Les anticancéreux administrés par voie orale disponibles en officine
Définitions et épidémiologie du cancer
La définition du cancer notée dans le Larousse (3) est la suivante : « Maladie qui a pour mécanisme une prolifération cellulaire anarchique, incontrôlée et incessante ». En effet, le cancer, au départ, est une maladie de la cellule (4). Cette cellule, après une agression ou un dommage, subie une mutation d’un gêne (4,5). Les modifications structurelles des cellules sont habituellement réparées par l’organisme. Mais quand, la cellule devient cancéreuse, elle ne peut pas redevenir saine par le système de réparation de l’organisme (6). Cette cellule devient incontrôlée, et se multiplie indéfiniment. Et la principale toxicité de cette maladie vient du fait que les cellules en proliférant sont néfastes pour les cellules normales avoisinantes (7). En effet, pour se multiplier les cellules s’étendent (sans stimulus physiologique) (7) et donc détruisent les cellules saines. Ce qui porte préjudice au bon fonctionnement de l’organe en question (5). Lorsque les cellules multipliées deviennent une masse conséquente (c’est-à-dire environ 100.000 cellules), elles se transforment en une tumeur. Il faut savoir que la transformation de la première cellule saine en cellules cancéreuses au stade tumeur, peut se dérouler plusieurs années (15 à 20 ans) (5,8). Et la notion de métastases est définie lorsque les cellules cancéreuses ont migrées par les vaisseaux lymphatiques et sanguins pour former d’autres tumeurs dans d’autres localisations (4,8).
Les définitions de cancer, de tumeur et de métastases ainsi décrites, nous pouvons maintenant détailler les mécanismes mis en place pour que la cellule saine se transforme en cellules cancéreuses puis ceux concernant la croissance en métastases. La transformation des cellules saines en cellules cancéreuses est appelée la « cancérogenèse » ou l’ « oncogenèse ». Elle se déroule en deux étapes distinctes : l’initiation et la promotion (8–10). Pour comprendre le phénomène de croissance excessive des cellules cancéreuses, il faut expliquer le cycle cellulaire d’une cellule normale. En effet, les cellules sont régulées par les gènes (11). Cette suite de gènes forme la chaine d’ADN. Cette chaine d’ADN par des mécanismes de transcription/traduction prépare la multiplication cellulaire soit la mitose (7,12).
Une cellule saine devient cancéreuse en raison de la présence ou non de certains gènes : ces gènes sont appelés oncogènes ou anti-oncogènes (13). Seulement, le mécanisme ne se résume pas seulement à la présence ou non de ces deux gènes. En effet, ces deux types de gènes sont présents dans l’expression de la cellule pour que la cellule devienne mutante, elle doit perdre le gène anti-oncogène et activer les oncogènes (13). Deux évènements sont donc nécessaires à la mutation (7). Ces deux évènements constituent la première étape de la progression tumorale : l’initiation. Les oncogènes (ou activateurs de tumeur), d’abord, codent pour la plupart pour des facteurs de croissance ou des cytokines. Ce sont, initialement, des protooncogènes qui existent dans la chaine d’ADN des cellules saines. Et suite à des modifications génétiques, ils se transforment en oncogènes nécessaires à la participation à l’oncogenèse (8). L’activation de ces oncogènes permet l’activation en grand nombre de ces intermédiaires aboutissant à la stimulation de la croissance cellulaire typique de la cellule cancéreuse (transduction, amplification, division cellulaire) (7,13).
En France
Le dernier rapport sur la situation de la chimiothérapie des cancers de l’Institut National du Cancer a été révélé en début d’année 2016 (31). Ce nouveau rapport ne se préoccupe que de l’activité en cancérologie pour chimiothérapie, et non pas des chiffres d’incidence et de mortalité liés au cancer (32). Les derniers chiffres estimant l’incidence et la mortalité dus aux cancers sont donnés dans le rapport de 2015 avec une incidence de 385.000 cas par an : 211.000 chez les hommes et 174.000 chez les femmes en 2014 (33). On retrouve plus de chiffres dans les rapports de 2013 et de 2014 de ce même organisme (28,29). De ces deux rapports, on obtient des données de 2012 qui révèlent que le nombre de nouveaux cas de cancer en France a été estimé à 355.000 (200.000 chez l’homme et 155.000 chez la femme) soit 30.000 de moins qu’en 2014 (34). Parmi les cancers les plus fréquents, on retrouve le cancer colorectal et le cancer du poumon chez les deux sexes. Chez l’homme, on retrouve dans les cancers les plus fréquents : le cancer de la prostate avec 56.840 nouveaux cas, puis le cancer du poumon avec 28.200 nouveaux cas et le cancer colorectal avec 23.200 nouveaux cas (35).
Chez la femme, on retrouve aussi le cancer du poumon à la troisième place du cancer le plus fréquent en 2012 avec 11.300 nouveaux cas, puis le cancer colorectal dans un peu plus de cas : 18.920. Le cancer le plus fréquent chez la femme, durant cette année, reste le cancer du sein avec 48.800 nouveaux cas (36,37). L’évolution de l’incidence des cancers depuis 1980 est considérable. En effet, ces augmentations sont de plus de 109 % entre 1980 et 2012 (plus de 107,6 % pour les hommes et plus de 111,4 % pour les femmes). Les arguments de cette hausse sont principalement l’augmentation et le vieillissement de la population (28,29). En étudiant le paramètre de l’âge au moment du diagnostic, il passe du simple au double selon les cancers. En effet, chez l’homme, l’âge varie de 38 ans (retrouvé dans les cas du cancer des testicules) à 75 ans (pour le cancer de la vessie). Chez la femme, on retrouve le cancer de la thyroïde dès 52 ans et le cancer de la vessie jusqu’à 77 ans. L’âge moyen au moment du diagnostic du cancer est de 67 ans chez l’homme et de 66 ans chez la femme.
Dans le monde
En ce qui concerne les données mondiales, les derniers chiffres datent aussi de 2012. Pour l’incidence, il y a eu 14,1 millions de nouveaux cas de cancer et 32,6 millions de personnes qui vivent avec le cancer (40). Comme pour les données françaises, la survenue de cancer est plus fréquente chez les hommes que chez les femmes. En effet, le taux d’incidence en 2012, est de 205 nouveaux cas pour 100.000 hommes et 165 nouveaux cas pour 100.000 femmes. Ces taux d’incidence varient en fonction des parties du monde et du sexe (40). Pour les hommes, c’est en Afrique Occidentale que le taux est le plus bas (75 pour 100.000 cas) et c’est l’Australie et la Nouvelle Zélande qui ont près de cinq fois plus d’incidence (365 pour 100.000 cas) (40). Chez la femme, par contre, la partie du monde ayant le taux d’incidence le plus bas est en Asie du Sud-Centrale avec 103 pour 100.000 femmes et c’est en Amérique du Nord que l’on retrouve le plus fort taux d’incidence : 295 pour 100.000 femmes (40). Dans ce document du Globocan de 2012, il y a des données contradictoires que l’on peut corréler à l’absence ou à la faible proportion de dépistage. L’Agence Internationale pour la Recherche du Cancer a observé 57 % (soit 8 millions) de nouveaux cas de cancer, et 48 % (soit 15,6 millions) des personnes atteintes de cancer se concentrent dans les régions les moins développées (40).
Concernant les constats relatifs à la mortalité, le cancer a tué 8,2 millions personnes dans le monde en 2012. Et si on se concentre sur les régions les moins développées, 15,6 millions des personnes atteintes de cancer sont décédé en 2012 soit 48 % des décès dans le monde (40). Sinon, il n’y a pas autant de variabilité que pour l’incidence. En effet, pour les hommes, les taux de mortalité les plus bas sont en Afrique occidentale avec 69 pour 100.000 hommes alors que les plus hauts sont en Europe de l’Est avec 173 pour 100.000 hommes. Chez les femmes, les taux de mortalité les plus bas se retrouvent en Asie du Sud-Centrale avec 65 pour 100.000 femmes et les plus hauts sont en Mélanésie (groupe d’iles au dessus de l’Australie dans l’océan Pacifique (41)).
Historique de la découverte des anticancéreux
Les premiers anticancéreux découverts datent des années 1930 (59). Ce sont les agents alkylants et notamment les moutardes à l’azote. Ils sont appelés ainsi en raison de leur proximité des gaz moutardes utilisés sur les champs de bataille lors de la Première Guerre Mondiale (59,60). Cette découverte des gaz moutardes a permis de voir apparaître le cyclophosphamide en 1950 (60). Puis, en 1953, le méthotrexate est apparu. Ensuite, dans les années 1960, c’est la révélation des anthracyclines par des chercheurs français et italiens (61). Cette famille d’anticancéreux n’a été disponible en voie orale qu’en 2007 ; mais elle a été capitale dans la découverte de l’activité de la topo-isomérase II. En effet, en 1960, les anthracyclines sont des cytotoxiques isolés tels que l’ont été les antibiotiques (daunorubicine et doxorubicine) (59). Ici, la souche était Streptomyces caeroleoruloides et pericetius (61). Et leur action au niveau de l’ADN d’insertion entre les paires de bases azotées de l’ADN et d’inhibition de l’activité de cette fameuse enzyme, a été élucidée. Cette inhibition bloque le contrôle de l’ADN par cette enzyme et induit la mort de la cellule (59). Puis, en 1966, la structure de la camptothécine est isolée de la plante Camptotheca acuminata et étudiée.
De ceci est ressortie l’origine du mécanisme d’action de la camptothécine : la cible de la topoisomérase I avec les découvertes successives de l’irinotécan en 1994 puis du topotécan en 1996 (62). En 1966, les molécules du Taxus brevifolia (et notamment le taxol et le taxotère) ont été isolées et purifiées. Et c’est en 1978 que les études indiquent que le taxol inhibe la prolifération pendant la phase G2-M du cycle cellulaire et bloque la mitose (cf Figure 6 : Cycle cellulaire et anticancéreux (65)). Et c’est pendant la période 1990-1994 que les progrès ont permis de synthétiser le taxol. Ce fut une grande avancée car avec 12 kgs d’écorce d’if, on obtient 0,5 mg de taxol soit un rendement de 0,004 % (63). En 1978, la vinblastine (le premier alcaloïde naturel) a été découverte dans des feuilles de Vinca rosea, suivie de la vincristine. Mais ce n’est que dans les années 1970 que deux dérivés alcaloïdiques sont synthétisés (vindesine et vinorelbine) et qualifiés de médicaments anticancéreux (64). Ces molécules anticancéreuses dérivant des composants de l’if et de la petite pervenche sont aujourd’hui dans la famille des poisons du fuseau de par leur effet sur les microtubules (65). Ces différents anticancéreux découverts sont les premiers d’une longue liste. En parallèle, dans les années 1980, les analogues nucléosidiques (ou encore appelés les antimétabolites) ont été découverts comme la fludarabine (59). Cette découverte est le fruit d’une longue recherche démarrant en 1956 avec Monsieur HEIDELBELBERGER de l’Université du WISCONSIN aux ETATS UNIS. Il a observé l’utilisation rapide de la base de la structure de l’ARN, l’uracile, au niveau de tumeur chez des rats (66). Il a rapidement utilisé le 5FU (5-fluorouracile) dans les cancers digestifs, du sein et de la sphère ORL (60).
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Table des matières
Table des Illustrations:
Table des Tableaux :
Table des Annexes:
Glossaire :
Introduction
Partie 1 : Généralités sur le cancer
1.Définitions et épidémiologie du cancer
1.1. Définitions
1.2. Epidémiologie
1.2.1. En France
1.2.2. Dans le monde
2.Arsenal thérapeutique
2.1. Notion de chirurgie et de radiothérapie
2.2. Chimiothérapie orale
2.2.1. Historique de la découverte des anticancéreux
2.2.2. Notion d’observance
Partie 2 : Les anticancéreux administrés par voie orale disponibles en officine
1.Avantages de la voie orale
2.Descriptions des médicaments disponibles en officine (65,88,89)
2.1. Chimiothérapie conventionnelle
2.1.1. Les alkylants
2.1.3. Les antimétabolites
2.1.4. Les poisons du fuseau
2.2. Thérapies ciblées
2.2.1. Les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK)
2.2.2. Les inhibiteurs de mTOR
2.2.3. Inhibiteur de la voie de signalisation Hedgehog par inhibition de la SMO
2.3. Hormonothérapie
Partie 3 : Les effets secondaires de la chimiothérapie et leur prise en charge
1.Les différents effets secondaires de la chimiothérapie
1.1. Toxicité digestive
1.1.1. Nausées et vomissements
1.1.2. Diarrhées
1.1.3. Constipation
1.1.4. Mucites et autres pathologies de la cavité buccale
1.2. Toxicité cutanée
1.2.1. Alopécie
1.2.2. Toxicité sur les ongles
1.2.3. Photosensibilisation, éruptions cutanées
1.2.4. Syndrome main-pied
1.2.5. Fissures cutanées
1.3. Toxicité hématologique
1.3.1. Neutropénie
1.3.2. Anémie
1.3.3. Thrombopénie
1.4. Fatigue
1.5. Douleur.
1.6. Troubles génitaux et vie de couple
2.Les soins de support
2.1. Les antiémétiques
2.2. Les bains de bouche
2.3. Les facteurs de croissance
2.4. Les antianémiques
2.5. La nutrition
Partie 4 : Enquête sur les besoins des pharmaciens d’officine
1.Présentation de l’enquête
2.Objectifs
3.Matériels et méthodes
3.1. Sélection des pharmaciens
3.2. Déroulement de l’étude
3.3. Le questionnaire.
4.Résultats
4.1. Caractéristiques des pharmaciens participants
4.2. Concernant les patients sous chimiothérapie orale et leur traitement anticancéreux
4.3. Concernant les soins de support
4.4. Fin du questionnaire
Discussion
Résultats d’autres enquêtes
Le pharmacien : acteur du lien ville-hôpital
Pistes de travail
Conclusion:
Bibliographie :
Annexes :
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