Prรฉsentation du corpus iconographique
Charlemagne domine l’รฉpoque mรฉdiรฉvale par son aura. La lรฉgende s’empare trรจs vite du personnage qui est le restaurateur d’un empire, le fondateur de l’Empire d’Occident. Vรฉritable roiยญempereur modรจle il devient un enjeu multiple. Sa survivance se retrouve dans l’art sous diverses formes mais aussi dans divers domaines variรฉs de l’histoire, mรชme les plus inattendus. Sa figure, par exemple, est prรฉsente ร Andorre oรนl’hymne national est un chant sur Charlemagne.
Charlemagne a rรฉussi ร capter l’imaginaire populaire avec une trรจs forte intensitรฉ. Cependant, il a aussi accaparรฉ les penseurs politiques qui crรฉรจrent sa lรฉgende qui, ร chaque รฉtape de sa construction, correspond ร une attente politique. Idรฉalisรฉ comme empereur d’Allemagne, premier roi de France adulรฉ ou encore exemple de saint, il est le personnage ร la genรจse d’un renouveau dans l’Occident mรฉdiรฉval. Sa personnalitรฉlui vaut d’รชtre immortalisรฉ par l’รฉpopรฉe franรงaise, souvent en relation avec des lรฉgendes gravitant autour de la mort de Roland, voire plus globalement autour de l’Espagne.
Charlemagne est alors l’un des personnages les plus importants ร l’รฉpoque mรฉdiรฉvale du fait de l’inspiration qu’il donne aux penseurs politiques et de son importance dans les milieux populaires. Il ne fait aucun doute que Charles doit รชtre parmi les personnages les plus connus et aimรฉs ร la pรฉriode mรฉdiรฉvale. Tout le monde le connaรฎt et sait qu’elles sont ses prouesses. Il est totalement diffรฉrent de ce qu’il est aujourd’hui et se dรฉcline dans l’art sous diverses formes comme nous allons le voir dรจs ร prรฉsent.
Outre les reprรฉsentations de Charlemagne en peinture, sculpture ou encore tissรฉes, l’essentiel de notre corpus repose sur des enluminures. En effet notre corpus iconographique comporte soixanteยญsix reprรฉsentations de Charles dont cinquante ยญsept sont des enluminures, soit 86,4% des images, rรฉparties dans trenteยญsix manuscrits. De fait, l’enluminure est sans conteste le support privilรฉgiรฉ, ce qui n’est pas anodin car l’enluminure accompagne un texte. L’image dans le rรฉcit retrace un paragraphe, un passage ou une idรฉe.
Elle est une synthรจse graphique de l’รฉcrit. Or, on sait que Charlemagne est depuis le IXe siรจcle un personnage rรฉcurent dans la littรฉrature. De l’apparition du premier grand genre littรฉraire que sont les chansons de geste aux grandes compilations historiques, Charles est omniprรฉsent dans le monde des lettrรฉs, il est un ยซ hรฉros ยป de premier plan. Ainsi, avec la vague de copies des manuscrits des XIV e et XVe siรจcles, impulsรฉe en grande partie par Charles V et ses frรจres, et l’importance de Charlemagne pour la famille des Valois, l’empereur se retrouve, bien รฉvidemment, trรจs prรฉsent dans l’enluminure. Nous allons voir en deux temps ce corpus iconographique. Tout d’abord nous aborderons les enluminures, verrons qu’elles sontยญelles et d’oรน cellesยญci proviennent avant de nous pencher, dans un deuxiรจme temps, sur les autres formes d’art oรนla figure de Charlemagne est prรฉsente.
