Les articulations entre lecture à haute voix-mise en voix et compréhension-interprétation d’un texte

Distinction entre lecture à haute voix, fluence et lecture oralisée

                 Lorsque l’on étudie le sujet de la lecture à haute voix, de nombreux termes émergent : lecture orale, lecture oralisée, lecture à haute voix, fluence… Il apparaît alors nécessaire, dans un premier temps, de clarifier ces termes et de bien les définir.
– Lecture à haute voix : La lecture à haute voix est une forme de lecture consistant à oraliser un texte pour un auditoire. « C’est une situation de communication qui permet, à la suite d’un travail individuel ou collectif sur le texte, de rendre compte de sa compréhension-interprétation du texte lu, de faire partager une (des) émotion(s) à un auditoire, grâce à des « techniques » mises en œuvre qui favorisent l’expressivité (silences, intonation débit, volume…) » . Dans cette activité, le lecteur communique nécessairement son interprétation à un auditoire. Il n’y a pas deux lecteurs qui lisent le texte de la même manière, il n’y aura jamais deux interprétations rigoureusement identiques. Chaque voix est singulière, l’interprétation peut être plus ou moins juste. Nous développerons ce point plus loin. Pour les élèves, apprendre à lire à haute voix, c’est être dans une situation de communication, c’est apprendre à communiquer un texte à un auditoire. Cette activité nécessite des apprentissages spécifiques. « La lecture à haute voix est une discipline à part, appartenant à la maîtrise de l’oral, prenant appui sur la lecture, mais extérieure à elle, qui doit faire l’objet d’un apprentissage spécifique, naturellement second par rapport à celui de la lecture », indique Eveline Charmeux dans son ouvrage « Apprendre à lire : échec à 4 l’échec ». « Il faut avoir lu pour lire à haute voix, il faut savoir ce que l’on a compris et ce que l’on veut faire comprendre. Bref, il faut avoir un projet de communication orale et être capable de le réaliser, et c’est ce qu’il faut apprendre. » Dans son ouvrage « La lecture à haute voix du CP au CM2 », Michelle Ros-Dupont (2004) précise également que « comprendre un texte ne se résume pas seulement à comprendre ce qu’un auteur a écrit, mais à émettre une interprétation personnelle du texte lu. Cette distinction précieuse – et insuffisamment soulignée – est lourde de conséquences pour les pratiques en classe […]. ».
– Lecture oralisée : La lecture à haute voix ne doit pas être confondue avec la lecture oralisée : dans cette activité, le lecteur découvre son texte, oralise une lecture. « Elle permet d’évaluer si les élèves sont capables de déchiffrer sans erreur, lire sans hésiter ni trébucher, marquer les liaisons courantes, respecter la ponctuation » La lecture oralisée renseigne l’enseignant 5 sur la qualité de décodage de l’élève. « Il s’agit d’une lecture « tâtonnée », dans laquelle le maître ne peut exiger la mise en œuvre des moyens de la lecture à haute voix (expressivité, intonation…) » . 6
– Fluence : Une automatisation du décodage permet au lecteur d’avoir une fluidité de lecture, ou fluence. La fluence de lecture (du latin « fluentia », « écoulement ») est définie comme la capacité à lire correctement et dans un temps imparti un texte continu, au rythme de la conversation et avec la prosodie adaptée . Cette lecture fluide favorise l’accès à la compréhension, précisent Martine Pourchet et Michel Zorman . « Des études ont montré la possibilité d’enseigner directement la fluence de lecture avec succès. Elles ont montré qu’il s’agissait d’une habileté négligée dans l’apprentissage de la lecture. Le niveau de fluence peut-être évalué et amélioré principalement grâce à la pratique de la lecture guidée et suivie à voix haute. » En outre, la fluidité de la lecture en contexte indiquerait une automatisation du décodage, libérant ainsi des ressources cognitives pour la compréhension. C’est ce qu’indique le guide ministériel « Pour enseigner la lecture et l’écriture au CP » : « Les chercheurs nous apprennent que la fluidité de lecture orale, ou fluence, est un prédicteur direct de la bonne compréhension en lecture (les élèves qui obtiennent les résultats les plus faibles sur le plan de la fluidité ont également les résultats les plus faibles en compréhension). Elle se développe par un entraînement à la lecture à haute voix, à partir de mots isolés, au moment des premiers apprentissages puis de textes préparés ». L’importance de cette automatisation du décodage est réaffirmée dans le guide ministériel dédié au niveau supérieur, « Pour enseigner la lecture et l’écriture au CE1 ». Ce guide souligne une nouvelle fois que « la compréhension, finalité de la lecture, passe par un déchiffrage hautement automatisé pour permettre aux lecteurs de se concentrer sur le sens de ce qu’ils lisent. [ ]… La maîtrise des correspondances graphèmes-phonèmes complexes, qui permet la lecture des syllabes puis des mots, est à consolider dès le début du CE1 afin d’assurer l’automatisation nécessaire à une lecture fluide, précise et rapide, indispensable à l’accès au sens. » D’après ces deux guides ministériels dédiés à l’enseignement de la lecture au CP et au CE1, on ne peut donc comprendre que si on a « automatisé » la lecture. Cette automatisation suppose rapidité et précision. Pour l’évaluer, on peut mesurer le score de fluence, « c’est-à-dire le nombre de mots (fréquents ou inventés) lus correctement dans le temps imparti. » Dans la partie méthodologie de ce mémoire, je présenterai plus en détails la mesure du score de fluence réalisée auprès de mes élèves.

