Les applications thérapeutiques de la réalité virtuelle en psychiatrie

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Imagerie cérébrale, neurobiologie et hallucinations auditives

Grâce aux progrès techniques en IRM et aux analyses de groupes, de nombreux travaux ont pu mettre en évidence l’existence de variations au niveau de la morphologie cérébrale chez les patients souffrant de schizophrénie et d’hallucinations auditives. Il apparaît que le volume cérébral serait globalement plus petit et qu’il y aurait une apparente hypertrophie des ventricules par rapport aux sujets sains indemnes d’hallucinations. (Ellison-Wright and Bullmore, 2010) Des études s’intéressent également à la mise en évidence de variations fines, pour la plupart concernant le volume de substance grise.
On retrouve, en particulier, des variations subtiles du volume cérébral au niveau des régions impliquées dans le langage : aire de Broca et son homologue controlatérale (Cachia and Plaze, 2012) . Plusieurs travaux ont mis en évidence un volume de substance grise diminué au niveau de la région temporale supérieure, chez les patients atteints de schizophrénie et souffrant d’hallucinations acoustico-verbales (Modinos et al., 2013). En outre, la sévérité des hallucinations a été retrouvée directement corrélée avec la réduction de substance grise au niveau du gyrus temporal supérieur gauche, comprenant le gyrus de Heschl dont les modifications structurales ont pu être évidenciées dans d’autres travaux. (Hubl et al., 2010)
En dehors de ces anomalies, il a été montré que d’autres modifications, comme celles du thalamus et du cervelet, sont également associées aux hallucinations acoustico-verbales. (Cachia and Plaze, 2012)
Comme l’imagerie structurale ne se limite pas uniquement à la mesure d’une façon quantitative de l’épaisseur du cortex, il a été possible d’analyser plus précisément la morphologie corticale, notamment concernant la forme et l’organisation des circonvolutions et sillons. Ainsi, le processus de gyrification, ou de plissement cortical, qui débute à partir de la dixième semaine de vie fœtale et le cortex cérébral, passent, au cours des deuxième et troisième trimestres de grossesse, d’une surface relativement lisse à une structure complexe plus plissée, qui, par la suite semble rester relativement stable au cours de la vie extra-utérine (Mangin et al., 2010) .Les études des variations de la morphologie corticale associées aux hallucinations auditives permettent ainsi d’analyser l’impact des facteurs développementaux et de la vulnérabilité précoce aux hallucinations.
Une diminution significative de la gyrification des régions corticales impliquées dans le langage (notamment sillons temporaux supérieurs, sillon frontal moyen gauche, aire de Broca) a été mise en évidence chez des patients souffrant de schizophrénie et présentant des hallucinations acoustico-verbales chroniques par rapport à des sujets témoins (Cachia et al., 2008).
En comparant les patients schizophrènes, ayant des hallucinations internes et des patients souffrant d’hallucinations externes, une différence a été mise en évidence au niveau de la jonction entre le sillon temporal supérieur et le sillon angulaire, cette région étant activée lors de la localisation spatiale du son chez le sujet sain. Comparativement au sujet sain, la jonction est déplacée antérieurement chez les hallucinateurs « externes » et postérieurement chez les hallucinateurs « internes », ce qui suggérait une vulnérabilité liée au développement anténatal, entre la 25eme et la 29eme semaine de gestation, période pendant laquelle les deux sillons fusionnent. (Cachia et al., 2015; The Australian Schizophrenia Research Bank et al., 2015)
De plus, une plus ancienne étude a trouvé une corrélation négative entre la sévérité des hallucinations et le volume du gyrus temporal supérieur gauche (Barta et al., 1990). Des travaux plus récents, ont montré une corrélation inverse proportionnelle entre la sévérité des hallucinations acoustico verbales et le volume de substance grise de la partie antérieure des gyrus temporaux supérieurs et moyens (Modinos et al., 2013; Onitsuka et al., 2004).
En termes d’imagerie fonctionnelle et HAV, on peut distinguer deux types d’étude : les études dites « traits » et les études dites « état ».
Les études « traits » visent à comparer l’activité cérébrale de sujets présentant des hallucinations à celle de sujets sans hallucination au cours de tâches cognitives spécifiques, notamment celles impliquant le langage. Ces études permettent de comprendre le fonctionnement cérébral des sujets présentant des hallucinations, et ainsi, de mettre en évidence les bases neurales de la susceptibilité à halluciner. Néanmoins, ces études ne donnent pas accès aux processus qui ont lieu au niveau fonctionnel dans le cerveau des sujets ayant des hallucinations. Pour celle-là, il existe ce qu’on appelle des études « état » ou « études de capture hallucinatoire », dont leur objectif est de comparer l’activité cérébrale en période hallucinatoire et en période d’absence d’hallucination chez les mêmes sujets.
Le principal résultat des études « traits » est la diminution d’activité fonctionnelle au niveau des régions temporales classiquement impliquées dans le traitement de la voix humaine et du langage intérieur chez les sujets présentant des hallucinations acoustico-verbales (Allen et al., 2012; Kühn and Gallinat, 2012).
Un second résultat des études « traits » à prendre en compte est l’activation aigue du cortex cingulaire antérieur chez les patients présentant des hallucinations auditives. Il a été montré que cette zone était impliquée dans le processus d’attribution d’un stimulus à une origine interne ou externe à soi-même. Ces résultats sont congruents avec le fait qu’il existerait des modifications morphologiques spécifiques du cortex cingulaire antérieur chez les patients avec hallucinations auditives .(Jardri et al., 2011)
Les études « état » sont des études dont la réalisation est assez difficile puisqu’elles impliquent que le sujet fasse l’expérience hallucinatoire au cours de la session d’imagerie fonctionnelle. Néanmoins, des résultats intéressants ont été obtenus à partir de données IRMf ou tomographie par émission de positons (TEP) de patients souffrant de schizophrénie, au cours d’épisodes hallucinatoires.
Plusieurs méta-analyses sont arrivées à un consensus qui consistait dans l’activation concomitante lors de la survenue des HAV de l’aire de Broca, insula antérieur, gyrus précentral, du gyrus frontal inférieur droit, gyrus temporaux supérieur et moyen, région hippocampique et parahippocampique. (Jardri et al., 2011b; Kühn and Gallinat, 2012; Zmigrod et al., 2016)
