Le sang reflète le milieu cellulaire où baignent les tissus de l’organisme. Le sang en irrigant tous les organes constitue un liquide vital dont les perturbations retentissent sur l’organisme entier. Trois types de cellules représentent les éléments figurés du sang en suspension dans le plasma : les hématies qui sont les plus nombreux, les leucocytes qui sont les seuls éléments nucléés mais également les plus volumineux et les plaquettes qui sont les plus petits éléments. Les plaquettes ne sont que des fragments de cellules mais jouent un rôle très important dans l’hémostase et dans l’inflammation. La détermination du taux des plaquettes rentre dans le cadre de l’hémogramme. L’hémogramme est une analyse biologique fréquemment prescrite par les cliniciens. Il fournit de nombreuses informations utiles pour orienter le diagnostic d’une maladie. Il nous a semblé intéressant de déterminer l’importance des variations du taux de plaquettes dans le sang au cours des pathologies courantes. Pour cela, nous avons relevé les baisses et les augmentations du taux des plaquettes parmi les prescriptions qui sont parvenues au laboratoire d’hématologie du CHU-JRA. Avant d’analyser les résultats que nous avons obtenus, rappeler quelques notions théoriques sur ces petits fragments cellulaires du sang, mais combien capitaux ! est plus que nécessaire.
CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES
Historique
Les plaquettes, leur origine et leurs rôles dans la coagulation ont été reconnus progressivement. Dès 1683, Robert Boyle écrivait qu’il existe une cellule qui concoure à la coagulation du sang. En 1842, Alfred Donné citait l’existence d’une troisième particule dans le sang appelé globuline, en dehors des globules rouges et des globules blancs. Il devait mesurer tout au plus 3 µm de diamètre, être groupés en trois ou quatre et s’envelopper d’une couche albumineuse en circulant dans le sang. William Addison cette même année notait qu’en dehors des globules blancs, il existe de très petites particules, huit à dix fois moins grandes et en beaucoup plus grande abondance, à partir desquelles commence la coagulation. Entre 1842 et 1901, l’Italien Giulio Bizzozero, après avoir observé des cellules incolores dans le mésentère de petit lapin ou de grenouille anesthésiée, évoquait la présence de cellule nommée « piastrine », platelet en anglais, blutplattchen en allemand et plaquette en français. Il démontra leur capacité d’adhésion, leur participation au phénomène d’hémostase et leur rôle dans la coagulation du sang. Wright James Homer prouvait dans un de ses articles que les « plaquettes » provenaient des mégacaryocytes.
Physiologie plaquettaire
Morphologie et structure des plaquettes
Au repos, la plaquette est un élément discoïde dix fois plus petit qu’un globule rouge. Elle mesure 2 à 3 µ de diamètre et 1 µ d’épaisseur. Incolore, translucide, à bords tranchants, elle circule dans le courant sanguin. Elle a une structure très complexe. C’est une cellule anucléée mais sa membrane cytoplasmique limite de nombreux éléments.
– les granules denses qui contiennent de la sérotonine, des cathécolamines (adrénaline et noradrénaline), de l’ADP et de l’ATP, des ions calcium, des nucléotides.
– les granules alpha, un peu plus nombreux, contenant du fibrinogène, le facteur 4 plaquettaire FP4, des facteurs de croissance (platelet derived growth factor ou PDGF), 20% du facteur V sanguin, la β thromboglobuline, beaucoup d’autres protéines adhésives (fibrinogène, fibronectine, thrombospondine, 20% du facteur Willebrand sanguin), des mitochondries et des sidérosomes
b) d’autres éléments
– les microtubules qui jouent le rôle de voie d’excrétion et d’expulsion de corpuscules plaquettaires, semi-organe de stockage et de communication à la surface cellulaire, après activation plaquettaire, ils se dépolymérisent ce qui entraîne un changement de forme des plaquettes puis se reconstituent à l’intérieur des pseudopodes,
– des microfilaments, constitués d’actine et de myosine, peu nombreux dans la plaquette au repos, après activation plaquettaire, il se produit également une polymérisation donnant un changement de forme de la plaquette,
– des granules de glycogène,
– des canalicules denses, réservoirs d’ions calcium qui sont libérés dans le cytoplasme de la plaquette activée, également sites de synthèse des prostaglandines,
– quelquefois un appareil de Golgi.
La membrane présente à sa surface un glycocalix ou manteau plaquettaire riche en protéines de coagulation (fibrinogène, facteurs V, VIII,XIII), en amines vasoactives, en facteur de Willebrand et en glucides. Ce glycocalix comporte également des résidus sialiques qui donnent à la plaquette une charge négative entraînant un phénomène de répulsion des plaquettes entre elles d’une part et des plaquettes vis à vis de l’endothélium vasculaire d’autre part. La membrane est aussi le support d’un grand nombre de glycoprotéines qui endossent plusieurs rôles :
– rôle de structure de la plaquette,
– rôle fonctionnel de récepteurs d’un certain nombre de molécules,
– rôle essentiel dans l’hémostase en intervenant dans l’adhésion et l’agrégation plaquettaire,
– rôle de répulsion.
Deux glycoprotéines, déficientes dans les deux premières thrombopathies
congénitales, ont été particulièrement étudiées :
– la glycoprotéine Ib/IX, récepteur du facteur de Willebrand, responsable de l’adhésion plaquettaire au sous endothélium, elle manque dans la dystrophie thrombocytaire hémorragipare ou syndrome de Jean Bernard Soulier et est anormale dans la maladie de Willebrand type Ib (3).
– la glycoprotéine IIb/IIIa, récepteur du fibrinogène, responsable de l’agrégation plaquettaire entre elles par l’intermédiaire du fibrinogène, elle est absente ou anormale dans la thrombasthénie de Glanzman (3).
Les plaquettes n’ont pas de mouvement amiboïde mais présentent des vacuoles de pinocytose (4) (5).
Origine et devenir des plaquettes
les cellules souches
– la cellule souche myéloïde totipotente CFU-S (colony forming unit – spleen) est à l’origine de toutes les lignées hématopoïétiques, en particulier à l’origine des mégacaryocytes (6) (7) (8). Elle est capable de s’autorenouveler, puis s’engage vers la lignée mégacaryocytaire sous l’influence du microenvironnement médullaire en donnant :
– la cellule souche engagée vers la lignée mégacaryocytaire CFU-M (colony forming unit – megacaryocyte), incapable d’autorenouvellement, capable de donner in vitro une colonie de 40 à 100 mégacaryocytes sous l’influence de facteurs humoraux et aussi cellulaires. Ces cellules ne sont pas individualisables au médullogramme.
les cellules individualisées au médullogramme
Mégacaryoblastes et mégacaryocytes représentent 5 à 10 éléments pour 10 000 dans un médullogramme normal c’est à dire moins de 1% des cellules médullaires (4). On ne les trouve que dans la moëlle mais en pathologie, on peut avoir une reviviscence hépato-splénique dans les syndromes myéloprolifératifs.
– les mégacaryoblastes sont des cellules de 20 à 30µ, rares, à cytoplasme basophile agranulaire, à noyau trapézoïde et à chromatine grossière, capables tout d’abord de mitoses classiques et conduisant à des cellules à 2n chromosomes. C’est le pool de multiplication vrai des cellules. Ils sont ensuite capables d’endomitoses, divisions cellulaires sans division du cytoplasme, conduisant à des cellules polyploïdes à 4n, 8n, 16n et parfois 32n voire 64n (5). C’est le pool de multiplication nucléaire mais de maturation cellulaire.
– les mégacaryocytes constituent la fin du pool de maturation. La cellule ne se divise plus et évolue vers le gigantisme avec charge du cytoplasme en granulations.
