Évolution de la société vers une société numérique
Enclenchée à la fin du 20e siècle, la « révolution numérique » a rapidement transformé les différents secteurs économiques sur lesquels reposent notre société, au niveau de l’industrie et du secteur tertiaire dans un premier temps mais aussi au niveau du secteur primaire de production agricole. L’essor du numérique se réalise depuis à une vitesse fulgurante, et l’ensemble de l’organisation de notre société en est impactée. En France, le pourcentage de foyers ayant une connexion à Internet est passé en moins de 20 ans d’un tiers de la population à la quasi-totalité, toutes catégories d’âge confondues (figure 1). On voit aussi sur ce graphique que le nombre de connexions quotidiennes a augmenté de façon continue depuis 2009, dans un premier temps majoritairement depuis un équipement informatique à domicile (ordinateur ou tablette). Un nouveau virage dans la numérisation de la société est visible à partir de 2018, date à laquelle le pourcentage de personnes s’étant connectées quotidiennement à Internet depuis un réseau mobile devient supérieur à celui des personnes s’étant connectées depuis un poste fixe. Internet devient alors accessible aux utilisateurs à tout moment, majoritairement à l’aide d’objets connectés de type smartphone. Cette augmentation est aussi visible en figure 2, qui présente l’augmentation du pourcentage d’individus de plus de 12 ans équipés d’un smartphone depuis 2011 en France, c’est-à-dire en capacité de se connecter à Internet depuis son téléphone portable via une connexion mobile. En parallèle de l’équipement en ordinateurs, tablettes ou smartphones, les Français sont de plus en plus nombreux aujourd’hui à s’équiper en enceinte connectée. Ainsi, un peu moins d’un français sur dix est équipé en 2019 d’une enceinte connectée, 2 ans après le lancement des premiers modèles sur le marché français. Avec environ 25% des foyers américains équipés, marché sur lequel ce type de produit est disponible depuis 2 à 4 ans de plus, une forte progression de l’équipement est envisageable en France dans les années à venir. De plus, au-delà des smartphones et des enceintes connectées, une partie de la population française s’équipe aujourd’hui en objets connectés, utilisés dans quatre domaines principaux: la santé, la domotique, l’électroménager et la sécurité. [8] On note cependant que la majorité des Français reste plutôt frileuse à cet usage puisqu’environ 70% de la population n’envisage pas d’utiliser de ce type de produit dans les années à venir. [8] Concernant les objets de la navigation sur Internet, on peut les regrouper dans quatre grandes catégories : les services, les loisirs, le travail et le social. Au niveau des services, 62% des Français indiquent utiliser Internet pour effectuer des achats en ligne. Un nombre croissant d’internautes fait usage d’internet pour suivre l’actualité, passant de 61% d’entre eux en 2012 à 72% en 2019 [8]. L’usage du numérique connait un essor particulier dans le domaine de la banque. Ainsi, en 2018, 49% des personnes connectées ont effectué au moins une opération en ligne, ce qui représente une augmentation de 10% par rapport à 2016, tandis que 45% des personnes détenant un smartphone déclarant utiliser au moins une fois par semaine l’application de leur banque [9]. Au niveau des loisirs, le nombre d’usagers de services en ligne pour visionner des vidéos ou pour jouer à des jeux vidéo est en constante augmentation. Ainsi, le pourcentage de la population abonné à un service de vidéo à la demande (SVOD, comme Netflix ou Amazon Prime) est passé de 20% en 2017 à 36% en 2019. [8] Du point de vue du travail, l’accès à un équipement numérique et à une connexion à Internet a permis ces dernières années le déploiement du télétravail dans de nombreux secteurs d’activité. En 2017, 3% de la population française déclare pratiquer le télétravail au moins une fois par semaine [10]. Une enquête réalisée début novembre 2020 par harris interactive pour le Ministère du Travail révèle que 36% des Français pratiquent le télétravail à raison d’au moins un jour par semaine au cours de cette période, cette forte augmentation étant une conséquence des confinements connus en 2020 du fait de la situation sanitaire Enfin, au sein de la population ayant un accès à Internet, 68% a fait usage d’un réseau social au cours des 12 derniers mois, tous réseaux confondus. Les nouvelles technologies et la connexion au Web favorisent en effet les relations sociales en permettant, par exemple, de retrouver d’anciennes relations, de maintenir des relations à distance ou de nouer de nouveaux liens sociaux [8]. Ainsi, le numérique s’est progressivement intégré au quotidien des Français, avec un développement des services liés à une connexion Internet et de l’offre d’objets connectés. Si cette évolution de la société touche toutes les tranches d’âge, l’impact est principalement important sur la tranche la plus jeune de la population [8]. Les élèves de primaire sont donc eux aussi au quotidien en relation avec le numérique. Ils appartiennent à la génération des digital natives, une génération ayant grandi dans un environnement numérique. Le système scolaire se trouve aujourd’hui dans une situation où la transformation des pratiques est nécessaire afin de rester en cohérence avec la transformation de la société, avec de forts enjeux autour de l’intégration du numérique aux pratiques pédagogiques.