Charlemagne dans l’enluminure
Les reprรฉsentation de Charles au XIVe siรจcle
Les deux premiรจres miniatures de notre corpus appartiennent au mรชme manuscrit, une version Allemande de la chanson de Roland. Composรฉe par un moine que l’on nomme le Stricker, cette version est diffรฉrente de la chanson franรงaise. Le Karl der Grosse du Stricker est une sorte de ยซ troisiรจme version ยป de la chanson de Roland. En effet, hormis la version franรงaise, il existait dรฉjร dans l’Empire une autre version allemande antรฉrieure ร celle du Stricker; le Ruolantes Lietdu prรชtre Conrad qui faisait รฉgalement dรฉbuter son rรฉcit diffรฉremment. Ainsi, la version du Stricker commence d’une troisiรจme maniรจre: un ange vient remettre ร Charlemagne une รฉpรฉe et un cor extraordinaire , les cรฉlรจbres Durandal et Olifant de Roland. C’est prรฉcisรฉment ce que montre la premiรจre image, fol. 3 vยฐ(fig.1), placรฉe au dรฉbut du texte et qui se prรฉsente en deux parties : sur la partie supรฉrieure, Charlemagne reรงoit d’un ange une รฉpรฉe et un cor avec pour ordre de les remettre ร Roland ce qu’il fait sur la partie infรฉrieure de l’image.La seconde reprรฉsentation, fol. 52 vยฐ(fig.2), est, elle, plus conforme au rรฉcit franรงais. Elle comporte quatre illustrations diffรฉrentes, deux sur chacun des registres. Cette peinture est celle qui comporte le plus de thรจmes diffรฉrents en images. On peut y voir, ร gauche, Roland en armure tentant de briserDurandal avant de tendre sonย gant ร saint Michel, ร droite dans la partie supรฉrieure. Au registre infรฉrieur, Charlemagne dรฉcouvre le corps de Roland dont la main tient toujours son รฉpรฉe que le roi Charles reprend. Enfin, ร droite dans ce registre infรฉrieur, Charlemagne, Durandal ร la main, parle ร un ange qui vient de lui apparaรฎtre. Ces deux miniatures sont importantes dans notre propos car elles prรฉsentent le lรฉgendaire de la monarchie carolingienne et l’importance du merveilleux dans les rรฉcits qui gravitent autour de la figure de Charlemagne. Sur les sept scรจnes, trois font intervenir un ange. Les peintures sont du style du Bodensee , situรฉen Rhรฉnanie et connu en France comme รฉtant la rรฉgion du lac Constance . Prenant presque toute la page, seules quelques lignes les prรฉcรจdent ou leurs succรจdent, comme le dรฉmontrent les deux images de notre corpus.
Cet รฉcrit de SaintยญGall est inยญfolio sur parchemin, mis en forme vers 1300, ce qui en fait les plus anciennes miniatures en notre possession pour cette รฉtude. Il est composรฉde deux textes, la Weltkronikde Rudolf von Ems (folio 1ยญ215) suivi du Karl der Grosseavec soixanteยญseize folios et onze grandes peintures . Toutes les peintures sont divisรฉes en deux parties avec, ร chaque fois, deux images superposรฉes. Le nombre de sujets prรฉsents en image indique que le texte eut droit ร une illustration systรฉmatique des principaux รฉpisodes du Karl der Grosse.Cependant certains รฉvรฉnements ne sont pas prรฉsents car il semble que ยซ le manuscrit de la Stadtbibliothek de Saint Gall contenait primitivement non pas onze mais quinze grandes peintures qui en faisaient un recueil extrรชmement luxueuxยป.
