Les maladies dites « de système » autrefois appelées collagénoses, peuvent être définies comme des maladies touchant plusieurs organes, le plus souvent par un mécanisme commun (métaboliques, génétiques, inflammatoires …) (1) Le rein compte tenu de son rôle privilégié dans un grand nombre de fonction physiologique de l’organisme (métabolique, épuration, circulatoire, …) est volontiers atteint au cours de ce processus systémique et peut conditionner le pronostic vital. Un très grand nombre de maladies ou groupes de maladies peuvent être rattachés aux maladies systémiques (infectieuses, inflammatoires, génétiques, métaboliques, …) (2) C’est la raison pour laquelle il nous a paru opportun de décrire les différents types d’atteinte rénale au cours des maladies systémiques observées dans le service de Médecine Interne du Centre Hospitalier Universitaire d’Antananarivo – Hôpital Général de Befelatanana sur une période de 7 ans (janvier 1995 – décembre 2001) .
GENERALITES SUR LES REINS
Les principales fonctions du rein
Le rein joue un rôle central dans le maintien du volume et de la composition ionique des fluides de l’organisme (homéostasie). Les modifications importantes de débit des urines et de leur composition traduisent les capacités du rein à s’adapter à une situation physiologique ou pathologique donnée. C’est ainsi qu’il n’y a pas de débit ou de composition « normale » ou « fixe » de l’urine. Ceux-ci doivent être interprétés en fonction du contexte clinique. Le rein est la voie principale d’excrétion des déchets métaboliques non volatils dont certains sont potentiellement toxiques comme l’urée, l’acide urique, la créatinine, l’acide oxalique. Le rein élimine un grand nombre de produits chimiques exogènes (toxines, médicaments) et leurs métabolites. Cet organe participe au catabolisme des protéines de petit poids moléculaire et à l’interconversion métabolique qui régule la composition des fluides biologiques. Il participe aux fonctions endocriniennes de l’organisme et est le site de production de nombreuses hormones. Enfin, le rein est la cible et l’effecteur endocrine d’hormones fabriquées dans l’organisme ou dans le rein lui-même.
Anatomie fonctionnelle du rein
Chez l’homme adulte, chaque rein pèse environ 150 grammes. Le rein comporte 2 régions bien distinctes : le cortex où se trouve tous les glomérules, et la médullaire dont l’extrémité interne ou papille se projette dans la cavité excrétrice (petit calice). L’urine sort du tube collecteur et s’écoule dans les calices, le bassinet puis l’uretère. Les deux uretères s’abouchent dans la vessie après un trajet sous- muqueux qui assure un dispositif anti-reflux. Le rein est un organe très richement vascularisé qui reçoit environ un quart du débit cardiaque. L’artère rénale principale se divise en artères lobaires. Après avoir pénétré le parenchyme rénal, ces artères donnent les artères interlobaires qui se dirigent radialement vers le cortex pour former les artères arquées situées à la base de la médullaire.
Chaque glomérule est donc alimenté par une seule artériole afférente et drainé par une artériole efférente qui se ramifie en nombreux capillaires péritubulaires qui entourent les segments tubulaires du cortex. Les vasa recta (ou vaisseaux médullaires) qui traversent la médullaire sont des capillaires qui proviennent des artérioles efférentes des glomérules juxtamédullaires, c’est à dire situés dans la partie la plus profonde du cortex. (4) Le néphron est l’unité fonctionnelle du rein. Chaque rein comprend environ 1,2 million néphron avec des variations importantes de 0,7 à 1,5 million qui sont déterminés génétiquement et qui pourraient expliquer la susceptibilité à certaines maladies rénales. Chaque néphron comporte un glomérule et sa capsule et le tubule attenant. Le tubule est formé successivement d’un tube proximal, une anse de Henlé, un tube distal et un tube collecteur.
Les bases séméiologiques des principaux syndromes anatomo-cliniques rénaux
Les bases de la classification des maladies rénales
La classification des maladies rénales repose sur des bases en partie arbitraires. Cette classification peut se faire par exemple selon le caractère primitif ou secondaire de l’atteinte rénale. En pratique cependant, cette classification repose sur deux éléments principaux :
• d’une part, la vitesse d’évolution de l’insuffisance rénale lorsque celle-ci existe,
• d’autre part, l’association des différents éléments séméiologiques en tableaux anatomo-cliniques relativement spécifiques.