Les résultats d’études « état » montrent que l’origine de l’expérience hallucinatoire est l’activation d’un vaste réseau cérébral avec une augmentation de l’activité cérébrale au niveau des régions perceptuelles (cortex auditif primaire et associatif), des zones de production et de perception verbale (aire de Broca et aire de Wernicke) mais également le cortex hippocampique et parahippocampique (Shergill et al., 2000). Une méta-analyse regroupant dix études IRMf-TEP (Jardri et al., 2011b), a récemment montré que ces expériences hallucinatoires étaient associées à une augmentation de l’activation fonctionnelle du complexe hippocampique gauche ainsi que des régions de production et de perception verbale (les aires de Broca et de Wernicke). Bien que le rôle du complexe hippocampique-parahippocampique ne soit pas complètement élucidé, mais comme il a été prouvé qu’il est impliqué dans les processus d’accès et de rappel à la mémoire à long terme, ces résultats semblent ainsi compatibles avec l’hypothèse selon laquelle les HAV pourraient être des réactivations de traces mnésiques au niveau du cortex auditif (Waters et al., 2006).
Les résultats obtenus par les différentes études semblent congruents et nous notons l’existence d’un dénominateur commun qui apparait dans toutes les études – le gyrus temporal supérieur gauche, dont les données de la littérature montrent une réduction du volume bilatéralement chez les schizophrènes. (Modinos et al., 2013)
Pour la première fois en 1933, l’étude de McGuire. établit un lien direct entre la présence d’HAV et une augmentation d’activation cérébrale dans la région de Broca – BA 44 et un moindre niveau dans le cortex cingulaire antérieur (CCA) et le cortex temporal gauche (McGuire et al., 1993). Depuis, de nombreuses études ont montré que, par rapport à un état de repos sans hallucinations, les HAV étaient associées à une augmentation de l’activité cérébrale dans les aires du langage, notamment celles reliées aux traitements auditifs (gyrus temporal supérieur gauche), et dans les aires sous-corticales impliquées dans les émotions (hippocampe, thalamus) (Allen et al., 2012). D’une manière générale, les études rapportent que la présence d’HAV entraîne une augmentation d’activation cérébrale dans le lobe temporal gauche et plus particulièrement dans les gyrus temporaux supérieurs et moyens bilatéraux dont le cortex auditif primaire gauche (Bentaleb et al., 2002; Diederen et al., 2010). Des augmentations d’activation dans des structures sous-corticales telles que le thalamus et le gyrus parahippocampique et dans le CCA sont aussi observées. À l’appui de l’ancienne étude de 1993 de McGuire, quelques nouvelles études retrouvent également une augmentation d’activation dans le gyrus frontal inférieur gauche (Diederen et al., 2010; Kühn and Gallinat, 2012).
En conséquence, les HAV semblent impliquer un réseau cérébral largement distribué et non encore totalement élucidé. L’activation des aires corticales impliquées dans le langage (aire de Broca, insula et GTS) suggère un dérèglement dans le réseau de la perception et production du langage qui pourrait expliquer une anomalie de perception de voix. L’activité des aires frontales inférieures pourrait signifier une production de parole intérieure, comme les activations sous-corticales peuvent traduire une importante charge émotionnelle lors des expériences des HAV.
Pour ce qui est de la genèse neurochimique de la symptomatologie schizophrénique, il est connu qu’il existe un déséquilibre qui concerne l’altération des neurotransmetteurs synaptiques dopaminergiques, notamment les récepteurs D2 et D4 dans deux voies principales dopaminergiques du système nerveux central. Chez les patients souffrant de schizophrénie, il a été prouvé que la voie mésolimbique serait hyper-dopaminergique entraînant les symptômes positifs (hallucinations, délire, agitation, angoisse) et la voie méso-corticale serait hypo-dopaminergique entraînant les troubles cognitifs et les symptômes négatifs (autisme, repli affectif, apragmatisme). L’association entre une mauvaise modulation de la dopamine et les HAV est ainsi fondée sur deux approches. D’une part, les traitements jouant sur les circuits dopaminergiques fonctionnent assez bien dans la majorité des cas. Il s’agit des traitements neuroleptiques (« atypiques ») qui utilisent des antagonistes à la dopamine et à la sérotonine. Au niveau mésolimbique, ils bloquent les récepteurs dopamine D2, ce qui entraîne une diminution des symptômes positifs. Au niveau méso-cortical, ils bloquent la production de sérotonine, ce qui déclenche la production de dopamine (déficiente à ce niveau) et ce qui entraîne une diminution des symptômes négatifs. (Ait Bentaleb et al., 2006)
Il est à noter que le système dopaminergique n’est pas le seul en cause dans la pathologie de la schizophrénie et que des recherches récentes s’intéressent à d’autres neuromédiateurs tels que la sérotonine seule et le glutamate (Stephan et al., 2009).
Au cours de l’apparition des HAV chez des patients schizophrènes, une diminution de la concentration de N-acétyl-aspartate (AAN), marqueur de perte de volume neuronal et de viabilité neuronale, dans l’hippocampe a été rapportée. (Allen et al., 2012)
Une neurotransmission cholinergique perturbée a également été impliquée dans la physiopathologie des hallucinations. Un exemple serait, l’altération de la conscience et les hallucinations apparues suite à la consommation des plantes appartenant à la famille des solanacées, contenant de la scopolamine, de l’atropine et d’autres agents anti-muscariniques. Un deuxième exemple pourrait être représenté par les hallucinations survenant chez environ 30% des patients atteints de la maladie d’Alzheimer et celles survenant chez environ 60% des patients atteints de démence à corps de Lewy, caractérisée par une réduction de l’acétylcholine et des anomalies de l’expression des récepteurs nicotiniques et muscariniques, d’où la relation de causalité entre l’acétylcholine et les HAV. (Kumar et al., 2009)
La sérotonine a également été impliquée dans l’apparition des hallucinations, en raison du fait que plusieurs drogues hallucinogènes, telles que le diéthylamide de l’acide lysergique (LSD), la mescaline et l’ecstasy semblent agir, comme agonistes ou agonistes partiels sur les récepteurs de la sérotonine 5 HT2A. D’autre en plus, des hallucinations ont été rapportées comme effets secondaires des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), qui augmentent la disponibilité de sérotonine dans la fente synaptique.
Un rôle possible du glutamate dans les hallucinations est suggéré par la découverte que des antagonistes du glutamate comme la phencyclidine et la kétamine peuvent induire des hallucinations. Cela a conduit à l’hypothèse que les symptômes psychotiques pourraient en partie être attribués à l’hypofonction des récepteurs NMDA.
Des études dans la tomographie par émission de positons (PET) et en tomographie par émission simple de photons (SPECT) ont montré une liaison moindre aux récepteurs GABAA chez les patients schizophrènes par rapport à la population saine indemne d’hallucinations. Il parait également que l’intensité des hallucinations est fortement associée à une diminution de la liaison à GABA-A, en particulier dans les zones médiales du lobe temporal gauche. (Jardri et al., 2016)

