« La lecture est une porte ouverte sur un monde enchanté. » François Mauriac .
La maitrise de la langue orale, mais aussi écrite, est essentielle pour être entendu et reconnu au sein de notre société alphabétisée. En effet, lire et écrire sont des conditions nécessaires pour pouvoir jouir de ses droits et exercer ses devoirs de citoyen. Par ailleurs, la lecture joue un rôle important dans le développement intellectuel et social de l’enfant. Lire, c’est comprendre le monde, comprendre les autres et se comprendre soi-même. En effet, la lecture est un véritable outil pour interpréter le monde, structurer ses pensées et construire des connaissances. Accompagner un élève dans l’apprentissage de la lecture c’est donc lui permettre d’avoir accès à tous les savoirs et lui ouvrir les portes de tous les enseignements. En outre, la maîtrise du langage oral et du langage écrit développe des compétences scolaires mais également sociales telles que des capacités de raisonnement, d’expression et de communication. Par ailleurs, nous avons à cœur de transmettre aux élèves le goût pour la lecture, en effet cette activité culturelle participe au développement personnel, « je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé » disait Montesquieu.
Le cadre théorique
La lecture
Une étude conduite par le sociologue Joffre DUMAZEDIER révèle que la lecture « est une activité de loisir en progrès », en même temps qu’un moyen, utilisé pour satisfaire le désir ou le besoin d’une documentation sérieuse. (Dumazedier, 1960) Mais que signifie réellement le terme lecture ? Quels mécanismes sont en jeu dans l’activité de lecture ?
Eléments de définition
« La lecture peut être définie comme une activité psychosensorielle qui vise à donner un sens à des signes graphiques recueillis par la vision et qui implique à la fois des traitements perceptifs et cognitifs. » (Klein, 2010) En effet, la lecture est une activité complexe qui mobilise un nombre important de connaissances et de compétences. Il s’agit d’une tâche multidimensionnelle qui requière des capacités cognitives, sociales et linguistiques vastes. La lecture met en œuvre des opérations cognitives complexes. Selon Gérard CHAUVEAU, la lecture est avant tout une activité culturelle ; « lire, c’est nécessairement lire pour : s’informer, se divertir, agir, imaginer, apprendre, se cultiver, répondre à une question, satisfaire sa curiosité, s’émouvoir, etc. » (Chauveau, 2010) .
Savoir lire
Les travaux scientifiques s’accordent à considérer que l’acte de lire repose sur deux grands principes ; l’identification des mots écrits et leur compréhension.
Deux processus fondamentaux et transversaux puisque savoir lire présuppose que l’identification des mots soit suffisamment automatisée pour permettre d’accéder à la compréhension. La lecture est une activité cognitive de haut niveau puisqu’elle met l’élève en situation de double tâche, l’élève doit à la fois fournir une lecture textuelle et imagière de l’écrit. Selon Josette JOLIBERT, « lire, c’est questionner de l’écrit comme tel à partir d’une attente réelle (besoin-plaisir) dans une vraie situation de vie. » (Jolibert, 1986) Questionner un texte, implique pour l’apprenti lecteur d’activer ses habiletés linguistiques, textuelles et contextuelles. Pour accéder à la compréhension, il doit faire appel à ses connaissances antérieures et doit produire des inférences. Le lecteur aborde la tâche de lecture avec ses structures cognitives et affectives et met en œuvre différents types de processus pour comprendre le texte. L’enjeu pour le jeune lecteur est d’élaborer des stratégies efficaces visant à repérer et interpréter les éléments implicites de l’histoire, c’est-à-dire ce que l’auteur ne dit pas explicitement.
