Les animaux et l’Homme dans les récits de la création
Le refus de la supériorité animale
Cosimo Rosselli et Piero di Cosimo La remise des tables de la loi, et l’adoration du veau d’or La Chapelle Sixtine
Le refus de la supériorité animale
« Exalter l’animalité, c’est récuser ipso facto
cette humanisation volontaire permanente qui nous éloigne de la jungle. »
J.C. Guillebaud Principe d’humanité
Le refus de la supériorité animale
Après avoir étudié les deux récits d’origine (Gn 1 et 2-3), il nous faut voir comment la mise en place des éléments est réellement vécue. On entre ainsi dans la durée de l’histoire dont l’expérience montre qu’elle est marquée par le malheur. Cette situation est éclairée par le rapport entre l’Homme et l’animal. Ce rapport peut être mal vécu ou même perverti. Pour bien le comprendre, il faut procéder à une comparaison entre la Bible et les religions anciennes du Proche-Orient.
Refus de la figure animale pour représenter Dieu.
Le culte du veau d’or
La place des animaux dans la culture hébraïque n’aurait pas été celle qu’elle est, si le peuple n’avait été entouré, grosso-modo, par les Égyptiens d’une part et les Babyloniens d’autre part. L’importance et la place des animaux dans ces civilisations ont joué un rôle certain quant à la position d’Israël à leur sujet. Les lois qui concernent les animaux n’auraient sans doute pas été si dures, ni si complexes, si Egypte et Babylone n’avaient pas associé les animaux avec le sacré.
L’influence de l’Orient Ancien sur le peuple hébreu
Pour parler de la figure des dieux en Orient Ancien, nous nous référons à Siegfried Morenz42. Celui-ci entend par « figure » la personnification visible d’un dieu. « Un être auquel on peut parler, un tu pour le je du croyant, doit être une personne et donc avoir une figure ». Or en Israël, on se refuse à une telle représentation. Les Égyptiens, en revanche, pensent que la « puissance » peut s’incarner dans toutes sortes de formes, et peut, de l’intérieur, donner rang de divinité à l’Homme, à l’animal mais aussi à la plante ou à l’objet, en sorte que ni l’animal, ni même le végétal ou l’inorganique ne cessent jamais d’être dieu en puissance. C’est le sens du mot « image » relevé plus haut.
42 MORENZ Siegfried, La religion égyptienne Essai d’interprétation, Paris, Payot, 1962.
Le refus de la supériorité animale
Babylonie, Egypte et Canaan: influence sur les Hébreux
Nous devons rappeler en quelques mots ce que nous savons de ces peuples pour comprendre leur influence sur Israël. On admet que vers 3 000 av. J.C., les Sumériens, peuple non sémite, habitaient le bassin du Tigre et de l’Euphrate qui constitue la Mésopotamie43. Lorsque les Sémites ou les Akkadiens vinrent s’y installer, ils adoptèrent la civilisation des Sumériens qu’ils modifièrent au contact de la leur. Peu à peu, le pays se différencia en Babylonie au sud et Assyrie au Nord, qui vers 500 avant notre ère, tombèrent sous la domination des Perses (indo-européen)44. Dans le cadre de ce travail, nous désignerons les habitants de la Mésopotamie indifféremment sous les termes d’Assyriens, de Babyloniens ou d’Akkadiens.
A Babylone, les pratiques de divination étaient extrêmement répandues. Dans quelle mesure les pays immédiatement voisins ou successeurs de Babylone ont-ils subi l’influence de la divination mésopotamienne? On trouvera la réponse à cette question dans le degré d’influence qu’a eu, sur eux, la culture générale mésopotamienne, influence qui tient à la fois à la nature des populations et à leurs relations plus ou moins importantes avec Babylone. Pour notre étude, nous nous attarderons principalement sur l’Egypte et le pays de Canaan, nom biblique de la Terre promise par Dieu aux Hébreux, et originellement occupée par les Cananéens. Le pays de Canaan, ou côte syrienne, se divisait en deux parties, la Phénicie au nord, les royaumes de Juda et Israël au sud. En ce qui concerne Israël, la Bible montre que l’idolâtrie en général et la zoolâtrie en particulier, sont fermement réprouvées de Dieu. Ils font l’objet de nombreuses citations et les allusions ne sont pas rares aux cultes rendus à des animaux, par les peuples voisins; nous retiendrons essentiellement le culte du taureau et celui du serpent.
