L’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est une affection chronique due à un virus de la famille des Retroviridae, du genre Lentivirus. Il existe deux sérotypes de VIH : le VIH-1 et le VIH-2 qui n’ont que des homologies de séquences partielles. Cette infection est responsable d’un syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA) favorisant le développement de nombreuses infections opportunistes et/ ou de pathologies néoplasiques [53]. En 2012, l’ONUSIDA estimait le nombre de personnes vivant avec le VIH dans le monde à 34 millions [102]. L’Afrique sub-saharienne reste la région la plus touchée avec 22 millions de personnes vivant avec le VIH (PvVIH), soit 69% de la population mondiale [102]. Au Sénégal, les données laissent apparaître un faible taux avec une prévalence de 0,7% [76]. La trithérapie antivirale a fortement modifié l’évolution jadis péjorative de l’infection à VIH. Considérée comme une maladie systémique chronique, l’infection à VIH expose à de nombreuses complications, notamment l’atteinte rénale. Cette dernière a un impact sur l’évolution et le pronostic des malades car le retard au diagnostic constitue un obstacle majeur à la prise en charge optimale de ces patients. Les manifestations cliniques sont variables partant de simples anomalies biologiques à une insuffisance rénale chronique terminale nécessitant la mise sous dialyse chronique. Les atteintes rénales au cours de l’infection à VIH varient entre 15,5 et 38% à l’échelle mondiale [22]. L’insuffisance rénale (IR) est une complication fréquemment rencontrée dans l’infection à VIH et le risque de décès est 2,5 fois plus élevé en présence d’une anomalie rénale.
En Afrique sub–saharienne, la prévalence des différentes atteintes rénales varie entre 2,5% et 48,5% [9,40]. Au Sénégal, la prévalence de ces atteintes rénales est mal connue. C’est ainsi que nous avons mené ce travail à travers une étude rétrospective sur une période de 10 ans allant de 2004 à 2014, portant sur des patients vivant avec le VIH (PvVIH) suivis à la clinique médicale 1 et au service de néphrologie du centre hospitalo-universitaire Aristide Ledantec (HALD). L’objectif général est de décrire les profils épidémiologiques, cliniques, paracliniques et évolutifs des différentes atteintes rénales rencontrées au cours de l’infection à VIH et de formuler des recommandations sur la détection précoce de ces anomalies rénales chez ces PvVIH.
GENERALITES SUR L’INFECTION A VIH
Historique du VIH
En juin 1981, les Centers for Disease Control (CDC) d’Atlanta rapportèrent chez les jeunes homosexuels quelques cas d’une forme rare de pneumonie à Pneumocystis carinii (31 cas en 15 jours) [126]. Cette maladie fut nommée entre autre, « gay syndrome », Gay Related Immune Deficiency (GRID). C’est vers la fin de l’année, que les chercheurs avaient découvert qu’elle touchait également les utilisateurs de drogues injectables (UDI) et les personnes transfusées et provoquait également une immunodéficience. En 1982, Bruce Voeller observa la maladie chez les hémophiles transfusés en France. Ainsi, il prononça pour la première fois le nom d’AIDS (Sida en français) [35]. En 1983, dans la revue « Science », l’équipe de Jean-Claude Chermann de l’Institut Pasteur décrit le virus responsable de la maladie après exérèse et analyse d’un ganglion cervical d’un patient atteint de sida. IL le dénomma « Lymphadenopathy Associated Virus » ou LAV (futur VIH-1). Dans la même année, les premiers travaux sur la transmission possible du virus chez des chimpanzés ont été entrepris recensant 1300 cas de sida et 460 de décès aux Etats-Unis [126]. En 1984, les différents modes de transmission du virus étaient établis et les activités antirétrovirales de la Zidovudine (AZT) ont été mises en évidence [126]. En 1985, le professeur Souleymane Mboup, virologue sénégalais en collaborations avec les laboratoires américains, isola une nouvelle souche virale du VIH à partir des échantillons de sang en provenance du Sénégal [62]. Ceci coïncida ainsi avec la commercialisation du test de dépistage du VIH-1. En 1986, le HIV2, fut également isolé par L. Montagnier et son équipe chez des sujets atteints de sida ayant séjourné en Guinée-Bissau [126]. En 1987, le test de dépistage du VIH-2 était mis en évidence par « Diagnostics Pasteur ». En 1992, un nouveau médicament : Zalcitabine (DDC), fut cmmercialisé. En 1993, les premiers vaccins étaient testés chez les humains. En 1994, la combinaison de deux médicaments (3TC et AZT) plus efficaces qu’AZT a été mise sur pied. En 1996, on parle désormais de la trithérapie. En 1997, le nombre de personnes infectées par le virus était estimé à 90 % dans le monde (23 millions de personnes dont 14 millions en provenance de l’Afrique noire). En 2000, l’Afrique sub-saharienne est déclarée comme la région du monde la plus touchée lors de la conférence de l’OMS tenue en Afrique du Sud. En 2001, la Chine reconnaissait pour la première fois l’existence de l’épidémie et mettait sur pied son premier programme de lutte contre le sida. En 2003, un vaccin a été testé chez les consommateurs de drogues en Thaïlande mais celui-ci se révéla inefficace. En 2008, en raison des programmes de lutte contre le VIH, la prévalence mondiale du VIH s’est stabilisée et le nombre de nouvelles infections a chuté avec 33,2 millions de personnes vivant avec le VIH, 2,5 millions de nouvelles infections et 2,1 millions de décès liés au Sida [121].
