Les alliages aluminium / cuivre : microstructure et propriétés mécaniques
Les familles d’alliages d’aluminium
Pour la série 1xxx, les deux derniers chiffres de la première ligne du tableau indiquent le pourcentage minimal d’aluminium au delà de 99,00% (ex. 1050 = 99,5 % Al, 1070 = 99,7 % Al, 1100 = 99 % Al). Le deuxième chiffre est une indication de modification dans les limites d’impureté ou dans les éléments d’addition (zéro correspond à l’alliage de référence). A partir de la série 2xxx, les deux derniers chiffres renseignent sur les autres métaux entrant dans la composition de l’alliage, et le 2ème chiffre est relatif aux modifications par rapport à l’alliage original.
Propriétés de l’aluminium et de ses alliages
L’aluminium est utilisé à hauteur de 25 % dans le domaine du transport grâce à ses bonnes caractéristiques mécaniques mais aussi pour sa relative légèreté qui constitue un atout majeur pour l’industrie aéronautique. Outre sa faible masse volumique, l’aluminium résiste bien à la corrosion grâce à la couche d’oxyde qui se forme sur sa surface et qui le protège des espèces corrosives. Il présente néanmoins l’inconvénient d’avoir des caractéristiques mécaniques dix fois trop faibles, par rapport aux normes imposées pour la construction des avions. L’ajout d’autres éléments comme le cuivre, le zinc ou le magnésium suivi d’un traitement thermique peut remédier à ce problème. Cependant l’amélioration des caractéristiques mécaniques de l’aluminium se fait au détriment de la résistance à la corrosion de ce métal qui devient hétérogène et donc plus vulnérable et ce, principalement, à cause de la formation de particules intermétalliques.
Traitements thermiques de des alliages d’aluminium
Les traitements thermiques sont appliqués dans trois familles d’alliages 2xxx, 6xxx, 7xxx, appelés alliages à hautes caractéristiques mécaniques. Le traitement thermique se fait en trois étapes ; mise en solution, trempe et maturation ou revenu. Pour distinguer les différents traitements thermiques, des chiffres supplémentaires allant de T1 à T10 sont ajoutés pour indiquer la nature du traitement utilisé, qui peut changer sensiblement les caractéristiques de l’alliage. Par exemple, parmi les alliages utilisés lors de cette étude, on distingue l’alliage 2024-T3 où le caractère T3 donne des indications sur la soudabilité et usinabilité qui permettent de l’utiliser dans le domaine de l’aéronautique comme tôles épaisses et fines ou comme pièces forgées. Un autre exemple est donné par l’alliage 7075-T6, 7075-T73 où T6, T73 indiquent une résistance à la corrosion, ainsi qu’une soudabilité médiocre et une bonne usinabilité avec d’excellentes caractéristiques mécaniques. Ce type d’alliage est souvent utilisé dans la boulonnerie, l’aéronautique, l’armement, les cycles et les pièces forgées [5] . Lorsqu’on fait subir aux alliages d’aluminium 2024 ou 7075 un traitement thermique pour le durcir, sa structure change progressivement et est remplacée par une nouvelle structure à grains recristallisés de l’ordre nanométrique (plus la taille est petite plus la limite d’élasticité sera grande). Finalement cet alliage d’aluminium présente un bon compromis en améliorant sa résistance mécanique au détriment d’une perte en terme de résistance à la corrosion. Il est à noter que pour obtenir un durcissement maximal il faut avoir des précipités cohérents et répartis de façon homogène et uniforme dans la matrice d’aluminium.
Les types des rivets pour aéronefs
A l’instar de la composition de l’alliage, celle du rivet affecte considérablement le déroulement de la corrosion à l’interface alliage-rivet. De ce fait, la composition des rivets a elle aussi été longuement étudiée. Pour former la structure de l’avion il faut attacher ensemble les feuilles de l’alliage métallique, et cela se fait généralement avec des rivets solides, eux aussi composés à partir d’alliage d’aluminium. Un rivet se compose de deux parties : une tige qui est insérée dans le trou des feuilles d’alliages pour subir par la suite une déformation manuelle ou à l’aide d’un outil mécanique et une tête visible de l’extérieur des feuilles et autour de laquelle la corrosion se forme en général (figure I-3). Pour des raisons sécuritaires, la « Federal Aviation Administration » FAA publie des circulaires consultatives sur les types des rivets qui peuvent être utilisés pour la construction des avions et leur attribue un numéro spécifique (AN430, AN44,….). La plupart des rivets qui sont exposés à l’air ont une tête universelle de type MS20470 qu’on va utiliser dans notre travail (MS = military standard). La FAA attribue en outre des codes de matériel et précise des marques à graver sur la tête du rivet (figure I-3) pour aider les acheteurs à identifier la qualité du matériau.
Corrosion du cuivre, de l’aluminium et de ses alliages
Avant de considérer notre propre sujet qui est fondé sur la corrosion de l’alliage 2024, on va rappeler le comportement vis-à-vis de la corrosion du cuivre et de l’aluminium, d’une part pour mieux comprendre comment l’aluminium réagit seul et d’autre part pour identifier les produits de corrosion qui ont probablement une influence sur la corrosion du cuivre. Nous rappellerons en particulier les études qui ont été faites sur les problèmes de corrosion de l’alliage 2024.
Corrosion du cuivre
Généralités sur la corrosion du cuivre
Le diagramme de Pourbaix [6] du système Cu-H2O montre que le domaine de passivation est large, il comprend les zones des deux oxydes CuO et Cu2O. Par contre, dès qu’on passe en milieu acide la couche d’oxyde se dissout et le cuivre commence une corrosion généralisée ou bien localisée (crevasses, piqures, ..), en donnant des ions Cu2+ , Cu+ lorsque le milieu contient de l’oxygène dissous. Les réactions cathodique et anodique s’écrivent:
O2 + 4H+ + 4 e- ——› 2H2O
Cu ↔ Cu2+ + 2e- (+0,52 V vs ESH) ou Cu ↔ Cu+ + e- (+0,34 V vs ESH)
Le cuivre se corrode également dans un milieu fortement alcalin, par contre les solutions sensiblement neutres ou légèrement alcalines renfermant des oxydants passiveront le métal. La corrosion du cuivre peut être évitée, même en présence de solution acide ou alcaline oxydante, par une protection cathodique où la tension du métal est inférieure à environ +0,1 V vs ESH en solution acide et de +0,1 à -0,6 V vs ESH selon le pH, en solution neutre ou alcaline (figure I-4).
La solubilité de l’oxyde de cuivre
Il semble intéressant de voir la solubilité de l’oxyde de cuivre qui protège le métal. La figure I-5 montre qu’il existe trois zones principales : stabilisation de l’oxyde de cuivre, stabilisation de l’hydroxyde de cuivre et la zone de solubilité sachant que ce diagramme est applicable tout au moins en l’absence des substances complexantes pour le cuivre(I) (Cl- , CN- , NH3 et S2O3 –) et pour le cuivre(II) (CuCl+ , SCN- ,CuBr+ , CuP2O7 –, Cu(NO2)3 – , Cu(C2O4)2 — et CuY–) [6] .
Propriétés physico chimiques de l’oxyde d’aluminium
L’aluminium n’est pas soluble dans l’eau mais, très réactif en présence d’eau il forme une couche d’oxyde d’aluminium compacte. Il existe plusieurs formes d’oxyde d’aluminium, les plus connus sont : la Gibbsite, γ –alumine et α-alumine. Ils diffèrent selon leur structure et morphologie cristalline ainsi que selon la nature du groupe oxy-hydroxyde (tableau I-5) [7] . Il existe aussi de l’alumine hydraté sous deux formes : l’oxyde d’aluminium mono- hydraté, Al2O3 • H2O (böhmite) et l’oxyde d’aluminium trihydraté, Al2O3 • 3H2O (hydrargillite) présentes en environnement humide. Il est important de noter qu’on distingue deux couches d’oxyde : la couche d’oxyde à l’interface métal/couche et une couche d’oxyde hydraté à l’interface couche/électrolyte aqueux.
Les réactions physico-chimiques à la surface d’oxy-hydroxyde d’aluminium sont compliquées principalement en raison de la cinétique d’hydratation et de la structure de la surface [8] . L’hydroxyde d’aluminium (couche d’oxyde hydratée côté environnement) peut s’ioniser en donnant l’acide/ base de Brønsted en fonction de la force ionique de la solution aqueuse qui détermine la charge globale de la surface, elle même liée au pH à la surface [9] . En général, on appelle alumine (α -alumine : α-Al2O3) un oxyde majeur existant à la surface de l’échantillon non traité thermiquement et qui a un comportement amphotère. Il est soluble dans les milieux acides et basiques. Avec l’acide, il forme Al2(SO4)3, Al(NO3)3 et AlCl3 (qui sont facilement solubles dans l’eau) en réagissant avec H2SO4, HNO3, et HCl, respectivement. En solution aqueuse, l’ion d’aluminium est hexacoordiné, il est entouré de six molécules d’eau comme indiqué ci-dessous [10]:
Al2O3 + 6H3O+ + 3H2O ——› 2[Al(H2O)6] 3+ (Équation I-1)
L’hydroxyde d’aluminium se forme dans une solution alcaline aqueuse. Cette réaction est lente, et conduit à un anion alumino-hydroxide hexacoordiné :
Al2O3 + 2OH– + 7H2O ——› 2[Al(OH)4(H2O)2]– (Équation I-2)
Dans son état sec et en présence d’oxyde de silicium, l’alumine réagit en formant le silicate d’aluminium qui peut apparaitre à la surface après polissage d’un échantillon d’aluminium [par utilisation d’un papier abrasif à base d’oxyde de silicium] :
Al2O3 + 3SiO2 ——› Al2(SiO3)3 (Équation I-3)
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Table des matières
Introduction
I. Chapitre : Etude Bibliographique
I.1. Les alliages aluminium / cuivre : microstructure et propriétés mécaniques
I.1.1. Les familles d’alliages d’aluminium
I.1.2. Propriétés de l’aluminium et de ses alliages
I.1.3. Traitements thermiques de des alliages d’aluminium
I.2. Les types des rivets pour aéronefs
I.3. Corrosion du cuivre, de l’aluminium et de ses alliages
I.3.1. Corrosion du cuivre
I.3.1.1 Généralités sur la corrosion du cuivre
I.3.1.2 La solubilité de l’oxyde de cuivre
I.3.2. Propriétés physico chimiques de l’oxyde d’aluminium
I.3.3. Corrosion de l’aluminium (aluminium non allié)
I.3.3.1 Généralités sur la corrosion d’aluminium
I.3.3.2 La solubilité de l’hydroxyde d’aluminium
I.4. Types de Corrosion des alliages d’aluminium
I.4.1. Corrosion généralisée ou uniforme
I.4.2. Corrosion localisée
I.4.2.1 Corrosion galvanique
I.4.2.2 Corrosion par piqûres.
