Les aspects théoriques de la mise en suspension de particules céramiques

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Des procédés par voie liquide pour imprégner le renfort

L’étape d’imprégnation du renfort par la matrice a pour objectif de remplir, de manière homogène, les espaces vides au sein de la structure fibreuse, et ce, aussi bien, dans les zones inter-mèches (entre les fils) qu’intra-mèches (à l’intérieur des fils). Plusieurs méthodes ont été considérées dans la littérature :
— des méthodes d’imprégnation simple qui consistent à enduire chaque pli de l’empilement par la suspension [17] ;
— des méthodes d’infiltration (Slurry Infiltration) où la suspension est directement déposée sur l’empilement et où son infiltration est favorisée par la mise sous vide de l’ébauche [14] ;
— des méthodes d’injection, reprenant notamment les procédés RTM (Resin Transfer Mol-ding) ou Flexible Injection [18], qui reposent sur l’introduction de la matrice dans un moule contenant le renfort fibreux afin de forcer l’imprégnation ;
— des méthodes « pre-preg » (pré-imprégnation) qui permettent de conserver les plis impré-gnés avant de les empiler pour former la pièce composite [25] ;
— et d’autres méthodes plus atypiques comme la VibroIntrusion [32] ou les procédés en voie colloïdale [33].
La plupart de ces techniques dérivent des procédés par voie liquide, communément utilisés lors de la mise en œuvre de composites à matrice organique [34]. Ces procédés permettent de fabriquer, facilement et à moindres coûts, des pièces de formes complexes. En outre, la qualité de l’imprégnation repose sur la capacité de la suspension à s’écouler dans le renfort. En effet, la création de zones sèches [35] ou l’existence de phénomènes de filtration [36] constituent des sources d’hétérogénéité (macroporosités, porosités intra-mèches, etc.) pouvant conduire à une fragilisation prématurée du composite [37]. Ainsi, il est nécessaire de contrôler les caractéristiques physico-chimiques des suspensions. En particulier, il est important d’utiliser des particules de petites tailles [33] afin que celles-ci puissent s’infiltrer dans tous les espaces du renfort dont les intervalles intra-mèches. De plus, un contrôle de la viscosité de la suspension est primordial [38] étant donné que cette propriété gouverne au premier ordre l’écoulement.

Un traitement de frittage pour densifier partiellement la matrice

L’étape de frittage permet, d’un côté, de créer des liens entre les particules mais aussi des liaisons fibre/matrice et, d’un autre côté, de densifier partiellement la matrice afin que celle-ci atteigne un niveau de porosité compris entre 30% et 40%vol. Le contrôle des paramètres de ce traitement thermique, dont en particulier la température, est tout aussi capital. En effet, étant donné que les particules définissent l’aptitude au frittage de la matrice, les paramètres de ce traitement doivent être adaptés suivant les caractéristiques de la poudre utilisée. Par exemple, si la température est trop élevée, une densification excessive de la matrice peut avoir lieu [39]. Dans ce cas, la porosité matricielle n’est plus suffisamment élevée pour permettre la déviation des fissures à l’interface fibre/matrice, ce qui fragilise le matériau [40]. Une température trop élevée peut également engendrer, d’autre part, une dégradation des fibres. Aussi, au cours du frittage (mais également du séchage et de la pyrolyse), un fort différentiel de comportement dilatométrique existe entre les fibres, qui sont déjà frittées, et la matrice, qui va se consolider. Autrement dit, au cours de ce premier cycle thermique vu par le composite, des niveaux de contraintes importants sont générés dans le matériau dont notamment dans la matrice. En conséquence, un endommagement par fissuration matricielle est fréquemment constaté dans les zones riches en matrice. Un exemple est indiqué sur la Figure 1.6. La microstructure représentée permet également d’illustrer la problématique d’homogénéité relative à l’étape d’imprégnation, tant dans les espaces inter-mèches qu’intra-mèches.

Le comportement mécanique des CMC oxyde/oxyde

Les composites oxydes, caractérisés mécaniquement dans la littérature, utilisent, en général, des renforts bidirectionnels. Ainsi, des essais de traction, dans les directions 0°/90° et ±45° par rapport à l’axe des fibres, sont communément réalisés. Ils permettent d’obtenir, respectivement, la contribution des fibres et de la matrice au comportement du composite. D’autres modes de sollicitation sont également étudiés afin de rendre compte de manière plus complète de la tenue mécanique du CMC.