On a dit que si Dieu avait créé l’Homme à son image, celui-ci le lui avait bien rendu. C’est ce qu’ont fait, et à l’extrême, les Babyloniens. Le dieu a des traits humains, des qualités humaines, des habitudes humaines; le Babylonien a même supposé une transition insensible entre la divinité et l’humanité. Toute intervention divine sur terre est donc naturelle, attendue, sollicitée. Lorsque la divinité n’habite plus sur la terre, elle se manifeste par des apparitions; sous forme de songes ou par l’intermédiaire des statues animales des temples.
Il y avait à Babylone, une douzaine de dieux principaux et beaucoup d’autres dieux moins puissants45, tous ayant les traits d’un animal et tous donnant lieu à un culte d’adoration. La vie quotidienne des babyloniens était réglée par l’interprétation des présages tirés des animaux, de leurs monstruosités, de leurs actes instinctifs, et même de la lecture de leur foie, dont G.Conteneau fait une analyse très riche46.
Le culte des animaux
Pour ce qui est de l’Égypte, en dehors des dieux anthropomorphes, la religion se caractérise par le culte des animaux, qui a beaucoup frappé les Anciens. « Diodore notait avec stupéfaction qu’au cours d’une famine, les Égyptiens se dévoraient entre eux plutôt que de manger les animaux sacrés47 « . Par comparaison, il est à noter que malgré les règles strictes des interdits alimentaires, en période de disette, les hébreux étaient autorisés à manger même les animaux considérés comme impurs. Cette notion de pur, impur, sacré, qui prend une telle place dans le Lévitique et dans le quotidien des juifs, sera reprise en détail dans la troisième partie.
Ce culte des animaux remonte à la plus haute antiquité: on a retrouvé des cimetières de chiens, de taureaux, de béliers et de gazelles, très antérieurs aux premières dynasties. Dans ce culte, « il y a lieu de distinguer entre les animaux sacrés simplement parce qu’associés aux dieux locaux –les chiens par exemple à Cynopolis et Assiout ou les chats à Bubastis- et les véritables animaux sacrés, réceptacles de l’âme d’un dieu, comme le taureau Apis représentant de Ptah sur terre »48.
Les premiers étaient révérés dans un nome (ou province) donné et les auteurs classiques ont noté avec étonnement qu’un animal protégé et vénéré dans une province pouvait être impunément mangé dans la province voisine. Le véritable animal sacré est un dieu vivant. Il n’y en a qu’un par temple, choisi par les prêtres suivant des caractéristiques immuables: tâches du pelage, forme des cornes… A sa mort, le clergé recherche dans quel autre animal de l’espèce, le dieu s’est réincarné. C’est le cas des taureaux sacrés.
Morts, ces animaux sont enterrés avec le même cérémonial que les humains, et pour eux sont accomplis tous les rites funéraires; ils deviennent des Osiris.
Vivants, ils reçoivent le même culte que la statue principale du sanctuaire. C’est à propos d’un véritable animal divin qu’Hérodote a noté un crocodile qui avait été apprivoisé et portait des bijoux.
La scène qui suit représentant une attitude toute religieuse, celle d’adoration, marque d’une manière forte la sacralisation des animaux et le culte qui en découle.
La supérieure du harem d’Amon, Héré-Oubekhé, adore le crocodile Geb, détail
Toute la faune vivant en Egypte a été considérée ici ou là, comme animal sacré, et il serait plus facile d’énumérer les animaux qui n’ont pas été vénérés que ceux qui le furent. Le culte des animaux sacrés a connu un succès extraordinaire à la basse époque, auprès du petit peuple. En effet, l’harmonie du monde, Maât, reposait en grande partie sur le pharaon, chargé de maintenir l’ordre universel. Le culte a pour but essentiel de protéger le dieu qui habite le sanctuaire physiquement et matériellement, à la fois dans la statue et sous sa forme animale, de le maintenir en parfaite santé et par-là lui permettre d’accomplir sa mission sur terre, c’est à dire non seulement d’être bienveillant et secourable pour les hommes qui l’adorent, mais aussi de participer au Maât, l’ordre universel.
