Les antécédents : Positivisme et Empirisme (XVIIe XVIIIe et XIXe siècle)
Le mot « empirisme » vient du grec « empeira », qui signifie en langue latine «experientia », et le terme expérience semble venir selon EUCKEN de la philosophie de KANT.
L’empirisme est la doctrine qui soutient l’idée selon laquelle toutes nos connaissances proviennent de l’expérience et en ce sens, elle s’oppose au rationalisme. Autrement dit, ce n’est pas la raison qui constitue la source de nos savoirs mais, c’est l’expérience sensible. Les figures de LOCKE, de CONDILLAC et surtout de HUME sont les principaux représentants de l’empirisme classique par réaction contre le cartésianisme, philosophie qui accorde la primauté aux mathématiques et nie, suspecte la connaissance sensible. Pour les cartésiens, les mathématiques font figure de moyen le plus sûr pour accéder à la vérité, tandis que la connaissance sensible fait office de suspicion et de négation. Les empiristes admettent l’existence objective des réalités extérieures. Par contre, les rationalistes adoptent une position phénoméniste : les données premières de la connaissance sont des impressions sensibles, représentations ou perceptions et il s’avère impossible d’effectuer une inférence logique en considérant comme prémisses ces perceptions, l’existence des objets qu’elles représentent. Par ailleurs, malgré la tendance commune qui caractérise le mouvement positiviste, nous y notons beaucoup de différences. D’abord, il importe de souligner que l’empirisme est une vieille doctrine qui peut remonter jusqu’ à HERACLITE ou à PROTAGORAS et en passant par Aristote pour qui, il existe deux formes d’accès à la conceptualisation : le chemin de l’intelligence, de la science et celui de l’expérience.
Mais le point culminant de cette doctrine empiriste viendra de l’avènement de l’œuvre canonique de l’empirisme portant le titre de : Essai philosophique sur l’entendement humain , écrit par LOCKE, qui va donner un coup de fouet à ce mouvement empiriste. L’auteur y développe une philosophie fondée essentiellement sur les impressions sensibles. La fameuse métaphore de la table rase en donne une parfaite illustration : « Supposons, écrit Locke, l’âme est ce qu’on nomme une table rase (White paper), vide de tout caractère sans aucune idée qu’elle quelle soit.Comment vient-elle à recevoir ces idées […] D’où puise –t elle ses matériaux qui sont comme le fond de tous les raisonnements et de toutes ses connaissances ? A cela, je réponds en un mot, l’expérience. » .
Cependant, cette image lockienne de la table rase comme origine de l’esprit se caractérise par sa puissance passive à devenir toute chose. Par ailleurs, pour mieux comprendre cette métaphore lockienne de la table rase, il ne serait pas dénué d’intérêt de jeter le regard sur la seconde à savoir, l’image du miroir : « Lorsque ces idées particulières se présentent à l’esprit, l’entendement n’a pas la puissance de les refuser ou de les altérer, lorsqu’elles ont fait leurs impressions, de les effacer ou d’ en produire de nouvelles en luimême, plus qu’ un miroir ne peut point refuser, altérer ou effacer les images que les objets produisent sur la glace devant laquelle ils sont placés. ».