I.5. Cas particulier de la corrosion de l’alliage de l’aluminium 2024-T3 et la création des crevasses autour des particules intermétalliques
I.5.1. Les particules intermétalliques
I.5.2. Problème de la dissolution du cuivre dans l’alliage 2024
I.5.2.1 Etudes réalisées sur l’alliage 2024
I.5.2.2 Etudes réalisées avec des électrodes modèles
I.6. Spécificité du milieu confiné
I.6.1. Transport de matière en milieu confiné
I.6.2. Les formations de précipité dans le milieu confiné
I.6.3. Le pH dans le milieu confiné
I.7. Corrosion en milieu confiné (la cellule de corrosion à couche mince)
I.8. Conclusion
II. Chapitre : Techniques et Conditions Expérimentales
II.1. L’élaboration des électrodes
II.1.1. Métaux étudiés
II.1.2. L’électrode de référence
II.1.3. L’électrode de pH
II.1.4. L’électrode auxiliaire
II.2. Préparation des électrodes
II.2.1. Electrodes de travail pour la couche mince
II.2.2. Electrodes de travail, modèle tôle/rivet
II.3. Appareillage
II.3.1. Montage électrochimique « classique »
II.3.2. Montage électrochimique en couche mince
II.3.2.1 Dispositifs expérimentaux d’étude de la corrosion en milieu confiné
II.3.2.2 Description du montage en couche mince
II.3.2.3 Méthode des courbes d’approche
II.3.3. Dispositif expérimental général
II.3.3.1 Conditions de travail
II.3.3.2 Les solutions
III. Chapitre : Etude du Couplage Al-Cu en Plein Bain
III.1. Comportement électrochimique de l’aluminium en plein bain
III.1.1. Potentiel à circuit ouvert
III.1.2. Courbes de polarisation cathodique
III.1.3. Courbes de polarisation anodique
III.2. Comportement électrochimique du cuivre en milieu plein bain
III.2.1. Potentiel à circuit ouvert
III.2.2. Courbes de polarisation cathodique
III.2.3. Courbes de polarisation anodique
III.3. Potentiel et courant de corrosion galvanique du couple aluminium-cuivre en plein bain
III.4. Etude dans les milieux contenant des ions métalliques
III.4.1. Effet de la concentration des ions Cu2+ sur l’aluminium
III.4.1.1 Potentiel de circuit ouvert
III.4.1.2 Courbes de polarisation anodique
III.4.1.3 Courbes de polarisation cathodique
III.4.2. Effet de la concentration des ions Al3+ sur le cuivre
III.4.2.1 Potentiel à circuit ouvert
III.4.2.2 Courbes de polarisation anodique
III.4.2.3 Courbes de polarisation cathodique
III.4.3. Le comportement cathodique d’une électrode tournante de cuivre dans une solution à pH~3, en présence et en absence d’ions Al3+
III.4.4. Influence de la vitesse de rotation de l’électrode de cuivre dans des solutions contenant des cations d’aluminium
III.5. Conclusion
IV. Chapitre : Mise en Evidence de l’Influence du Confinement d’Electrolyte sur la Corrosion de l’Alliage 2024
IV.1. Assemblage d’un alliage de 2024 avec un rivet de 20470 AD
IV.2. Assemblage d’un alliage de 7075 avec un rivet de 20426 E
IV.3. Assemblage d’un alliage de 2024 avec un rivet de 2024
IV.4. Conclusion
Conclusion
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