Suivant un ordre chronologique sur l’รฉtablissement des miniatures, la troisiรจme reprรฉsente deux รฉvรจnements : ร gauche le testament de Charlemagne, personnage immense comparรฉ ร tous les autres de la peinture, ร droite le couronnement de Louis le dรฉbonnaire (fig.3). Cette image appartient, sembleยญtยญil, au style du Brabant de la premiรจre moitiรฉ du XIVe siรจcle et est mentionnรฉe dans la bibliothรจque des ducs de Bourgogne pour la premiรจre fois en 1467 dans un inventaire de Philippe le Bon. Le manuscrit dont elle est issue se trouve ร la Bibliothรจque royale de Bruxelles, connu sous la cote manuscrit 5. Il s’agit d’une copie des Grandes Chroniques de France. Estimรฉavoir รฉtรฉcopiรฉet enluminรฉ entre 1321 et 1340, il se compose de trois cent quaranteยญquatre feuilles et รฉcrit sur trois colonnes de quaranteยญhuit lignes . Il comporte deux grandes miniatures qui remplissent toute la largeur de la page, la miniature qui nous intรฉresse, folio 151 (fig.3), est l’une de cellesยญci. Les Grandes chroniques de Franceou le roman des roys, comme lโรฉtait son nom ร l’origine, est une ลuvre majeure dans lโรฉtude de l’iconographie de Charlemagne.
Commandรฉ directement par le pouvoir, crรฉรฉ par les moines de SaintยญDenis avant d’รชtre placรฉ sous l’autoritรฉ royale ร partir de Charles V, ce rรฉcit, ร travers le texte et ses miniatures, met en exergue le discours politique de la royautรฉfranรงaise et son rapport avec Charles 1er . Roi modรจle, les dynasties capรฉtiennes puis les Valois affichent et affirment leur lien du sang avec les Carolingiens, Charlemagne en premier lieu, pour lรฉgitimer leur place sur le trรดne. Il peut paraรฎtre troublant de voir ce texte exรฉcutรฉdans la rรฉgion du Brabant ร une รฉpoque oรน la guerre de cent ans dรฉbute. En effet, en ce dรฉbut de guerre, le duc de Brabant se rapproche de l’alliance anglaise et combat contre la France avant de s’allier ร celleยญci vers 1340, soit la date de la fin de la rรฉdaction de ce manuscrit. Quoi qu’il en soit, il se retrouve par la suite dans la bibliothรจque de Philippe le Bon ce qui montre combien celuiยญci accordait d’importance ร la littรฉrature, lui qui รฉtait, peut ยญรชtre, le plus grand collectionneur et mรฉcรจne de son รฉpoque.
Charlemagne dans l’enluminure du XV e siรจcle : une multiplication des thรจmes ?
Avant d’aborder ร proprement parler l’iconographie de Charlemagne au XVรจ siรจcle, il convient d’รฉvoquer un peu le mรฉcรฉnat des princes aux fleurs de lis. En effet, on constate que la figure de Charles subit une transformation dans l’enluminure du XVe siรจcle en France et ce changement vient du fait de la politique des Valois vis ร vis de l’art. C’est sous le rรจgne de Charles V, ร la fin du XIVe siรจcle, que les arts prennent nettement plus dโimportance que auparavant. Les artistes sont plus sollicitรฉs par les grands du royaume et, avant tout, par le roi et ses frรจres. La nouvelle place du livre dans cette sociรฉtรฉ, et surtout pour le souverain, provient de la recherche d’un roi sage et savant : ยซ la sagesse est la vertu des rois. Et Salomon le modรจle du prince idรฉal ยป . Jacques Krynen a bien montrรฉ, pour les auteurs du Moyenยญรge, la nรฉcessitรฉ dโun savoir royal comme cโรฉtait le cas dans lโantiquitรฉ. En effet, ร cette pรฉriode de lโhistoire, on redรฉcouvre et utilise les textes grecs ou latins et, en premier lieu, les รฉcrits de science politique tels ceux dโAristote. On attend donc du roi quโil ne soit pas seulement empli dโune grande culture gรฉnรฉrale mais qu’il atteigne la perfection et maรฎtrise tous les domaines. En ce sens, le roi Charles V correspond amplement ร lโattente de ces penseurs. En effet, il fait rรฉaliser de nombreuses copies.
Collectionneur, il a lโhabitude dโinscrire quelques mots en autographe dans ses livres.
