Les agences aujourd’hui acteurs et régulateurs de la désintermédiation financière

Problématique et questionnements

L’objectif principal de ce travail consistera à comprendre les ressorts de la notation financière comme dispositif conventionnel. Il s’agira donc de mettre à jour les principales caractéristiques de l’activité dans le contexte de crise que nous identifierons. Notre constat est en fait le suivant : la notation financière semble se composer d’une succession de conventions plus ou moins optimales, certaines pouvant conduire à des dérèglements, des polarisations, des euphories mais aussi et surtout à des crises de défiance et de panique.
Notre questionnement va donc nous amener à nous interroger sur la focalisation importante dont fait l’objet la notation financière. Pourquoi les agents accorden t-ils une importance si grande à cet outil ? Pourquoi l’utilise-t-on alors qu’il est possible d’en démontrer les limites et que ces dernières sont déjà connues et partagées par les protagonistes de cette activité ? Un certain étonnement nous incite donc à essayer de comprendre la nature des croyances qui entourent la note et sa valeur y compris en période de crise. Pourquoi accorde-t-on donc une si grande importance aux outils d’évaluation des risques dont la notation financière est un exemple paradigmatique ? En retire-t-on finalement un si grand bénéfice ?
C’est donc cet attrait pour la notation, son importance croissante au sein des marchés financier que nous allons essayer de comprendre. Pour ce faire, nous allons notamment essayer d’expliquer son évolution ; comment la note a-t-elle pu passer d’un commentaire, d’une opinion extérieure aux marchés à un dispositif essentiel de ces derniers au point d’en devenir, nous le verrons, un outil de régulation reconnu par les autorités économiques et financières nationales et internationales.
C’est en fait la puissance d’une convention de représentation qui va principalement nous intéresser dans ce travail. Alors que nous présenterons les conditions dans lesquelles se sont développés la notation financière et le manque de lisibilité qui entoure le fonctionnement des marchés financiers modernes, la notation se présente tel un phare, un repère essentiel pour l’ensemble des agents. Nous essaierons de voir du même coup comment ce point de repère incontournable peut s’ériger en barrière, en garde des marchés financiers, la notation incarnant ainsi le rôle du « Cerbère » aussi bien pour les émetteurs de titres que pour les investisseurs.
Nous allons donc chercher à déconstruire une convention aujourd’hui en crise. Il nous faut déjà préciser que la notion de convention et de crise ne sont donc en aucun cas contradictoire, bien au contraire.
Une convention est un processus tacite dont l’institution non contrôlée relève parfois de l’arbitraire et affronte par conséquent de nombreux écueils.
Nous allons essayer de voir pourquoi les agents, dans leur quête de coordination, peuvent donc être à la fois victimes et coupables d’une convention en vigueur en partie défailla nte.
Les acteurs des marchés financiers se trouvent dans cette situation paradoxale, instituant et subissant un dispositif conventionnel, pouvant donc notamment être dominés par la dimension évaluative ou interprétative d’une convention.
Un questionnement secondaire recoupe la période de crise durant laquelle nous étudierons la notation financière ; nous chercherons à démontrer pourquoi cet outil qu’est la note constitue un bouc-émissaire idéal-typique. Nous verrons dans quelle mesure la notation financière présente des dysfonctionnements, quels ont été les choix des agences avant et durant la crise que nous évoquerons, cependant, il est clair qu’elles ne peuvent, seules, endosser l’entière responsabilité des turbulences survenues. Il ne relève bien évidemment pas de notre travail d’identifier des responsabilités et de procéder à un jugement des acteurs impliqués dans les crises et dysfonctionnements évoqués ; nous cherchons uniquement à identifier et à comprendre un « mécanisme victimaire » particulièrement pertinent qui nous éclaire sur le fonctionnement de nos sociétés par temps de crise.

