchiométrique
II.3.3.1. Expression des vitesses
II.3.3.1.1. Vitesse de croissance de la biomasse
II.3.3.1.2. Vitesse de la consommation du substrat
II.3.3.1.3. Vitesse de production du triacylglycérol
II.3.3.2. Les vitesses spécifiques
II.3.3.2.1. Vitesse spécifique de croissance de la biomasse
II.3.3.2.2. Vitesse spécifique de consommation du substrat
II.3.3.2.3. Vitesse spécifique de production du triacylglycérol
II.3.3.3. Les rendements de la bioconversion
II.3.3.3.1. Rendement de la conversion du substrat en biomasse
II.3.3.3.2. Rendement de conversion du substrat en produit
II.3.3.3.3. Rendement de maintenance YM
Partie 3 : RESULTATS ET DISCUSSIONS
I. RESULTATS ET INTERPRETATIONS
I.1. Isolement, purification et conservation des souches des levures sauvages isolées à partir du bananier Musa acuminata
I.1.1. Isolement
I.1.2. Purification
I.1.3. Conservation
I.2. Identification
I.2.1. Etude des caractères morphologiques
I.2.2. Etude des caractères culturaux
I.2.3. Etude des caractères physiologiques
I.2.4. Etude des caractères biochimiques
I.2.4.1. Test sur milieu HAJNA-KLIGLER
I.2.4.2. Test sur milieu LYSINE-FER
I.2.4.3. Test sur milieu MANNITOL-MOBILITE-NITRATE
I.2.4.4. Test sur milieu CITRATE de SIMMONS
I.2.5. La galerie API 20C AUX
I.3. Cinétique de croissance de la levure oléagineuse Rhodotorula minuta MB1 dans un milieu non-renouvelé
I.3.1. Choix de la souche Rhodotorula minuta
I.3.2. Optimisation des paramètres optimaux
I.3.2.1. Recherche de la concentration initiale optimale en substrat
I.3.2.2. Recherche de la température optimale
I.3.2.3. Recherche du pH optimal
I.3.3. Culture discontinue de Rhodotorula minuta MB1 optimisée
I.3.4. Rendement de la bioconversion optimisée
II. DISCUSSIONS
Partie 4 : CONCLUSION