La carte ร l’รฉcole est souvent considรฉrรฉe comme un outil incontournable en gรฉographie et est, dans les classes, utilisรฉe majoritairement dans cette discipline. De nombreux planisphรจres du monde ou de la France se trouvent, en effet, affichรฉs sur les murs des classes pour aider les รฉlรจves ร mรฉmoriser des repรจres gรฉographiques. Mais ne peut-on pas se servir des cartes dans d’autres domaines que celui de la gรฉographie ? L’histoire, discipline trรจs proche, en utilise aussi. Il existe des atlas historiques et de nombreuses cartes sont prรฉsentes dans les manuels d’histoire. Cependant, si l’on regarde de plus prรจs, l’utilisation qui en est faite est souvent secondaire. Les cartes en histoire sont, en effet, gรฉnรฉralement seulement utilisรฉes dans un but de contextualisation du territoire de la pรฉriode historique รฉtudiรฉe. Patrick Garcia, indique mรชme ยซ En somme, pour la plupart des historiens elle [la carte] demeure un problรจme mineur et annexe ยป (1997, p.3).
D’aprรจs Jรฉrรดme Dunlop, une carte est ยซ une reprรฉsentation graphique descriptive de phรฉnomรจnes inscrits ร la surface de la Terre sur une projection plane et ร รฉchelle rรฉduite de la portion de surface terrestre sphรฉrique reprรฉsentรฉe ยป (2009, p.12). Il complรจte cela en ajoutant que toute carte doit avoir une รฉchelle et une lรฉgende. Il existe deux principaux types de cartes que tout gรฉographe dรฉgage : ce sont les cartes topographiques et les cartes thรฉmatiques. Les cartes topographiques, selon Roger Brunet, ยซ reprรฉsentent le relief, l’hydrologie, les lieux habitรฉs, les voies de communication ยป (1993, p.89) : il s’agit des cartes qui permettant de se repรฉrer dans un lieu. Les cartes thรฉmatiques, quant ร elles, ยซ reprรฉsentent la distribution spatiale d’un phรฉnomรจne, ร partir de relevรฉ statistiques, ou autres sources ยป (Brunet, 2012, p. 89). Ce sont des cartes permettant d’analyser des phรฉnomรจnes ou de faire des statistiques.
La carte n’a donc aucun lien apparent avec la discipline de l’histoire, ce qui permet de les rรฉunir est l’รฉvolution qu’a connue cet outil. Dรฉfinir la notion de ยซ carte ยป n’est, en effet, aujourd’hui pas si simple. Jean-Paul Bord insiste sur cette difficultรฉ : ยซ qu’est-ce qu’une carte ? : question banale car ร priori tout le monde sait ce qu’est une carte. Lร oรน la chose est moins connue c’est de constater combien le mot carte a donnรฉ lieu ร des dรฉfinitions multiples, combien ces dรฉfinitions ont รฉvoluรฉ dans le temps ยป (2012, p. 12). Les cartes sont, en effet, passรฉes de reprรฉsentations d’espaces qui permettent de se repรฉrer dans un lieu ร aujourd’hui des objets du quotidien dont l’emploi dรฉpasse la simple localisation : la typologie des cartes et leurs utilisations se sont donc beaucoup dรฉveloppรฉes. Ainsi, parmi cette multiplicitรฉ de cartes, se trouvent des cartes historiques. Cela peut รชtre des cartes crรฉรฉes dans une รฉpoque historique antรฉrieure reprรฉsentant la vision du monde qui existait ร cette pรฉriode de l’histoire, ou des cartes reprรฉsentant davantage des phรฉnomรจnes qui doivent รชtre situรฉs dans le temps et qui ne concernent pas seulement l’espace. Elles montrent, en effet, la rรฉpartition spatiale d’un ou de phรฉnomรจnes ร une certaine pรฉriode de l’histoire. Ce sont ces derniรจres qui sont le plus utilisรฉes dans les manuels scolaires.
Il est รฉgalement important de prรฉciser quel sens est donnรฉ ร la discipline de l’histoire aujourd’hui dans les programmes scolaires. L’histoire nโapparaรฎt comme telle qu’au cycle 3. Au cycle 2, il s’agit de ยซ questionner le monde, se situer dans le temps ยป un temps qui est proche du vรฉcu de l’รฉlรจve et qui s’en รฉloigne progressivement. C’est donc seulement en classe de CM1, premiรจre classe du cycle 3 et classe qui concerne notre sujet, que les รฉlรจves รฉtudient l’histoire au sens de discipline scolaire ร part entiรจre. Ils apprennent ร se situer dans un temps long et chronologique qui s’รฉtale sur des siรจcles, voire des millรฉnaires, et qui est ainsi รฉloignรฉ de ce qu’ils connaissent. Lors d’une sรฉance d’histoire, ils apprennent un certains nombres de savoirs historiques, par exemple, savoir qui รฉtait Louis XIV et ce qui caractรฉrise son rรจgne. Ces connaissances sont รฉgalement l’occasion de leur faire travailler des compรฉtences comme, par exemple, se repรฉrer dans ce temps long, faire des hypothรจses sur ces diffรฉrentes pรฉriodes de l’histoire et les vรฉrifier, comprendre des documents historiques de natures variรฉes, etc.
S’interroger sur l’apport de la carte en histoire, c’est donc se demander si la carte peut sortir de son rรดle secondaire dans cette discipline et ainsi offrir une meilleure comprรฉhension et acquisition des savoirs historiques mais aussi des savoir-faire liรฉs ร l’histoire : peut-elle donc รชtre un nouvel outil pour enseigner l’histoire ? C’est aussi se questionner sur le fait qu’un travail sur la carte, dans un autre domaine que celui de la gรฉographie, permette d’aider l’รฉlรจve ร mieux lโapprรฉhender. La carte est, en effet, aujourd’hui de plus en plus prรฉsente et employรฉe dans notre sociรฉtรฉ de faรงon trรจs diverse. Son utilisation dans diffรฉrents domaines peut-elle donc permettre aux รฉlรจves de mieux savoir la lire, l’utiliser et de dรฉvelopper leur esprit critique ?
Le mot carte vient du grec khartes qui signifiait ยซ feuille de papyrus ยป. Contrairement ร ce que l’on peut connaรฎtre aujourd’hui, la carte est donc liรฉe รฉtymologiquement au format papier. Mรชme si son origine est incertaine, elle รฉtait utilisรฉe lors de l’Antiquitรฉ et amenait dรฉjร ร des emplois diffรฉrents. Chez les grecs, elle avait une conception philosophique pour comprendre les phรฉnomรจnes naturels, il s’agissait de savoir comment รฉtait la Terre et ainsi comment la reprรฉsenter. Chez les romains elle รฉtait davantage utilitaire : elle permettait de dรฉcrire les lieux frรฉquentรฉs, de fixer les limites des terres connues et reprรฉsenter les divisions des territoires, elle positionnait donc des รฉlรฉments les uns par rapport aux autres. L’intensification de la navigation au Moyen-รขge, puis durant la Renaissance, a permis un renouveau dans la cartographie : l’espace cartographiรฉ s’est รฉtendu et les cartes rรฉgionales sont devenues plus prรฉcises car elles servaient elles mรชmes de recueil de connaissances terrestres. Mais leur utilisation รฉtait rรฉservรฉe aux marins qui en faisaient un outil de voyage et aux marchands. C’est avec l’invention de l’imprimerie que la carte s’est diffusรฉe plus largement, bien qu’elle reste inรฉgalement rรฉpartie et que le fait de la possรฉder รฉtait facteur de pouvoir : la carte a, en effet, toujours reprรฉsentรฉ un enjeu militaire. C’est donc par son histoire qu’elle est liรฉe ร la gรฉographie, au repรฉrage dans l’espace ainsi qu’ร la volontรฉ de localiser chaque lieu du monde souvent dans un esprit militaire et de conquรชte. Ceci n’est plus tout ร fait le cas de nos jours.
Les cartes ont connu une grande รฉvolution ร la fois du point de vue de leurs natures mais aussi de leurs utilisations. Aujourd’hui, elles sont de plus en plus prรฉsentes et importantes dans notre vie de tous les jours au point que certains auteurs parlent de ยซ rรฉvolution cartographique ยป (Cauvin, 2008 ; Dodge 2009, citรฉs par Jean-Paul Bord, 2012). Tout d’abord, les cartes sont accessibles au grand public : tout le monde peut y avoir accรจs que cela soit pour se localiser dans la vie quotidienne, ou pour voir une reprรฉsentation d’un espace et la rรฉpartition de donnรฉes dans cet espace. Deuxiรจmement, Internet et le numรฉrique, qui ont permis une large diffusion, ont aussi crรฉe un dรฉveloppement de la cartographie. Les cartes n’existent plus seulement sous format papier, des cartes numรฉriques, ยซ cybercartes ยป ou des globes 3D sont maintenant รฉgalement utilisables. Ils permettent la visualisation de donnรฉes gรฉographiques de n’importe quel lieu de la planรจte et ce de faรงon dynamique et animรฉe, ce qui les rend plus attractives. Il est, de plus, possible grรขce ร certains logiciels de naviguer virtuellement n’importe oรน dans le monde. Enfin, les cartes ont aussi รฉvoluรฉ du point de vue de leurs utilisations. Elles permettent toujours de se repรฉrer, il existe encore des cartes routiรจres ou des cartes touristiques papiers et on trouve aussi, grรขce au numรฉrique, des applications comme Google Maps ou des logiciels comme les Global Position Sytem qui permettent des localisations de villes ou de quartiers, des calculs d’itinรฉraires, etc. Mais d’autres cartes se dรฉveloppent parallรจlement ร cela et dรฉpassent cette simple utilisation de localisation et de repรฉrage. Il existe par exemple des cartes du monde reprรฉsentant les mรฉdaillรฉs d’or aux derniers jeux olympiques ou des cartes rรฉsumant les rรฉsultats d’รฉlections prรฉsidentielles, tout peut ainsi รชtre sujet d’une carte. Elle est donc devenue un produit de consommation courante accessible par tous. Jean-Paul Bord se demande si ces larges diffusions et utilisations de la carte n’ont pas amenรฉ ร lui porter prรฉjudice. (2012, p.19).
|
Table des matiรจres
Introduction
Rรฉflexions sur l’usage quotidien et scolaire de la carte
A) Approche gรฉnรฉrale de la carte
1) L’รฉvolution d’un outil
2) โฆ ร employer avec prudence
B) La carte dans le milieu scolaire
1) Un outil exploitable en gรฉographie… et en histoire
2) โฆ qui offre de multiples possibilitรฉs
C) La carte dans l’enseignement de l’histoire
1) Un outil compatible mais secondaire
2) โฆ Pourtant utilisable comme tout autre document historique
3) โฆ Et servant le repรฉrage dans le temps
Mise en ลuvre didactique
A) Objectifs de la sรฉquence au regard des รฉlรจves y participants
B) Contenu de la sรฉquence
*Sรฉances 1 et 2
*Sรฉance 3
*Sรฉance 4
*Sรฉance 5
* Sรฉance 6
* Sรฉance 7
Analyse des rรฉsultats
A) Les apports constatรฉs de la carte
B) Nuances de l’utilisation de la carte en histoire et prolongements possibles
Conclusion
Tรฉlรฉcharger le rapport complet