Depuis leur découverte au début du 20ème siècle, les antibiotiques font l’objet de thématique sur leur utilisation. Vers les années 1990, ce problème s’est accentué du fait de l’usage abusif notamment chez les patients hospitalisés et une augmentation globale du niveau de résistance des bactéries aux antibiotiques (1). Cette résistance résulte de l’adaptation progressive des bactéries aux antibiotiques et l’augmentation de la pression de sélection par les derniers antibiotiques qui en découle. Cette dernière est clairement responsable en partie de l’émergence et de la diffusion des bactéries multi-résistantes (BMR). Force est de constater que l’utilisation irrationnelle et incontrôlée des antibiotiques à large spectre aussi bien en médecine humaine qu’en médecine vétérinaire contribue à l’augmentation et la diffusion de la résistance bactérienne, ce qui réduit considérablement les possibilités thérapeutiques (2). Un premier rapport de l’OMS sur la résistance aux antibiotiques a dressé un tableau très complet de la résistance actuelle aux antibiotiques à travers les données provenant de 114 pays. Ce rapport a fait état de la présence d’une résistance aux antibiotiques dans toutes les régions du monde et a accordé une grande priorité à la lutte contre l’antibiorésistance. Un plan d’action pour combattre la résistance aux antibiotiques a été mis en place et a été approuvé par l’Assemblée mondiale de la Santé en mai 2015 (3). Ainsi les bactéries labellisées multi-résistantes ont profondément changé l’épidémiologie des infections nosocomiales et communautaires. Depuis 2000, du fait du risque d’apparition de résistance, beaucoup de travaux sur de nouveaux antibiotiques ont été abandonnés par les laboratoires pharmaceutiques, et depuis lors très peu de nouvelles molécules ont été mises sur le marché (4). Comme B.M.R on retrouve principalement : les Staphylococcus aureus résistants à la méticilline (SARM), Pseudomonas aeruginosa résistant à la Céftazidime (PARC), Acinetobacter baumannii résistant à l’imipénème (ABRI), les entérobactéries productrices de bêta-lactamase à spectre élargi (EBLSE) et les streptocoques résistants à la vancomycine.
RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
LES ANTIBIOTIQUES
Définition
Un antibiotique est défini comme une substance d’origine synthétique ou naturelle inhibant (si bactériostatique) ou tuant (si bactéricide) les bactéries pathogènes à faible concentration, et possédant une toxicité spécifique vis-à-vis de celles-ci (5). Les antibiotiques présentent deux grands modes de fonctionnement. Certains attaquent le peptidoglycane de la paroi bactérienne ce qui cause une déstabilisation de la bactérie et entraine sa mort. Il s’agit de l’action bactéricide, autrement dit qui tue les bactéries. D’autres agissent sur le système protéique de la bactérie : en se fixant sur la sous unité 50S du ribosome bactérien entrainant une inhibition de la synthèse protéique. La bactérie ne meurt pas mais ne peut plus se développer ni se multiplier, on parle de bactériostatisme. L’antibiotique est donc capable d’inhiber la multiplication des bactéries sans les tuer. L’effet bactériostatique d’un antibiotique comme l’effet bactéricide est déterminé par la mesure de sa concentration minimale inhibitrice (C.M.I.), c’est-à-dire la plus petite concentration de l’antibiotique considéré requise pour inhiber in vitro la croissance d’une souche bactérienne. On mesurecette CMI mesurant les diamètres de diffusion de disque imbibé d’une concentration connue en antibiotique sur une boite à pétri contenant la bactérie à tester. A chaque antibiotique on a une CMI qui lui est spécifique (6).