Théories explicatives des hallucinations auditives

La compréhension du phénomène hallucinatoire semble avoir suscité un intérêt important, ce qui fait que de multiples théories ont été proposées pour expliquer l’origine de ce phénomène. L’analyse d’un considérable nombre d’études expérimentales comportementales neurofonctionnelles a permis de faire émerger cinq grandes théories des HAV. Ces 5 modèles élaborés jusqu’à ce jour, Peuvent être classer en trois catégories de modèles explicatifs de la manière suivante :
– D’une part, nous remarquons l’existence des modèles ayant des origines perceptives, qui font l’hypothèse d’une trop grande vivacité des représentations auditives chez les personnes présentant des HAV. Ainsi, les voix entendues seraient dues à une imagination mentale trop intense. Cette perceptibilité serait liée à une hyper activation des aires auditives primaires et associatives dans le lobe temporal (Hubl et al., 2007; Lennox et al., 2000).
– D’autre part, on note l’existence des modèles qui supposent une origine cérébrale productive qui se traduirait par un dysfonctionnement de la production de parole interne, c’est-à-dire, qui affirme l’existence d’un lien entre les hallucinations et la production de la parole intérieure. Les voix entendues seraient ainsi des voix auto – produites mais attribuées à une source externe. La production des HAV impliquerait notamment les régions frontales liées à la production de paroles. Ces théories, dont la théorie de Hoffman, de Bentall, de Frith et celle de Jeannerod, s’appuyaient sur de nombreuses études plus récentes qui soutiennent l’origine productive et ont comme composante principale un dysfonctionnement de la parole intérieure ou ce qu’on appelle « self monitoring » et qui implique un « défaut d’étiquetage » des actions chez les patients schizophrènes. Aujourd’hui, c’est le modèle d’hypothèse le plus fertile.
– Enfin, la troisième catégorie des modèles explicatifs attribue l’apparition des HAV à des troubles de la mémoire de travail phonologiques. Selon cette hypothèse, l’expérience hallucinatoire est due à des déficits dans la boucle phonologique entraînant une mauvaise interprétation de la parole intérieure. Cette hypothèse n’a pas pu être vérifiée et n’a pas fourni de véritable avancée théorique sur l’explication du phénomène hallucinatoire.
Nous allons par la suite essayer d’apporter une vision plus claire et plus détaillée de chacune de ces cinq hypothèses, selon les 3 modèles exposés ci-dessus.

L’hypothèse d’une imagerie mentale trop vive (Mintz and Alpert, 1972)

Ce modèle, qui se rapporte à la théorie perceptive, stipule une vivacité des représentations imagées auditives par rapport aux autres représentations mentales. Une qualité perceptive serait alors conférée à ces représentations qui pourraient ainsi être vécues comme des HAV. En effet, une perception externe est caractérisée par des détails sensoriels plus nombreux par rapport aux percepts internes (Johnson and Raye, 1981). Chez les patients schizophrènes, les images mentales auraient ainsi plus de caractéristiques perceptives et deviendraient donc plus difficiles à distinguer des percepts d’origine extérieure. Il s’agit d’une des explications du phénomène hallucinatoire la plus ancienne, même si elle n’a pas été étayée que par une ancienne étude datant de 1972 (Mintz and Alpert, 1972) qui a mis en évidence une association entre une imagerie mentale vive et une prédisposition aux HAV. D’autres études plus contemporaines, des études en neuro imagerie fonctionnelle vont dans le sens de la théorie d’une imagerie mentale trop vive car elles montrent que les HAV et l’imagerie auditive activent toutes les deux les régions auditives associatives (Dierks et al., 1999; Hubl et al., 2007). Ces résultats tendraient ainsi à conférer aux HAV un statut proche de celui d’une image mentale auditive.