Les enjeux pédagogiques de l’école de demain
Les enjeux éducatifs sont aujourd’hui nombreux et ont été repris par le Ministère de l’Éducation Nationale lors de la mise en place de la loi « pour une école de la confiance » promulguée en 2019. Cette loi s’articule autour de 11 enjeux dont les principaux thèmes sont l’obligation de la scolarisation à partir de 3 ans accompagnée d’une visite médicale, la création d’un service public de l’école inclusive, la lutte contre le harcèlement scolaire, l’éducation au développement durable dès la maternelle, l’ouverture sur le monde avec les établissements publics locaux d’enseignement international, l’obligation de formation jusqu’à 18 ans, le renforcement des contrôles de l’instruction à domicile, la formation des enseignants et l’entrée dans le métier, et enfin la mise en place du conseil d’évaluation de l’école [18]. On remarque dans un premier temps que ni l’éducation au numérique ni l’éducation par le numérique ne sont repris directement dans les grands enjeux de cette loi d’orientation. Cependant, celle-ci s’est accompagnée de la refonte des programmes des trois cycles de l’enseignement maternel et élémentaire, où les compétences numériques à acquérir sont bien décrites. Par ailleurs, certains objectifs proposés dans cette loi sont à mettre en lien avec l’utilisation du numérique en classe, comme par exemple l’inclusion scolaire, pour laquelle l’usage d’outils numérique est un excellent moyen de réaliser de la différenciation en classe pour les élèves qui ont éprouvent le besoin. De plus, la formation des enseignants est aussi un enjeu en lien avec le numérique, puisque la maitrise de compétences en lien des outils numériques est un des objectifs du master 2 MEEF destiné aux personnes entrant dans le métier, avec par exemple dans le cas du M2 MEEF 1er degré de l’INSPE de Saint-Germain-en-Laye 15 heures dédiées à la maitrise de ces compétences.
Définition de la e-éducation
La e-éducation est définie comme un moyen d’enseigner et d’apprendre avec le numérique. Elle s’organise autour de trois piliers fondamentaux qui lui permettent d’inclure tous les élèves dans les apprentissages : rendre l’élève acteur, repenser le temps et redéfinir l’espace. Pour rendre l’élève acteur, l’enseignant crée des activités qu’il peut organiser en parcours éducatifs sécurisés. Ceux-ci permettent à chacun de ses élèves de construire son apprentissage en manipulant les savoirs et les connaissances que l’enseignant souhaite qu’il acquière. Cette manipulation est réalisée par le biais d’activités et de jeux qui facilitent la mémorisation, tout en renforçant les notions de droit à l’erreur et le sentiment de compétence chez chaque élève. Lors de l’usage des parcours, l’ensemble des processus cognitifs peuvent être mobilisés, notamment le raisonnement, le langage, la mémoire ou la prise de décision. La e-éducation permet à l’enseignant de repenser le temps de l’acquisition des compétences, en englobant le temps de classe mais aussi l’avant et l’après. Par exemple, à l’aide des parcours personnalisés, chaque élève peut avancer à son rythme. On a alors une réelle adaptation de l’accès au savoir, avec une progressivité propre à chaque élève et ce tout en développant une logique d’apprendre à apprendre. L’organisation des activités par l’enseignant lui permet aussi d’avoir des temps d’évaluation ou de remédiation si nécessaire. Enfin, la redéfinition de l’espace est possible à la discrétion de l’enseignant. L’espace de la classe peut en effet être repensé pour permettre à chaque élève de se déplacer au gré des compétences travaillées. L’enseignant peut par exemple faire le choix de moduler en permanence l’espace classe ou de l’organiser sous la forme d’îlots où des compétences identifiées sont travaillées par des groupes d’élèves. Dans les deux cas, il s’instaure une dynamique de classe particulièrement propice à la collaboration et à la communication entre les élèves et donc à la formation d’un groupe classe soudé. [25]
La classe inversée
La classe inversée est une méthode d’enseignement décrite par Marcel Lebrun et Julie Lecoq comme « une stratégie pédagogique où la partie transmissive de l’enseignement se fait « à distance » en préalable à une séance en présence » [31]. Pour cela, l’enseignant propose dans un premier temps des activités à réaliser chez soi, notamment via l’usage du numérique, en proposant des ressources pédagogiques permettant à l’apprenant de découvrir la notion avant de réaliser les activités en classe, en interaction avec l’enseignant ou les autres apprenants. Il s’agit d’un dispositif pédagogique hybride, c’est-à-dire un dispositif où une partie de l’enseignement s’effectue à distance et l’autre partie en présentiel. L’un des objectifs de cette méthode d’enseignement est de placer l’enseignant comme un « accompagnateur des apprentissages », qui guide ses élèves dans l’approfondissement de leurs connaissances plutôt que de leur fournir la leçon. Elle permet à l’enseignant et à ses élèves d’avoir des liens plus étroits, avec la possibilité de mettre en place des contacts personnalisés en lien avec l’avancement de l’élève dans ses apprentissages [31]. En partageant les principes et les objectifs, ce dispositif peut s’intégrer pleinement dans la e-éducation. En effet, la classe inversée s’organise autour des 3 mêmes piliers fondamentaux de la e-éducation, qui sont pour rappel de rendre l’élèves acteurs, de repenser le temps et de redéfinir l’espace. En effet, la classe inversée permet d’engager d’avantage les apprenants dans leurs processus d’apprentissage, en les y enrôlant et en leur laissant le soin d’apprendre, tout en les accompagnant de façon personnalisée lors des temps d’apprentissage et d’échange en classe. Ce dispositif permet aussi de repenser le temps et l’espace de l’apprentissage. Les temps d’apprentissage est décalé, avec une place importante est conférée à des temps d’apprentissage avant classe dans le cadre de la découverte des notions. L’espace d’apprentissage peut aussi être délocalisé en dehors de la classe, vers tous les lieux où l’apprenant peut avoir accès aux ressources proposées par l’enseignant en charge du dispositif. Un dispositif de classe inversée peut, dès lors, s’intégrer dans la mise en place d’un projet de e-éducation. Il est par exemple possible de proposer aux élèves de travailler sur un parcours éducatif et de réaliser les premières étapes de découvertes des notions via des ressources à la maison. Un temps de regroupement est ensuite organisé en classe pour réaliser les activités en présence de l’enseignant. Ce dernier pourra alors participer à un échange avec les élèves, ou reprendre certaines notions avec ceux nécessitant un temps de remédiation.
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Table des matières
Introduction
I. Vers une école numérique : de l’évolution de la société à l’évolution des pratiques pédagogiques
I.1. Le contexte de l’école et du monde de l’éducation aujourd’hui
I.1.1. Évolution de la société vers une société numérique
I.1.2. Place du numérique à l’école
I.1.3. Confinement, école à distance et numérique
I.2. Enseigner à l’ère du numérique
I.2.1. Les enjeux pédagogiques de l’école de demain
I.2.2. La nouvelle posture des enseignants
I.2.2.1. Le TPaCK : Technological Pedagogical Content Knowledge
I.2.2.2. Le modèle SAMR : Substitution, Augmentation, Modification et Redéfinition
I.2.2.3. Le DigCompEDU
I.2.3. La mise en pratique en classe
II. Enseigner par le numérique : la e-éducation
II.1. Définition de la e-éducation
II.2. Les enjeux pédagogiques de la e-éducation
II.3. Les usages
II.3.1. L’équipement numérique des écoles
II.3.2. L’usage du jeu en ligne : la ludification ou gamification
II.3.3. Les parcours éducatifs
II.3.4. La classe inversée
II.3.5. L’initiation à la programmation et à la robotique
II.4. Les observables
II.5. La place de l’enseignant
III. Mise en pratique dans une classe de cycle 2
III.1. Présentation de l’environnement de travail
III.2. Présentation du dispositif pédagogique
III.2.1. La mise en place du projet
III.2.2. La structuration de la séquence
III.2.2.1. L’hébergement du dispositif : blog ou parcours ?
III.2.2.2. Mise en place d’activités pédagogiques de gamification
III.2.3. Évaluer l’efficacité du dispositif
III.3. Mise en application en classe
III.3.1. Présentation de la séquence
III.3.2. Présentation détaillée d’une séance
III.4. Résultats
III.4.1. Lors de la mise en place en classe
III.4.2. Au niveau de l’apprentissage : utilisation de l’outil, participation en classe et résultats de l’évaluation
III.5. Discussion
Conclusion
Bibliographie
Annexes
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