L’esprit est vide lorsqu’il est dépourvu de ces impressions sensibles externes ou internes, qui en réalité, constituent le soubassement de ses idées. Selon ALQUIE, l’empirisme ne doit pas se réduire au sensualisme pur et la thèse qui consiste à dire que toute sensation est extraite des sens n’est pas juste. Il souligne la nette dissociation de LOCKE des idées provenant de la sensation et celles qui dérivent de la réflexion sur nos états internes. Par ailleurs, le philosophe écossais David HUME développe une autre approche de l’empirisme différente de celle prônée par LOCKE. Sa théorie fait consister l’idée de cause non pas comme venant de la sensation mais d’impression intérieure d’attente. La tendance adjointe à la sensation est une attitude essentielle à la recherche des premières explications dans le cadre l’empirisme. Les sentiments que sont l’intension, le désir, le mouvement intérieur, loin d’être des idées innées constituent une propriété de l’être humain; idem pour les instincts,les habitudes et les dispositions. Il appartient au sujet à partir de ces données, d’expliquer la connaissance dans l’empirisme. Ce dernier pose aussi le problème général de la connaissance perceptible à partir d’un examen critique. La croyance se caractérise par deux propriétés : l’une vraie, l’autre fausse. Dés lors se pose la problématique centrale de la doctrine humienne : à savoir, les procédés de connaissance que sont l’induction et l’hypothèse. L’induction, c’est la méthode allant du particulier au général, donnant lieu à un raisonnement dans lequel la vérité des principes n’établit pas celle de la conclusion (à la différence de qui se passe dans la déduction). D’une part, la notion d’empirisme estampillée de thèse sensualiste constitue une tentative d’explication de l’origine des idées à partir de la sensation. D’autre part, l’intérêt porté sur l’induction se lie aux controverses sur la notion « d’hypothèse »aux temps de NEWTON. Celui-ci posait le terme d’hypothèse selon des déterminations différentes. L’essentiel de la discussion peut être résumé en ces termes : les newtoniens brandissaient la méthode de l’induction comme l’unique recours permettant d’atteindre le vrai. A l’opposé, le procédé « d’hypothèse » était utilisé par les partisans de DESCARTES. Cette dichotomie d’ordre épistémologique constituera en effet, la prémisse à des équivoques concernant la méthode hypothético-déductive. Notons à ce propos que HUME n’utilisait pas le terme d’induction mais, au lieu et place de ce concept, il faisait usage du terme de « supposition ». Il a prouvé le caractère incertain de l’inférence causale avant de résoudre le problème lié au débat entre cartésiens et newtoniens. Selon HUME, l’induction est certes un procédé fécond, mais, problématique. Ainsi, la confiance que la science a longtemps accordée à la méthode de l’induction a volé en éclats avec la prise de conscience du caractère hypothétique de ce procédé de la science empirique. Ce qui est convenu d’appeler le problème de HUME (selon les propos de POPPER) ne va pas sans susciter la réaction d’Emmanuel KANT : « Je l’avoue franchement ce fut l’avertissement de David HUME qui interrompit d’abord, voila bien des années, mon sommeil dogmatique et qui donna à mes recherches en philosophie spéculative une toute autre direction. » .
Ainsi, à travers la thèse empiriste de HUME, KANT retient l’ébranlement des positions du rationalisme. La raison s’avère incapable d’élaborer des pensées à priori et par concept un rapport logiquement nécessaire comme la notion de causalité. Ainsi, KANT jette le discrédit sur la connaissance relevant de la métaphysique traditionnelle. Les métaphysiciens tombent dans l’illusion en croyant que l’esprit libéré des fardeaux du réel serait à même de progresser. Le métaphysicien est alors à l’image de la Colombe qui, s’imaginant qu’elle peut aller plus vite dans son libre vol, fend l’air dont elle sent la résistance. Cependant, derrière cette critique radicale visant la métaphysique, Kant tente de réhabiliter celle-ci. C’est tout le sens de la célèbre œuvre intitulée : Prolégomènes à toute métaphysique future où il dénonce dans un premier temps, les prétentions abusives de la philosophie première, avant de jeter les bases d’une toute autre métaphysique plus consciente de ses limites et de ses possibilités. Il faut aussi ranger le positivisme d’Auguste COMTE à côté des doctrines qui ont été les premières à disqualifier la métaphysique du cadre des sciences positives. Le positivisme pourrait se qualifier par une interprétation philosophique de la science qui cherche à opérer une frontière étanche entre celle-ci et les autres formes de savoir. La science se caractériserait par la véracité de ses propositions alors que les autres types de savoir sont hypothétiques, c’est – à -dire relevant de ce qui est douteux et incertain. L’émergence du mouvement positiviste trouve son sens dans un contexte fortement marqué par l’euphorie générale particularisée par un admirable optimisme qui décrit avec ses méthodes la nature et l’évolution de l’esprit humain. Il s’agit d’abord, de l’état théologique qu’il considère comme celui dans lequel l’esprit met la force dans les choses. Il correspond à la mentalité primitive de l’homme qui cherche à expliquer les phénomènes de la nature en recourant aux principes surnaturels (fétichisme). Ensuite, nous avons l’état métaphysique qui sert de jonction entre le premier et le dernier état. La raison prend service, étant source d’explication des phénomènes naturels ainsi les arguments fétichistes et monothéistes sont battus en brèche. Selon Auguste COMTE, toute explication métaphysique est une abstraction et les questions qui sont posées confèrent à cet état une dimension critique.