On distingue trois types de mégacaryocytes de plus en plus mûrs :
– basophiles ou promégacaryocyte de 40 à 50 µ
– granuleux ou mûrs, énormes, 50 à 100 µ, caractérisés par un noyau polylobé et un cytoplasme extrèmement granuleux,
– plaquettogènes ou thrombocytogènes, à noyau picnotique, à cytoplasme acidophile avec des prolongements pseudopodiques, des granulations azurophiles souvent groupées en amas, plus ou moins amputés de leur cytoplasme par la plaquettogenèse.
La plaquettogenèse
Elle suppose le clivage préalable du cytoplasme mégacaryocytaire en logettes, limitées par des septum en continuité avec la membrane autour de chaque amas de granulations qui deviendra une plaquette. Chaque mégacaryocyte peut produire 2000 à 4000 plaquettes. Dès le stade 8n, un mégacaryocyte peut devenir plaquettogène. On a montré in vitro que le mégacaryocyte se déforme en pieuvre avec un noyau picnotique et des pseudopodes très minces libérant par vagues des plaquettes. In vivo, ces prolongements cytoplasmiques se feraient dans le sang des sinus médullaires et les macrophages phagocytent les noyaux. Après leur libération dans la circulation sanguine à raison de 150 à 450.109 par litre, les plaquettes sont détruites après une survie de 8 à 10 jours.
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Table des matières
INTRODUCTION
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ABREVIATIONS
1.Historique
2. Physiologie plaquettaire
2.1. Morphologie et structure des plaquettes
2.2. Origine et devenir des plaquettes
2.2.1. les cellules souches
2.2.2. les cellules individualisées au médullogramme
2.2.3. La plaquettogenèse
2.2.4. Régulation
2.3. Rôles et fonctions des plaquettes
3.Immunologie plaquettaire
4. Etude des plaquettes
4.1. Etude quantitative :la numération plaquettaire
4.1.1. Méthode manuelle
4.1.2. Méthode automatique
4.1.3. Résultats
4.2. Etude qualitative
4.2.1. Volume moyen plaquettaire
4.2.2. Etude des fonctions plaquettaires
5. Variations physiologiques
6. Les anomalies quantitatives des plaquettes
6.1. Augmentation du nombre de plaquettes ou thrombocytose
6.1.1.Définition
6.1.2. Conséquences
6.1.3. Etiologies
6.1.4. Traitement
6.2. Diminution du nombre de plaquettes ou thrombopénie
6.2.1. Définition
6.2.2. Les fausses thrombopénies
6.2.3.Conséquences
6.2.4. étiologies
6.2.5. Conduite à tenir
1. Cadre d’étude
2.Matériels et méthodes
2.1.Matériels
2.2.Paramètres étudiés
2.3.Détermination du taux des plaquettes
3. Résultats
3.1.Demandes d’hémogramme
3.2.Répartition des patients selon l’âge
3.3. Répartition des patients selon le sexe
3.4. Répartition selon les renseignements cliniques
3.5. Le taux de plaquettes
3.5.1. Incidence des thrombopénies et des thrombocytoses
3.5.2. Valeurs des plaquettes selon les services demandeurs
3.5.2. Les thrombocytoses
3.5.3. Les thrombopénies
3.5.4. Taux de plaquettes selon les pathologies
3.5.5. Thrombocytose et VSH
3.5.6. Thrombocytose et hyperleucocytose
3.5.7. Médullogramme et plaquettes
1.Fréquence des demandes d’examen hématologique
2.Les services demandeurs
3. Les anomalies quantitatives des plaquettes
3.1.Les thrombopénies
3.1.1. Thrombopénie en cancérologie
3.1.2. Thrombopénie et infection
3.1.3. Purpura thrombopénique
3.1.4. Thrombopénie et bilan opératoire
3.1.5. Thrombopénie et réanimation
3.1.6. Thrombopénies et atteinte médullaire
3.1.7. Thrombopénie et médicaments
3.2. Les thrombocytoses
3.2.1. Thrombocytose chez l’enfant
3.2.2. Thrombocytose en oncologie
3.2.3. Thrombocytose et infection
3.3.Syndrome hémorragique et plaquettes
4.Indications
5. Physiologie et traitement
SUMMARY
Résumé
CONCLUSION
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