La vitesse d’évolution de l’insuffisance rénale permet de différencier :
• l’insuffisance rénale aiguë, lorsque l’insuffisance rénale évolue en quelques heures à quelques jours,
• l’insuffisance rénale rapidement progressive lorsque l’insuffisance rénale évolue en quelques jours à quelques semaines,
• l’insuffisance rénale chronique lorsque l’évolution se fait sur un mode plus lent en quelques mois à quelques années.
Les principaux syndromes néphrologiques
Schématiquement, les principaux syndromes néphrologiques sont au nombre de 4:
– Le syndrome de néphropathie vasculaire est caractérisé par une hypertension artérielle au premier plan, un syndrome urinaire pauvre ou absent, et une insuffisance rénale souvent sévère et rapidement progressive. Le diagnostic de ces néphropathies vasculaires repose essentiellement sur l’imagerie artérielle et/ou la biopsie rénale.
– Le syndrome de néphropathie glomérulaire est plus variable dans sa présentation. La protéinurie est généralement au premier plan, des oedèmes sont possibles en fonction de l’importance de la protéinurie (syndrome néphrotique). L’hypertension artérielle est fréquente. L’insuffisance rénale est également fréquente mais sa progression est variable selon le type de l’atteinte glomérulaire. Le diagnostic repose quasi-exclusivement sur l’analyse histologique du tissu rénal obtenu par biopsie rénale percutanée.
– Le syndrome de néphropathie tubulaire se résume en pratique à la nécrose tubulaire aiguë, première cause d’insuffisance organique. L’insuffisance rénale aiguë est au premier plan, le syndrome repose sur le contexte évocateur complété dans certains cas par une biopsie rénale. Exceptionellement, une tubulopathie peut se manifester sous la forme d’une dysfonction tubulaire proximale (syndrome de Fanconi) ou distale soit héréditaire soit acquise.
– Le syndrome de néphropathie interstitielle est caractérisé par une présentation insidieuse avec un syndrome urinaire modéré parfois limité à une leucocyturie. L’hypertension artérielle y est moins fréquente que dans les syndromes glomérulaires ou vasculaires. Elle est le plus souvent tardive, concomitante de l’insuffisance rénale avancée. L’insuffisance rénale évolue lentement sur plusieurs années ou dizaines d’années. Le diagnostic repose souvent sur l’imagérie rénale (urographie intraveineuse, scanner) et dans certains cas sur la biopsie rénale. Les atteintes kystiques du rein évoluant vers l’insuffisance rénale sont souvent rattachées à des néphropathies interstitielles en raison des lésions interstitielles périkystiques.
Indications, techniques et contre-indications de la biopsie rénale
La biopsie rénale est l’examen essentiel pour établir le diagnostic de la plupart des néphropathies glomérulaires. Dans ce cadre, l’analyse des lésions apporte les éléments du pronostic et de la décision thérapeutique.
Techniques
La biopsie rénale peut être effectuée à l’aiguille ou au pistolet à biopsie sous-anesthésie locale. Elle est précédée d’un bilan complet de coagulation et d’un repérage actuellement plus souvent par échographie que par urographie intraveineuse. Les risques sont l’échec (5 à 10%, très dépendants de l’expérience de l’opérateur et de la méthode de repérage), l’hématurie macroscopique (inférieure à 10%), l’hématome peri-rénal symptomatique (1%), la constitution d’une fistule artério-veineuse intra-rénale, la blessure d’organes de voisinage (rate, pancréas) .
En conséquence, les contre-indications absolues ou relatives sont les suivantes :
• anomalies majeures de l’hémostase,
• infection du parenchyme ou de la loge rénale,
• maladie polykystique rénale,
• hypertension artérielle non contrôlée,
• anévrismes des artères intra-rénales,
• tumeurs rénales,
• rein automatiquement ou fonctionnement unique (biopsie chirurgicale) à l’exception du rein transplanté.
Les indications de la biopsie rénale peuvent donc être résumées comme suit : (5)
• syndrome néphrotique de l’adulte,
• syndrome néphrotique corticorésistant ou corticodépendant,
• syndrome néphritique de l’adulte,
• protéinurie glomérulaire permanente supérieure ou égale à 1 gramme par 24 heures même isolée,
• hématurie glomérulaire microscopique permanente ou macroscopique, même isolée,
• insuffisance rénale aiguë avec signes glomérulaires ou dans un contexte de maladie systémique,
• insuffisance rénale aiguë ou chronique de cause inconnue,
• atteinte rénale des maladies systémiques.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS THEORIQUES
I.GENERALITES SUR LES REINS
I.1. Les principales fonctions du rein
I.2. Anatomie fonctionnelle du rein
I.3. Les bases séméiologiques des principaux syndromes anatomo-cliniques rénaux
a. Les bases de la classification
b. Les principaux syndromes néphrologiques
I.4. Indications, techniques, et contre indications de la biopsie rénale
II. DESCRIPTION DES ATTEINTES RENALES AU COURS DES MALADIES SYSTEMIQUES
II.1. Le lupus érythémateux systémique
II.2. La sclérodermie
II.3. La dermatomyosite et la polymyosite
II.4. Le syndrome de Gougerot-Sjögren
II.5. La maladie rhumatoïde
II.6. La périartérite noueuse
II.7. L’amylose
II.8. Les vascularites des gros vaisseaux
II.9. Le purpura rhumatoïde
II.10. Le syndrome auto-immun multiple
II.11. Le syndrome d’anticorps antiphospholipide
DEUXIEME PARTIE : ETUDE PROPREMENT DITE
I. METHODES
I.1. Recrutement des patients
I.2. Critères d’inclusion et d’exclusion
I.3. Les paramètres d’étude
I.3.1. La nature des affections
I.3.2. Le sexe
I.3.3. L’âge
I.3.4. La protéinurie
I.3.5. Le syndrome néphrotique
I.3.6. L’hématurie
I.3.7. La leucocyturie
I.3.8. L’hypertension artérielle
I.3.9. L’œdème
I.3.10. L’insuffisance rénale
I.3.11. La ponction biopsie rénale
I.4. Analyse statistique
II. RESULTATS
II.1. Généralités sur les maladies systémiques
II.1.1. Répartition des maladies systémiques en général
II.1.2. Répartition des malades pour chaque maladie systémique
II.1.3. Répartition des malades selon le sexe
II.1.4. Fréquence des malades selon l’âge
II.1.5. Fréquence des maladies avec atteinte rénale
II.1.6. Fréquence des maladies sans atteinte rénale
II.2. Répartition des atteintes rénales pour chaque maladie systémique
II.2.1. Lupus érythémateux disseminé
II.2.2. L’amylose rénale
II.2.3. La sclérodermie
II.2.4.La polyarthrite rhumatoïde
II.2.5. La polymyosite
II.2.6.La dermatomyosite et la sclérodermie
II.2.7. L’association du syndrome de Gougerot-Sjögren et de la Polymyosite
II.2.8. La périartérite noueuse
II.2.9. La maladie de Takayashu
II.2.10. La maladie de Horton
II.2.11. La vascularite leucocytoclasique
II.2.12. Le syndrome d’anticorps antiphospholipides
II.2.13. Le syndrome auto-immun multiple
II.2.14. Le purpura rhumatoïde
II.2.15. L’association amylose et lupus érythémateux disseminé
II.2.16. L’association sclérodermie et lupus érythémateux disseminé
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
I. SUR LA METHODOLOGIE
I.1. La nature des affections
I.2. Le sexe
I.3. L’âge
I.4. La protéinurie
I.5. Le syndrome néphrotique
I.6. L’hématurie et la leucocyturie
I.7. L’hypertension artérielle
I.8. L’œdème
I.9. L’insuffisance rénale
I.10. La ponction biopsie rénale
II. SUR LES RESULTATS
II.1. Aspects généraux des maladies systémiques
II.2. Atteintes rénales au cours des maladies systémiques
II.2.1. Lupus érythémateux disseminé
II.2.2.L’amylose rénale
II.2.3. La sclérodermie
II.2.4. La polyarthrite rhumatoïde
II.2.5. La polymyosite
II.2.6. La périartérite noueuse
II.2.7. La maladie de Takayashu
II.2.8. La maladie de Horton
II.2.9. La vascularite leucocytoclasique
II.2.10. Le syndrome auto-immun multiple
II.2.11. Le syndrome d’anticorps antiphospholipides
II.2.12. Le purpura rhumatoïde
II.2.13. Les associations des maladies systémiques
CONCLUSION