Le thème Égypte ancienne-Afrique noire reste, aujourd’hui plus qu’hier, très ouvert et pose encore beaucoup de questions. Les chercheurs ont essayé, dans leurs publications, d’apporter des éclaircissements sur les relations égypto-africaines dans tous les domaines. Ainsi, beaucoup de recherches ont été consacrées à la royauté. Nous avons constaté que, certes, les études sur ce thème sont nombreuses mais, sur le sujet de la symbolique du pouvoir politique il reste beaucoup à faire. D’où la nécessité de rouvrir le débat. Les travaux d’Alain Anselin, d’Aboubacry Moussa Lam et de Daouda Cissokho avaient besoin d’une mise à jour.
Par symbolique du pouvoir, il faut entendre l’ensemble des images et des noms par lesquels on représente la personne du roi . Ce qui sous-entend les notions d’attributs et d’insignes. Au préalable, il faudra tenter de définir ces concepts. Selon Le nouveau petit Robert , le mot attribut signifie « quelque chose qui est propre, qui appartient exclusivement, à une personne ou à une chose et qui permet de la distinguer » . Toujours pour Paul Robert, dans un sens plus large, l’attribut est un « emblème caractéristique qui accompagne une figure mythologique, un personnage, une chose personnifiée » . Le Larousse classique dit que ce mot vient du latin «attributum » et signifie « quelque chose qui a été attribué, qui est propre, particulier à un être » .
Le terme insigne, quand à lui provient, si l’on en croit encore Paul Robert, du latin «insignis » qui veut dire « marque extérieure et distinctive d’une dignité, d’une fonction, d’un grade » . De plus, selon Massamba SY, il est parfois « assimilé à une gravure, une image, une devise, un titre qui illustre soit une autorité, soit une profession et peut aussi marquer un signe distinctif qui exprime l’appartenance à un groupe » . Il renchérit en disant que dans le groupe de mots insignes des rois se retrouvent « signes royaux, palais, habits royaux, coiffures, parures, personnes, animaux, certains instruments de musique qui ornaient l’audience royale » .
Or, on voit d’ores et déjà que les notions « attribut » et « insigne » se confondent quelque part. Elles servent toutes à désigner une personne ou sa fonction. La seule différence c’est que l’attribut peut être un titre, une appellation tandis que l’insigne est une chose ou un animal utilisé pour représenter le roi. L’insigne est une traduction visuelle du pouvoir. Notre travail sera spécifiquement consacré à l’étude de la matière, sinon des matières, avec lesquelles les attributs sont fabriqués.
Les attributs et insignes des rois sont aussi anciens que la royauté. En effet, la première mention des emblèmes dans la vallée du Nil daterait du prédynastique et déjà au Nagadéen et au Gerzéen, ils étaient représentés sur les poteries fixées sur la proue des barques. Alain Anselin pense que « la plupart des symboles et des titres pharaoniques plongent aux racines du pouvoir dans l’humanité d’un néolithique africain longuement novateur » . C’est-à-dire que les symboles du pouvoir précèdent même la naissance du royaume d’Égypte selon la chronologie de Manéthon. Bref trouver la première représentation des animaux et des végétaux sur le pouvoir royal reviendrait tout simplement à trouver l’origine de la royauté elle-même. Nous essayerons de voir cette symbolique du pouvoir dans toute l’étendue de la monarchie égyptienne jusqu’à sa chute tout en notant les changements qui peuvent intervenir d’un roi à un autre, d’une dynastie à une autre.
La monarchie égyptienne couvrit une longue période. À en croire Rosalie et Anhtony David « the history of ancient Egypt covers a périod from C. 3100 BC to the conquest of the country by Alexander the Great in 332 BC » . Il faut tout de même préciser, que dans cet intervalle il y eut beaucoup de troubles (périodes intermédiaires, guerres sociales). Il en était tout autre en Afrique noire. L’Afrique que nous utilisons en comparaison avec l’Égypte est très différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. En effet, notre étude couvrira l’Afrique d’avant les pénétrations étrangères. Depuis les empires (Ghana, Mali, Songhay) jusqu’à la chute des royaumes devant le colonialisme. Il faut tout de même préciser que certaines parties ont, très tôt, été influencées par la tradition arabo-musulmane avec l’arrivée des mouvements de conversions tels que les almoravides . Ce qui peut, vraisemblablement, laisser quelques traces sur la façon d’administrer, influençant par la même la symbolique du pouvoir.