Contexte historique
Alors même que la notion d’agent infectieux était inconnue, certains peuples tels que les Chinois ou les Egyptiens utilisaient déjà des préparations à base de moisissures du genre Penicillium pour traiter certaines infections de la peau. Ce n’est qu’au cours du 18ème siècle que l’invention du microscope permet de mettre en évidence le développement des bactéries et, de ce fait, de mettre en doute la théorie de la maladie comme phénomène spontané (7). La plupart des antibiotiques découverts durant l’âge d’or proviennent à l’origine du screening d’actinomycètes du sol. Ce sont ces champignons qui ont permis de découvrir des molécules à activité antibactérienne sur lesquelles on a réussi à fabriquer nos propres antibiotiques. L’utilisation des antibiotiques en thérapeutique humaine débutera avec la découverte de la pénicilline par Alexander Fleming en 1928, et la mise en évidence du pouvoir antibactérien in vivo par Florey et Chain en 1938 qui signera l’entrée dans la médecine moderne (8). L’avènement des antibiotiques a constitué un formidable progrès thérapeutique, leur utilisation a permis de réduire considérablement la mortalité liée aux infections bactériennes souvent voire toujours fatales comme la tuberculose et les méningites bactériennes (9). Les antibiotiques contribueront également à la réduction de la morbidité et la mortalité liées aux infections chez les patients fragilisés sous chimiothérapies immunosuppressives ; ils permettront également la réalisation de certaines interventions chirurgicales comme les transplantations d’organes. Un antibiotique, comme tout médicament, expose au risque d’interaction médicamenteuse en réduisant ou augmentant l’effet d’autres traitements ainsi qu’au risque d’effets indésirables. Ceux-ci dépendent de la famille chimique (pénicillines, céphalosporines, fluoroquinolones, macrolides) ou de la molécule elle-même (moxifloxacine, érythromycine, amoxicilline, vancomycine) et peuvent être ou non réversibles (10) : insuffisance rénale, effets sur l’appareil digestif, tendinites, photosensibilisation. D’autres effets secondaires non désirés sont liés à l’activité antimicrobienne elle-même: par son impact sur la flore bactérienne, l’antibiotique peut favoriser la prolifération de certaines espèces qui seront à l’origine d’infections secondaires (11). Les colites pseudomembraneuses à Clostridium difficile liées à l’utilisation de lincosamides, d’amoxicilline associée à l’acide clavulanique ou, plus récemment, des fluoroquinolones, notamment la moxifloxacine pour la souche virulente de ribotype 027, des céphalosporines de troisième génération, de l’imipénème, sont autant d’exemples (12–15). Depuis les années 1940, la consommation des antibiotiques n’a cessé de croître, l’industrie pharmaceutique découvrant et développant de nouvelles molécules au cours du temps répondant ainsi aux attentes des cliniciens confrontés aux premières résistances. Cette révolution dans le domaine médical qui a permis des progrès considérables dans la lutte contre les maladies infectieuses a un prix. En effet, l’utilisation pas toujours raisonnée de ces molécules au cours du temps a engendré l’émergence de résistance chez les bactéries. Dès 1944, les premières souches de staphylocoques résistant à la pénicilline apparaissent (16). Dans les années 50, une première prise de conscience de ce problème des résistances aboutit à des publications (17–21). Ces alertes n’auront malheureusement que peu d’écho dans le monde médical, l’industrie pharmaceutique palliant chaque émergence de résistance par la mise au point de molécules nouvelles rétablissant ainsi la balance thérapeutique. Cette escalade thérapeutique aboutit à l’apparition de bactéries « super résistantes » comme les souches d’entérobactéries exprimant des carbapénémases contre lesquelles pratiquement toutes les classes antibiotiques à notre disposition sont inefficaces (22–26). Il est important de noter que la recherche et le développement d’antibiotiques est en déclin et la plus part des « Big Pharma » ont quitté ce champs de recherche .
Classification
La classification des antibiotiques peut se faire selon :
– l’origine : élaboré par un organisme (naturel) ou produit par synthèse (synthétique ou semi-synthétique).
– le mode d’action : paroi, membrane cytoplasmique, synthèse des protéines, synthèse des acides nucléiques.
– le spectre d’activité : liste des antibiotiques sur lesquelles les antibiotiques sont actifs (spectre étroit ou large).
– la nature chimique : très variable, elle est souvent basée sur une structure de base (ex : cycle bêta-lactame) sur laquelle il y’a ensuite hémisynthèse.
Les inhibiteurs de la synthèse du peptidoglycane
➤ Les bêta-lactamines
Elles constituent la famille d’antibiotique la plus importante aussi bien par le nombre et la diversité des molécules utilisables que par leurs indications en thérapeutique et en prophylaxie des infections bactérennes. Cette famille qui regroupe les pénicillines, les céphalosporines et les monobactams, est caractérisée par la présence constante du cycle bêta-lactame associé à des cycles et des chaines latérales variables qui expliquent les propriétés pharmacocinétiques et le spectre d’activité (28).
– Les pénicillines
Elles sont classées en fonction des différents substituants fixes à l’acide 6- aminopénicillanique, ce qui détermine des propriétés pharmacologiques et antibactériennes différentes. Le noyau bêta-lactame est associé à un cycle thiazolidine (29). Elles sont subdivisées en plusieurs groupes suivant leur spectre d’activité :
+ Les pénicillines G et V
Ce sont des antibiotiques à spectre étroit et ont une excellente activité vis-à-vis des streptocoques bêta-hémolytiques des groups A, B, G, des streptocoques non groupables et des pneumocoques. Ils agissent sur les bactéries à Gram positif et les cocci à Gram négatif non producteurs de pénicillinases (exemple : Benzylpénicillines).
+ Les aminopénicillines
Elles sont bactéricides à large spectre élargi aux bactéries à Gram négatif qui comprennent les entérobactéries ne sécrétant pas de bêtalactamase, les streptocoques et les gonocoques. Elles sont résistantes aux pénicillinases des bactéries à Gram négatif, mais sont sensibles aux pénicillinases staphylococciques (31).
+ Les carboxypénicillines
Leur spectre élargi aux bacilles à Gram négatif naturellement résistants aux aminopénicillines ainsi qu’aux céphalosporines de troisième génération. (exemple : carbénicilline et ticarcilline) (30).
+ Les uréidopénicillines
Elles sont actives sur les bacilles à Gram négatif résistantes aux aminopénicillines et aux carboxypénicillines. Leur activité sur P. aeruginosa est inconstante (exemple : mezlocilline et pipéracilline).
+ Les amidinopénicillines
Leur spectre d’activité est limitée aux bacilles à Gram négatif particulièrement les entérobactéries responsables d’infections urinaires (exemple : mécillinam et pivmécillinam) (32).
– Les inhibiteurs de bêta-lactamase
Ils possèdent une faible activité antibactérienne intrinsèque. En effet ils favorisent l’activité de la bêtalactamine en se liant à la bêtalactamase. La conséquence en sera une synergie et une augmentation de l’activité de la bêtalactamine. Les principales associations disponibles sont :
– Amoxicilline + acide clavulanique (Augmentin®) (33)
– Pipéracilline + tazobactam (Tazocillin®)
– Sulbactam + Ampicilline estérifiée (Unacim®)(34)
– Les céphamycines
Les principales molécules sont la céfoxitine et le céfotétan qui du fait de leurs propriétés sont rattachées aux céphalosporines de deuxième génération.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
1. RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
1.1 LES ANTIBIOTIQUES
1.1.1 Définition
1.1.2. Contexte historique
1.1.3. Classification
1.1.3.1. Les inhibiteurs de la synthèse du peptidoglycane
1.1.3.2. Les antibiotiques détruisant la membrane
1.1.3.3. Les inhibiteurs de la synthèse protéique
1.1.3.4. Les inhibiteurs de la synthèse de l’ADN
1.2. LA CELLULE BACTÉRIENNE
1.2.1. Anatomie de la bactérie
1.2.1.1. Eléments constants
1.2.1.2 Eléments inconstants
1.2.2. Le matériel génétique
1.2.2.1. L’ADN de l’appareil nucléaire
1.2.2.2. L’ADN extrachromosomique
1.2.3. La morphologie cellulaire et clonale
1.3. Les principaux mécanismes de résistance
1.3.1. Définition de la résistance bactérienne aux antibiotiques
1.3.2. Les principaux types de résistances bactériennes
1.3.2.1. Résistance naturelle
1.3.2.2. Résistance acquise
1.3.3. Les mécanismes de la résistance aux antibiotiques
1.3.3.1. Les mécanismes biochimiques
1.3.3.2. Le support génétique de la résistance bactérienne
1.3.3.3. Le rôle de la pression de sélection
1.3.4. Les bactéries multirésistantes aux antibiotiques
1.3.4.1. Staphylococcus aureus résistant à la méticilline
1.3.4.2. Entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre élargi
1.3.4.3. Entérocoques résistants à la vancomycine
1.3.4.4. Acinetobacter baumanii multirésistant
1.3.4.5. Pseudomonas aeruginosa multirésistant
1.3.4.6. Entérobactéries productrices de céphalosporinase déréprimée
TRAVAIL EXPERIMENTAL
2. DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
2.1. OBJECTIFS
2.1.1. Objectif principal
2.1.2. Objectifs spécifiques
2.2 CADRE DE L’ETUDE
2.2.1 Hôpital Principal de Dakar
2.2.1.1 Services médicaux
2.2.1.2 Services chirurgicaux
2.2.1.3 Département des Urgences-réanimation
2.2.1.4 Services médico-techniques
2.3 TYPE ET DUREE D’ETUDE
2.3.1 Type d’étude
2.3.2 Période d’étude
2.4 POPULATION D’ETUDE
2.4.1 Critères d’inclusion
2.4.2 Critères de non inclusion
2.5 Matériel et méthodes
2.5.1. Matériel
2.5.1.1 Matériel de prélèvement
2.5.1.2 Matériel pour l’examen microscopique
2.5.1.3 Matériel pour la culture et l’isolement
2.5.1.4 Matériel pour l’identification
2.5.1.5 Matériel pour l’antibiogramme
2.5.2. Les méthodes d’étude
2.5.2.1 Le recueil des données
2.5.2.2 L’exploitation des données
2.5.2.3 Aspects pratiques du traitement des produits pathologiques
2.3. RESULTATS
2.3.1. Caractérisation de la population d’étude
2.3.1.1. Répartition des patients en fonction de l’âge
2.3.1.2. Répartition des patients en fonction du sexe
2.3.1.3. Répartition des patients en fonction de leur département de provenance
2.3.1.4. Répartition au sein de chaque département
2.3.2. Les principaux produits pathologiques
2.3.3. Les bactéries multirésistantes à l’HPD
2.3.3.1. Les principaux profils de résistance des BMR
2.3.3.2. Répartition des BMR
2.4. DISCUSSION
2.4.1. Caractérisation de la population d’étude
2.4.1.1. Répartition des patients selon l’âge
2.4.1.2. Répartition des patients selon le sexe
2.4.1.3. Répartition de la population d’étude
2.4.1.4. Répartition des patients en fonction de leur département d’origine
2.4.2. Les produits pathologiques
2.4.3. Les bactéries multirésistantes à l’HPD
2.4.3.1. Principaux profils de résistance
2.4.3.2 Répartition des BMR
2.4.3.3. Répartition des BMR en fonction du département
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES