Les avantages du numérique pour favoriser les apprentissages en EPS
Dans son ouvrage, Roche (2019) a montré par les résultats du baromètre numérique en 2018, une « hyper accélération des usages du numérique dans la société française. Le numérique fait désormais partie intégrante de nos vies et de notre quotidien. En effet, on dénombre 89% d’internautes en France en 2018 » (Roche, 2019, p.102). Le numérique étant un outil utilisé par quasiment tout le monde dans la société, il peut être intéressant d’observer ses apports pour favoriser les apprentissages en EPS afin de voir par la suite s’il pourrait être utilisé par l’enseignant pour inclure les élèves.
Assude (2019) s’est appuyé sur les propos de Serres (2012) afin de définir le numérique comme « le champ d’activités humaines qui a trait à la transmission, au traitement, au stockage de l’information par des machines » (Assude, 2019, p.12). En ce sens, à l’école, le numérique serait une « source d’innovations pédagogiques, un moyen de moderniser la pédagogie notamment en valorisant les méthodes actives » (Roche, 2019, p.102). Celui-ci ne change pas la tâche mais l’activité de l’élève dans la tâche. Il offre des usages potentiels qui peuvent être source d’optimisation des dispositifs mis en place par l’enseignant.
Pour assurer cela, Calmet (2018) a défini des conditions d’utilisation, une méthodologie précise du numérique, que l’enseignant doit respecter. Tout d’abord il doit veiller à «responsabiliser l’apprenant », c’est-à-dire rendre l’apprenant acteur de ses apprentissages. Pour améliorer la qualité de l’éducation, il faut « aller au-delà de la simple utilisation de l’outil numérique et penser la conception de l’outil ». Ainsi l’enseignant doit amener l’élève à comprendre et imaginer d’autres ressources, afin d’être au service des apprentissages de l’élève, sans être aveuglé par l’outil et sa simple manipulation, qui ne serait rien d’autre qu’une perte de temps. Pour l’enseignant, s’adapter aux technologies de l’information et de la communication (TIC) et adapter les TIC c’est apprendre à utiliser des matériels ergonomiques et différencier, dans les formations, l’interaction de l’interactivité. C’est aussi apprendre à relever des données pour modéliser puis simuler des situations. » (Calmet, 2018, p.13).
Une fois ces conditions mise en place, l’école a reconnu l’apport du numérique dans la loi du 8 juillet 2013 comme étant « un formidable moteur d’amélioration du système éducatif et de ses méthodes pédagogiques, en permettant notamment d’adapter le travail au rythme et aux besoins de l’enfant, de développer la collaboration entre les élèves, de favoriser leur autonomie, de rapprocher les familles de l’école et de faciliter les échanges au sein de la communauté éducative. Elles offrent également des possibilités nouvelles d’apprentissage par exemple pour les élèves en situation de handicap. » (Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, p.20) .
Le numérique peut-il favoriser l’inclusion en EPS ?
Suite aux données évoquées précédemment sur l’inclusion et le numérique en EPS, nous allons désormais observer comment l’enseignant peut utiliser l’outil numérique pour inclure les élèves en EPS. Pour ce faire, nous allons partir des outils numériques identifiés par Roche (2019) pour les relier aux conditions nécessaires (modèle de Dugas, 2014) et au style pédagogique que l’enseignant doit adopter (Sève, 2014), pour permettre l’inclusion de tous les élèves en EPS. Tout d’abord, pour organiser son suivi de l’activité des élèves vers une inclusion de tous, l’enseignant d’EPS peut s’inscrire dans une perspective de « guidage » (Sève, 2014) par le biais d’outil numérique. Nous pouvons voir cela par l’utilisation de drones qui permettent de « donner des repères à l’élève sur son activité » (Roche, 2019). Par exemple, en demi-fond, il peut être un « lièvre » programmé par l’enseignant à une certaine vitesse en fonction de la vitesse maximale aérobie (VMA) de l’élève pour qu’il apprenne à mieux gérer sa course (Dejean et Tixier, 2016). Donner des repères peut également se faire par la mise en place d’un espace numérique de travail (ENT) par l’enseignant. C’est un espace sur internet où l’enseignant peut déposer des fichiers auxquels tous les élèves ont accès. Prenons le cas de l’enseignement d’une activité du champ d’apprentissage 5 dont l’objectif est le savoir s’entraîner. Le guidage de l’enseignant d’EPS par le numérique va pouvoir consolider la constitution du carnet d’entraînement de l’élève par la transmission d’un questionnaire et du livret de suivi à remplir par l’élève sur la tablette. Les élèves inscrivent leurs ressentis, ce qui leur permet d’avoir un retour sur leur pratique. Ici, l’inclusion par le guidage est permise car les élèves vont pouvoir apprécier plus facilement leur progrès, et cela va les aider à se situer par rapports aux buts fixés par l’enseignant et donc maintenir leur motivation dans l’activité. De plus, grâce aux données récoltées l’enseignant va pouvoir adapter ses futures séances en fonction des besoins de chacun. Cette démarche d’un usage prescriptif du numérique va permettre une large contribution à l’étape 2 : « identifier les capacités de l’individu » du modèle de Kasser (Dugas, 2014) en faveur de l’inclusion pour tous. Dans le champ plus large de la pédagogie inclusive, cela « valorise le caractère unique de chaque apprenant » et l’enseignant « prend en compte toutes les dimensions de la personne dans les objectifs de formation poursuivis » (Ibid., p.31).
Dans un second temps, l’enseignant peut s’inscrire dans un suivi « d’accompagnement » (Sève, 2014) dirigé vers une inclusion de tous par le biais d’applications disponible sur tablette ou smartphone. L’usage de celles-ci consiste à « réaliser une analyse du mouvement » (Roche, 2019). Cela peut passer par le fait de filmer l’activité des élèves en jouant sur des paramètres : slow motion (ralenti), tracé d’image ou encore zoom permettant un diagnostic plus poussé que s’il était fait à l’œil nu. Cela «favorise les apprentissages moteurs, la motivation et l’auto évaluation des élèves ». Cette analyse peut également se faire grâce à des données statistiques par des fichiers numériques. Elle va permettre aux élèves d’accéder facilement aux informations portant sur leur propre pratique. Utilisées par les élèves, ces données permettent d’acquérir des connaissances spécifiques à l’activité, de développer une tactique en situation ou encore développer la capacité à travailler en équipe.
Ici, l’accompagnement de l’enseignant par l’outil numérique consiste à permettre à chacun de s’auto-analyser ou de participer à l’analyse du groupe. L’inclusion passe par le fait que les élèves participent, que ce soit individuellement et/ou en groupe, à la construction de leur projet avec l’enseignant que ce soit sur la séance actuelle mais aussi pour les séances à venir. Grâce à l’outil numérique, le professeur permet à l’élève de construire son propre chemin vers les compétences visées. C’est à dire qu’en fonction des analyses numériques de l’activité des élèves, il va proposer des ateliers correspondant à leurs besoins et ainsi chacun choisi parmi les voies de travail proposées celle qui lui correspond le mieux. Cela s’inscrit dans l’étape 3 «d’individualisation des objectifs » du modèle d’inclusion de Dugas, c’est à dire que les élèves sont acteurs de leur projet et participent ensemble à élaborer leur propre chemin d’apprentissage grâce à l’outil numérique. Dans une dimension plus large de la pédagogie inclusive, cela s’inscrit dans la dimension “d’avoir une participation optimale à toutes les activités d’apprentissage de son groupe-classe” (Dugas, 2014, p.31).
Enfin, l’enseignant peut adopter un suivi par « l’enquête » (Sève, 2014) dirigé vers l’inclusion grâce au numérique. L’utilisation des bracelets connectés permet à l’enseignant d’acquérir des données sur la pratique physique des élèves en temps réel et de les garder pour mieux adapter ses futures leçons. En ce sens, l’enseignant « se base sur le monde propre des élèves » c’est à dire qu’il peut prendre en compte leur activité individuelle avant le cours (qualité du sommeil, activité physique réalisée…). Cela s’inscrit dans l’étape 4 « évaluer l’efficacité des modifications » du modèle de l’inclusion pour tous (Dugas, 2014). : Grâce aux données, l’enseignant va pouvoir observer si la séance prévue est adaptée à tous et donc permettre une inclusion optimale de l’ensemble des élèves. De plus l’utilisation de ces bracelets peut servir pour sensibiliser les élèves à la « vie physique ». En incluant ses élèves dans une sensibilisation à une vie physique extérieure pratiquée en toute sécurité, l’enseignant lutte contre la sédentarité de ses élèves. Dans la pédagogie inclusive définie par Dugas (2014) cela contribue à une « individualisation du processus enseignement-apprentissage par le biais de stratégies d’enseignement et de moyen d’évaluation variés ». Pour aller plus loin, cela peut s’inscrire dans l’éducation à la santé pour des élèves handicapés, diabétiques ou encore obèses. L’utilisation du bracelet peut permettre à l’enseignant de coopérer avec les parents d’élèves et l’infirmière pour avoir un suivi sur un temps plus important et donc assurer un accompagnement personnalisé des élèves afin qu’ils soient inclus dans les meilleures conditions possibles.
Le développement des interactions entre élèves
Dans le champ des sciences humaines dans la seconde moitié du XXe siècle, Orly-louis en 2003, explique que le terme interaction désigne : “toute action conjointe, conflictuelle et/ou coopérative, mettant en présence deux ou plus de deux acteurs” (Vion, 1992). Pour Michael Baker, c’est “une suite d’actions – verbales ou non-verbales – qui sont interdépendantes, qui s’influencent mutuellement”. Dans le Dossier EPS numéro 85, Darnis explique dans son article « les interactions avec les autres élèves » (2018, p.147) que les interactions s’inscrivent dans trois dimensions. La dimension sociale représente les échanges entre pairs, avec l’enseignant. Des zones de dialogue doivent être définies pour permettre les interactions entre les élèves, l’enseignant et les objets de savoir. La dimension interactive représente les interactions avec le milieu, la situation d’apprentissage. Enfin, la dimension constructiviste représente l’apprenant et ses connaissances, c’est l’activité réflexive. Pour cela l’apprenant doit être placé dans des situations où il doit découvrir ce qu’il y a à faire, autrement dit, travailler l’objet d’apprentissage. Ainsi, l’enseignant doit dévoluer, c’est-à-dire déléguer un certain nombre de tâches à l’élève, afin qu’il puisse se prendre en charge et être responsable de son apprentissage. Cela en mettant en place des rôles sociaux pour développer les compétences sociales et méthodologiques.
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Table des matières
1. Introduction
2. Revue de littérature
2.1. L’inclusion en contexte scolaire
2.2. L’inclusion en EPS
2.3. Les avantages du numérique pour favoriser les apprentissages en EPS
2.4. Le numérique peut-il favoriser l’inclusion en EPS ?
2.5. Le développement des interactions entre élèves
2.6. Les interactions d’apprentissage
2.7. Les interactions en EPS
2.8. Les interactions via l’outil vidéo
3. Cadre théorique de l’étude
4. Objet de la recherche
5. Méthode
5.1. Participants
5.2. Situations étudiées
5.3. Recueil des données
5.4. Analyse des données
6. Résultats
Tableau 1 : nombre d’interactions entre élèves et de l’élève en difficulté d’inclusion dans chaque groupe en fonction du type de suivi de l’enseignant
6.1. L’enseignant suit le travail sans intervenir et observe
6.2. L’enseignant accompagne le travail des élèves
6.3. L’enseignant guide plus directement le travail des élèves
7. Discussion
7.1. Les modes d’utilisation de la vidéo varient selon le mode de guidage de l’enseignant
7.2. Les effets de de la vidéo sur les interactions entre élèves dépendent du dispositif global mis en place (présence d’autres outils, modalités de travail entre élèves, modalités d’intervention de l’enseignant)
7.3. Réflexions pour une intégration de l’outil vidéo au service des apprentissages en EPS
8. Conclusion
9. Références Bibliographiques
10. Annexes
11. Résumé