Les similitudes Égypte-Afrique noire sont étonnantes et entre les rois africains et égyptiens, les ressemblances sont nombreuses. Dès lors, le sujet pose le problème des relations vallée du Nil-Afrique noire en général, particulièrement de la parenté relative à la symbolique du pouvoir. Toutefois, cette problématique avait suscité quelques recherches avant notre intervention. En effet, en 1992, Anlain Anselin avait publié un ouvrage sous le titre de Samba et dans lequel il montrait les principales similitudes entre Égyptiens et autres Africains. Mais, A. Anselin aborde la question sous les volets religieux et mythiques. De surcroit, il passe par des comparaisons d’ordre linguistique.
Après Alain Anselin, Aboubacry Moussa Lam, dans sa dynamique de montrer la parenté Égypte ancienne-reste de l’Afrique noire, a traité dans certains de ses ouvrages du thème de la symbolique du pouvoir . Cependant, comme Anselin, son travail met en valeur les ressemblances d’ordre linguistique en mettant l’accent sur les évidences, les probabilités. Il privilégie dans son travail l’étude de l’évolution de tel ou tel concept d’un lieu à l’autre.
La symbolique du pouvoir en Égypte ancienne et en Afrique noire à la lumière des publications
Les sources égyptiennes
Il y a une spécificité de la civilisation égyptienne qui fait d’elle une civilisation difficilement falsifiable . En fait, les anciens Égyptiens ont, très tôt, eu l’intelligence d’immortaliser certains évènements notamment ceux des rois et des grands dignitaires . Pour le compte de la royauté, de la symbolique du pouvoir en particulier, beaucoup de documents existent. Cela parce que tout ce qui concernait le roi était noté . Ainsi, les textes des pyramides, les textes des sarcophages, des temples, le livre des morts et surtout les représentations iconographiques relatent, généralement, des faits liés au souverain et à sa cour . Dans le Livre des morts, le dieu Osiris est surnommé « taureau de l’Amenti » . Alessandro Roccati, dans son étude consacrée à la littérature de l’Ancien Empire apporte quelques informations. Après son étude sur la Pierre de Palerme , A. Roccati déclare avoir « repéré un grand nombre de fragments se référant à des scènes centrées sur la nature » et, il ajoute que si la nature est présente c’est parce que « soit c’est en ce qui concerne les végétaux, soit en rapport avec la vie et les habitudes des animaux » .
Cela montre le reflet de l’univers animal sur la titulature des souverains égyptiens. Mieux, A. Roccati notifie que dans le temple de Niouserrê à Abou Ghorab, l’inscription décrivait le roi comme « les deux faucons, le crocodile, le faucon Nemti, le taureau sauvage, le taureau noir, le taureau abattu, le taureau et la vache divine ». C’est dire donc que les animaux avaient une place dans la titulature du souverain égyptien.
Ce qui le montre si bien est qu’aux IXème et Xème dynasties égyptiennes, le pharaon Khéti II est décrit comme un « superior prophet of wpwawet, lord of Siut » . Or, on sait que « wpwawet » fait allusion au chacal ouvreur de route . Ce qui atteste, sans aucun doute, de la présence des animaux dans l’effigie royale égyptienne. La preuve est fournie par les documents iconographiques. Les palettes et autres objets d’art égyptien retracent clairement les regalia des suzerains égyptiens.
En bonne place, on peut citer la palette de Narmer . Sur cette palette, on voit clairement des animaux tels que le taureau, le faucon, la vache (Hathor) et des panthères fantastiques. C’est dire donc que chez les Égyptiens, royauté et animaux étaient deux choses intrinsèquement liées. En plus de la palette de Narmer, nous avons la palette au taureau , la poterie telle que le couvercle de Toutankhamon, les Ostraca comme celui de Deir ElMedineh , les serekh des rois du prédynastique , les représentations des sphinx (le grand sphinx de Giza) dans les dromos conduisant aux pylônes des temples.
En Afrique, pour voir les figurines présentant les rois, il faut se référer à l’art notamment aux masques. Il y a beaucoup de statues représentant des rois en forme humaine ou en forme animale .
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1ère Partie : État de la question et Cadres géographiques
Chapitre 1 : la symbolique du pouvoir à la lumières des publications.
Chapitre 2 : cadres géographiques
Chapitre 3 : les écosystèmes égyptien et africain
2ème Partie : la symbolique du pouvoir en Égypte ancienne et en Afrique noire: l’impact des animaux et des végétaux.
Chapitre 4 : Les influences animales sur l’effigie des rois d’Égypte et d’Afrique subsaharienne
Chapitre 5 : les animaux du pouvoir les plus influents en Égypte et chez certains peuples noirs d’Afrique
Chapitre 6 : les insectes et les végétaux.
CONCLUSION GÉNÉRALE