Construire une culture commune

                La lecture à haute voix permet aussi la construction de la culture car elle favorise la rencontre de l’enfant avec la lecture et les compétences qui y sont associées. C’est le point de vue de Michelle Ros-Dupont (2004). Elle affirme que cette activité familiarise les élèves avec les livres, la poésie, la littérature. Elle leur permet d’apprendre à comprendre, apprendre à se faire comprendre et leur donne le goût de lire. En outre, « ces lectures contribuent fortement à la mise en mémoire des textes. Elle permet une bonne compréhension du texte par l’auditoire ». En plus de la construction d’une culture commune, la lecture à haute voix permet d’assurer la maîtrise de la langue. C’est ce que souligne le document d’accompagnement des programmes « Lire et écrire au cycle 3, Repères pour organiser les apprentissages au long du cycle » : « La maîtrise du langage et de la langue française est inséparable de l’acquisition des multiples facettes d’une culture littéraire, historique et géographique, scientifique et technique, corporelle et artistique. Les élèves doivent être familiarisés avec les activités réflexives et métalinguistiques sur la langue française. L’aller et le retour entre des usages à la fois denses et diversifiés du langage oral et écrit – deux heures chaque jour – et l’activité réflexive assurent la maîtrise de la langue. »

Les outils pour aller des besoins à l’apprentissage

               Michelle Ros-Dupont (2004) catégorise deux types d’outils : ceux à utiliser en classe et ceux à construire en classe.
– Les outils à utiliser en classe : La lecture à haute voix renvoie, dans l’imaginaire collectif, à l’image un peu surannée du pupitre permettant de tenir les livres et les feuilles qui ont une fâcheuse tendance à tomber. Michelle Ros-Dupont indique que le pupitre délimite également l’espace : celui réservé au lecteur et celui du public. Son intérêt premier est qu’il permet à l’élève de s’exercer à ce que Ros-Dupont appelle « le lever d’yeux » : lire et regarder en même temps son auditoire. Ce n’est pas un exercice aisé, regarder son public impressionne. Mais la position du texte maintenu à la verticale par le pupitre facilite cet exercice. Le pupitre permet également de « mettre le texte debout », selon l’expression de Bada et Robinet, au sens propre comme au figuré. Le chronomètre et le métronome peuvent permettre aux élèves de « mesurer » et d’améliorer des compétences techniques comme le rythme de la parole, la respiration… Ces outils apportent aussi une dimension ludique à l’apprentissage de la lecture à haute voix puisque les élèves peuvent s’essayer à suivre un rythme, en changer, lire en contretemps… En outre, ces outils habituent l’élève à la recherche d’une diction agréable. Les dictaphones ou l’enregistrement vidéo sont aussi des outils à exploiter, car ils permettent de conserver une trace de l’oral, de « garder la mémoire de ce qui est prononcé ». « Il garde la trace du texte lu, des intonations, du débit, des savoirs et des erreurs : comment avait-on lu ce passage ? Quelle façon de lire, quelle intonation avait-on adoptée ? Ai-je respecté ce que j’avais prévu dans ma préparation ? » Écouter sa production permet à l’élève une auto-évaluation formative, c’est-à-dire une analyse réflexive de sa propre pratique. De plus, l’enregistrement sonore ou vidéo peut être stimulant et grâce à son caractère exceptionnel et ludique, permet d’inciter les enfants les plus réticents à prendre la parole.
– Les outils à construire en classe : Michelle Ros-Dupont souligne aussi la nécessité de créer des outils « sur-mesure » en classe, adaptés aux besoins divers des élèves. Ils peuvent prendre différentes formes : affiches, fiches d’aide individuelles, grilles d’évaluation et d’autoévaluation… Ce sont les outils de l’apprentissage « parce qu’ils participent à sa construction et en gardent la mémoire. Ils explicitent les savoirs et les compétences à acquérir, les techniques utiles pour s’approprier ces mêmes savoirs et compétences. Leur emploi clarifie des attentes scolaires qui, sans eux, resteraient obscures et donc peu accessibles aux élèves » (Micelle Ros-Dupont, 2004). Ces outils construits en classe sont des outils de référence et doivent nécessairement être construits avec les élèves eux-même. Ils participent à l’évaluation formative car ils fournissent des éléments concrets qui explicitent les compétences et les mesurent.

Identifiable par des repères pris dans la lecture à haute voix

              Après avoir observé la verbalisation des choix d’interprétation des élèves, nous allons étudier le « produit lecture à haute voix » lui-même. Tous les élèves ont su articuler lors de leur lecture et utiliser leur souffle. Deux élèves n’ont pas systématiquement oralisé les liaisons, mais globalement, ce critère de réalisation était maîtrisé. Moduler son intonation est un critère de réalisation qui ne semble pas avoir posé de problème, puisque les deux tiers des élèves y sont parvenus. L’intonation des élèves était juste : elle restituait la tonalité générale du texte. Les mots devant être accentués ou prononcés de façon particulière ont été repérés : l’intonation qu’ils portaient a été mise en évidence. Les paroles des personnages ont été identifiées et associées à l’expression d’un sentiment. En outre, les élèves, dans leur grande majorité, on su varier leur manière de lire le texte. Sur quinze élèves, dix d’entre eux ont su adapter l’intensité de leur lecture à l’intention de communication et à la situation : ils ont adapté l’intensité de leur lecture aux signes de ponctuation (intensité linguistique). L’intensité était également interprétative, c’est-à-dire liée aux sentiments exprimés. Ces dix élèves ont été capables de prendre en compte leur auditoire et de moduler leur voix en conséquence. Ils ont su énoncer une partie du texte d’une voix normale, un autre d’une voix très douce, une autre d’une voix puissante. Ce qui semble poser le plus de difficultés aux élèves est d’adapter leur débit à l’intention de communication. En effet 6 élèves avaient un débit un peu trop lent, ou au contraire trop rapide, haché, avec des pauses mal placées ou absentes dans la lecture. En ce qui concerne le timbre de voix, certains élèves ont lu d’une voix dynamique, claire, douce ou forte, parfois voilée ou chaude. La grande majorité des élèves se sont engagés pleinement dans l’activité et leur plaisir de lire à haute voix était manifeste. En revanche, trois élèves ont lu d’une voix fluette, presque inaudible, d’une voix dénuée d’enthousiasme ou monocorde, ce qui dénotait l’absence de plaisir ou peut-être la crainte de lire à haute voix devant les autres.

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Table des matières

1. Introduction 
2. Cadre théorique 
2.1 La lecture à haute voix 
2.1.1 Distinction entre lecture à haute voix, fluence et lecture oralisée
2.1.2 Deux voies pour identifier les mots
2.1.3 Historique de la lecture à haute voix
2.1.4. La lecture à haute voix dans les programmes de 2018
2.2 Les enjeux de la lecture à haute voix 
2.2.1 Apprendre à s’exprimer à l’oral
2.2.2 Construire une culture commune
2.2.3 S’approprier un texte pour le « mettre debout »
2.2.4 S’approprier un texte pour mieux le comprendre
2.3 L’enseignement de la lecture à haute voix 
2.3.1 Identifier les savoirs et les besoins des élèves
2.3.2 Les outils pour aller des besoins à l’apprentissage
2.3.3 L’évaluation
2.4 Question de recherche et hypothèses 
3. La lecture à haute voix expérimentée en classe 
3.1. Contexte 
3.1.1 L’échantillon
3.1.2 Les savoirs des élèves
3.1.3 Description du dispositif didactique
3.2 Méthodologie
3.2.1 Le recueil qualitatif de données
3.2.2 Les outils d’analyse
4. Analyse des résultats 
4.1 Du lien entre lecture à haute voix-mise en voix et compréhension- interprétation 
4.1.1 Identifiable par les verbalisations des choix d’interprétation des élèves
4.1.2 Identifiable par des repères pris dans la lecture à haute voix
4.2. Du lien entre fluidité de lecture et compréhension-interprétation 
4.3 Analyse de profils d’élèves
4.4. Bilan des résultats d’analyse 
5. Discussion
5.1. Recontextualisation 
5.2. Une compréhension à nuancer 
5.3. Limites et perspectives 
6. Conclusion 
7. Bibliographie 
8. Annexes

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