Outre les applications traditionnelles du refroidissement des détecteurs infrarouge, le développement des matériaux supraconducteurs et plus généralement de l’électronique à basse température, entraînent des besoins en cryoréfrigération de plus en plus importants. Lorsque ce type d’électronique est installé dans un site isolé (satellite, relais téléphonique…), un cryoréfrigérateur indépendant doit être utilisé à la place des fluides cryogéniques traditionnels tels que l’azote ou l’hélium liquide. Pour ces applications, pour lesquelles la fiabilité est primordiale, des machines spécifiques doivent être conçues.
Les tubes à gaz pulsé (TGP) répondent à ces contraintes : ils ne comportent aucune pièce mobile à froid et offrent donc une grande fiabilité ainsi que des niveaux de vibrations très faibles. Ces machines sont composées d’un générateur de pression (appelé oscillateur de pression pour la technologie haute fréquence) et d’un « doigt froid » qui constitue la partie réfrigérateur proprement dite. Dans le doigt froid, un gaz caloporteur subit des cycles de compressions et de détentes permettant l’extraction de la puissance frigorifique. Les tubes à gaz pulsé, dont les développements se sont intensifiés réellement à partir du début des années 80 doivent être améliorés pour obtenir des rendements similaires aux technologies concurrentes (Stirling ou Mc-Mahon selon la gamme de puissance). En prévision de l’émergence de filtres supraconducteurs pour la téléphonie mobile (sur les relais) ou pour des applications spatiales, il était souhaitable de développer des TGP permettant d’obtenir une puissance frigorifique de quelques watts à 80 Kelvin, température permettant l’utilisation de supraconducteurs à haute température critique.
Réfrigération et cryogénie
Avant l’an mille avant Jésus-Christ, en Chine, la glace était utilisée pour la conservation des aliments. Les romains géraient déjà le transport de la glace pour l’amener dans des caves où étaient conservés leurs aliments[1]. L’utilisation de la chaleur absorbée par l’évaporation de l’eau pour refroidir les gourdes ou les réserves d’eau est probablement encore plus ancienne. Le domaine de l’alimentation a ainsi été le premier consommateur de technique de réfrigération, mais, on le verra, les basses températures sont maintenant présentes dans de nombreux domaines.
Au XVIème siècle, la fabrication du premier thermomètre, peut-être par Galilée, marque vraiment les débuts de la thermodynamique. Suite aux réflexions de Boyle, Mariotte, puis Gay-Lussac au XVIIème siècle, les différentes échelles de température (Celsius et Fahrenheit) apparurent au début du XVIIIème siècle. A la même époque, le hollandais Van Marum liquéfia pour la première fois de l’ammoniac en le portant à la pression de 7 bars. Il ouvrait la voie à l’utilisation de fluides pour la réfrigération.
En 1824, Carnot énonce le principe qui portera son nom et d’après lequel toute transformation de chaleur en travail mécanique n’est possible que grâce à l’emploi de deux sources de chaleur de températures différentes. Au long du XIXème siècle, les physiciens cherchèrent à liquéfier tous les gaz possibles, à la fois pour mieux comprendre la structure de ces gaz, mais aussi pour pouvoir travailler à plus basse température. C’est en liquéfiant l’hélium en 1911 que Kamerlingh-Onnes découvrit la supraconductivité du mercure. Dans le même temps, les réfrigérateurs mécaniques apparurent à la fin du XIXème siècle pour le transport maritime réfrigéré. Le « frigorifique », assurant la liaison entre Rouen et Buenos Aires fut, en 1876, le premier navire utilisant un de ces appareils.
Aujourd’hui, la liquéfaction des gaz est devenue une industrie puissante, et de nombreuses applications des basses températures demandent la conception de machines adaptées aux besoins de chacune. On désigne maintenant par cryogénie l’ensemble des techniques concernant la production ou l’utilisation des basses températures. La température de liquéfaction du méthane à 110 Kelvin(K) (-160°C) est souvent considérée comme limite supérieure définissant le domaine de la cryogénie.