L’hypothèse d’un trouble de la planification du discours (Hoffman, 1986)

La théorie de Hoffman stipule une hyperactivité de la mémoire verbale entraînant la survenue de séquences de parole non planifiées, donc reconnues comme étrangères et vécues comme des HAV. Des anomalies dans l’hippocampe et dans le GTS gauche seraient à l’origine de ce trouble de la planification du discours. Bien que cette théorie associe les HAV à un trouble de la perception de parole et par conséquent à une origine perceptive des HAV, nous pouvons la classer parmi les théories à origine productive, puisqu’il est supposé que ce soit des productions mnésiques qui induisent les HAV.
Le modèle de Hoffman, qui se rapporte à la théorie dite productive, situe le déficit cognitif lié aux HAV au niveau de la planification du discours, planification qui est le processus de préparation, d’organisation temporelle et de contrôle de l’action. Les patients schizophrènes souffriraient d’un trouble de la planification, perturbant toute action nécessitant un ajustement entre le plan ou l’intention et la situation en elle-même ainsi que d’un désordre au niveau de la perception du langage (Hoffman, 2008).
Bien que cette hypothèse soit intéressante, elle ne permet pas ni d’expliquer les HAV ni d’interpréter le lien qui existe parfois entre les HAV et d’autres formes d’hallucinations comme les hallucinations visuelles.

L’hypothèse d’un trouble de la mémoire de source (Bentall, 1990)

La théorie de Bentall suggère un trouble de la mémoire de source, ce qui correspond au model justifiant les HAV par un trouble de la mémoire de travail phonologique. Les patients souffrant d’HAV auraient des difficultés à faire la distinction entre parole externe et parole autogénérée et ils auraient tendance à attribuer à autrui leur propre parole. Une déconnexion fronto-temporale avec des activations anormales du GTS gauche et du CCA pourraient expliquer ce biais d’externalisation (Allen et al., 2007).
L’attribution à une source externe de phénomènes auto-générés est une caractéristique qui a été notamment développée dans les travaux de Chris Frith. Ce modèle est basé sur l’hypothèse selon laquelle les mécanismes physiologiques permettant la reconnaissance de notre discours intérieur et de nos pensées comme propres sont perturbés chez les sujets souffrant de schizophrénie, ce qui a été nommé comme un défaut d’attribution de la source. Ce phénomène serait lié à un dysfonctionnement de la copie d’efférence (appelé décharge corollaire) qui est normalement associée à toute action, que ça soit mouvement ou discours, et qui permet au sujet de prédire les conséquences de ses propres actions. Lors de la survenue de HAV, le discours intérieur ne serait pas accompagné d’une décharge corollaire efficace. En l’absence de cette décharge corollaire, l’individu développe un sentiment de ne pas être l’initiateur et le sujet de ses pensées, phénomène également appelé « défaut d’agentivité ». Ce défaut pourrait aboutir à une attribution externe du discours et à l’émergence de l’hallucination. Ce modèle s’appuie notamment sur des études d’imagerie cérébrale ayant montré que le cortex auditif est anormalement hyperactivé lors de tâches de discours interne chez les patients souffrant de schizophrénie avec hallucinations auditives. Plusieurs travaux ont également pu montrer que ces mêmes patients présentent des difficultés à identifier les informations auto-générées.
Un autre modèle, fondé à partir de cette hypothèse, est celui selon lequel les patients avec schizophrénie présenteraient un déficit dans la discrimination des évènements issus de l’environnement interne (l’imagination) et de ceux issus de l’environnement externe (la réalité). Ce concept est à rapprocher de celui de la théorie de détection du signal selon lequel la détection d’un stimulus est basée sur deux principes : la sensibilité perceptuelle (efficience du système perceptuel) et un critère de décision subjectif (correspondant à la décision selon laquelle un évènement perçu est un stimulus). Ce critère serait perturbé chez les patients souffrant de schizophrénie et de HAV, avec une sensibilité accrue pour détecter des mots et des sons intégrés dans un bruit blanc par rapport aux patients souffrant de schizophrénie sans hallucinations.

L’hypothèse d’un trouble du suivi de l’action (Seal et al., 2004) (Frith, 1992) – Modèles dérivés du modèle de Frith

La théorie de Frith avance un trouble dans le suivi de la production de parole intérieure pour expliquer la survenue des HAV. Ce trouble viendrait d’une défaillance de la décharge corollaire. Les HAV seraient alors des paroles auto-générées mais, la décharge corollaire étant déficiente, elles seraient non ou partiellement prédites et donc attribuées à un agent externe. Cette hypothèse se rapporte au model productif, model selon lequel il existerait un disfonctionnement de la parole interne.
Partant de cette hypothèse, plusieurs modèles explicatifs pour l’apparition des HAV ont été formulés.
Dans une revue ayant abordé les différents modèles neurocognitifs des HAV, ils ont été décrits trois modèles d’influence : le modèle d’un trouble de l’imagerie auditive, le modèle d’un trouble du suivi de soi et celui d’un trouble de la mémoire épisodique. Des déficits cognitifs associés aux HAV ont également été évoqués : influence exagérée des processus attentionnels sur la perception, biais d’externalisation, suivi de soi verbal défaillant et suivi de source pour son propre langage défaillant. (Seal et al., 2004)
Enfin, un modèle multidimensionnel permettant d’intégrer ces différents déficits cognitifs a été proposé. D’après les auteurs « tout modèle neurocognitif de HAV doit tenir compte de deux caractéristiques clés de l’expérience : comment la pensée auto-générée est par la suite mal perçue comme la parole et l’expérience de l’inattention qui accompagne typiquement cette perception (Seal et al., 2004). Leur modèle s’apparente à celui de Frith mais pour Seal et ses collègues, seule la génération des HAV et non pas l’expérience perceptive des HAVs pourrait être expliquée par une défaillance du modèle de prédiction.
Les HAV seraient alors la conséquence d’un dérèglement dans le modèle de prédiction et de la mauvaise interprétation résultant de ce dérèglement.
Bien que ce modèle intègre de manière intéressante les déficits spécifiques mis en évidence dans le cadre de travail des trois modèles influents de Hoffman, Bentall et Frith, il fait, comme celui de Frith, l’affirmation que la parole intérieure est une action donnant lieu à une expérience sensorielle. Il n’explique en effet pas comment il est possible d’avoir une expérience sensorielle effective en parole intérieure. Ce modèle ne propose aucun substrat cérébral aux différents processus.
Inspiré du modèle de Frith, Jones et Fernyhough ont élaboré un modèle, en interprétant le modèle de Frith d’une manière différente. Leur modèle suppose que dans un premier temps il y a une détérioration ou une absence de l’état prédit, anomalie qui se traduit par une absence de conscience de soi comme auteur de l’action en cours. Parallèlement, la non-concordance entre le signal perçu et le signal prédit entraîne une non-atténuation des aires sensorielles correspondantes qui amène le sentiment d’externalisation de l’action (sensation d’un agent extérieur comme auteur de l’action), d’où l’étrangeté et donc l’hallucination.