Plan du mémoire

Dans la première partie de ce travail nous évoquerons principalement les conditions qui ont fait naitre les débats actuels sur la notation financière.
Il s’agira de présenter tout d’abord l’institution, son évolution, son histoire (I). Nous essaierons notamment de voir comment et pourquoi la notation qualifiée à ses débuts de « journalistique » est devenue une activité économique à part entière. La création progressive des trois principales agences de notation, Standard and Poor’s, Moody’s et Fitch Ratings illustre l’intégration progressive de la notation par les marchés. Ces sociétés ne sont donc pas de simples observateurs et commentateurs des marchés comme leurs fondateurs purent l’être en leur temps. Elles répondent à des impératifs de rendements, disposent de stratégies sur un « marché de la notation » que nous essaierons de présenter. Le premier chapitre sera également l’occasion d’évoquer la crédibilité acquise par la notation incitant des autorités de régulation (notamment le comité de Bâle) à transférer des compétences aux agences.

La notation financière dans la tourmente

Trois enjeux seront au cœur de ce premier temps de notre développement.
Premièrement, il s’agira de présenter la notation financière en tant qu’institution en mutation. Nous constatons une évolution majeure entre les prodromes de ce qu’il a été coutume d’appeler le « journalisme financier » jusqu’à la constitution d’agences puissantes et intégrées aux marchés permettant alors de parler d’agents au sein de ces mêmes marchés.
Cette intégration croissante de la notation devient alors essentielle dans la compréhension du fonctionnement et des fluctuations de la finance mondiale. Lors de l’éclatement de la crise de 2007-2009, les agences de notation furent accusées et fréquemment désignées responsables d’un séisme financier par bon nombre d’observateurs et de dirigeant s politiques. Il s’agira donc de mettre en lumière quelques répercussions de la notation permettant en effet de dégager des critiques à l’égard de cette activité mais il conviendra surtout de montrer en quoi, la notation financière ne peut endosser, seule, la responsabilité de cette crise et faire office de bouc-émissaire.
Le troisième et dernier enjeu de cette première partie nous permettra donc de revenir sur ce « mécanisme victimaire » constitutif des crises que traversent nos sociétés. Nous essaierons de voir comment la désignation du bouc-émissaire répond à une certaine logique pour un groupe cherchant à évacuer une responsabilité collective, se mettant ainsi en quête d’une nouvelle cohésion.

Les agences de notation Ŕ une institution atypique au cœur des marchés

Au tournant des 19 ème et du 20 ème siècle, l’industrie en pleine expansion est en recherche croissante de capitaux. Les bailleurs affluent mais commencent à s’attacher par conséquent à la qualité des « signatures », c’est-à-dire aux risques encourus pour toute forme de prêt. Le risque de crédit alors embryonnaire est une activité quasi confidentielle pratiquée par quelques spécialistes qui par la suite créeront des établissements spécialisés en la matière.

Du journalisme financier aux agences de notation

Au début du 20 ème siècle, deux spécialistes de l’industrie américaine jettent les bases de la notation en se livrant à une série d’analyses et d’études de nombreuses sociétés. Pratiquant ainsi ce que l’on a communément appelé le « journalisme financier », ils n’ont eu de cesse de vouloir renseigner les investisseurs quant à la qualité de leurs investissements au simple titre de la liberté d’expression telle qu’elle est mentionnée dans le premier article de la Constitution des Etats-Unis. Cette liberté d’expression dans le domaine des affaires et de la finance fut une intuition couronnée par la suite d’un certain succès.

Les précurseurs – John Moody et Henry Poor

John Moody (1868-1958) investisseur autodidacte disposant d’un talent d’écriture certain sembla convaincu d’un manque d’information inhérent aux marchés des titres, actions et obligations et ce dans de nombreux domaines : groupes manufacturier s, exploitations minières, industrie agro-alimentaire . Selon lui, les investisseurs ne disposaient que de trop peu d’information afin de placer leur épargne et de procéder au choix des titres ou signatures auxquels ils voulaient s’en remettre. En 1900, John Moody produit un premier manuel à succès d’information et de statistique sur l’industrie américaine. Suite à la crise de 1907, il pense pouvoir faire mieux en fournissant une véritable analyse des titres boursiers et dettes émises sur les marchés et choisit alors de se focaliser sur le secteur des chemins de fer. En 1909, John Moody publie une première méthodologie de notation intitulé Moody’s Analyses of railroad investments . En 1914, Moody’s Investors est créée. ; cette société couvrira dès 1924 presque 100% du marché obligataire américain.
Bien que son agence n’émette des notes qu’à partir de 1916, il semble bien qu’Henry Poor soit finalement le véritable précurseur de la notation suite à ses travaux menés dès 1868 et la publication de Poor’s Manual of the Railroads of the United States. Durant l’entre-deuxguerres, les deux agences se développent donc simultanément et ne souffrent pas la concurrence. En 1941, Poor’s Publishing absorbe rapidement une société de notation alors peu connue dénommée Standard Statistics, ce qui confèrera à la société son nom actuel, Standard and Poor’s.
La notation ne cesse d’étendre ses compétences en attribuant à partir de 1918 des notes à des entités publiques et principalement aux Etats ; c’est Moody’s qui lance alors le « sovereign rating » consistant à évaluer la probabilité de défaut de paiement d’un titre ou d’une obligation contractée par un Etat. Il s’agit pour l’agence d’étudier les principaux ratios d’endettement, les recettes, les historiques de défaut mais aussi la stabilité institutionnelle et politique de l’Etat en question . C’est enfin la crise de 1929 et le crash boursier qui s’ensuit qui va conférer à la notation un statut particulier reconnu par la sphère publique . En 1930, la Réserve fédérale américaine commence à utiliser la notation pour les banques qui relèvent de sa responsabilité et en 1931, c’est le Trésor américain qui à son tour utilise cet outil pour évaluer la qualité des actifs détenus par les établissements financiers du pays. En 1935 et 1936, des règlements interdisent l’achat de titres dits « spéculatifs » (notés en dessous de BBB) par les établissements financiers américains. La not ation est ainsi reconnue par la puissance publique comme outil de prévention et de régulation.
Un dernier évènement renforcera la nécessité de la notation auprès des investisseurs : en 1970, une compagnie de transport américaine, la Penn Central Transportation Company fait faillite et se trouve dans l’incapacité d’honorer 80 millions de dollars de « commercial paper » alors même que le National Credit Office n’avait pas émis la moindre réserve sur l’établissement. Cette faillite à démontré la pr ésence d’un risque de marché et d’un risque de crédit inhérent à toute activité de prêt quelque soit la qualité initiale de l’émetteur ; la notation est alors apparue comme un outil essentiel afin de prévenir ce type de mésaventure.

Croissance et internationalisation de la notation

Les années 1980 virent une expansion significative de l’activité de notation avec notamment la création en France de l’Adef, (Agence d’évaluation financière). Cette société créée en 1986 suite à la fusion de plusieurs compagnies d’assurance joua un rôle secondaire sur les marchés financiers français jusqu’en 1989, date à laquelle trois règlements du comité de réglementation bancaire provoquèrent une forte cristallisation envers la notation. Cette réglementation obligea tous les émetteurs d’une créance négociable sur plus de deux ans à recourir aux services d’une agence de notation. L’Adef vit alors son activité croitre très fortement. En décembre 1989 , 350 programmes d’emprunts concernant 80 émetteurs distincts avaient déjà fait l’objet d’une notation. Au cours de l’année 1990, Standard and Poor’s saisit une occasion d’absorber cette agence française qui aujourd’hui encore est sa propriété.
La notation financière en Europe continue à se développer dans les années 1990 lorsqu’en octobre 1992, deux jeunes agences (Euronotation France et IBCA) décident d’unir leurs forces afin de mettre sur pied IBCA Notation groupe. En 2001, le groupe français Fimalac reprend cet établissement pour lui donner le nom de Fitch Ratings. Cette terminologie anglo  saxonne pour un établissement détenu à 100% par la holding française Fimalac n’est pas anecdotique. Comme le soulignent Catherine Gerst et Denis Groven.

Décerner une note

Le processus d’élaboration

Avant de nous pencher sur le rôle et l’influence des agences sur les marchés actuels, il nous faut présenter dans les grandes lignes le processus de notation. Comme nous l’avio ns mentionné précédemment, une note est requise lorsqu’une entité publique ou privée souhaite contracter une dette et se met donc en quête d’épargne disponible. En dehors des cas de notation non sollicitée, l’émetteur de dette se voit donc obligé de solliciter lui-même , auprès de l’agence de son choix, une notation concernant la nature du titre qu’il souhaite diffuser. S’ensuit alors une phase de demande d’information par l’agence en question qui désigne du même coup les analystes qui seront en charge de la note à établir. Durant plusieurs jours, des « réunions de notation » vont permettre d’étudier les documents reçus : il ne s’agit cependant pas d’une mission d’audit ou de vérification des documents fournis, seule une étude de fond est réalisée afin d’identifier au mieux les caractéristiques élémentaires de l’émetteur et de la dette qu’il souhaite lever. Une fois ces réunions achevées, l’analyste principal prépare les documents et résume les analyses qui feront l’objet d’un débat en comité de notation. C’est ce comité de notation qui va examiner le dossier et in fine attribuer une note. La présentation de l’analyste principal doit donc laisser place à un vote : la décisio n est prise à la majorité et est donc collégiale. Nous verrons cependant ultérieurement que cette procédure officielle, très balisée, n’offre pas tant de garanties de clarté et que les critiques formulées à l’encontre des comités de notation assimilés à des « boites noires » sont nombreuses.
La note décidée par le comité fera donc l’objet d’une publication (fréquemment par voie de communiqué de presse) avec l’accord de l’entité concernée qui est autorisée à faire appel si la note proposée est jugée insatisfaisante. Suite à cette procédure d’appel, des compléments d’information peuvent donc être fournis afin que l’émetteur justifie de son mécontentement. Une nouvelle décision de l’agence survient donc dans un second temps pour modifier ou confirmer la note d’origine. L’émetteur peut encore s’y opposer (auquel cas ce dossier de notation est définitivement abandonné) ou accepter cette note réévaluée qui pour le coup fera l’objet d’une publication. La note publiée et suivie de manière permanente et pourra ensuite faire l’objet d’une « mise sous surveillance » si l’agence décèle un quelconque indice de perturbation ; cette mise sous surveillance doit obligatoirement être assortie d’une perspective d’évolution « positive », « indéterminée » ou « négative ».
Une modification de la note peut do nc s’ensuivre : l’émetteur n’a pour le coup aucun droit de s’opposer à la mise sous surveillance ainsi qu’à la modification de la note le concernant qui est considér ée comme «un bien appartenant à la communauté des investisseurs pour lesquels elle est un moyen d’information qui doit rester constamment à jour ».

Notation et crise financière Ŕ Reproches légitimes et procès injustes

Lors de ce second chapitre, la crise financière de 2007-2009 constituera une trame au sein de laquelle nous essaierons d’identifier le positionnement de la notation financière. Il ne s’agit pas ici de déterminer l’ensemble des conditions d’apparition de cette crise, ses évolutions et son issue, mais quelques repères qui font « consensus » au sein de la science économique. En nous focalisant essentiellement sur les agences, et en ayant expliqué précédemment leur positionnement particulier au sein des marchés financiers, nous allons donc désormais essayer de comprendre ce qu’elles ont choisi de faire et de ne pas faire durant cette crise. Nous essaierons alors de discerner quelques zones d’ombres et reproches légitimes qui peuvent être formulés à l’encontre de la notation des « procès injustes » qui lui ont été dressés. Cette clarification faite sur le rôle des agences concernant la crise nous permettra alors de réfléchir (Chapitre 3) à l’excès de reproches formulés contre les agences dans une logique d’emballement du « mécanisme victimaire » répondant à un impératif de désignation d’un bouc-émissaire.