Les composites à matrice céramique oxyde/oxyde
Un comportement linéaire en traction dans l’axe des fibres
Le comportement mécanique des CMC oxyde/oxyde en traction, dans la direction 0°/90°, est essentiellement linéaire, avec la présence de faibles déformations permanentes (Figure 1.7). L’absence de non-linéarités plus prononcées est principalement attribuée au comportement fragile des fibres couplé au fait que la contribution de la matrice vis-à-vis de la résistance mécanique globale du composite reste modeste [3]. D’un côté, du fait de sa forte porosité, la résistance initiale (mais également le module d’élasticité) de la matrice est faible en comparaison à celle des fibres. D’un autre côté, la préexistence de fissures matricielles liées au frittage réduit également la résistance mécanique de la matrice. Ainsi, tout endommagement de celle-ci aura peu de conséquences sur la résistance globale du composite. Autrement dit, dans la direction 0°/90°, le comportement du matériau est dominé par celui des fibres [3]. Par conséquent, à température ambiante, les CMC utilisant des fibres Nextel™ 610 possèdent des modules d’élasticité et des résistances à rupture élevés tandis que ceux en fibres Nextel™ 720 présentent des propriétés plus faibles.
Les faciès de rupture des composites, sollicités en traction dans la direction 0°/90°, montrent une extraction importante des fibres (Figure 1.8). Les fils du renfort, tout comme les fibres d’une même mèche, ne rompent pas au même niveau. Ces observations témoignent du rôle de déviateur des fissures joué par la matrice poreuse. En outre, l’endommagement du composite débute par la propagation des fissures matricielles (préexistantes ou engendrées) [17]. Elles se propagent jusqu’aux mèches où elles vont être déviées à l’interface fibre/matrice du fait de la microporosité de cette dernière. Des décohésions entre les fibres et la matrice apparaissent alors [41]. Elles vont permettre aux fibres de rompre de manière indépendante, ce qui assure au matériau composite une tolérance à l’endommagement. Le comportement mécanique des CMC oxyde/oxyde conserve néanmoins un caractère fortement linéaire et une capacité de déformation limitée.
Une contribution majeure de la matrice au comportement en traction hors-axes
Des essais de traction réalisés dans la direction ±45° permettent de déterminer les propriétés hors-axes du composite. En comparaison aux résultats obtenus dans le sens des fibres, les valeurs de module d’Young et de résistance mécanique sont plus faibles tandis que le comportement n’est plus linéaire (Figure 1.7). Cela s’explique par le fait que, dans cette direction, le comportement du composite est dominé par la contribution de la matrice [3]. En outre, la propagation des fissures matricielles conduit là aussi à la décohésion des fibres et de la matrice. Toutefois, cette dernière ne va pas provoquer la rupture des fibres mais va être à l’origine de l’apparition de délaminages importants et d’un foisonnement (Figure 1.9) qui vont conduire à la rupture du matériau. Autrement dit, celle-ci est majoritairement liée à l’endommagement progressif de la matrice.
Le comportement des composites oxydes pour d’autres modes de sollicitation
Dans le cas de la compression dans le sens des fibres, la propagation des fissures matricielles au niveau de l’interface entraîne la décohésion des fibres de la matrice. Celles-ci peuvent alors se déformer librement et rompre par flambement [43]. Une perte de linéarité est ainsi observée e  fin d’essais. De plus, les niveaux de contraintes relevés sont similaires à ceux obtenus dans le cas d’une traction dans l’axe des fibres [15].
La résistance au cisaillement inter-laminaire peut être obtenue par des essais de flexion trois points sur appuis rapprochés. Les composites oxydes sont peu résistants à cette sollicitation [3], du fait de délaminages successifs. Toutefois, la résistance peut être améliorée en diminuant la porosité de la matrice [44]. Néanmoins, cela entraîne, par ailleurs, une fragilisation du composite dans l’axe des fibres.