L’hypothèse d’un trouble de l’attribution d’action (Jeannerod, 2009)

La théorie de Jeannerod présente les HAV comme un déficit dans l’attribution de parole, ce qui correspond au model explicatif dit « productif ». Les patients schizophrènes arriveraient à identifier et exécuter l’action correctement mais ne parviendraient plus à savoir qui est l’auteur de la parole ce qui se traduirait par le phénomène hallucinatoire.
Dans la lignée des travaux de Bentall d’une part, et celles de Frith d’autre part, Jeannerod propose une autre explication de la confusion entre soi et autrui. De façon un peu différente de Frith qui stipule un déficit dans le suivi de l’action, Jeannerod fait l’hypothèse qu’une déficience dans la reconnaissance de l’auteur de l’action serait sous-jacente au phénomène hallucinatoire ainsi qu’aux autres symptômes positifs. (Jeannerod, 2009)
Ce modèle s’appuie sur la notion de représentation partagée. Les représentations partagées peuvent se définir comme un ensemble de représentations communes à l’exécution, l’observation et la simulation mentale d’une action. Au niveau cérébral, cela se traduit par un réseau d’aires cérébrales s’activant de la même manière mais pas à la même intensité, pour l’ensemble des processus consistant dans l’exécution, l’observation et la simulation. Il s’agit du cortex prémoteur dorsal, de l’aire motrice supplémentaire, du gyrus supramarginal et du lobe pariétal supérieur (Grèzes and Decety, 2001). Ces représentations partagées s’ancrant dans un système commun, il s’avère alors nécessaire d’avoir un mécanisme d’attribution de l’action qui permet de déterminer qui produit l’action et si cette action est intérieure ou extérieure (Allen et al., 2007; Jardri et al., 2016; Waters et al., 2012b). On peut penser qu’une altération de ce mécanisme entraînerait une confusion entre ce qui est fait par le sujet et ce qui est fait par autrui. En ce qui concerne le langage intérieur, une confusion dans l’attribution de l’action peut se traduire par un phénomène hallucinatoire.
En résumé, pour Jeannerod, il existe deux niveaux d’auto-reconnaissance, un niveau non-conscient automatique régissant l’identification de l’action et un niveau conscient qui correspond à la sensation d’agentivité. Le modèle de Jeannerod suggère que les patients schizophrènes avec symptômes positifs auraient des déficits dans le deuxième niveau de reconnaissance de l’action (niveau conscient). A l’inverse pour les modèles de Frith, Seal et collègues et Jones et Fernyhough, le dérèglement se situerait davantage au premier niveau concernant l’identification de l’action. Puisque ces 5 modèles ne peuvent à eux seuls expliquer tous les aspects de la phénoménologie de l’hallucination auditive, d’autres modèles ont été développés, dont celui d’un modèle neuroanatomique ainsi qu’un modèle basé sur les expériences passées du sujet qui concernent notamment les représentations de l’environnement extérieur pouvant avoir un impact sur le système sensoriel et pourra être associée à la formation d’hallucinations et d’idées délirantes. Actuellement l’hypothèse la plus consensuelle suppose que les HAV seraient dues à un défaut dans le suivi de la parole intérieure menant à une mauvaise attribution de l’origine et source de la parole et entraînant une assignation à un agent externe.
Malgré les nombreuses théories qui ont été proposées pour tenter d’expliquer l’origine des hallucinations auditives verbales, la ligne théorique la plus influente et la plus féconde est celle qui fait un lien entre les HAV et un dysfonctionnement du self-monitoring lors de la production de parole intérieure. (Rapin, 2011; Waters et al., 2012)
Comme nous l’avons vu, l’HAV est un phénomène multifactoriel, avec une grande hétérogénéité interindividuelle. Si les HAV semblent bien être associées à une défaillance du self-monitoring, mise en évidence par des schémas d’activations frontales inférieures typiques et des tendances à l’hyperactivation temporale et cingulaire antérieure, la survenue des HAV nécessite la présence d’autres facteurs, tels que les facteurs attentionnels, les croyances métacognitives, les facteurs environnementaux ainsi que le biais d’externalisation. Ces facteurs joueraient alors un rôle modulateur primordial, ce qui permettrait d’expliquer pourquoi toute parole intérieure n’est pas mal interprétée comme venant d’un agent externe (Aleman et Larøi, 2008).

Moyens thérapeutiques

Nous allons maintenant nous intéresser aux thérapeutiques disponibles actuellement pour réduire les HAV.
Actuellement, un peu plus de 60 ans après la découverte du premier traitement neuroleptique – la chlorpromazine, nous disposons d’une multitude de choix dans la thérapeutique de la schizophrénie. En effet, si les principes généraux de traitement de la schizophrénie tablent sur une prise en charge permettant la diminution des symptômes psychotiques il est également important de viser la préservation de la meilleure qualité de vie possible. Elle doit donc prendre en compte les symptômes, mais aussi l’insertion sociale, professionnelle, familiale et affective. Elle comporte ainsi deux grands volets : pharmacologiques d’une part, et non-pharmacologiques d’autre part, comprenant les techniques de stimulation cérébrale, mais également les approches psychothérapiques, sociales.

Thérapeutique pharmacologique et résistance

Pour ce qui est de la thérapeutique médicamenteuse, le principal appui est représenté par les traitements neuroleptiques, principalement de seconde génération (SGA) et de moins en moins, mais toujours de façon encore importante en volume, de première génération (FGA).
Après l’apparition du premier neuroleptique dans les années 1950, ce n’est que dans les années 1990 que la deuxième génération de traitement voit le jour. Ceux-ci provoquent moins d’effets indésirables de type neurologique. Cependant, la propriété d’engendrer des effets neurologiques fait partie intégrante de la définition du neuroleptique de Delay et Deniker proposée en 1957. Le terme « d’atypique » est alors accolé pour marquer une différence entre les deux générations.
Les neuroleptiques de première génération ont prouvé leur efficacité sur les symptômes positifs que ce soit lors d’épisodes aigus ou à long terme dans la prévention d’épisodes productifs. Par contre, cette catégorie de médicaments n’est que peu efficace sur les autres symptômes de la maladie comme les symptômes négatifs ou cognitifs.
Les SGA ont prouvé, à travers des multiples études, leur efficacité à long terme qui est équivalente à l’halopéridol voire même supérieure sur certaines dimensions, notamment sur les symptômes négatifs et cognitifs. Nous retrouverons ainsi une meilleure tolérance neurologique, mais ces antipsychotiques ne sont pas dénués d’effets indésirables, tels que les effets cardio-métaboliques. Les antipsychotiques atypiques ont contribué à augmenter la tolérance neurologique des traitements en diminuant l’incidence des syndromes extrapyramidaux et des dyskinésies tardives. De plus, une diminution des taux de prolactine induits par le traitement a été observée sauf dans le cas de la rispéridone. Cependant, de nouveaux effets indésirables cardio métaboliques sont à prendre en compte. Malgré la présence des effets indésirables importants, la découverte des antipsychotiques a permis d’améliorer la qualité de vie et le bien-être subjectif des patients, ainsi que la probabilité de rémission.
Même si le développement d’antipsychotiques était supposé être spécifique à la schizophrénie et visait la pathologie fondamentale de la schizophrénie, qui englobait à la fois les domaines des symptômes positifs et négatifs, les antipsychotiques actuels montrent généralement une plus grande efficacité dans le traitement des symptômes positifs, tels que les hallucinations ou les illusions, que les symptômes négatifs ou les déficits cognitifs.
En ce qui concerne le traitement de la symptomatologie hallucinatoire dans la schizophrénie, et plus précisément les HAV, deux études ont spécifiquement étudié l’efficacité des antipsychotiques pour l’HAV chez les patients schizophrènes en utilisant l’élément P3 de l’échelle des syndromes positifs et négatifs comme mesure de résultat (Johnsen et al., 2013; Sommer et al., 2012).
Les deux études ont mis en évidence un effet thérapeutique significatif et cliniquement pertinent de plusieurs antipsychotiques de première et de deuxième génération. Les HAV sont une caractéristique très importante de la schizophrénie qui ont suscité un intérêt clinique, phénoménologique et neurobiologique considérable (Kubera et al., 2015). Cependant, le traitement de ces symptômes, en particulier chez les personnes souffrant d’HAV persistantes qui ne répondent pas ou pas suffisamment à la psycho-pharmacothérapie, reste un défi clinique majeur. Pour rappel, chez environ 25% des patients atteints de schizophrénie, les HAV sont réfractaires aux traitements psychotropes et peuvent persister de manière chronique (Shergill et al., 1998). À l’heure actuelle, des essais contrôlés randomisés étudient les effets de la psycho pharmacothérapie sur la sévérité des HAV et la réduction ou rémission complète des symptômes. Dans une revue assez récente, ils ont été évalués les effets de cinq agents antipsychotiques (halopéridol, olanzapine, amisulpride, quétiapine et ziprasidone) sur la sévérité des HAV. Il n’a pas été retrouvé de supériorité d’un traitement préférentiel (Sommer et al., 2012). La clozapine est toujours le médicament de choix pour les patients atteints d’HAV qui sont résistants à deux autres agents antipsychotiques. À l’heure actuelle, il n’existe aucun essai clinique comparant de façon spécifique l’efficacité de la clozapine avec d’autres antipsychotiques dans le traitement. (Gillespie et al., 2017)
En outre, au niveau fonctionnel, le traitement par antipsychotiques atypiques est associé à une normalisation de l’activation du Cortex cingulaire antérieur (CAC) pendant la demande cognitive (Fusar-Poli et al., 2007; Snitz et al., 2006), à une diminution de la connectivité fonctionnelle au niveau frontal, temporel et les régions sous-corticales, y compris le gyrus frontal inférieur, la STG et le gyrus parahippocampique au repos (Lui et al., 2010) et une augmentation de la connectivité fonctionnelle au repos entre le striatum et le CAC, le cortex préfrontal dorsolatéral (DLPFC), l’hippocampe et l’insula antérieure (Sarpal et al., 2016). Bien qu’aucune de ces études n’ait spécifiquement étudié les HAVs en tant que mesure de résultats, il est intéressant de noter qu’un grand nombre de régions impliquées dans les hallucinations auditives, telles que le gyrus frontal inférieur, la GTS, l’hippocampe et le cortex cingulaire antérieur, montrent également une normalisation des réponses fonctionnelles après le traitement.