Mécanismes d’apprentissage de la lecture
Selon Johannes ZIEGLER, directeur de recherche au CNRS et directeur d’un laboratoire de psychologie cognitive ;
« En ce qui concerne les mécanismes d’apprentissage de la lecture, il faut savoir tout d’abord que l’enfant avant de lire, maîtrise le langage oral, donc il a accès à des représentations sonores des mots ce qu’on appelle parfois la musique des mots qui, elle, est associée à la signification. Pour apprendre à lire, il suffit donc d’apprendre un certain nombre de règles qui correspondent à des lettres, des groupes de lettres qui permettent à l’enfant de déchiffrer, de décoder, de transmettre ces lettres en groupes phonologiques ou groupes sonores. » .
D’après les travaux du psychologue cognitiviste et neuroscientifique, Stanislas Dehaene, la lecture n’est pas le résultat d’une seule région cérébrale, mais bien le résultat d’un circuit qui comprend plusieurs régions cérébrales coordonnées et c’est cette coordination fluide qui caractérise un bon lecteur.
Et enfin intervient le circuit qui est connu pour son rôle dans le geste et notamment dans le geste d’écriture. En effet, il joue un rôle dans la reconnaissance des lettres manuscrites. Nous pouvons noter que c’est l’intensité de la connexion entre les régions liées aux phonèmes et celles liées aux graphèmes, qui permet de fluidifier la lecture et ainsi d’accéder au sens des mots. Lorsque cette liaison est parfaitement établie, le lecteur sollicite l’aire visuelle puis très rapidement c’est la région liée au traitement de l’information qui intervient. Pour accéder au sens, le lecteur expert ne fait plus appel à la région du langage parlé. Pour conclure, l’apprentissage de la lecture entraine une réorganisation du fonctionnement des aires cérébrales. La lecture s’automatise lorsque se met en place une voie de lecture plus rapide qui permet de passer directement de l’aire visuelle à l’aire du lexique pour accéder au sens. Cependant, avant d’atteindre ce niveau de lecture experte, selon Stanislas Dehaene, il est indispensable de travailler sur le décodage grapho-phonologique. Pour rappel, la conscience grapho-phonologique est la capacité de reconnaître, à l’écrit, des lettres isolées et des mots.
Les différents stades de la lecture
Selon Uta FRITH, psychologue du développement, il y a trois grandes étapes dans l’installation de la capacité des lecteurs à reconnaître les mots écrits. Durant le stade logographique l’enfant reconnait certains mots dans leur globalité, à l’aide d’indices contextuels et visuels. L’information linguistique est traitée comme une image, l’enfant procède à un traitement exclusivement visuel, voire pictural, à ce stade il ne peut donc pas lire seul. Pour réussir la transition vers le stade suivant, il est nécessaire d’amener l’élève à développer sa conscience phonologique pour qu’il ait accès aux habilités liées à la conscience phonémique. Par ailleurs, la compréhension du système alphabétique est également une des conditions à l’acquisition du stade alphabétique.
Durant ce second stade, l’élève va accéder au décodage, en installant sa capacité à convertir les symboles qui constituent les mots écrits (les graphèmes), en leurs correspondants phonologiques (les phonèmes). À ce stade, par correspondances graphophonologiques, l’enfant peut tout lire de manière autonome. Le dernier stade dit orthographique est caractérisé par la lecture experte, les processus d’identification de mots s’automatisent. La procédure orthographique va permettre au lecteur d’accéder directement au système sémantique sans passer par la médiation phonologique.
La littératie
Ce terme est issu de l’anglais literacy, il est utilisé par l’OCDE dans son test PISA. Il s’agit de « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités » . Cette notion est intéressante car elle renvoie à la capacité de mobilisation des savoirs scolaires dans les actes de la vie quotidienne. Le réinvestissement des apprentissages est la finalité de tout enseignement. L’école joue un rôle essentiel dans l’acquisition des compétences en littératie. Cette notion est très liée à celle de compréhension de l’écrit.
Les stratégies de compréhension
La Maître de conférence et chargée de recherche, Maryse BIANCO, a mis en lumière les mécanismes cognitifs utilisés lors des activités de compréhension de l’écrit. Dans un premier temps, le lecteur met en place des stratégies de pré-lecture, elles consistent à parcourir rapidement le texte ou certains éléments clés comme le sommaire ou le résumé, également poser des questions préalablement à la lecture etc. Dans un second temps, le lecteur adopte des stratégies liées à la construction d’une représentation mentale cohérente, ces stratégies comprennent notamment l’ensemble des traitements inférentiels. Il s’agit d’interroger le texte en le paraphrasant, en l’expliquant, en questionnant et en organisant l’information afin d’en saisir la cohérence.
Le lecteur met également en œuvre des stratégies postérieures à la lecture, elles rassemblent toutes les activités qui consistent à critiquer, évaluer, comparer et résumer l’information lue.
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Table des matières
Introduction
Partie 1 : Le cadre théorique
Chapitre I : La lecture
1. Éléments de définition
2. Savoir lire
3. Mécanismes d’apprentissage de la lecture
4. Les différents stades de la lecture
5. La littératie
6. Les stratégies de compréhension
7. Les difficultés liées à l’acquisition de la lecture
7.1 L’origine des difficultés
7.2 Classification des troubles développementaux cognitifs spécifiques
7.3 La dyslexie
Chapitre II : Suzanne Borel-Maisonny et sa méthode
1. Éléments biographiques de Suzanne Borel-Maisonny
2. Histoire de la méthode
3. Fondements de la méthode
4. Présentation des gestes
5. Repères de progressivité
6. Observation et entretien exploratoire
7. Présentation de la problématique et des hypothèses
Chapitre III : Définition des concepts
1. La mémoire
1.1 Éléments de définition
1.2 Les différentes mémoires
1.3 Processus de mémorisation
2. La motivation
2.1 Perception de la valeur de l’activité
2.2 Perception de sa compétence
2.3 Perception de contrôlabilité
3. Les gestes dans les apprentissages
Partie 2 : Méthodologie de la recherche
Chapitre I : Les dispositifs de recueil de données
1. Une approche qualitative
2. L’entretien
3. L’observation
Chapitre II : Les groupes d’études
1. Présentation des interviewés
2. Présentation des groupes observés
3. Procédures d’analyse des données
4. Limites de l’enquête par entretien
5. Limites de l’enquête par observation
Partie 3 : Présentation et analyse des résultats
Chapitre I : L’utilisation de la méthode
1. La progression
2. Les motivations
3. Les modes préférentiels d’apprentissage
3.1 Les différentes intelligences
3.2 Les profils d’apprentissage
3.3 Multiplier les supports
4. Un outil de différenciation pédagogique
5. Un outil pour l’élève et pour l’enseignant
6. Les modalités d’utilisation du geste
7. Un outil combiné
7.1 L’utilisation des alphas
7.2 Les limites de la méthode « la planète des Alphas »
8. Rappel des hypothèses
Chapitre II : Le geste comme instrument de mémorisation
1. L’association geste-graphie
2. L’association son-graphie
3. Retour sur l’hypothèse
Chapitre III : Le geste comme outil pour « désambiguïser »
1. L’automatisation du geste
2. Le geste comme outil d’aide à la prononciation
2.1 L’explicitation
2.2 Les sons nasals
2.3 L’explicitation : une idée controversée
3. Le geste pour désambiguïser les lettres visuellement proches
4. Le geste pour désambiguïser les sons proches
5. Retour sur l’hypothèse
Chapitre IV : Le geste comme soutien de la motivation
1. Le geste comme soutien de l’attention
1.1 L’aspect corporel
1.2 L’aspect visuel
2. L’aspect ludique
2.1 Le geste : un outil ludique ?
2.2 Les stratégies ludiques
3. Sentiment de compétence
4. Retour sur l’hypothèse
Chapitre V : Les résultats de la méthode
5. Les apports de la méthode
6. Les limites de la méthode
7. Les limites de l’enquête
8. Les perspectives de l’enquête
Conclusion
Bibliographie
Annexes