Pour résumer, le comportement mécanique des CMC oxyde/oxyde repose sur un compromis. D’une part, la matrice doit être suffisamment poreuse pour favoriser la déviation des fissures et permettre au renfort de reprendre les efforts dans l’axe des fibres. D’autre part, la porosité matricielle doit être relativement faible pour accorder au composite une résistance suffisante dans le cas de sollicitations hors-axes. Ainsi, une optimisation du système matriciel, dès l’étape de formulation de la suspension, est nécessaire afin de répondre adéquatement à ce compromis suivant l’application visée.
En outre, la stabilité thermomécanique des CMC oxyde/oxyde repose sur la conservation, à haute température, de la microstructure des fibres et de la matrice [3]. En effet, il est rappelé que, dans ces conditions, les fibres Nextel™ sont soumises à un phénomène de croissance des grains, ce qui diminue leurs résistances mécaniques. De plus, l’exposition prolongée de la structure à de hautes températures a pour effet de poursuivre la densification de la matrice [45], menaçant ainsi la tolérance à l’endommagement du composite. En particulier, Zawada et al. [5] ont montré que, dans le cas d’une matrice alumine-silice, la tenue au fluage du composite est limitée car, à haute température, la silice forme une phase visqueuse qui affaiblit la résistance du matériau.
Enfin, il est important de noter que plusieurs scénarios d’endommagement ont été proposés dans la littérature [17, 37]. Ils permettent, entre autres, d’établir une chronologie précise des mécanismes conduisant à la rupture du matériau sous différentes sollicitations.
Les aspects théoriques de la mise en suspension de particules céramiques
La mise en œuvre de composites à matrice céramique oxyde/oxyde nécessite l’utilisation de suspensions. Celles-ci comprennent une phase liquide dans laquelle les particules de poudres céramiques sont dispersées. En outre, les caractéristiques de la suspension doivent favoriser une imprégnation correcte du renfort fibreux. Or, le comportement des poudres céramiques dans l’eau est principalement conditionné par la chimie de surface des particules [46], qui peut être modifiée avantageusement en ayant recours à des additifs organiques. Il est, par conséquent, nécessaire de comprendre, en premier lieu, les phénomènes physiques intervenant au cours de la formulation des suspensions.
L’interface oxyde/eau et le modèle de la double couche
Lorsque des particules oxydes sont dispersées dans l’eau, qui est un solvant polaire, les groupements de surfaces réagissent avec la phase liquide afin de compléter leur coordinence. Ce phénomène d’hydratation a pour conséquence de structurer la répartition des charges au voisinage des particules. Cette distribution peut être représentée par le modèle de la double couche (Figure 1.10).
La surface des particules oxydes est constituée de groupements hydroxyles (M − OHsurface) dont leur particularité est d’être amphotères. C’est-à-dire qu’ils peuvent, selon le pH de la solution,
libérer (Eq 1.1) ou capter (Eq 1.2) des protons :
M − OHsurface + OH− M−O−+H2O (1.1)
M − OHsurface + H3O+ M − OH2+ + H2O (1.2)
Les groupements M − O− et M − OH+2 sont localisés au niveau du plan 0 qui est assimilé à la surface de la particule. De plus, une densité de charge 0 et un potentiel électrique 0 y sont établis suite aux réactions d’échange indiquées précédemment. Ces équations impliquent aussi que la charge des particules peut être positive ou négative suivant le pH du milieu. Les groupements de surface polarisés vont fortement interagir avec les ions présents dans la solution. Certains sont adsorbés (chimisorbés puis physisorbés) à la surface des particules. Sur une distance généralement considérée comme étant inférieure à 1 nm, les ions adsorbés sont très fortement structurés. Cette couche compacte, aussi appelée couche de Stern, est délimitée par le plan externe de Helmoltz (OHP) de densité de charge et de potentiel électrique . Celui-ci correspond également au plan de glissement du solvant. De plus, du fait des interactions électrostatiques, la distribution des ions de la solution continue d’être perturbée dans une couche disperse appelée couche de Gouy et Chapman. L’épaisseur de celle-ci est généralement associée à la longueur de Debye-Hückel. Notée −1, elle s’exprime par la relation : −1=( 2 • • 2 ) 1/2 (1.3)
où représente la permittivité diélectrique de la solution, la constante de Boltzmann, la température, le nombre d’Avogadro, la charge élémentaire et la force ionique de la solution. Toutefois, il s’agit d’une simplification courante étant donné que cette longueur ne correspond pas précisément à l’épaisseur de la couche diffuse. Elle représente plutôt une distance caractéristique de la double couche permettant de rendre compte de la portée de l’interaction électrostatique de la particule. Enfin, le potentiel électrique du plan externe de Helmoltz est assimilé au potentiel électro-cinétique zêta. Celui-ci, noté , traduit la répulsion mutuelle des particules et constitue donc la caractéristique essentielle pour évaluer les propriétés de la suspension. Seul potentiel mesurable pour les particules oxydes, il est calculé à partir de la mobilité électrophorétique. En outre, le point isoélectrique (IEP) est défini comme le pH pour lequel le potentiel zêta s’annule. Par conséquent, si la valeur du pH de la suspension est supérieure à celle de l’IEP, alors le potentiel est négatif. Dans le cas contraire, il est positif.
La théorie D.L.V.O. pour évaluer la stabilité d’une suspension
La stabilité d’une suspension repose sur la qualité de la dispersion des particules au sein de la solution. Dans le cas contraire, une instabilité du système se produit et entraîne alors l’agglomération, la coagulation ou la floculation des particules. La théorie D.L.V.O. (Derjaguin, Landau [47] et Verwey, Overbeek [48]) établit le bilan des forces attractives et répulsives agissant entre les particules. Autrement dit, elle décrit le potentiel d’interaction entre deux entités dans une suspension. Cette théorie permet ainsi de déterminer la hauteur de la barrière énergétique permettant d’éviter le contact permanent entre les particules.
Les forces de Van der Waals pour l’attraction
Les forces de Van der Waals caractérisent l’attraction entre particules, résultant des interactions dipolaires ayant lieu au niveau moléculaire. Dans le cas de deux particules sphériques de rayons et dont les centres sont séparés d’une distance , le potentiel d’interaction peut s’écrire [49] : =−6[ 2 (+)2 +  2 ( )2 + ln (  2 ( )2 ) ] (1.4 avec la constante de Hamaker dépendant des particules considérées et de la nature du solvant.
Les forces électrostatiques pour la répulsion
Lorsque deux particules chargées s’approchent l’une de l’autre, leurs couches diffuses se super-posent. Une interaction électrostatique est ainsi mise en jeu du fait de l’augmentation locale de la concentration en ions dans la zone de recouvrement. Dès lors, le potentiel de répulsion électrostatique peut s’écrire [50] : +[ 2+2 = (2+2) 2 ln ( 1 − − − − ) ) − ]  1+  −(−2 () −+ ln(1)(1.5) où les potentiels et peuvent être respectivement assimilés aux potentiels électrocinétiques des particules et .
Interprétation du potentiel total au regard de la stabilité
Le potentiel total correspond à la somme des contributions d’attraction et de répulsion : = + . Selon la suspension étudiée, l’évolution de ce potentiel en fonction de la distance de séparation entre les particules peut présenter différents profils. Dans le cas le plus général (Figure 1.11), le graphe présente un maximum et deux minima.
Si la distance entre les particules est importante, les forces d’attraction et de répulsion n’ont pas d’influence significative sur le comportement de la suspension. Cependant, cette distance peut diminuer. En effet, plus la concentration volumique en solide est élevée, plus la distance entre les particules est faible. En outre, celles-ci sont également soumises à des mouvements constants, par exemple browniens. Pour des distances plus faibles (au niveau du minimum secondaire),
le potentiel d’attraction prédomine mais reste relativement faible de sorte que la coagulation qui en résulte soit réversible. La courbe présente ensuite un maximum, appelé barrière de potentiel. Si sa valeur est suffisamment élevée, les mouvements des particules ne peuvent pas fournir l’énergie nécessaire à un franchissement. La suspension reste donc stable. Dans le cas contraire, la distance devient assez faible pour que les particules puissent s’agglomérer (premier minimum). La suspension est alors dite instable.
Cependant, certaines limitations ont été formulées concernant la théorie D.L.V.O. et sa capacité à décrire les interactions lorsque les particules sont proches [52]. Dans ce cas, des forces dites non-D.L.V.O., comme les forces d’hydratation [53], doivent être introduites.