Comme pour les Babyloniens, les Egyptiens sacrifiaient des animaux à leurs dieux. Les hébreux aussi, mais il faut noter qu’ils ne sacrifiaient pas les mêmes animaux, n’avaient donc pas le même culte et par conséquent, n’adoraient pas le même Dieu. Moïse est très clair là-dessus lorsqu’il dit à Pharaon : « Nos sacrifices à Yahvé notre Dieu sont une abomination pour les Egyptiens »(Ex 8, 22).
Au moment de leur passage à la vie sédentaire, c’est-à-dire à leur arrivée en Terre promise, les tribus d’Israël avaient emprunté bien des traditions aux cananéens. A l’époque de Salomon et de ses successeurs, les cultes cananéens posèrent un grave problème. Il y avait d’abord les cultes de la végétation, basés sur la mort et la résurrection de la nature. Baal fut, à l’origine, un dieu de la végétation. Quand le culte du Seigneur prit le pas sur celui de Baal, un certain nombre d’attributs de ce dernier passèrent au Dieu d’Israël et celui-ci fut considéré, peu ou prou comme un Baal de la fertilité. Il fut d’ailleurs représenté, comme Baal, par un veau ou un taureau, symbole de la puissance; l’histoire du culte du veau d’or, que nous aborderons plus loin, en est probablement le souvenir.
Le culte du serpent, très probablement emprunté au culte cananéen, semble aussi avoir fait partie du culte israélite jusqu’à ce qu’Ezéchias fasse détruire le fameux serpent d’airain construit sur l’ordre de Moïse (2 R 18,2).
La zoolâtrie rejetée dans la Bible
La Bible est, en un sens, l’histoire du peuple de Dieu qui s’arrache aux idoles, car le père d’Abraham servait d’autres dieux et son fils fut choisi par le Dieu d’Israël lui-même pour être « père des croyants »,Ainsi parle Yahvé, le Dieu d’Israël: « Au-delà du Fleuve habitaient jadis vos pères, Térah, père d’Abraham et de Nahor, et ils servaient d’autres dieu. » (Jos 24)Les gens de ce peuple sont des descendants des Chaldéens. Anciennement ils vinrent habiter en Mésopotamie parce qu’ils n’avaient pas voulu suivre les dieux de leurs pères établis en Chaldée. Ils s’écartèrent donc de la voie de leurs ancêtres et adorèrent le Dieu du ciel, Dieu qu’ils avaient reconnu. (Jdt 5,7)
L’idolâtrie-zoolâtrie est sévèrement reprouvée dans la Bible. Les pratiques idolâtres en Israël ont pris naissance dans l’exemple des pratiques égyptiennes. Dans le texte de la Sagesse qui va suivre, Dieu explique en quoi ces représentations pervertissent l’image de Dieu en l’Homme.
Mais ils (les Egyptiens) sont tous très insensés et plus infortunés que l’âme d’un petit enfant, ces ennemis de ton peuple qui l’ont opprimé; en effet, ils ont tenu aussi pour dieux toutes les idoles des nations, qui n’ont ni l’usage des yeux pour voir, ni de narines pour aspirer l’air, ni d’oreilles pour entendre, ni de doigts aux mains pour palper, et dont les pieds ne servent à rien pour marcher. Car c’est un homme qui les a faites, un être au souffle d’emprunt qui les a modelées; nul homme, en effet, n’est capable de modeler un dieu qui lui soit semblable; mortel, c’est une chose morte qu’il produit de ses mains. Il vaut mieux, certes, que les objets qu’il adore: lui du moins aura vécu, eux jamais! Et ils adorent même les bêtes les plus odieuses; car en fait de stupidité, elles sont pires que les autres. Et pour autant qu’on puisse éprouver du désir à la vue d’animaux, rien de beau ne s’y trouve (dans les statues), ils échappent à l’éloge de Dieu et à sa bénédiction. (Sg 15, 14-19)
Le texte montre que pour Israël, l’idolâtrie est donc une inversion du rapport de créateur à créé, qui définit la relation de Dieu à l’Homme. Dans cette relation, Dieu est le créateur et l’Homme le créé. Par l’idolâtrie, l’Homme veut devenir créateur et faire de son dieu le fruit de son cœur.