Cโest un patron des arts : il reconstruit le Louvre en 1367 et y fonde, dans une des tours, une bibliothรจque qui sโenrichit rapidement de manuscrits prรฉcieux et de textes rares auxquels les savants ont accรจs. C’est la premiรจre Librairie royale qui deviendra des siรจcles plus tard la Bibliothรจque Nationale de France. Le surnom de Sage qu’on lui a attribuรฉ provient en partie de cette soif de lecture et dโapprentissage dont il faisait preuve. En outre, dans la mรชme optique que Louis IX avec les Grandes Chroniques de France dont le texte รฉtait รฉcrit en franรงais, Charles V entreprend une politique de vulgarisation et fait traduire en franรงais de nombreux ouvrages scientifiques et techniques, des traitรฉs dโastrologie et dโhistoire. Avec son importante bibliothรจque le roi veut former une รฉlite administrative qui doit รชtre extrรชmement cultivรฉe. On attend รฉgalement du roi quโil soit sage. Or la sagesse sโacquiert par lโรฉtude et la connaissance de la bible, et le roi se doit d’รชtre cultivรฉ dans tous les domaines possibles. Charles V fait de Paris une capitale de rayonnement politique et culturel. Nรฉanmoins, celuiยญci n’est pas le premier ร avoir fait traduire des textes antiques en franรงais. Son pรจre Jean II l’avait fait avant lui. Cependant, Charles le Sage est celui qui a vรฉritablement impulsรฉcette pratique. Aprรจs lui, les autres membres de la famille des Valois deviennent de grands mรฉcรจnes tel Philippe le Bon qui est, parmi les ducs de Bourgogne, celui qui a le plus fait pour lโart. On ยซ peut affirmer, sans grande crainte dโรชtre dรฉmenti, que le premier โโgrand duc dโOccidentโโ rรฉserva ses faveurs les plus attentives ร ses sculpteurs et bien plus encore aux peintres de gรฉnie qui illustrรจrent sa Cour, centre artistique sans รฉgal dans toute la chrรฉtientรฉ ยป . Ainsi au temps de Philippe le Bon, la Bourgogne est en pleine expansion artistique, elle est devenue le plus grand foyer dโarts de lโOccident, ร lโopposรฉ de la France de Charles VII et de Louis XI. La cour de Bourgogne est le lieu de lโamour des arts : peinture, sculpture, musique, poรฉsie et littรฉrature.
Cette brรจve incursion dans le domaine du mรฉcรฉnat terminรฉe, abordons ร prรฉsent les miniatures de notre corpus.
La premiรจre que nous utilisons n’est pas franรงaise mais provient de l’Empire. Il s’agit d’une peinture reprรฉsentant l’octroi du ยซ Sachsenrecht ยป (droit saxon) au duc Widukind par Charlemagne (fig.27) et qui est, selon H. Reinecke, l’ลuvre du maรฎtre du tableau d’or . Charles, ร gauche sur l’image, est assis sur son trรดne et tend ร Widukind, ร genoux devant lui, un livre que ce dernier prend dans ses mains. Cette image a trait ร la tradition juridique et, plus exactement, au livre de droit, le Sachsenpiegel, dont un exemplaire se trouve dans la ville de Lunebourg, en BasseยญSaxe, sous la cote ms. Jurid.2.
Ce manuscrit date de 1405 et l’on sait qu’il provient justement de Lunebourg car les armoiries de la ville sont peintes sur cette unique enluminure du manuscrit. Il s’agit du droit civil et fรฉodal saxon, dans une version en dialecte bas allemand glosรฉ, constituรฉ en trois livres, รฉcrit sur des feuilles de vingtยญsix lignes, sur deux colonnes.
Robert Folz, dans son travail sur la lรฉgende de Charlemagne dans l’Empire germanique, parle d’un autre manuscrit du Sachsenpiegel, prรฉsent lui aussi ร Lunebourg, aux archives municipales, et qui date de la fin du XIVe . Il nous dit que ce manuscrit Les deux miniatures sont semblables, seules les armes de la ville changent. Charlemagne est trรจs prรฉsent dans l’Empire mais il semble plus attachรฉ ร des principautรฉs par leurs histoires dans lesquelles il apparaรฎt. Certains, voient en lui le ยซ pรจre ยป d’une lignรฉe illustre destinรฉe ร rรฉgner, comme le Brabant semble l’affirmer, alors que pour les Saxons, il est avant tout celui qui leur a donnรฉleur droit. Charles reste dans les mรฉmoires pour ses actes et sa survivance dans l’Empire mais semble l’รชtre plus au niveau local que national. Il n’y a pas ici de discours officiel comme le sont en France les Grandes chroniques de France d’oรนproviennent les enluminures suivantes.
Les trois peintures (fig.28, 29 et 30) montrent un Charles historique. Il existe quatre enluminures sur lesquelles l’empereur est prรฉsent dans le manuscrit du XVรจ siรจcle. Trois d’entre elles reprรฉsentent des รฉvรจnements historiques, que l’on retrouve dans les Annales Regni Francorum, images qui mettent l’accent sur le Charlemagne historique et non le Charlemagne lรฉgendaire. La premiรจre montre un thรจme encore non traitรฉ jusqu’ร prรฉsent: le jugement des persรฉcuteurs de Lรฉon III par le roi. Le 25 Avril 799, le pape, se rendant ร cheval ร l’รฉglise SaintยญLaurent pour la procession des Litanies, est attaquรฉpar des Romains. Prรฉcipitรฉde son cheval, battu, il est laissรฉ pour mort. En 800, le 24 novembre,Charles convoque ร Rome une assemblรฉe et examine les accusations contre le souverain pontife, ce que reprรฉsente cette image. La fig.29 prรฉsente, elle, un thรจme qui devient rรฉcurent au XVe siรจcle, la construction d’AixยญlaยญChapelle, et la derniรจre image dรฉpeint le roi avec son fils ร Rome. Cette derniรจre miniature se trouve au dรฉbut de la chronique de Louis le Dรฉbonnaire, au folio 134 du manuscrit . Toutes sont extraites du manuscrit 0637 de Valenciennes. Datรฉdu premier quart du XVe siรจcle, il est copiรฉ et enluminรฉ ร Paris. La dรฉcoration des pages y est importante et faite de dorure tels les encadrements ou, dans les marges, des motifs de feuilles dorรฉes. Les miniatures prรฉcรจdent ou succรจdent aux rubriques symbolisรฉes par la couleur du texte รฉcrit en rouge. Les peintures se prรฉsentent essentiellement sous la forme d’une bichromie, noir et blanc, avec parfois un fond colorรฉ.
Dans l’ensemble il n’y a quasiment pas de couleur dans ces enluminures exceptรฉ le rouge, mais qui reste de faรงon marginale et qui semble lร uniquement pour donner un peu de couleur aux personnages, et le dorรฉ. En effet, l’or est toujours utilisรฉ pour la couronne de l’empereur et parfois, sur ses vรชtements ainsi que sur ceux du Pape. Tirรฉ, encore, des Grandes Chroniques de France le manuscrit provient de la bibliothรจque de Philippe le Bon. Ce qui tรฉmoigne de l’importance des ducs de Bourgogne, amateurs d’art, de littรฉrature et grands mรฉcรจnes.
Charlemagne : l’insatiable guerrier ?
Il est des rois qui laissent une trace dans l’histoire par leurs actions, leurs victoires, voire leurs รฉchecs. Souvenonsยญnous de saint Louis qui est frรฉquemment assimilรฉau roi qui rendait la justice sous un arbre. Charlemagne ne dรฉroge pas ร cette rรจgle. Cependant ce qui persiste n’est pas forcรฉment le plus important. Nous pouvons voir deux grandes pรฉriodes politiques diffรฉrentes pendant le rรจgne de Charlemagne. Pour schรฉmatiser, l’une correspond ร l’avant couronnement impรฉrial, la seconde ร l’aprรจs. Celle postรฉrieur aucouronnement est le moment des grands travaux d’organisation de l’Empire et sa protection, pรฉriode d’un Charles qui travaille ร la consolidation des acquits des conquรชtes tandis que l’autre pรฉriode est une รฉpoque de conquรชte de territoire s’accompagnant d’une christianisation. Charlemagne est alors un roi guerrier, propagateur de la foi chrรฉtienne ainsi que son dรฉfenseur. C’est cette รฉpoque que les chansons de gestes vont exalter par leur textes, l’image de l’infatigable guerrier s’instaure pour de nombreuses annรฉes. Aujourd’hui encore cette vision du roi guerrier est profondรฉment ancrรฉe dans les esprits, preuve que de Charlemagne c’est le mythe qui persiste. Gรฉnรฉralement quand on pense ร un guerrier ร l’รฉpoque mรฉdiรฉvale la premiรจre image qui nous vient est celle d’un homme revรชtu d’une armure, une รฉpรฉe ร la main. Or l’รฉpรฉe dans la main d’un roi ne veut pas nรฉcessairement mettre en avant un quelconque aspect guerrier. Alors que l’armure, elle, tient plus de cette idรฉe. Le voitยญon souvent en armure ? Le tableau ci ยญdessous peut nous aider ร rรฉpondre ร cette interrogation.
Les attributs fonctionnels
Le roi Franc n’est pas, en image, reprรฉsentรฉ uniquement par des attributs distinctifs. L’image passe aussi et surtout par des attributs fonctionnels du roiยญempereur, que ce soit en France ou dans l’Empire. Le culte des insignes est un moyen d’exalter la majestรฉ impรฉriale et royale. Il s’agit aussi, ร travers elle, de rรฉpandre l’image de Charlemagne. C’est une idรฉe que l’empereur Charles IV mit ร profit en rattachant les insignes impรฉriaux ร son illustre devancier , action que poursuivit son fils, Sigismond. Dans le processus d’identification des insignes de Charlemagne ร l’Empire, Charles IV ne part pas de rien. Tout d’abord plusieurs auteurs des siรจcles passรฉs ont familiarisรฉยซ leurs lecteurs avec divers attributs de souverainetรฉde Charlemagneยป. En outre, cet empereur s’appuie sur le modรจle franรงais. En effet, Charles IV ayant sรฉjournรฉ ร Paris, savait que les rois de France s’enorgueillissaient de possรฉder des objets qui avaient appartenu ร Charlemagne, conservรฉs ร SaintยญDenis, et qui rehaussaient le prestige de la dynastie franรงaise.
L’รฉpรฉe de Charlemagne
De tous les insignes de Charlemagne qui se retrouvent en France et dans l’Empire, certains sont uniques et propres ร un territoire donnรฉ, d’autres sont communs aux deux avec, cependant, des diffรฉrences. C’est le cas de l’รฉpรฉe de Charlemagne. En France, parmi les regalia se trouve l’รฉpรฉe dite de Charlemagne, connue sous le nom de ยซ Joyeuse ยป et cรฉlรฉbrรฉe dans les chansons de geste. Celleยญci n’est pas homogรจne puisque plusieurs parties proviennent d’รฉpoques diffรฉrentes, dont le pommeau est le plus ancien et date des XeยญXe siรจcle. Cette arme est ยซ depuis le XIIIe siรจcle, considรฉrรฉe comme l’รฉpรฉe de Charlemagneยป . Nรฉanmoins, l’Empire possรจde lui aussi son รฉpรฉe dite de Charlemagne, appelรฉe ยซ glaive de Charlemagne ยป ยญnom purement symbolique ยญ qui est en rรฉalitรฉ une crรฉation du XIIIe siรจcle. Cette รฉpรฉe, comme nous le dit Robert Folz, est un travail sicilien et il est ยซ possible qu’il ait รฉtรฉ commandรฉ par Frรฉdรฉric II avant son sacre impรฉrial en 1220ยป.
La question sur l’รฉpรฉe n’est pas de savoir si Charlemagne est reprรฉsentรฉavec l’รฉpรฉe A ou B dans l’iconographie des XIV eet XVe siรจcles mais nous nous apercevons que celleยญ ci prend une place trรจs importante dรจs le XIIIe siรจcle et s’insรจre dans le combat idรฉologique entre la France et l’Empire pour la ยซ paternitรฉ ยป de Charles. Symbole de la royautรฉet de la justice, l’รฉpรฉe est un signe fonctionnel presque aussi important que la couronne ou le sceptre. Or dans l’iconographie cette รฉpรฉe n’est guรจre plus importante que l’armure, comme le montre le tableau ciยญ dessous.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PARTIE1
CHARLEMAGNE DANS LES SOURCES MรDIรVALES AUXXIVE ETXVE SIรCLES
CHAPITRE1 โ PRรSENTATION DU CORPUS ICONOGRAPHIQUE
1 ยญ Charlemagne dans l’enluminure
2 ยญ La survivance de Charlemagne dans l’art : quelques reprรฉsentations sur des supports diffรฉrents
CHAPITRE2 โ ATTRIBUTS ET CONTEXTES
1 ยญ Les reprรฉsentations de Charlemagne en Occident : Origines gรฉographiques et thรฉmatiques
2 ยญ Attributs distinctifs de Charlemagne
2 ยญ Les attributs fonctionnels
CHAPITRE3 โ LE RรLE DECHARLEMAGNE DANS LES SOURCES LITTรRAIRES DUMOYENยญรGE: D’EGINHARD รDAVID AUBERT
1 ยญ Aux origines du mythe
2 ยญ vers la lรฉgende
PARTIE2
CHARLEMAGNE, UNE FIGURE MULTIPLE ร LA FRONTIรRE DE DEUX MONDES
CHAPITRE4 โ CHARLEMAGNE NOUVEAUDAVID
1 ยญ Charlemagne dans la correspondance d’Alcuin
2 ยญ Le ยซ roi des derniers jours ยป
3 ยญ Charles dans La Citรฉde Dieu
CHAPITRE5 โ CHARLEMAGNE, UN ROI TRรS CHRรTIEN
1 ยญ Les relations de Charles avec l’รglise
2 ยญ Charlemagne et le merveilleux chrรฉtien : les avisions et leurs consรฉquences
CHAPITRE6 โ UN ROI GUERRIER: DES EXPรDITIONS HISTORIQUES AU PREUXCHARLEMAGNE
1 ยญ Charlemagne dans le De Casibus de Boccace
2 ยญ Charlemagne et la persistance de chanson de geste : Le cas de Renaud de Montauban en Bourgogne
3 ยญ Le roi croisรฉ
4 ยญ Charlemagne et les Preux
PARTIE3
UN SYMBOLE DE POUVOIR ET DE LรGITIMITร
CHAPITRE7 โ CHARLEMAGNE ET L’EMPIRE: ENTRE SAINT PATRON ET PRรFรRENCE RรGIONALE
1ยญCharles, saint patron de l’Empire
2 ยญ Une cristallisation du souvenir dans des foyers rรฉgionaux : Charlemagne et la tradition juridique
CHAPITRE8 โ CHARLEMAGNE ET LA PROPAGANDE FRANรAISE
1 ยญ Charlemagne : un symbole du pouvoir
2 ยญ Une Continuitรฉdynastique
CHAPITRE9 โ VERS L’รDIFICATION D’UNยซ รTAT MONARCHIQUE ร VOCATION ABSOLUTISTE ยป : EXEMPLE D’UNE IDรE ร
TRAVERS LE ROI TRรNANT
1 ยญ รvolution d’une image
2 ยญ ยซ Rex est Imperator in suo regno ยป
CONCLUSION
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