En pratique, il est d’usage de corréler la stabilité de la suspension à la valeur du potentiel zêta. En effet, il est communément admis qu’une valeur absolue supérieure à 40 mV correspond, à température ambiante, à une stabilisation électrostatique satisfaisante [46].
Favoriser la dispersion des particules à l’aide d’additifs organiques
Il est possible d’améliorer la dispersion de particules oxydes dans une solution aqueuse, en particulier, lorsque la suspension est fortement chargée en solide ou lorsque la barrière de potentiel est relativement faible. Différentes méthodes peuvent être envisagées comme la modification de la force ionique à travers la conductivité électrique ou encore la modification du pH. Cependant, ces démarches présentent certaines limites étant donné qu’elles obligent la suspension à opérer dans des domaines chimiques particuliers pouvant être incompatibles ou difficiles à mettre en œuvre lors de son utilisation. Ainsi, le recours à des molécules organiques, appelées dispersants, est généralement réalisé. En effet, l’adsorption de polymères à la surface des particules permet de modifier la chimie de l’interface solide/liquide [46]. Suivant l’affinité de la molécule avec la surface, plusieurs conformations sont possibles [54]. De plus, deux mécanismes peuvent améliorer la dispersion. D’un côté, l’effet stérique où le réseau de macromolécules joue un rôle d’écran permet d’éviter le contact entre les particules. D’un autre côté, l’additif peut permettre d’augmenter les charges de surface et donc l’intensité des forces répulsives. La hauteur de la barrière de potentiel est alors suffisamment élevée pour assurer la stabilité de la suspension. On parle, dans ce cas, d’effet électrostatique. En pratique, cela revient à déplacer le point isoélectrique, c’est-à-dire modifier l’évolution du potentiel zêta en fonction du pH afin que celui-ci présente, au pH naturel, une valeur appropriée pour favoriser la dispersion. Lorsque les deux effets sont simultanés, on parle de mécanisme électrostérique. À ce titre, des molécules de type polyélectrolyte, comme le polyacrylate d’ammonium, sont généralement considérées dans des environnements aqueux [46].
Le cas des suspensions bi-composant
Pour des suspensions faisant intervenir deux familles de particules, comme de l’alumine et de la silice, d’autres interactions physiques sont à prendre en compte. En effet, en plus d’échanger avec le milieu aqueux, chaque espèce est susceptible d’interagir avec son homologue. Différents comportements peuvent alors être distingués [55] :
— l’absence d’agglomération : les deux familles de particules restent dispersées au sein de la suspension.
— l’homoagglomération : l’une des espèces s’agglomère tandis que la seconde reste disper-sée.
— l’hétéroagglomération : ce phénomène a lieu lorsque les deux éléments s’attirent mu-tuellement. De plus, si le rapport de taille entre les particules mises en jeu est important, alors les plus petites s’adsorbent à la surface des plus grosses [56]. Des structures de type « core-shell » sont observées et peuvent procurer au matériau des propriétés originales [57].
— l’association d’homo- et d’hétéro-agglomération.
La rhéologie des suspensions
Lors de la mise en œuvre des composites à matrice céramique oxyde/oxyde, l’imprégnation du renfort par la matrice repose sur la capacité d’écoulement de la suspension au sein de la structure fibreuse. La rhéologie se définit comme l’étude des déformations et des écoulements de la matière sous l’effet des contraintes appliquées. Deux types d’analyses rhéologiques peuvent être distinguées : l’analyse en écoulement et l’analyse viscoélastique. Dans le cadre de la présente étude, seule l’analyse en écoulement sera considérée. Autrement dit, les déformations appliquées au matériau seront irréversibles. De plus, toute réponse viscoélastique, c’est-à-dire les déformations élastiques instantanées et retardées, sera considérée comme négligeable devant celle d’écoulement. En outre, différents comportements peuvent être observés pour un fluide. Le cas des suspensions est spécifique.
Les différents types de comportements rhéologiques et les modèles associés
La viscosité d’un fluide est une grandeur physique qui représente la résistance au mouvement de la matière face à un écoulement. Dans le cas laminaire, la viscosité dynamique , exprimée en Pa.s, relie la contrainte de cisaillement appliquée au matériau au gradient de vitesse perpendiculaire au plan de cisaillement, soit plus simplement à la vitesse de cisaillement ˙ , suivant la relation : =  • ˙ (1.6) où s’exprime en Pa et ˙ en s−1. Les fluides vérifiant cette équation sont qualifiés de newtoniens.