Ces études fournissent donc des preuves en faveur d’une normalisation de la fonction cérébrale induite par un antipsychotique qui laissent sous-tendre l’efficacité des traitements chez les patients ayant des hallucinations auditives.
Même si les médicaments antipsychotiques ont révolutionné le traitement de la schizophrénie, la réponse au traitement est très hétérogène et environ un tiers des patients ne répondent pas ou présentent une réponse clinique insuffisante à ces médicaments (Kane, 2012).
Les données épidémiologiques de la littérature scientifique indiquent qu’environ 30% des patients schizophrènes développeront une schizophrénie résistante aux traitements (SRT) au cours de l’évolution de leur maladie (Elkis and Buckley, 2016; Kane et al., 1988).
Les premières définitions de la SRT étaient principalement basées sur la persistance de symptômes positifs, malgré un traitement antipsychotique adéquat pour les doses et la durée (Itil et al., 1966). Cependant, la définition la plus couramment utilisée du SRT dans les domaines cliniques et de la recherche reste celle de l’étude de Kane sur la clozapine (Kane et al., 1988).
Kane et ses collaborateurs (Kane et al., 1988) ont été les premiers à élaborer une définition plus précise de la résistance aux traitements dans la schizophrénie. Leurs critères ont été élaborés à l’occasion d’une étude de référence sur clozapine (McIlwain et al., 2011; Suzuki et al., 2011). Ainsi, en 1988, ils définissent les premiers la schizophrénie résistante à propos des patients « réfractaires aux neuroleptiques » selon les critères suivants : (Kane et al., 2019)
• Patient répondant aux critères diagnostiques de schizophrénie du DSM-III.
• N’ayant pas eu de période où il allait bien pendant les cinq dernières années.
• Ayant bénéficié d’au moins 3 traitements neuroleptiques de familles chimiques différentes (pour deux au moins d’entre eux).
• Traitements qui ont été administrés pendant des durées d’au moins six semaines chacun, à une posologie équivalente à au moins 1 g par jour de chlorpromazine sans amélioration symptomatique significative observée.
D’après le Guide édité par la Haute Autorité de Santé (HAS, 2017), la définition de la résistance correspond à deux séquences de traitement antipsychotique à posologie et durée suffisantes (au moins six semaines) sans bénéfice thérapeutique. En dehors de ces deux séquences, il est nécessaire d’éliminer d’autres causes d mauvaise réponse qu’une résistance : défaut d’observance, conduites addictives, interactions médicamenteuses, pathologies organiques.
La définition du NICE (National Institute for Health and Care Excellence) est un manque d’amélioration clinique significative malgré l’utilisation successive à doses recommandées d’au moins 2 antipsychotiques dont au moins l’un d’eux doit être un atypique, pendant 6 à 8 semaines. (NICE, 2009)
Selon des revues récentes de Suzuki et al. (Suzuki et al., 2011, 2012), dans la plupart des études, la schizophrénie résistante au traitement est définie par l’absence d’amélioration ou une amélioration insuffisante des symptômes positifs après administration d’un à trois traitements antipsychotiques, chacun administré à des doses thérapeutiques équivalentes à 400-1.000 mg/jour de chlorpromazine, pendant ≥ 4-6 semaines. Ces auteurs ont proposé la définition suivante : échec d’au moins deux antipsychotiques différents, instaurés à la dose équivalente journalière d’au moins 600 mg de chlorpromazine pendant au moins 6 semaines consécutives. On remarque que dans cette définition, les doses équivalentes journalières de chlorpromazine suffisantes pour conclure à l‘échec d‘une molécule sont réduites à 600 mg (au lieu de 1000 mg comme dans la définition de Kane).
En pratique, on considère qu’il y a résistance en cas d’échec d’un traitement médicamenteux avec au moins deux antipsychotiques de deux classes chimiques différentes, « bien mené », à « dose adéquate », pendant au moins 6 semaines.
Dans une revue récente de 2019, Kane et ses collaborateurs, présentent l’évolution des critères d’évaluation d’une résistance schizophrénique – figure ci-dessous. (Kane et al., 2019)
À ce jour, la clozapine est unique car il s’agit du seul traitement de la SRT fondé sur des données factuelles. Plus de 50% des personnes schizophrènes traitées avec la clozapine présentent une réponse favorable. Il semble donc supérieur à tous les antipsychotiques, y compris les autres antipsychotiques atypiques, dans le traitement de cette population (Lally et al., 2016) .
Dans la population schizophrène étiquetée comme résistante, la clozapine apporte 30 à 60 % d’efficacité. En corolaire, si environ 30% des sujets schizophrènes sont résistants aux thérapeutiques, et environ 30% d’entre eux répondent à la clozapine (Kane et al., 1988) alors environ 20 % des sujets schizophrènes seraient totalement résistants aux prises en charge médicamenteuses. Ces patients qui ne répondent pas à la clozapine, sont nommés « ultra résistants » (Mouaffak et al., 2006) « super réfractaires » (Henna Neto and Elkis, 2007) ou bien simplement « résistants à la clozapine » (Williams et al., 2002).
Restant encore très limitées, les données actuelles de la littérature ne permettent pas d’avoir une définition standardisée pour le groupe de patients non répondeurs à la clozapine. Néanmoins, Mouaffak et col. (Mouaffak et al., 2006), proposent, à cette notion d’échec de traitement par clozapine, des limites un peu plus précises, comme :
• Une durée de traitement supérieure à huit semaines
• Une clozapinémie supérieure à 350 µg/l
• Un score BPRS supérieur ou égal à 45
• L’absence de stabilisation du fonctionnement social et/ou occupationnel sur une période de minimum cinq ans.
Malgré toutes les études qui ont montré l’efficacité de la clozapine dans le SRT, celle-ci est sous-prescrite dans la plupart des pays (Lally et al., 2016). Les explications à cela comprennent les inquiétudes quant aux effets secondaires, aux inconvénients de la surveillance sanguine thérapeutique et à toutes les potentielles conséquences associées à l’utilisation de la clozapine (Li et al., 2018). Les niveaux d’utilisation sont bien inférieurs aux 50 à 60% des patients souffrant de SRT, qui pourraient en bénéficier, bien que plusieurs études soulignent que la clozapine reste le traitement de choix pour la schizophrénie résistante aux traitements (Taylor, 2017).