Enfin, c’est l’état positif qui parachève cette évolution de l’esprit. Ici, l’idée de cause est remplacée par celle des relations dés lors, seul ce qui se fonde sur les faits l’observation et l’examen de ces faits, est susceptible d’être objet d’étude. En définitive, à la suite de ce qui précède nous pouvons dire que le Cercle de Vienne ne s’est pas constitué ex nihilo mais, découle d’un recoupement de vieilles doctrine empiristes et positivistes et notamment celle de l’époque classique qui aboutit au positivisme d’Auguste COMTE qui impulse le mouvement du Cercle de Vienne .
LES INFLUENCES DE LA LOGISTIQUE
LE LOGICISME DE FREGE (Gottlob)
La logique est considérée depuis l’aube des temps, notamment à travers l’histoire de la philosophie comme la science des vérités. Autrement dit, elle était perçue comme l’instrument pouvant nous permettre d’accéder à la vérité. Dans la philosophie d’ARISTOTE, elle se passait non pas pour une science, mais une propédeutique, une préparation préalable avant la réception de toute connaissance scientifique. Ainsi, la logique devient une arme redoutable contre certaines formes de savoir, que constitue en premier chef, la métaphysique. Le Cercle de Vienne a mené cette lutte contre la métaphysique sous l’influence indéniable de certaines figures du logicisme, précisément FREGE, RUSSELL et WITTGENSTEIN etc. Quel a été l’apport de FREGE dans cette entreprise du positivisme logique d’unifier la science et en conséquence d’éliminer la métaphysique hors du champs des sciences ?
La métaphysique est le domaine de la philosophie qui s’occupe des choses qui sont audelà de la sphère des perceptions sensibles. Définie comme «philosophie première » par ARISTOTE, elle est généralement opposée à la physique (science de la nature) car, s’occupant des réalités qui ne tombent pas sous le sens des êtres immatériels et invisibles (ainsi l’âme et dieu).Autrement dit, elle porte sur ce qui est au-delà de la nature. Mais s’il en est ainsi, ne serait pas t-elle pas inconnaissable voire dépourvue de sens ? C’est sans doute, cette prétention de la métaphysique à vouloir aller au- delà de la ‘‘physis’’, de vouloir sonder l’insondable, qui a suscité ce que Karl POPPER appelle l’ « inclination antimétaphysique »des néopositivistes et en particulier FREGE, celui dont la logique nous intéresse dans cette partie de notre analyse. A travers leur projet d’unification de la science par delà la liquidation de la métaphysique, la tendance néopositiviste du Cercle de Vienne avait dégagé trois principes fondamentaux :
1-D’abord, l’unification de la science dans un langage et les faits qui la fondent.
2-Ensuite, La philosophie cesse d’être un système de connaissances mais, mais se définit en une activité de clarification des concepts. Selon Moritz SCHLICK, l’un des membres du Cercle de Vienne, la philosophie se définissant comme une activité, s’occupe de la signification des énoncés et consiste l’alpha et l’oméga de toutes connaissances scientifiques.
3-Enfin, le succès d’un tel projet réduisant la philosophie en une simple méthode d’élucidation des concepts, proclame la mise à mort de la métaphysique.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : Le positivisme logique
Introduction de la première partie
CHAPITRE I : Les antécédents : positivisme et empirisme (XVIIe , XVIIIe et XIXe siècle)
CHAPITRE II : Les influences de la logistique
A- Le logicisme de FREGE
B- L’influence du Tractatus Logico-Philosophicus
CHAPITRE III L’empirisme logique : un courant antimétaphysique
A- Une activité de clarification des concepts
B- Le dépassement de la métaphysique par l’analyse logique chez CARNAP
Conclusion de la première partie
DEUXIEME PARTIE : La critique de POPPER contre l’empirisme Logique
Introduction de la deuxième partie
CHAPITRE I La critique de l’induction
CHAPITRE II Le problème de la démarcation
CHAPITRE III La critique du marxisme et de la psychanalyse
Conclusion de la deuxième partie
TROISIEME PARTIE : Le statut de la philosophie chez POPPER
Introduction de la troisième partie
CHAPITRE I : La falsifiabilité
CHAPITRE II : Rapport entre science et métaphysique
CHAPITRE III : Nécessité de la philosophie
Conclusion de la troisième partie
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE