Découverte de la maladie de Parkinson
C’est en 1817, dans son Essai sur la Paralysie Tremblante ( An Essay on the Shaking Palsy ) que James Parkinson décrit pour la première fois avec précision des cas cliniques de patients atteints de la maladie qui sera appelée plus tard « maladie de Parkinson » par le neurobiologiste français Jean-Martin Charcot. Il évoque des patients présentant une rigidité musculaire associée à des tremblements involontaires de repos. L’idée d’une évolution lente et progressive de cette pathologie est également très présente. Il décrit comme première étape de la maladie « un petit sentiment de faiblesse avec une propension au tremblement par une partie du corps, souvent une main ou un bras ». Avec le temps, la posture du patient se modifie, les gestes du quotidien nécessitent de plus en plus d’efforts, les tremblements deviennent omniprésents jusqu’à ce que le patient ne puisse même plus marcher et montre des signes de démence (Parkinson, 1817). Depuis, la liste des symptômes de cette maladie s’est précisée. Les symptômes moteurs sont : des tremblements de repos, une rigidité musculaire, une akinésie ou bradykinésie (difficulté dans l’initiation des mouvements, lenteur et perte des mouvements fins). Au moins deux de ces trois symptômes doivent être présents afin de diagnostiquer une maladie de Parkinson. Une instabilité posturale est également régulièrement observée. Plusieurs symptômes non moteurs comme une fatigue intense, des perturbations du sommeil, une anosmie (perte de l’odorat), de la constipation, des problèmes intestinaux, des anomalies du système autonome, des anomalies comportementales, de l’anxiété, des hallucinations et parfois de la démence ont également été décrits (Jankovic, 2008) . Certains de ces symptômes (constipation, anosmie ou micrographie) apparaissent d’ailleurs souvent plusieurs années avant les symptômes moteurs mais sont beaucoup trop peu spécifiques pour permettre de poser un diagnostic. Les symptômes moteurs sont majoritairement dus à une dégénérescence des neurones dopaminergiques de la substance noire pars compacta au cours de la pathologie . Cette région perd d’ailleurs sa coloration noire dû à la neuromélanine présente dans les cellules qui la composent (Hirsch et al., 1988) . Cette dégénérescence entraine chez le patient un déficit en dopamine, neurotransmetteur impliqué dans le contrôle des mouvements ainsi que dans la motivation.
Causes de la maladie
La maladie de Parkinson est multi-causale et souvent multifactorielle. En effet, deux « formes » de la maladie de Parkinson peuvent être différenciées en fonction de leur origine génétique ou environnementale. Cependant, chez la majorité des patients, il existe une balance entre des facteurs génétiques et environnementaux qui influencent conjointement l’apparition de la maladie. Les cas de patients atteints par une forme génétique de la maladie de Parkinson sont rares (environ 5% des patients). Différents gènes ont été identifiés comme étant à l’origine de la maladie lorsqu’ils sont mutés. Par exemple, des mutations ou des duplications du gène codant pour l’alpha-synucléine (SNCA) entrainent une maladie de Parkinson, transmissible sous un mode autosomique dominant (Polymeropoulos et al., 1997). D’autres gènes tels que LRRK-2 (leucine-rich repeat kinase 2) codant pour une kinase associée à la membrane mitochondriale ou le gène codant pour la glucocerebrosidase, une hydrolase lysosomale, ont été identifiés comme des causes de la maladie de Parkinson. Plus récemment, des études à très grande échelles dites GWAS (pour génome wide-association study) permettant de corréler des polymorphismes nucléotidiques à des facteurs de risque de développer la maladie ont été mises en place pour la maladie de Parkinson. Ces études se font sur des dizaines de milliers voir des centaines de milliers de personnes et ont donc une grande force statistique. Elles permettent ainsi de déceler des variants génétiques entrainant une susceptibilité, même faible, de développer la maladie. 41 loci de susceptibilité associés à la maladie de Parkinson ont ainsi été mis en évidence (Chang et al., 2017) . Notons que les patients qui développent une maladie de Parkinson avant l’âge de 50 ans présentent généralement des facteurs de risque génétiques importants (Tanner et al. 1999) . De la même manière, il est rare de pouvoir déterminer un évènement environnemental unique causant directement la maladie de Parkinson. Cela a été possible en 1976, lorsque Barry Kidston s’est injecté du MPTP (1-méthyl-4phényl-1,2,3,6-tétrahydropytidinie) qu’il avait lui-même synthétisé à la place du MPPP (1-méthyl-4phényl-4-propionoxypiperidine), une drogue illicite. Barry Kidston et d’autres consommateurs de cette drogue mal synthétisée développèrent en quelques jours des symptômes moteurs évocateurs d’une maladie de Parkinson avancée (syndrome parkinsonien). En effet, le MPTP est métabolisé en MPP+ qui interfère avec le complexe 1 de la chaine respiratoire des mitochondries conduisant à une augmentation importante du stress oxydant et à la mort cellulaire. De plus, cette drogue cible spécifiquement les neurones dopaminergiques. Le MPTP est aujourd’hui encore utilisé dans les laboratoires de recherche comme modèle de la maladie de Parkinson et est à l’origine du développement des inhibiteurs de la monoamine oxydase B (MAO-B) utilisés pour traiter les symptômes parkinsoniens (Langston, 2017) . Il a également été mis en évidence que l’exposition à certains pesticides, comme la roténone ou le paraquat est un facteur de risque important de développer cette maladie (Tanner et al., 2011) . D’autres substances semblent en revanche avoir un rôle protecteur contre l’apparition de la maladie de Parkinson comme la consommation de café (Ross et al., 2000) . Les causes exactes de la maladie de Parkinson sont donc difficiles à déterminer car elles correspondent le plus souvent à un mélange de facteurs de risques environnementaux et génétiques qui agissent de concert pendant des années. Notons que le premier facteur de risque est l’âge. L’augmentation de l’espérance de vie, en particulier dans les pays les plus riches, tend donc à augmenter le nombre de personnes atteintes de cette maladie.
Les démences à corps de Lewy
Les démences de Lewy sont elles aussi caractérisées par la présence de dépôts anormaux d’alpha-synucleine dans les cellules cérébrales. Cette maladie affecte surtout les parties du cerveau liées aux fonctions cognitives et aux mouvements (structures limbiques et néocortex). Elle se rapproche donc, en termes de symptômes, de la maladie de Parkinson et de la maladie d’Alzheimer bien que son évolution ainsi que la détérioration des facultés mentales soient plus rapides. En effet, on considère que les patients présentant des signes de troubles cognitifs durant la première année suivant le diagnostic d’une « maladie de Parkinson » sont en réalité atteints de démence à corps de Lewy. Les principaux symptômes sont un déficit cognitif progressif associé à des troubles de la mémoire, des troubles du sommeil, des symptômes moteurs parkinsoniens (tremblements et rigidité) ainsi que des fluctuations de l’état cognitif ou de la vigilance (Walker et al., 2019, McCann et al., 2014). Cette maladie débute généralement un peu plus tardivement que la maladie de Parkinson (environ 70 ans pour les patients atteint de démences à corps de Lewy contre 60 ans pour les patients atteints de la maladie de Parkinson) mais est plus agressive, l’espérance de vie des patients n’étant que de 5 à 7 ans post diagnostic. La démence à corps de Lewy est la seconde démence la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer (environ 20% des cas de démences). D’après le site France Alzheimer, près de 200 000 personnes en France seraient atteintes par cette maladie (0,3% de la population) et 67% des malades ne seraient pas diagnostiqués !
Diagnostic des démences à corps de Lewy
Il existe de nombreuses erreurs de diagnostic des démences à corps de Lewy, souvent confondues avec la maladie d’Alzheimer. Pour diagnostiquer de la manière la plus fiable possible cette pathologie, différents outils sont utilisés comme l’analyse des symptômes, l’imagerie cérébrale, l’imagerie nucléaire ou alors l’identification de biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer (dosage des protéines Tau totales, Tau hyperphosphorylées et du peptide béta amyloïde 1-42) du liquide céphalorachidien par ponction lombaire. Notons qu’il n’existe pas de biomarqueur connu des démences à corps de Lewy ; les ponctions lombaires sont donc utilisées pour écarter l’hypothèse d’une maladie d’Alzheimer. La condition nécessaire au diagnostic d’une démence à corps de Lewy est l’existence d’un trouble cognitif évolutif suffisant pour interférer avec les activités de la vie courante. Les autres symptômes principaux sont les troubles de la mémoire (évocateurs d’une maladie d’Alzheimer) et les troubles attentionnels et visuo-spatiaux. Les critères associés à cette maladie sont la fluctuation des troubles cognitifs, les hallucinations visuelles et le parkinsonisme (tremblement, hypertonie et/ou akinésie). Il existe également d’autres critères évocateurs de la maladie : les troubles du sommeil paradoxal (ou REM pour « rapid eye movement », rêves colorés et effrayants sans atonie musculaire associés à une agitation importante du dormeur), la sensibilité accrue aux neuroleptiques et une diminution du transporteur de la dopamine visible par imagerie fonctionnelle. Notons que les troubles du sommeil paradoxal apparaissent généralement de manière précoce dans la pathologie et suggèrent une synucléinopathie bien qu’ils ne soient pas spécifiques d’une démence à corps de Lewy. Les critères associés souvent présents lors d’une démence à corps de Lewy sont une dysautonomie sévère (une hypotension orthostatique, une instabilité cardia-circulatoire neurovégétative, une incontinence urinaire, une constipation, une asthénie et des troubles de la déglutition), des chutes répétées, des pertes de connaissance brèves, des hallucinations, un délire systématisé, une dépression. Les démences à corps de Lewy diffèrent de la maladie de Parkinson par le fait que dans cette maladie, la démence précède ou apparait en même temps que le syndrome parkinsonien. Également, la réponse à la L-Dopa sera plus faible et fait partie des critères d’exclusion du diagnostic d’une maladie de Parkinson (Faucher, 2005). De la même manière que pour la maladie de Parkinson, les techniques d’imagerie peuvent être utilisées pour aider au diagnostic. L’IRM permet d’observer une atrophie mésencéphalique et la scintigraphie cérébrale avec le ioflupane permet l’étude du système dopaminergique. L’observation d’une sévère dégénérescence de la voie nigrostriée permet d’exclure une maladie d’Alzheimer
Traitement de l’atrophie multi-systématisée
Encore une fois, il n’existe aucun traitement curatif contre cette maladie mais seulement des traitements symptomatiques. Les symptômes moteurs sont traités, comme pour la maladie de Parkinson, avec des médicaments permettant d’augmenter la quantité de dopamine dans le cerveau comme la L-Dopa. Ce traitement est cependant moins efficace que pour les patients atteints d’une maladie de Parkinson (efficace chez 30% des malades pendant environ 5 ans) et nécessite des doses plus importantes. L’hypotension orthostatique, les troubles urinaires, les troubles de l’érection, la constipation, les troubles de la déglutition, les troubles du sommeil et les problèmes cardio-vasculaires sont également traités grâce à différents médicaments non spécifiques de l’atrophie multi-systématisée. Des mesures non médicamenteuses comme l’utilisation de bas de contention et l’élévation de la tête du lit pour éviter l’hypotension orthostatique ou la mise en place d’une sonde urinaire si nécessaire peuvent être conseillées. Également, la kinésithérapie respiratoire, l’exercice physique, l’orthophonie et un régime alimentaire sain vont permettre l’amélioration de certains symptômes (Moretti, 2019
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Table des matières
PREAMBULE
CHAPITRE 1: INTRODUCTION
1. Maladie de Parkinson et synucléinopathies
a. La maladie de Parkinson
b. Les autres synucléinopathies
c. Méthodes de diagnostic
d. Les traitements actuels
e. Les traitements expérimentaux
2. L’alpha-synucléine physiologique et pathologique
a. Rôle et structure physiologique
b. Dégradation
c. Agrégation pathologique
d. Propagation
a. Les maladies à Prions
e. Formes modifiées
3. Synucléinopathies et mécanisme « prion-like »
b. Caractéristiques communes entre l’alpha-synucléine et la protéine PrP
c. Notion de souches du Prion
d. Les souches d’alpha-synucléine
e. Elucidation des structures de l’alpha-synucléine en condition pathologique
4. Objectifs de l’étude
CHAPITRE 2 : METHODOLOGIES ET OPTIMISATIONS
1. Contrôle de l’assemblage des souches d’alpha-synucléine
a. Méthodes d’assemblage
b. Méthodes de caractérisation
2. Cartographie des surfaces accessibles des souches d’alpha-synucléine
a. Cartographie des surfaces par protéolyse ménagée
b. Cartographie des surfaces par échanges hydrogène-deutérium
c. Discrimination des souches par accessibilité des anticorps
3. Etude de la clairance des souches in cellulo
CHAPITRE 3: RESULTATS
1. Cartographie de la surface de souches d’alpha-synucléine
2. Etude du processing de souches d’alpha-synucléine par les astrocytes et les neurones
CHAPITRE 4 : CONCLUSION ET DISCUSSION
1. Etude de la surface de souches d’alpha-synucléine in vitro
2. Etude de la surface des souches in cellulo
3. Conséquences fonctionnelles des spécificités de surface
4. Perspectives
REFERENCES
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