Autrement dit, pour eux, la viscosité ne dépend pas de la vitesse de cisaillement ni du temps. Toutefois, tous les fluides ne vérifient pas cette indépendance. Ils sont alors dits non newtoniens. L’équation 1.6 définit, de ce fait, une viscosité apparente. Par conséquent, l’étude du comportement rhéologique des fluides ne peut pas se résumer à une mesure ponctuelle de la viscosité. Il est nécessaire d’étudier sa variation, ou celle de la contrainte, en fonction de la vitesse de cisaillement. Les courbes représentant cette évolution sont appelées rhéogrammes. Plusieurs comportements rhéologiques peuvent être distingués à température et pression constantes (Figure 1.12). Aussi, des relations empiriques, ne faisant pas intervenir la structure même du matériau, permettent de modéliser ces comportements. Autrement dit, le fluide est caractérisé d’un point de vue macroscopique.
Le comportement le plus simple est celui d’un fluide newtonien caractérisé par une relation linéaire entre la contrainte et la vitesse de cisaillement (Eq 1.6). Dans le cas des fluides non newtoniens, d’autres évolutions sont observées. Si la viscosité diminue lorsque la vitesse de cisaillement augmente, alors le fluide est dit rhéofluidifiant ou pseudoplastique. Dans le cas contraire où la viscosité augmente avec la vitesse, il est dit rhéoépaississant ou dilatant. Ces comportements sont décrits par la loi d’Ostwald-de Waele [58], également nommée loi puissance : =   • ˙ (1.7)
où est une constante appelée indice de consistance et un nombre adimensionnel appelé indice d’écoulement. Si 0 < < 1, le fluide est rhéofluidifiant tandis que, dans le cas rhéoépaississant, est strictement supérieur à 1. Toutefois, un fluide ne présente, en général, ces caractères non newtoniens que sur une certaine gamme de vitesse de cisaillement. En dehors, la viscosité demeure constante.
Les modèles permettant de traduire l’augmentation de la viscosité avec la concentration volumique en particules
L’ajout de particules dans un fluide entraîne une augmentation de la viscosité. Plusieurs relations permettent, pour une vitesse de cisaillement donnée, d’estimer la viscosité de la suspension en fonction de la concentration volumique en particules . Elles reposent sur des hypothèses simples : la suspension, où seules des interactions hydrodynamiques interviennent, contient des particules rigides, monodispersées, de formes sphériques et non miscibles dans un fluide interstitiel de viscosité .
Pour des suspensions fortement diluées ( < 2%vol.), la relation d’Einstein [66, 67] prédit une augmentation linéaire de la viscosité avec la concentration en particules : =   •(1+ 1• ) (1.12)
où 1 correspond à un facteur de forme ( 1 = 2,5 pour des sphères rigides). Cette relation ne fait intervenir que les perturbations hydrodynamiques des particules isolées. Toutefois, lorsque la concentration en solide augmente, les interactions hydrodynamiques entre les paires de particules doivent être considérées. Celles-ci sont prises en compte dans le modèle de Batchelor et Green [68] à travers l’ajout d’un terme du second ordre : =   •(1+ 1• + 2• 2) (1.13)
où 2 est un facteur dépendant du type d’écoulement. Cependant, cette théorie ne permet pas de représenter le comportement de suspensions fortement chargées. En effet, l’équation 1.13 n’est valable que pour < 10%vol. De plus, lorsque la concentration volumique en particules augmente, elle atteint une valeur maximale pour laquelle la viscosité de la suspension tend, d’un point de vue mathématique, vers l’infini. Or, les relations précédentes ne permettent pas de rendre compte de cet effet. Ainsi, plusieurs modèles phénoménologiques faisant intervenir une concentration volumique maximale ont été proposés dont, en particulier, le modèle de Krieger-Dougherty [69] : =   •( ) −[ ]• 1 −(1.14)
où [ ] est un paramètre appelé viscosité intrinsèque. La concentration volumique maximale (ou maximum packing fraction) est fonction de l’arrangement géométrique. Ce dernier dépend de la forme et de la distribution en taille des particules, et non de la taille elle-même. Des approches analytiques ont permis de déterminer certaines valeurs de suivant la nature de l’arrangement : de 0,52 pour un empilement cubique simple à 0,74 pour un empilement cubique faces centrées en passant par 0,64 pour un empilement aléatoire [70]. La viscosité intrinsèque, quant à elle, rend compte de l’effet individuel des particules sur la viscosité et dépend de la forme de celles-ci. [ ] est égale à 2,5 pour des particules sphériques et est comprise entre 3 et 5 pour des particules « allongées » et entre 4 et 10 pour des fibres [71]. Quemada [72] proposa, par la suite, une version simplifiée de ce modèle : =   •( ) −2 1 −(1.15)
où seule la concentration volumique maximale intervient. En effet, dans la majorité des cas, le produit [ ] • est centré autour de la valeur 2 [71].
Ces modèles ont été initialement développés pour des suspensions monodisperses soumises uniquement à des interactions hydrodynamiques. Ils ont été étendus, par la suite, au cas de suspensions bidisperses voire polydisperses. Deux paramètres essentiels sont alors à prendre en compte : d’une part, la proportion des éléments du mélange et, d’autre part, le ratio de tailles des particules mises en jeu. L’influence de ces deux facteurs est généralement prise en compte à travers la fraction volumique solide maximale [73]. De plus, ces modèles ont été élargis à d’autres régimes d’écoulement comme les effets browniens ou les interactions colloïdales. D’un côté, des approches considèrent que la fraction volumique solide maximale dépend de la vitesse de cisaillement [70]. D’autres estiment que, suivant l’arrangement, une partie du fluide interstitiel est piégée entre les particules et ne participe pas à l’écoulement. Ainsi, cela revient à prendre en compte une concentration effective dans les équations [74].
Le frittage de poudres céramiques
La seconde étape essentielle de la mise en œuvre des composites à matrice céramique oxyde/oxyde est le frittage de la matrice. En effet, tout en évitant la dégradation des fibres, cette opération doit permettre de densifier partiellement le système matriciel jusqu’à un niveau de porosité de l’ordre de 30% à 40%vol. [3]. Par définition, le frittage permet, sous l’action de la chaleur, d’établir des liaisons entre les grains d’un compact, initialement pulvérulent, afin de lui conférer une certaine consolidation [75]. En outre, ce traitement thermique conduit, dans certains cas, à la formation d’un nouveau constituant. Par exemple, la mullite, en tant que seule solution solide du diagramme de phase alumine-silice, peut être obtenue par frittage réactif [76].
Le frittage, un traitement thermique de consolidation et de densification
Quelques généralités
Le frittage est un traitement thermique permettant de consolider un compact de poudre et de le densifier, totalement ou partiellement. Cette consolidation est obtenue en minimisant l’énergie superficielle du matériau grâce à un apport d’énergie thermique ne conduisant pas à la fusion d’au moins un des constituants. La pièce, préalablement mise en forme, est appelée pièce en cru ou vert. Au cours du traitement de frittage, elle se consolide et se densifie, ce qui entraîne une diminution de son volume. Il s’agit du phénomène de retrait. Ainsi, le frittage est généralement décrit à l’aide de deux grandeurs complémentaires. D’une part, la proportion du volume total de l’échantillon occupé par les pores est appelée porosité. D’autre part, le taux de densification, ou densité relative, représente le rapport entre la densité mesurée de l’échantillon et sa densité théorique, c’est-à-dire celle du matériau totalement dense, ne présentant aucune porosité. D’un point de vue technologique, le frittage naturel, réalisé sous air ou sous atmosphère contrôlée sans contrainte mécanique, est distingué du frittage sous charge où une pression extérieure est appliquée simultanément au chauffage. Ce dernier est tout particulièrement considéré pour des matériaux difficiles à fritter ou pour obtenir des densités relatives proches de l’unité.