Crise des subprimes – Panique sur les marchés (2007-2009)

Afin de mieux comprendre le positionnement des agences dans les mécanismes de cette crise, essayons tout d’abord d’évoquer les principales étapes qu i ne font pas l’objet de controverses majeures dans le champ académique. Nous verrons ultérieurement dans quelle mesure la notation est liée à cet évènement.

L’économie de l’endettement

« Il n’y a rien de raisonnable dans l’époque que nous vivons, rien de rationnel dans les enchainements qui nous ont conduits à pareil résultat… » . Comprendre de manière exhaustive les ressorts complexes de cette crise semble en effet relever de l’impossible tant le nombre d’acteurs et leurs responsabilités respectives constituent un nœud quasi impossible à démêler comme nous le suggère ici Jean-Paul Fitoussi. Cependant, quelques éléments constitutifs de cette crise font l’objet d’un consensus, le surendettement de l’Occident en est un. Essayons de comprendre ce qu’il en est.
L’éclatement de la crise financière de 2007-2009 semble être une manifestation symptomatique d’une économie occidentale qui, en crise depuis la fin des trente glorieuses, maintient un niveau de croissance substantiel grâce à une capacité d’endettement et de financement de son mode de vie par le crédit – ceci au détriment de la production et de l’économie dite « réelle ». Cette économie de l’endettement est tout d’abord promue aux Etats-Unis lorsque le président de la FED Paul Volker choisit en 1979 de lutter délibérément contre l’inflation afin de stabiliser le pouvoir d’achat, de réduire le coût des emprunts et d’augmenter la valeur des actifs financiers.
Comme le précise Jacques Attali, « Il devient donc possible d’augmenter le niveau de vie en remplaçant le revenu par des emprunts aisément remboursés par la vente d’actifs en hausse […]L’économie s’installe ainsi dans une économie de la dette où l’endettement des ménages est utilisé comme substitut à l’augmentation des salaires. […] Cette situation peut durer aussi longtemps qu’augmente la valeur des actifs boursiers et immobiliers. Ce sera la cas pendant près de trente ans ».
Cette économie de l’endettement a donc du être financée par des techniques d’innovation financière sophistiquées (notamment la titrisation) et par des politiques de libération du crédit. Pour maintenir la croissance, de très grandes quantités de liquidités ont donc étaient déversées dans une économie où la finance ne s’est plus cantonné à un rôle de poumon des activités productives de valeur ajouté mais devint le cœur du système.
S’instaura donc un système spéculatif où « le crédit fait le prix et où le prix valide le crédit. »
Cette inflation du crédit permit notamment à de grandes banques commerciales américaines de devenir des « supermarchés de la finance » (JP Morgan, Citigroup) autorisés à utiliser les capitaux du grand public sans passer par le canal des banques d’investissement. Via la titrisation et la promotion de crédit hypothécaires (dits subprimes), l’immobilier est notamment devenu très accessible pour une grande partie des ménages américains dont l’endettement était en forte hausse malgré une faible augmentation de leurs salaires.

Les subprimes et la notation – décotes et « pro-cyclicité »

Comme nous l’avons mentionné précédemment, le déclenchement de la crise de 2007 est en grande partie du aux défauts enregistrés sur le marché du crédit immobilier hypothécaire américain (subprimes). Que pouvons-nous dire du rôle des agences au sujet de cet évènement déclencheur de la crise financière ?
Premièrement, les agences ont attribué de très bonnes notes aux actifs financiers liés à ces « créances sous-jacentes » dans le parc immobilier en leur attribuant des notes de catégorie « investissement ». Nous savons que les ménages concernés par ces prêts hypothécaires se trouvaient dans une situation de surendettement importante augmentant ainsi les risques d’insolvabilité. En attribuant de bonnes notes à ces titres, les agences de notation ont donc cautionné un « aléa moral maximisé » du crédit au détriment d’un « aléa moral contenu ».
Ces deux notions conçues initialement dans le secteur de l’assurance renvoient à des considérations élémentaires concernant l’octroi et la gestion du crédit. Dans le premier cas, une asymétrie de l’information augmente la distance entre le prêteur et l’emprunteur, ce dernier n’est qu’indirectement relié à son créancier, sa solvabilité étant secondaire. Enfin, du coté du prêteur, les « contrôles prudentiels » sont faibles ou inexistants : il n’y a pas ou peu de provisions de capitaux en face du crédit pour avoir de la résilience face à d’éventuels défauts. Dans le second cas (dit « aléa moral contenu »), la solvabilité de l’emprunteur est centrale pour l’octroi du crédit. L’emprunteur est connu, le prêteur dispose quant à lui de fonds propres et de réserves conséquentes afin de ne pas subir le risque de crédit.
Les agences de notation, ont donc, en partie, provoqué un élan de confiance important dans ce domaine des marchés financiers alors même que la mauvaise situation de l’endettement privé était établie.
Les encours de subprimes ont en effet connu une expansion considérable depuis la fin des années 1990 et principalement suite à la bulle internet. Entre 1996 et 2006, les encours de subprimes connaissent une augmentation de 138%. Ce mécanisme de prêt est en effet viable lorsque la hausse des actifs couvre l’ensemble des parties. Cependant, les premiers défauts sur le marché du crédit hypothécaire vont donc instaurer un cercle vicieux où la dépréciation des actifs ne couvre plus l’emprunteur et ne permettent plus au prêteur de récupérer la valeur du prêt engagé. Les premières vagues de défaut surviennent entre 2005 et 2007 (ils passent de 10% en 2005 à 28% en 2008 pour finalement atteindre 30% en février 2009 ). Pendant les deux premières années (2005-2007), les agences maintiennent en catégorie « investissement » les notes concernant les actifs liés à ce marché. C’est en juillet 2007, qu’une décote massive de la part des agences couplée d’u n changement de méthodologie va alimenter et amplifier le manque de confiance qui commence alors à s’installer. Le « rapport Ricol » de Septembre 2008 remis à Nicolas Sarkozy présente ce phénomène.

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Table des matières
INTRODUCTION 
PARTIEI : LA NOTATION FINANCIERE DANS LA TOURMENTE 
CHAPITRE I. LES AGENCES DE NOTATION – UNE INSTITUTION ATYPIQUE AU CŒUR DES MARCHES
I ) Du journalisme financier aux agences de notation
II ) Les agences aujourd’hui Ŕ acteurs et régulateurs de la désintermédiation financière
CHAPITRE II. NOTATION ET CRISE FINANCIERE – REPROCHES LEGITIMES ET PROCES INJUSTES
I ) Crise des subprimes Ŕ Panique sur les marchés (2007-2009)
II ) Depuis l’été 2007 Ŕ Regain de suspicion envers la notation
CHAPITRE III. LA NOTATION : UNE VICTIME EXPIATOIRE IDEALE
Crises et mécanisme victimaire – le bouc-émissaire au service d’un collectif en perdition
I ) Le monde de la finance et la crainte du complot
II ) La dimension oligopolistique de la notation
III ) Les conflits d’intérêts
IV ) Le comité de notation
PARTIEII : FORCES ET FAIBLESSES D’UNE CONVENTION
CHAPITRE IV. NOTATION – FONCTIONNEMENT D’UNE CONVENTION
I ) Les limites de « l’économie de l’information » – le recours aux conventions
II ) Conventions et notation financière
III ) La notation comme convention sous-optimale
CHAPITRE V. NOTATION – LA PUISSANCE D’UNE ILLUSION ? 
I ) Un exemple de complexification des marchés financiers : la titrisation
II ) Notation et « saillance » : la puissance d’une représentation
III ) La notation et son « double »
CHAPITRE VI. LE DEVENIR DE LA NOTATION – DU STATU QUO A LA SUPPRESSION DES AGENCES ?
I ) Le marché au secours de la notation
II ) La note, un « bien public » ? monopoles, nationalisation, suppression de la notation ?
III ) Le retour du régulateur : réformer un oligopole
CONCLUSION
TABLE DES MATIERES

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