Le texte biblique du culte du veau d’or (Ex 32,1-6)
Quand le peuple vit que Moïse tardait à descendre de la montagne, le peuple s’assembla auprès d’Aaron et lui dit: « Allons, fais-nous un dieu qui aille devant nous, car ce Moïse, l’homme qui nous a fait monter du pays d’Egypte, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé. » Aaron leur répondit: « Otez les anneaux d’or qui sont aux oreilles de vos femmes, vos fils et vos filles et apportez-les-moi. » […] Il reçut l’or de leurs mains, le fit fondre dans un moule et en fit une statue de veau; alors ils dirent: « Voici ton Dieu, Israël, celui qui t’a fait monter du pays d’Egypte. » Voyant cela, Aaron bâtit un autel devant la statue et fit cette proclamation: « Demain, fête pour Yahvé. » Le lendemain, ils se levèrent de bon matin, ils offrirent des holocaustes et apportèrent des sacrifices de communion. Le peuple s’assit pour manger et pour boire, puis ils se levèrent pour se divertir. Yahvé dit à Moïse: « Allons! Descends, car ton peuple que tu as fait monter du pays d’Egypte s’est perverti. Ils n’ont pas tardé à s’écarter de la voie que je leur avais prescrite. Ils se sont fabriqué un veau en métal fondu et se sont prosternés devant lui Ils lui ont offert des sacrifices et ils ont dit: Voici ton Dieu, Israël, celui qui t’a fait monter du pays d’Egypte. […]Et voici qu’en s’approchant du camp, il (Moïse) aperçut le veau et les chœurs de danse. Moïse s’enflamma de colère […], il prit le veau qu’ils avaient fabriqué, le brûla au feu, le moulut en poudre fine[…](Ex 32,1-6).
Ce texte montre ce qu’est pour la Bible la racine du péché : l’idolâtrie. Les hébreux, sous l’influence des peuples voisins, ont cherché des représentations de Dieu, pour assouvir un besoin de représentation concrète. Mais il y a eu confusion entre modeleur et modelé, entre créateur et créature. C’est à Dieu de modeler l’Homme à son image et non à l’Homme de modeler son dieu à la sienne. Il y a erreur sur la représentation.
Analyse historique
Il y a lieu de se demander quel motif put déterminer Aaron et plus tard Jéroboam à choisir un jeune taureau comme symbole de Dieu. En moulant un taureau en or, Aaron répondait à la pensée des Israélites, accoutumés à voir les statues égyptiennes, qui personnifiaient le dieu Apis, honoré à Memphis. Le choix de cette représentation rappelait aux Hébreux de vieilles traditions ancestrales. Les Babyloniens avaient un dieu, Hadad, qui présidait aux vents, aux orages et aux tonnerres. Il était symbolisé par le taureau, comme l’Indra védique. Or, au Sinaï, Dieu venait de se manifester au milieu des coups de tonnerre, des éclairs et d’une épaisse nuée sur la montagne (Ex 19, 16-20). Il était donc naturel que pour rappeler à son peuple la présence de Dieu qui l’avait tiré d’Egypte, Aaron empruntât le symbole du dieu babylonien des orages. Plus tard, Jéroboam fit comme Aaron, en érigeant ses veaux d’or à Dan et à Béthel ; il fusionnait dans un même symbole, et c’est ce contre quoi Dieu s’est élevé, l’idée du vrai Dieu et celles des divinités sémites les plus populaires.
Analyse symbolique du passage
Ce texte nous montre que le « péché originel » d’Israël, selon Dominique Barthélemy49, fut d’essayer de modeler son Dieu à l’image d’une de ses créatures. Si la Bible le nomme « veau », c’est par dérision. Les Hébreux ne voyaient pas l’animal placide et un peu langoureux que nous imaginons selon le Psaume 106 : ils échangèrent leur gloire pour l’image du bœuf mangeur d’herbe (Ps106, 20), ou d’après Jérémie : Ce ne sont pas même des dieux! Et mon peuple a échangé sa Gloire contre l’Impuissance » (Jr 2,11) ; mais un jeune taureau, piaffant et ne demandant qu’à engendrer, tel que nous pouvons le voir dans le Psaume 29 : « il fait bondir comme un veau le Liban » (Ps 29,6) ou dans Jérémie : « Tu m’as corrigé, j’ai subi la correction, comme un jeune taureau non dressé » (Jr 31,18).Pourquoi avoir choisi l’image du taureau? Parce que, nous l’avons vu, depuis le milieu du troisième millénaire, elle exprime au Proche-Orient les traits essentiels de la divinité: puissance et fécondité : le métal précieux de la statue ajoute le caractère de richesse à la représentation.C’est pourquoi, de manière originale, D.Barthélemy ne voit en cette statue d’or aucun sentiment de mépris, contrairement à beaucoup d’auteurs50, mais un très naïf enthousiasme dans l’exclamation du peuple mis en face du chef d’œuvre d’Aaron, frère de Moïse « Voici ton Dieu, Israël, celui qui t’a fait monter du pays d’Egypte. »Aaron, n’a pas voulu usurper la mission de Moïse, ni détourner le peuple de son nouveau Maître. Mais ne revoyant plus revenir Moïse, parti dans la montagne depuis plus d’un mois, les israélites demandent au frère du disparu de reprendre en main la destinée du peuple en lui « faisant un dieu » qui puisse guider cette foule si vite « abandonnée » par son libérateur. Aaron n’entend nullement entraîner le peuple vers l’apostasie, mais il propose simplement de lui fournir un objet d’adoration plus accessible à l’imagination humaine que la nuée en laquelle se dissimule Dieu. Loin de détourner Israël de Yahvé, il s’agit, par la création d’un symbole, de donner prise à la foi sur le Dieu inaccessible et d’éviter ainsi l’apostasie d’un peuple désorienté, qui ne sait plus à qui se vouer. Content d’avoir placé sur la statue admirée, le Nom dont il fallait, à tout prix, préserver le souvenir « Demain, fête pour Yahvé » (Ex 32,5), Aaron était loin d’imaginer qu’à cet instant Dieu rompait brutalement son dialogue avec Moïse :Ils n’ont pas tardé à s’écarter de la voie que je leur avais prescrite. Ils se sont fabriqué un veau en métal fondu, et se sont prosternés devant lui. Ils lui ont offert des sacrifices et ils ont dit: Voici ton Dieu, Israël, qui t’a fait monter du pays d’Egypte. » Yahvé dit à Moïse: « J’ai vu ce peuple: c’est un peuple à la nuque raide. Maintenant laisse-moi, ma colère va s’enflammer contre eux et je les exterminerai. (Ex 32,9)Cette soudaine « crise de jalousie » devait sembler à Aaron bien injustifiée. Pourquoi Dieu, qui manifeste sa gloire par les prouesses qu’il accomplit pour sauver Israël lors de l’Exode, interprète-t-il mal les intentions? Ignore-t-il la relation de signe à signifier? Ignore-t-il que la plupart des Israélites voyait en cette statue l’image de Celui qui les a fait sortir d’Egypte et lui témoignait par-là sa reconnaissance? Il faut voir, en la réaction divine, un souci d’éduquer le peuple. C’est l’ambiguïté de l’image que Dieu ne peut tolérer. « L’image, comme 50 La pensée du Cardinal Newman (1801-1890) peut résumer la pensée la plus répandue à savoir que le péché du veau d’or fut un péché d’idolâtrie déclarée. Le peuple pensa avoir trouvé une religion meilleure que celle enseignée par Moïse. Le terme de veau a été délibérément choisi par Moïse pour montrer le mépris qu’inspirent les idoles. (Homélie répertoriée par Sœur Isabelle de la tout symbole, est à la fois transparence et objet. Elle peut ou bien introduire à la réalité qu’elle signifie ou bien en prendre la place51 ».
Pour cette raison, il ne faut voir en cet épisode aucun mépris de la part de Dieu par rapport à l’animal lui-même; ce n’est pas contre le fait que la statue ait figure de taureau qu’il s’élève. Ce n’est pas contre l’objet de la représentation en tant que tel, mais contre la représentation elle-même et la raison de ce motif. Dieu créateur aime toutes les créatures. Ce qu’il ne tolère pas, c’est que l’Homme y réduise Dieu52.Avec le culte du « veau d’or », l’Homme a perverti l’image de Dieu. Avec la pédagogie d’un père aimant, Dieu donne à Israël, à la suite de cette déviation, ce qu’on appelle le décalogue cultuel (ou « Tables de la Loi »). Ce qui au départ peut être pris comme un ordre avilissant se révèle en fait être une ouverture à la liberté de l’Homme.