D’un point de vue physico-chimique, deux types de frittage existent : le frittage en phase solide (cf. Section 1.4.1.2) et le frittage en phase liquide (cf. Section 1.4.1.3). Dans le premier cas, tous les constituants restent sous forme solide tandis que, dans le second, une quantité de liquide apparaît. Les mécanismes associés à chacun de ces frittages sont présentés ultérieurement. En outre, le frittage est dit non réactif si aucun nouveau constituant n’est formé au cours du traitement thermique. Dans le cas contraire, le frittage devient réactif. Ceci peut particulièrement se produire lorsque la poudre initiale comprend plusieurs éléments et/ou constituants.
D’un point de vue expérimental, le frittage est défini par les paramètres suivants : la température, le temps, les rampes de montée et de descente en température, l’atmosphère et la charge exercée. En outre, les conditions appliquées au compact sont à ajuster suivant ses caractéristiques de départ comme sa densité à cru ou la taille de ses particules. En effet, une densité à cru élevée favorise la densification [77] étant donné qu’initialement, le nombre de contacts entre les particules est important et que le volume des pores est faible. De même, une diminution de la taille des particules permet d’augmenter l’aptitude au frittage du matériau [78].
Enfin, étant donné que le frittage représente la première montée en température vue par le compact cru, le début de ce traitement peut correspondre à des phases de séchage, c’est-à-dire à l’évaporation de la phase aqueuse, et de déliantage, où les composés organiques, utilisés lors des étapes précédentes, sont éliminés.
Le frittage de poudres céramiques
Le frittage en phase solide
Le frittage en phase solide peut être monophasé ou polyphasé mais, dans tous les cas, l’ensemble des constituants restent sous forme solide au cours du traitement. D’un point de vue thermodynamique, un système dispersé tend toujours à évoluer vers un système massif afin de réduire son énergie.
Ce document a ete delivre pour le compte de 7200045072 – ecole des mines d albi carmaux // 194.167.201.135 superficielle. De plus, une force motrice du frittage réside dans la courbure des interfaces. En effet, celle-ci génère, au niveau des joints de grains, des contraintes mécaniques qui vont naturellement faire évoluer le milieu dans le sens thermodynamique.
Si le compact pulvérulent est porté à une température suffisante pour permettre le frittage lors d’un palier isotherme, sa densité relative va évoluer au cours du temps suivant une courbe similaire à celle représentée sur la Figure 1.15.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
1 Étude bibliographique
1.1 Les composites à matrice céramique oxyde/oxyde
1.2 Les aspects théoriques de la mise en suspension de particules céramiques
1.3 La rhéologie des suspensions
1.4 Le frittage de poudres céramiques
1.5 Bilan de l’étude bibliographique
2 Matériaux de l’étude et méthodes expérimentales
2.1 Les constituants élémentaires
2.2 La formulation des suspensions céramiques
2.3 Les méthodes associées à l’étude rhéologique
2.4 Les approches expérimentales de l’étude du frittage du système alumine-silice
2.5 La mise en œuvre et la caractérisation de CMC oxyde/oxyde
3 Caractérisation rhéologique des suspensions d’oxydes
3.1 Description du comportement rhéologique des suspensions
3.2 Influence de la concentration volumique en particules sur la viscosité
3.3 Influence de la proportion alumine-silice sur la fraction volumique solide maximale
3.4 Approche adimensionnelle des domaines de prédominance des phénomènes physiques mis en jeu
3.5 Conclusion du chapitre
4 Comportement de compacts de poudres alumine-silice au cours du frittage
4.1 Caractérisation des composés élémentaires
4.2 Étude du frittage du système alumine-silice
4.3 Liens avec les propriétés mécaniques
4.4 Conclusion du chapitre
5 Étude de CMC oxyde/oxyde : Nextel™ 610/Al2O3-SiO2
5.1 Caractérisation morphologique des matériaux composites pendant et après la mise en œuvre
5.2 Caractérisation mécanique des composites oxydes unidirectionnels
5.3 Conclusion du chapitre
Conclusion générale et perspectives
A Mouillage des suspensions d’oxydes
B Évaluation des propriétés élastiques de plaques CMC oxyde/oxyde par résonance acoustique
C Application de la théorie D.L.V.O. aux suspensions de silice
D Influence du ratio de tailles des particules sur la fraction volumique solide maximale
E Validation des mécanismes de frittage du système alumine-silice
Bibliographie
Nomenclature
Liste des figures
Liste des tables

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *