Argiles
Le terme Argile trouve son origine dans le mot grec Argilos dont la racine Argos signifie blanc. L’argile est une matière première depuis la plus haute antiquité dans toutes les civilisations ; c’est ainsi que les plus anciennes céramiques du monde ont été découvertes sur les berges du fleuve Amour en Russie orientale. Trois sites sont à noter : Gasya, Gromatukha et Chemigovka. Les datations radiocarbones sont de 10.875-12.960 BP pour Gasya, 10.400-13.300 BP pour Gromatukha et 8.000- 11.000 BP pour Chemigovka (Hyland et al.). En Extrême-Orient, on a trouvé des figurines datées de – 10000 ans. On a signalé des découvertes d’objets en argile, au Proche Orient, au bord du Niger, dans le Hoggar vers -9300 ans et un peu plus tard, au Sud Ouest du Fezzan. (Caillère et al. 1989) .
Les constituant des argiles sont des minéraux, qui sont extrêmement petits (Meunier 2006). Pour en connaître la nature, la structure et la classification, il fallut attendre les techniques raffinées qui se sont offertes aux minéralogistes au XXème siècle. Les minéraux argileux sont en forme de feuilles ou de lattes microniques, d’où leur nom de phyllites. Ils appartiennent, comme les micas au groupe des phyllosilicates. Chaque cristal est composé de quelques centaines de feuillets empilés, de taille nanométrique. C’est la structure du feuillet élémentaire qui caractérise l’espèce minérale. Chaque feuillet est composé de deux, trois ou quatre couches planes associées (Millot 2002).
Il existe deux sortes de couche, selon que les oxygènes ou hydroxyles sont associés en tétraèdres ou en octaèdres. Dans la couche tétraédrique la cavité des tétraèdres est occupée par le cation silicium, qui peut être substitué par de l’aluminium. Dans la couche octaédrique la cavité octaédrique est occupée par des petits cations de (Al3+, Fe3+, Mg2 ). Au cas où les charges positives et négatives ne s’équilibrent pas, il en résulte une charge du feuillet et d’autres cations viennent se loger entre les feuillets pour équilibrer l’édifice. Ici résident les capacités d’échange des argiles et leur pouvoir adsorbant. Les minéraux de la famille de la kaolinite : kaolinite, halloysite, dickite et nacrite sont des minéraux à deux couches. Une couche tétraédrique à cœur de silicium et une couche octaédrique à cœur d’aluminium. La formule chimique structurale est Si2Al2O5(OH)4. L’équidistance interfoliaire est de 7 Å. Les illites sont des argiles à trois couches, une couche octaédrique associée avec deux couches tétraédriques dans lesquelles une partie des siliciums est remplacée par des aluminiums. Les ions aluminium de la couche octaédrique peuvent être remplacés par les ions Mg et Fe et des ions de potassium assurent la neutralité de l’ensemble, en positions interfoliaires. L’équidistance interfoliaire est de 10 Å.
Les smectites ou la famille de montmorillonites sont bâties sur le même modèle que les illites. La variation de composition du groupe des smectites est liée à la présence de différents cations échangeables, faiblement retenus étant donné la faible charge cationique. Les smectites comprenant des cations divalents Mg ou Ca contiennent 2 couches d’eau dans l’interfoliaire. L’équidistance interfoliaire est de.14-15Å. Par contre, les smectites avec des cations monovalents comme le Na ne contiennent qu’une seule couche d’eau (d = 12 Å).
Les minéraux argileux sont parmi les plus importants, sinon les plus importants, de nos minéraux industriels. Des millions de tonnes sont utilisés annuellement dans une grande variété d’applications. Les progrès de la technique, tant en ce qui concerne le traitement des matières premières que l’élaboration de produits nouveaux, élargissent sans cesse le domaine de leurs applications (Javy C. 1971). Ces minéraux ne se rencontrent pas isolément, mais dans des roches composées d’un mélange de minéraux typiques des argiles et d’autres minéraux ou matériaux associés (quartz, oxydes de fer, calcite, débris végétaux).
Kaolin
Selon le livre de minéralogie de Dana (1977), le terme kaolinite est dérivé du terme kaolin qui est une corruption du mot chinois « kauling » qui signifie haute crête. Ce type d’argile, a été exploité à l’origine dans un terrain granitique altéré à proximité d’un village appelé Kauling (Chen et al. 1997). Les kaolins sont des roches composées en grande partie des minéraux du groupe du kaolin, qui sont la Kaolinite, l’Halloysite, la Dickite et la Nacrite (d = 7 A°). Le minéral le plus commun des kaolins est la kaolinite. Les autres membres du groupe du kaolin sont relativement rares, bien que quelques occurrences à Halloysite (Murray et al. 1977 ; Wilson 2004 ; Wilson et al. 2006), à Dickite (Choo et Kim, 2004), et à Nacrite (Hanson et al. 1981) soient, ou aient été, exploitées.
Le terme « China Clay » est utilisé comme synonyme de kaolin (H.H. Murray 1999). Selon la dimension des particules de kaolin et la présence de la matière organique, certaines argiles kaoliniques peuvent être très plastiques et prennent le nom de Ball Clay. Fire Clay est un terme général utilisé pour les argiles réfractaires, mais il désigne plus précisément les argiles réfractaires et plastiques. Flint clay désigne une argile réfractaire dure, non plastique, et resemblant au silex. Les argiles réfractaires qui se forment sous les couches de charbon sont connues sous le nom de « under clay » (voir aussi, Loughnan 1978).
Quelques exemples de gisements de kaolin dans le monde
Sumas Mountain, Blue Mountain, Lang Bay, Quinsam, Giscome Rapids (British Colombia), Cypress Hills (Alberta, Canada). Eastend, Wood Mountain, Ravenscrag (Saskatchewan, Canada). Moose River Basin (Ontario, Canada), Shubenacadie Valley (Nova Scotia, Canada), Aiken (Caroline-du-Sud, USA), Wrens. Sandersville, Macon-Gordon, Andersonville (Géorgie, USA), Eufaula (Alabama, USA). Weipa (Queensland. Australie), Jari, Capim (Brésil). (Hora 1998, Montes et al. 2002, Carnerio et al. 2004) .
Les gisements de kaolin en France
Les principales régions françaises productrices d’argiles pour céramiques fines et réfractaires, en termes de bassin et de départements concernés (voir figure II.2) sont les suivantes :
• Bassin des Charentes : Charente et Charente-Maritime
• Bassin de Provins : Seine- et- Marne, Marne et Aube (Thiry et Audebert 1996)
• Bassin du Centre Est : Allier, Nièvre, Saône-et-Loire, Yonne et Puy-de-Dôme ;
• Bassin du Centre Ouest : Indre-et-Loire, Indre et Cher ;
• Bassin du Sud Est : Vaucluse, Gard, Var et Hautes-Alpes (Fiche technique de la SIM, 1998a).
La plupart des dépôts de kaolin sédimentaire du monde se rencontrent dans le Crétacé supérieur et l’Eocène. Quelques dépôts de « fireclay » et « underclay » sont de la fin de Carbonifère. Des couches de kaolin sont associées à des séquences variées de sable micacé kaolinitique, accompagnées de siltstones, de schiste argileux, de grès et de conglomérats qui se trouvent souvent dans une structuration entrecroisée. Du charbon peut être associé aux couches de kaolin.
La composition des roches kaoliniques est généralement la suivante : la kaolinite est le minéral principal, les autres minéraux sont l’halloysite, le quartz, la dickite, la nacrite, le diaspore, la boehmite, la gibbsite et le mica. La gangue principale est le quartz, puis le mica. Les minéraux suivants ont été observés ; limonite, goethite, feldspaths résiduels, sidérite, pyrite, ilménite, leucoxene, anatase. Le kaolin commercialisé est un produit essentiellement constitué de kaolinite issue de l’altération des feldspaths (en général) en milieu acide, fortement lessivé. On peut essentiellement avoir à faire à deux origines :
• Les gisements primaires issus de la transformation sur place de roches feldspathiques
• Les gisements secondaires, qui sont les gisements sédimentaires provenant du transport et de la sédimentation de la kaolinite des sources précédentes.
Propriétés des kaolins industriels
Les utilisations du kaolin sont régies par plusieurs facteurs comprenant la composition minéralogique et les propriétés physiques et chimiques de l’ensemble, celles-ci étant déterminées par les conditions géologiques dans lesquelles le kaolin a été formé, Les caractéristiques importantes concernant les applications des minéraux argileux sont les suivantes : La nature et les dimensions des particules, leurs formes, la cristallinité, la chimie globale et celle de la surface des cristaux, la surface spécifique, la charge de la surface et de la bordure. et d’autres propriétés qui en découlent, spécifiques aux applications particulières, telles que la viscosité, la plasticité, la résistance mécanique en vert, la résistance mécanique d’échantillon sec et cuit, l’absorption et l’adsorption, l’abrasivité et le pH.
Couleur
Le kaolin a habituellement une couleur blanche ou proche du blanc. Cependant la plupart du temps, le kaolin est associé à une quantité mineure de minéraux auxiliaires contenant des éléments de transition tels que le fer et le titane dans des oxydes, hydroxydes, oxy-hydroxydes, sulfures et carbonates, on parle alors de fer libre (Lima de Sousa 2005, Delineau 1994). Le fer peut être présent dans le réseau de la kaolinite, on parle alors de fer structural. La couleur donnée au kaolin blanc par le couple fer-titane compromet son application dans des industries de la peinture et du papier. Une connaissance de l’état du fer et du titane est très importante pour choisir la méthode de traitement (Chandrasekhar et al. 2006). Le broyage peut changer les propriétés optiques du kaolin (Breen et al. 2007, Reynolds et Bish 2002, Kalmeneau et al. 1999, Kristof et al. 1993).
Forme et taille
Les cristaux de kaolinite sont plats en forme de minces feuillets de ~2µ d’épaisseur et quelques microns de diamètre, pseudo-hexagonaux, quelques fois en forme de livres ou de piliers vermiculés. Différentes mesures peuvent être utilisées. Le paramètre utilisé pour quantifier la morphologie d’un kaolin a varié au fil du temps (Wilson I. 2006) : en 1980 il s’agissait de l’épaisseur des cristaux, mais dès 1990 l’aspect ratio (rapport du diamètre à l’épaisseur) est devenu plus important. La distribution granulométrique des particules joue un rôle important sur la viscosité des kaolins en suspension (figure II.3). Aujourd’hui, le rapport de d75/d25 est utilisé comme caractère industriel de la morphologie des kaolins traités .
Capacité d’échange cationique
La capacité d’échange de cation (CEC) est définie par le nombre de charges échangeables par une masse donnée d’argile. Elle s’exprime en milléquivalent par 100 g d’argile. Cette caractéristique est fonction de la nature de l’argile (type d’argile), de ses caractéristiques cristallographiques, de ses cations et du pH du milieu. Pour une kaolinite idéale la valeur de la CEC à un pH donné va dépendre uniquement du degré de dissociation des différents sites amphotères situés sur les faces latérales (Casse et al. 1986).
Les principaux usages industriels du kaolin
Dans les diverses utilisations du kaolin, chaque utilisateur se concentre sur certaines propriétés. Les propriétés souhaitées et les niveaux d’exigence varient d’une industrie à une autre ; le comportement rhéologique est très important pour l’industrie de céramique, mais cela n’est pas le cas pour la fabrication des réfractaires. Le quartz n’est pas bienvenu dans le kaolin destiné à l’industrie du papier, tandis que sa présence empêche la déformation de la céramique pendant la cuisson (Rahimi et Matin 1989). Une bonne connaissance de la relation entre les propriétés, et les rôles des composants du kaolin industriel est indispensable pour la commercialisation du produit. La prise de décision appelle une méthode avancée de gestion de risque de décision comme les outils de logique de flou (Taboada et al. 2006).
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Table des matières
I. INTRODUCTION GENERALE
I.1. INTRODUCTION
I.2. POSITION DU SUJET
I.3. OBJECTIFS DE L’ETUDE
I.4. OBJETS DE L’ETUDE
I.5. DEMARCHE SUIVIE
I.6. PLAN DE LA THESE
II. LES ARGILES KAOLINIQUES ET LEURS USAGES