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Table des matières
PREMIÈRE PARTIE Les animaux et l’Homme dans les récits de la création
1 .1. Qu’entend-on par « création » ?
1 .2. Les récits de la Genèse
1 .2.1. Le genre littéraire
1 .2.2. Etude de Genèse 1, 2 1-4a
1.Le texte
2.Méthode de lecture de Genèse 1, 1-2,4a
3.Multiplicité de l’animal, unicité de l’Homme
4.Le septième jour : jour pour le Seigneur
Conclusion de l’étude de Genèse 1
1 .2.3. Etude de Genèse 2, 4b-25
1.Le texte
2.Le geste de Dieu
3.Depuis les mots jusqu’à la parole : l’homme découvre son humanité37
Conclusion de l’étude de Genèse 2-3 :
Conclusion de la première partie
DEUXIÈME PARTIE Le refus de la supériorité animale
2 .1. Refus de la figure animale pour représenter Dieu
2 .1.1. Le culte du veau d’or
1.L’influence de l’Orient Ancien sur le peuple hébreu
2.Le texte biblique du culte du veau d’or (Ex 32,1-6)
3.Analyse historique
4.Analyse symbolique du passage
Conclusion
2 .1.2. Quand le serpent parle
1.Le texte biblique (Gn 3, 1-8)
2.Tout semble reposer sur le serpent. Pourquoi?
3.Le serpent herméneute
Conclusion
2 .2. Refus de la supériorité de l’animal au niveau moral
2 .2.1. Animalité de l’Homme
2 .2.2. L’exemple grec
2 .2.3. La Bête tapie à la porte de Caïn
2 .2.4. La part indomptable de l’animalité : indocilité ou liberté ?
Conclusion :
Conclusion de la deuxième partie
TROISIÈME PARTIE L’animal livré à l’Homme
3 .1. L’Homme, maître des animaux
3 .1.1. Une situation ambiguë
3 .1.2. Devoirs de l’Homme vis-à-vis de l’animal
3 .1.3. Homme et animal soumis à la Providence divine
1.Psaume 104 et parallèles bibliques:
2.Psaume 8
Conclusion
3 .2. Manger de la viande
3 .2.1. Tuer pour vivre : énigme de la vie humaine
3 .2.2. Sacrifice de communion
1.Les différents types de sacrifices animaux
2.Historique du sacrifice animal
3.Valeur religieuse du sacrifice : cas particulier du sacrifice de communion
Conclusion
3 .2.3. De la distinction entre le pur et l’impur
Conclusion :
3 .3. Rendre un culte à Dieu
3 .3.1. Définition du culte et du sacrifice
3 .3.2. Abraham et Isaac
3 .3.3. Le sacrifice intérieur
Conclusion :
3 .4. L’animal symbole et instrument de la Révélation
3 .4.1. La valeur significative de l’animal
1.La notion d’archétype
2.Le chameau ou comment entrer dans le royaume de Dieu
3.L’éponge ou comment retrouver la puissance des enfants
3 .4.2. L’animal : instrument de la révélation
1.De l’ânesse de Balaam à l’ânon portant Jésus à Jérusalem
2.Le gros poisson de Jonas
3 .4.3. L’animal : figure et symbole
1.La parabole de Natân
2.La parabole de la brebis perdue
Conclusion :
Conclusion d e la troisième partie :
QUATRIÈME PARTIE L’animal et le Salut : la réconciliation de l’Homme avec la nature
4 .1. Inimitié Homme/animal : conséquence du péché
4 .2. La dimension cosmique du salut
4 .2.1. Les prophètes annoncent la Nouvelle Création
Conclusion :
4 .2.2. Saint Paul
Conclusion :
4 .2.3. La Nouvelle Création selon l’Apocalypse de Jean
Conclusion :
4 .2.4. Les animaux sont associés à la louange des hommes
Conclusion :
4 .3. Le rôle du Messie
4 .3.1. La réconciliation entre les Hommes et les animaux
1.Le texte messianique d’Isaïe (Is 11)
2.L’abolition des sacrifices sanglants
3. La théologie chrétienne du sacrifice
Conclusion :
4 .3.2. La métaphore du bon pasteur
Conclusion :
4 .3.3. Développement de ce thème avec les saints
Conclusion d e la quatrième partie :
Conclusion générale
Annexes
Bibliographie .
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