Thérapeutique non pharmacologique

Les traitements antipsychotiques ne ciblent pas spécifiquement les HAV, ce qui fait qu’il existe un intérêt considérable pour le développement de nouvelles thérapies ciblées sur les hallucinations auditives verbales chez la population de patients schizophrènes.
Ces traitements, sont représentés actuellement, en grand partie par différentes techniques de stimulation cérébrale (invasive ou non invasive), mais aussi les psychothérapies et des mesures sociales.

Stimulation cérébrale

Les traitements à base d’électrostimulation ont été utilisés à vocation thérapeutique depuis au moins 2000 ans puisque nous retrouvons des écrits qui font part de l’utilisation des poissons torpilles par les romains pour traiter les maux de tête, soulager la douleur ou de traiter les crises d’épilepsie.
Puis, au milieu du XIXème siècle, des machines empiriques utilisant les courants galvaniques ont été fabriquées. Malgré quelques résultats positifs, ces techniques de stimulation ont rapidement été abandonnées à des moments où le développement de la psychopharmacologie était en plein essor. A cet abandon, un rôle aussi important que la psychopharmacologie, semble avoir été joué par la stigmatisation, liée en grande partie à la « mauvaise réputation » de l’électro – convulsivothérapie. Compte tenu des limites atteintes par la psychopharmacologie et la confrontation à de nombreux symptômes psychiatriques résistants à la médicamentation, cette technique connait un nouvel essor de nos jours.
Ainsi la tDCS, est une technique de neuromodulation, non invasive basée sur l’induction d’un courant électrique continu circulant entre une anode et une cathode, utilisée pour la première fois dans les années 60 et qui a connu un réel essor depuis les années 2010 en étant une technique de plus en plus utilisée dans la schizophrénie résistante. Même si la littérature reste relativement pauvre, compte tenu de sa jeunesse, et avec des résultats parfois contradictoires concernant l’effet thérapeutique de la tDCS sur les HAV, il est admis qu’une stimulation cathodale au niveau du cortex temporo pariétal gauche pouvait réduire jusqu’à 30% les HAV, ces résultats pouvant se maintenir jusqu’à 3 mois après le traitement. (Li et al., 2016)
La stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS), représente une autre technique de stimulation cérébrale non invasive, dont le principe thérapeutique repose sur la réduction de l’excitabilité des régions corticales intervenant dans les processus du langage.
Dans le contexte de la schizophrénie, la rTMS a été proposée comme un outil thérapeutique pour les HAV résistantes à la chimiothérapie en partant des modifications à type d’hyperactivité temporo-pariétale mises en évidence par l’imagerie TEP et IRMf. Généralement c’est une stimulation à basse fréquence au niveau du cortex temporo-pariétale de l’hémisphère gauche. (Silbersweig et al., 1995)
Une première étude sur l’efficacité de l’rTMS, menée dans les années 1999, montre une efficacité de la rTMS sur la symptomatologie positive (Hoffman et al., 1999). Depuis, de nombreuses études ont montré une nette réduction des HAV avec un effet positif maintenu jusqu’à 12 mois pour un quart des patients ayant reçu ce traitement. (Hoffman et al., 2000, 2003)
Même si le protocole le plus utilisé est représenté par des séances de stimulation à base fréquence – 1Hz (Slotema et al., 2014), à raison de séances biquotidiennes sur une période de 2 à 3 semaines, il existe des études ayant montré un intérêt thérapeutique dans l’utilisation de la rTMS à haute fréquence (20Hz) (Kimura et al., 2016), avec l’avantage de réduire la durée de traitement à 4 séances, c’est-à-dire 2 jours de thérapie.

Les psychothérapies : des modèles psychothérapeutiques ont été également développés pour cibler la prise en charge des HAV

Plusieurs techniques de psychothérapie ont montré une efficacité dans la prise en charge des hallucinations auditives notamment en combinaison avec la pharmacothérapie et les programmes de réhabilitation (Jardri et al., 2016; Mojtabai et al., 1998).

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Table des matières

Introduction
1. Hallucinations Acoustico-Verbales
1.1 Généralités et définition du phénomène hallucinatoire
1.2 Imagerie cérébrale, neurobiologie et hallucinations auditives
1.3 Théories explicatives des hallucinations auditives
2. Moyens thérapeutiques
2.1 Thérapeutique pharmacologique et résistance
2.2 Thérapeutique non pharmacologique
2.2.1 Stimulation cérébrale
2.2.2 Les psychothérapies
3. Thérapie AVATAR
3.1 Place de la réalité virtuelle en psychiatrie
3.1.1 Réalité virtuelle, immersion et présence
3.1.2 Les applications thérapeutiques de la réalité virtuelle en psychiatrie
3.2 Principe
3.3 Méthode
3.4 Effets
3.5 Déroulement d’une intervention thérapeutique AVATAR
3.6 Les mécanismes d’action de la thérapie AVATAR
4. Discussion
5. Conclusion
Bibliographie

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