II.1. ARGILES
II.2. KAOLIN
II.2.1. QUELQUES EXEMPLES DE GISEMENTS DE KAOLIN DANS LE MONDE
II.2.2. LES GISEMENTS DE KAOLIN EN FRANCE
II.3. PROPRIETES DES KAOLINS INDUSTRIELS
II.3.1. COULEUR
II.3.2. FORME ET TAILLE
II.3.3. CAPACITE D’ECHANGE CATIONIQUE
II.3.4. CRISTALLINITE
II.3.5. PROPRIETES THERMIQUES
II.3.6. DURETE
II.4. LES PRINCIPAUX USAGES INDUSTRIELS DU KAOLIN
II.4.1. PAPIER
II.4.2. CERAMIQUES
II.4.3. REFRACTAIRES
II.4.4. MATERIAUX DE CONSTRUCTION
II.4.5. LES APPLICATIONS MEDICALES ET COSMETIQUES
II.4.6. CHARGES
II.4.7. AUTRES APPLICATIONS
II.5. PRODUCTION DU KAOLIN ET LES ENJEUX MINIERS ET INDUSTRIELS
II.5.1. INTRODUCTION
II.5.2. PROSPECTION ET EXPLORATION DU KAOLIN
II.5.3. EXPLOITATION OU EXTRACTION DU KAOLIN
II.5.4. TRAITEMENT DU KAOLIN ET LA PREPARATION INDUSTRIELLE
II.5.5. HOMOGENEISATION DE L’ALIMENTATION ET DU PRODUIT
II.6. ECONOMIE DU KAOLIN
II.6.1. PRODUCTION DU KAOLIN AU BRESIL
II.6.2. PRODUCTION DE KAOLIN EN CHINE
II.6.3. PRODUCTION DE KAOLIN EN CHARENTES
II.7. CONCLUSION
III. GEOLOGIE DU KAOLIN ; CAS DU BASSIN DES CHARENTES
III.1. GEOLOGIE ET LA FORMATION DU KAOLIN
III.1.1. INTRODUCTION
III.1.2. VOYAGE DES ELEMENTS DE LA ROCHE MERE AU KAOLIN
III.1.3. MINERALOGIE DES KAOLINS
III.1.4. ORIGINE ET LA FORMATION DES KAOLINS COMMERCIAUX DE GEORGIE ET DE CAROLINE DU SUD
III.2. STRATIGRAPHIE ET LITHOLOGIE DES SEDIMENTS DU BASSIN DES CHARENTES
III.2.1. FORMATION DES SEDIMENTS
III.2.2. HISTOIRE GEOLOGIQUE DU BASSIN AQUITAIN
III.2.3. LA STRATIGRAPHIE LOCALE, OUTIL DE LA PROSPECTION
III.2.4. EPAISSEUR DES DEPOTS
III.2.5. LES ARGILES HYPERALUMINEUSES
III.3. GEOMETRIE DES DEPOTS DE KAOLIN
III.4. CLASSIFICATION DES GISEMENTS DE KAOLIN DU BASSIN DES CHARENTES
III.5. CONCLUSION
IV. ANALYSES STATISTIQUES DES DONNEES DE SONDAGES DU BASSIN DES CHARENTES
IV.1. SONDAGES ET ACQUISITION DES DONNEES
IV.1.1. PROSPECTION ET MAILLE DE SONDAGE
IV.1.2. CAROTTAGE
IV.1.3. DESCRIPTION LITHOLOGIQUE DU SONDAGE ET CODAGE DES ECHANTILLONS
IV.1.4. PREPARATION ET ANALYSE DES ECHANTILLONS
IV.1.5. PROBLEMES D’ECHANTILLONNAGE
IV.2. VARIABILITE A L’ECHELLE DU GISEMENT ET DU BASSIN SEDIMENTAIRE
IV.2.1. VARIATION DE LA QUALITE ; OBSERVATIONS SUR LE TERRAIN
IV.3. ANALYSE CRITIQUE DES DONNEES
IV.3.1. ASSOCIATIONS MINERALES
IV.3.2. REPARTITION ET SUCCESSION DES FACIES
IV.3.3. MINERALOGIE ET ASSOCIATIONS GEOCHIMIQUES
IV.3.4. ANALYSE STATISTIQUE A PLUSIEURS VARIABLES
IV.3.5. CLASSIFICATION PAR L’ANALYSE DISCRIMINANTE
IV.3.6. CONTINUITE SPATIALE
IV.4. CONCLUSION
V. ESTIMATION DE LA QUALITE DES KAOLINS DES GISEMENTS DU BASSIN DES CHARENTES
V.1. INTRODUCTION
V.2. PROBLEME D’ESTIMATION
V.2.1. VARIABLE ADDITIVE
V.2.2. DES TAILLES DES ECHANTILLONS ET DE LA REGULARISATION DU SUPPORT D’ESTIMATION
V.2.3. DONNEES MANQUANTES
V.2.4. GEOMETRIE DU GISEMENT
V.2.5. DEFINITION DE LA LIMITE DU GISEMENT OU CADRE DE L’ESTIMATION
V.2.6. CIBLE D’ESTIMATION
V.3. APPLICATIONS DES OUTILS DE LA GEOSTATISTIQUE
V.3.1. VARIOGRAPHIE DES DIFFERENTS GISEMENTS
V.3.2. MAILLE DE SONDAGE OPTIMALE
V.3.3. COMPARAISON DU KRIGEAGE AVEC LA METHODE DU PLUS PROCHE VOISIN (PPV)
V.4. GISEMENT BOIS DES RENTES (BDR)
V.4.1. PRESENTATION DU GISEMENT
V.4.2. ESTIMATION DE LA PUISSANCE ET DES ACCUMULATIONS
V.4.3. ESTIMATION PAR BANCS DE 2M D’EPAISSEUR
V.5. CONCLUSION
VI. CONCLUSION GENERALE
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