Epidémiologie
Au niveau mondial
Trente ans (30 ans) après la découverte de la maladie, l’ONUSIDA estime le nombre de personnes vivant avec le VIH à 34 millions (31,4 – 35,9 millions) soit 0,8 % des adultes âgés de 15 à 49 ans [102]. Ceci montre une nette augmentation de l’infection de 18,8 % au cours des dix dernières années [103].
Le nombre de nouvelles infections est estimé à 2,5 millions (2,2 – 2,8 millions) soit 20 % inférieur à celui de 2001. Le nombre de décès liés au sida est de 1,7 million (1,5–1,9 million) soit 24% par rapport aux données de 2005 où on enregistrait 2,5millions (2,1–2,6 millions) [102, 103]. Ce résultat est dû à l’élargissement et à l’intensification des traitements antirétroviraux.
En Afrique, principalement l’Afrique sub-saharienne qui reste l’une des régions les plus gravement touchées, 1,8 million (1,6 – 2,0 millions) de personnes vivant avec le VIH, soit une prévalence de 69 % (1 adulte sur 20), ont été enregistrés. La prévalence régionale de l’infection à VIH est près de 25 fois plus élevée en Afrique sub-saharienne qu’en Asie où on enregistre 5 millions de personnes vivant avec le VIH [102]. Le nombre de nouvelles infections à VIH a été réduit de plus de 50 % dans 25 pays à revenu faible ou intermédiaire, dont plus de la moitié vit en Afrique sub-saharienne. Le nombre de décès liés au sida est estimé à 70% [102].
AU Sénégal, la prévalence globale du VIH est estimée à 0,7 % de la population générale [83]. Le sexe féminin est fortement touché avec un ratio de 1,6. Le milieu rural est plus touché que le milieu urbain avec une prévalence de 0,6% contre 0,3% de la population [76]. Les régions les plus fortement touchées sont Kolda et Kédougou avec une prévalence respective de 2,4 % et 1,7 %. Les niveaux de prévalence les plus faibles sont observés à Louga (0,1) et Diourbel (0,2 %).
Classification du virus
Le VIH appartient à la famille des retroviridae qui est traditionnellement subdivisée, selon les critères pathogéniques et les paramètres phylogénétiques, en trois sous-familles à savoir : oncovirus, lentivirus et spumavirus [24, 52].
Les oncovirus
Les plus répandus des rétrovirus, les oncovirus sont des virus à ARN souvent associés à des tumeurs ou à des leucémies. Les HTLV (humain T cellleukemia virus) dotés d’un pouvoir de transformation des lymphocytes CD4 in vivo grâce à une protéine codante appelée px sont subdivisés en deux : HTLV1 et HTLV2 retrouvés chez des patients atteints de leucémie T, de lymphome cutané ou de leucémies à tricholeucocytes.
Les lentivirus
Ils provoquent souvent des maladies à évolution lente notamment les pneumonies et désordres neurologiques. Appartenant à cette classe, les VIH sont classés en deux types : le VIH 1 et le VIH2. Le VIH 1 est plus répandu sur l’ensemble des continents par opposition au VIH 2 qui est plus présent en Afrique. Le VIH1 est subdivisé en trois groupes : le groupe M (major), le groupe O (outlier) et le groupe N (nonM, non O). Les VIH1 du groupe M sont responsables de la pandémie du sida avec neufs sous types (A B C D F G H J K) et plus de quarante (40) formes recombinantes [61]. Le groupe M est divisé en deux sous types ; le sous type B qui est responsable de l’épidémie dans les pays industrialisés et le sous type non B qui est responsable de 90% de la pandémie en Afrique [82, 61].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. GENERALITES SUR L’INFECTION A VIH
I.1 Historique du VIH
I.2 Epidémiologie
I.3 Classification du virus
I.4 Structure du virus
I.5 Organisation génomique
I.6 Cycle de réplication du VIH
I.7 Modes de contamination
I. 7. 1 Transmission par voie sexuelle
I.7. 2 Transmission par voie sanguine
I. 7. 3 Transmission verticale
I.8 Diagnostic du VIH
I.8.1 Diagnostic clinique
I.8.1.1 Primo-infection
I.8.1.2 Phase asymptomatique
I.8.1.3 Phase d’immunodépression mineure
I.8.1.4 Phase d’immunodépression majeure (stade de SIDA déclaré)
I.8.2 Diagnostic biologique
I.8.2.1 Diagnostic indirect
I.8.2.2 Diagnostic direct
I.9 Classification de l’infection à VIH
I.9.1 Classification selon l’OMS
I.9.2 Classification selon CDC
II. LES ATTEINTES RENALES AU COURS DU VIH
II.1 Définition
II.2 Epidémiologie
II.3 Physiopathologie des atteintes rénales
II.3.1 Physiopathologie des atteintes rénales aigues
II.3.2 Physiopathologie des atteintes rénales chroniques
II.4 Formes cliniques
II.4.1 Forme typique : la néphropathie liée au VIH (HIVAN) dans sa forme typique
II.4 .2. Autres formes cliniques
II.4 .2. 1 Formes symptomatiques de la HIVAN
II.4 .2. 2 Formes anatomo-cliniques
II.4 .2. 2.1 Autres atteintes glomérulaires
II.4 .2. 2.1.1 Glomérulonéphrites à complexes immuns
II.4 .2. 2.1.1.1 Hyalinose segmentaire et focale sans collapsus
II.4 .2. 2.1.1.2. Glomérulonéphrite lupus-like
II.4 .2. 2.1.1.3 Glomérulonéphrite post-infectieuse (GNA)
II.4 .2. 2.1.1.4 Glomérulonéphrite à dépôts d’IgA
II.4 .2. 2.1.1.5 Glomérulonéphrites à croissants
II.4 .2. 2.1.1.6 Glomérulonéphrites extramembraneuses (GEM)
II.4 .2. 2.1.1.7 Glomérulonéphrites membranoprolifératives (GNMP)
II.4 .2. 2.1.1.8 Glomérulonéphrites fibrillaires (ou immunotactoides)
II.4 .2. 2.1.2 Lésions glomérulaires minimes (LGM)
II.4 .2. 2.1.3 Amylose rénale
II.4 .2. 2.2 Atteintes tubulo-interstitielles
II.4.2.2.2.1 Nécrose tubulaire aiguë
II.4.2.2.2.2 Néphrite interstitielle lymphoplasmocytaire : Syndrome de sjogren-like
II.4.2.2.2.3 Néphrites interstitielles aigues
II.4.2.2.2.4 Syndrome de Fanconi
II.4 .2. 2.3 Atteintes vasculaires
II.4 .2. 3 Atteintes fonctionnelles
II.4 .2.2.4 Atteintes obstructives
II.5 TRAITEMENT
II.5.1 Traitement curatif
II.5.1.1 Buts
II.5.1.2 Moyens
II.5.1.2.1 Moyens symptomatiques
II.5.1.2.1.1 Mesures hygiéno-diététiques
II.5.1.2.1.2.1 Solutions de remplissage
II.5.1.2.1.2.2 Antihypertenseurs
II.5.1.2.1.2.3 Autres moyens médicamenteux
II.5.1.2.1.3 Epuration extra rénale
II.5.1.2.2 Moyens étiologiques
II.5.1.2.2.1 Traitement antirétroviral
II.5.1.2.2.1.1 Principaux antirétroviraux
II.5.1.2.2.1 1.1 Inhibiteurs de la transcriptase inverse
II.5.1.2.2.1.1.1.1. Inhibiteurs non nucléosidiques
II.5.1.2.2.1.1.1.2 Inhibiteurs nucléosidiques
II.5.1.2.2.1.1.1.2 Inhibiteur nucléotidique
II.5.1.2.2.1.1.2 Inhibiteurs de la protéase
II.5.1.2.2.1.1.3 Inhibiteurs de fusion
II.5.1.2.2.1.2 Schéma thérapeutique des ARV
II.5.1.2.2.1.3 Adaptation posologique des ARV
II.5.1.2.2.2. Autres moyens étiologiques
II.5.1.3 Indications
II.5.1.3.1 Insuffisance rénale aigue fonctionnelle et NTA
II.5.1.3.2 Néphropathie liée au HIV
II.5.1.3.3 Microangiopathie Thrombotique
II.5.1.3.4 Syndrome de restauration immunitaire (SRI)
II.5.1.3. 5 Glomérulonéphrite à complexes immuns
II.5.1.3.6 Syndrome de sjogren-like
II.5.1.3.7 Co -infection VIH/ VHC
II.5.1.3.8 Co-infection VIH/ VHB
II.5.1.3.9 IRA liée aux antiviraux
II.5.1.3.10 IRA Obstructive
II.5.2 Traitement préventif
II.5.2.1 Prévention primaire
II.5.2.2 Prévention secondaire
DEUXIEME PARTIE: TRAVAIL PERSONNEL
I. METHODOLOGIE
I.1. Type et cadre d’étude
I.1.1 Cadre d’étude
I.1.2 Type d’étude
I.2. Patients et méthodes
I.2.1 Critères d’inclusion
I.2.2 Critères de non inclusion
I.2.3 Paramètres étudiés
I.2.3.1 Méthode de recueil des données
I.2.3.2 Description des données
RESULTATS
CONCLUSION