Les applications de la cryogénie
L’usage de la cryogénie s’est généralisé à de nombreux domaines allant de la recherche en physique à la liquéfaction du méthane pour son transport. Dans ce paragraphe, nous proposons une brève description des utilisations principales des basses températures. Pour la technologie spatiale signalons le travail de Collaudin [2] qui propose une revue très détaillée des diverses applications spatiales de la cryogénie, revue que nous ne reprendrons pas.
Diminution de l’agitation électronique
Travailler à très basse température est devenu une nécessité pour beaucoup d’applications électroniques pour plusieurs raisons. L’une d’elle est la diminution du bruit électronique. L’énergie des électrons est proportionnelle à 3/2 kBT (kB constante de Boltzmann et T température en Kelvin). Plus cette énergie est importante, plus l’agitation thermique est importante, et donc plus le bruit est important.
Imagerie infrarouge
Le rayonnement lumineux émis par un corps est proportionnel à sa température à la puissance quatre : plus sa température est élevée, et plus il émet de photons lumineux. On peut préciser que la longueur d’onde λmax correspondant au maximum d’émission des photons varie également avec la température du corps selon la loi de Wien : λmaxT=3000µm.K. Ainsi, le rayonnement du soleil (5800 K), se situe principalement dans le visible (λmax=500 nm), alors qu’une surface à température ambiante (300 K) émet un rayon majoritairement situé aux alentours de 9000 nm, c’est à dire dans le domaine des rayonnements infrarouges. Les photons émis par un corps à 300 K sont donc susceptibles d’être détectés par les capteurs infrarouges.
Les détecteurs infrarouges fonctionnant à température ambiante perturbent les mesures par leur propre rayonnement (autorayonnement). Ces détecteurs doivent donc comporter un filtre électronique permettant de supprimer cette perturbation. Pour s’affranchir de ce filtre, ou pour des mesures plus précises, il est nécessaire de refroidir les détecteurs à des températures cryogéniques. Typiquement, les récepteurs pour l’imagerie infrarouge sont refroidis aux alentours de 80 K. Ils sont majoritairement utilisés dans le domaine militaire, pour l’observation ou le guidage des missiles. A plus basse température, les scientifiques cherchent à caractériser le rayonnement fossile à 2,7 K. Pour observer un tel rayonnement avec précision, les détecteurs utilisés, appelés bolomètres, sont refroidis à une température de l’ordre de 100 à 200 mK.
Changement de propriétés des matériaux
Le changement de propriétés des matériaux à basse température est la raison de nombreuses applications de la cryogénie. Les supraconducteurs notamment sont des matériaux qui voient leur résistivité électrique s’annuler en dessous de leur température de transition appelée température critique. Cette température dépend principalement du type de matériaux utilisé. Actuellement, la température critique des supraconducteurs dits « Bas-Tc » (Nb3Sn, NbTi, …) est de quelques Kelvins. Ces matériaux peuvent être fabriqués en grande quantité et sont largement utilisés pour réaliser des bobines produisant des champs magnétiques intenses. La température de transition des supraconducteurs « Haut-Tc » est de l’ordre de 90 K. Ces matériaux, des poudres céramiques (YbaCuO, céramiques à base de Bismuth, …) sont difficiles à mettre en œuvre sous forme de fils massifs de grandes longueurs. Ils sont développés pour des applications nécessitant peu de matériau. Une application prometteuse est l’utilisation de filtres supraconducteurs, pour la téléphonie mobile. En électrotechnique, des limiteurs de courant ou des transformateurs sont en cours de développement [3],[4]. Les câbles pour le transport de grande puissance de courant, notamment dans les centres des grandes villes sont également à l’étude.
Médical
Dans le domaine médical, la cryogénie est maintenant couramment utilisée. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est un des principaux débouchés industriels de la cryogénie puisque les champs magnétiques nécessaires à cette technique sont généralement réalisés à l’aide de bobines supraconductrices. Dans une autre utilisation, le traitement de verrues, ou même de certains cancers utilise les basses températures pour la destruction de cellules. La conservation de cellules humaines (globules rouges, moelle osseuse, …) à la température de l’azote liquide est aujourd’hui bien maîtrisée. Des recherches sont menées pour étendre cette pratique à la conservation de tissus puis d’organes. La technique utilisée est la vitrification qui doit permettre de refroidir les tissus sans formation de cristaux de glace. Cette technique encore mal maîtrisée demande un contrôle minutieux des variations de température et l’emploi d’agents antigels spécifiques .
|
Table des matières
INTRODUCTION
I PRÉSENTATION
I.1 RÉFRIGÉRATION ET CRYOGÉNIE
I.1.A Les applications de la cryogénie
I.1.B Cycle de Carnot
I.1.C Cycles pour les basses températures
I.1.D Les tubes à gaz pulsé (TGP). Etat de l’art
I.2 FONCTIONNEMENT IDÉAL DU TUBE À GAZ PULSÉ
I.2.A Le tube à gaz pulsé
I.2.B Présentation du modèle descriptif
I.2.C Le régénérateur
I.2.D Le gaz du tube : un piston gazeux
I.2.E Bilan
I.2.F Remarque sur l’évolution historique du tube à gaz pulsé
I.2.G Conclusion
I.3 LE TUBE À GAZ PULSÉ RÉEL : DESCRIPTION
I.3.A Diagramme de Fresnel
I.3.B Tube
I.3.C Pertes régénérateur
II EXPÉRIENCES DE DIMENSIONNEMENT
II.1 INTRODUCTION
II.2 MÉTHODE EXPÉRIMENTALE
II.2.A Conception des TGP
II.2.B Description de l’installation expérimentale
II.2.C Déroulement des essais
II.2.D Mesure du flux d’enthalpie
II.3 PROGRAMME DE SIMULATION
II.3.A Principe de la simulation
II.3.B Calculs plus détaillés
II.3.C Limites de la simulation
II.3.D Exemple
II.3.E Conditions d’utilisation de la simulation
II.4 RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX
II.4.A Capillaire
II.4.B Mélange des tranches de gaz dans le tube
II.4.C Longueur de tube
II.4.D Diamètre du tube
II.4.E Régénérateur
II.5 CONCLUSION
III CAPILLAIRE
III.1 INTRODUCTION
III.2 PRÉLIMINAIRES
III.2.A Description des capillaires et conditions d’utilisation
III.2.B Principe du capillaire
III.2.C Analogie électrique
III.2.D Approximation
III.3 MÉTHODE EXPÉRIMENTALE
III.3.A Descriptif
III.3.B Mesure expérimentale des oscillations de pression
III.4 MODÉLISATION NUMÉRIQUE
III.4.A Description du modèle
III.4.B Stabilité et temps de calculs
III.4.C Oscillation de pression dans le capillaire
III.4.D Apports de la modélisation numérique
III.5 MODÈLE ANALYTIQUE
III.5.A Equations utilisées
III.5.B Résolution de l’équation différentielle
III.5.C Détermination des paramètres de pertes de charge
III.6 VALIDATION ET UTILISATION DES MODÈLES NUMÉRIQUES ET ANALYTIQUES
III.6.A Variation avec la géométrie du capillaire
III.6.B Variation avec la fréquence et la pression d’entrée
III.6.C Sources d’erreur du modèle analytique
III.6.D Variation du débit le long du capillaire
III.6.E Vérification numérique du débit de remplissage
III.6.F Remarques sur le coefficient polytropique
III.7 RÉSULTATS POUR LE DÉBIT D’ENTRÉE
III.7.A Effet de l’amplitude des oscillations de pression
III.7.B Effet de la longueur
III.7.C Effet des variations de diamètres
III.7.D Effet de la fréquence
III.7.E Représentation du débit d’entrée dans le plan Phase/débit
III.7.F Apport de l’étude
III.8 APPLICATION AUX TUBES À GAZ PULSÉ
III.8.A Détermination de la réponse du capillaire
III.8.B Limite de l’optimisation
III.9 CONCLUSION
IV OSCILLATEUR
CONCLUSION