Caractères cliniques de la grippe
On a tendance à appeler grippe toute affection des voies respiratoires survenant principalement dans la mauvaise saison. Le diagnostic est d’autant plus malaisé que seule une analyse de prélèvements sanguins ou oropharyngés en laboratoire permet d’en avoir la certitude. On peut cependant préciser les signes cliniques de la grippe.
Principaux signes cliniques
Après un ou deux jours d’incubation apparaissent :
• une forte fièvre, des frissons, des maux de tête, des courbatures ;
• des symptômes d’infection locale :
– rhinite,
– pharyngite,
– laryngite ou trachéo-bronchite.
La durée moyenne de la maladie est de dix jours.
Les complications : Des complications peuvent survenir en particulier chez les personnes fragiles, nécessitant soit des soins à domicile supplémentaires, soit l’hospitalisation. Les complications les plus fréquentes sont d’ordre respiratoire :
• forme pulmonaire apoplectique caractérisée par des hémorragies répétées et œdème pulmonaire, entraînant dans ces deux cas des risques importants de décès ;
• une surinfection bactérienne peut également se fixer au niveau de l’appareil respiratoire, le virus grippal annihilant les moyens de défense de la muqueuse et exaltant la virulence des bactéries pathogènes qui végètent au niveau de ces voies respiratoires. Les risques de décès ont cependant ici beaucoup diminué avec l’apparition des antibiotiques.
Les groupes à risque La grippe peut être particulièrement grave si elle frappe certains sujets fragiles.
• Le nourrisson : Le nourrisson est protégé par les anticorps maternels pendant quatre mois environ. Ensuite, la grippe peut revêtir une gravité extrême, sous l’aspect d’œdème aigu ou de catarrhe suffocant.
• Le vieillard : Le vieillard est particulièrement exposé aux risques de surinfection, à une insuffisance respiratoire aiguë, et à des complications cardiaques. L’évolution de ces complications leur est souvent fatale.
• La femme enceinte : Du fait de l’hyperthermie et de la toux, la grippe peut entraîner des accouchements prématurés. Lors de l’épidémie de grippe de décembre 1969 en France, il a été observé à la maternité de l’hôpital de la Croix Rousse à Lyon, 18 cas de prématurité sur 182 accouchements, dont 8 chez des femmes présentant un état grippal en cours ou en fin d’évolution. Ces 18 cas de prématurité observés correspondaient nettement à un accroissement du nombre de cas de prématurités par rapport à la moyenne observée hors épidémie.
• Les insuffisants respiratoires chroniques : Les insuffisants respiratoires chroniques sont exposés à des complications graves pouvant aller jusqu’à l’emphysème pulmonaire et l’insuffisance respiratoire aiguë, souvent fatale. La concordance étroite entre les poussées d’aggravation des affections respiratoires chroniques et les épidémies de grippe est un fait hautement significatif. L’étude menée à Toulouse, un milieu hospitalier par le Professeur MIGUERES, de 1963 à 1969, sur 271 bronchitiques chroniques hospitalisés à l’occasion d’une poussée d’exacerbation de leur maladie révèle des réponses sérologiques virales positives dans 94 cas. Il s’agit dans 84 cas du virus de la grippe ; ceci représente donc 31% des bronchitiques hospitalisés.
• Les diabétiques et les cardiopathes : Les diabétiques et les cardiopathes sont exposés à l’occasion d’une grippe à des réactions spécifiques graves. Cependant, le petit nombre d’études quantitatives publiées sur ces problèmes et les délais imposés à cette étude n’ont pas permis de prendre en compte ces derniers groupes.
Les groupes vecteurs On entend par groupe « vecteur » une population spécifique, qui atteinte lors d’une épidémie, contamine rapidement une partie du milieu externe. Le groupe type est représenté par le milieu scolaire où la propagation de l’épidémie est rapide au niveau de l’école et où l’enfant contamine aussi le milieu familial et social. On a ainsi observé dans une école secondaire de Kansas City (USA) que les scolaires étaient les premiers à avoir la grippe dans la famille.
La thérapeutique
• La thérapeutique courante est limitée à la prescription de médications destinées à agir sur les symptômes : fébrifuges, antitussifs et antiasthéniques. Les antibiotiques sont souvent prescrits ; il est à noter qu’ils n’ont aucun effet sur la grippe elle-même, mais ils sont destinés à agir sur d’éventuelles complications infectieuses bactériennes.
• La recherche actuelle se poursuit dans deux axes :
– les inducteurs d’interféron. L’interféron est une substance élaborée par les cellules agressées par un virus qui inhibe la multiplication virale dans la cellule ;
– certains produits chimiques, utilisés préventivement ou curativement qui limitent les cas de grippe apparents ; parmi eux, l’amantadine qui entraîne malheureusement de nombreux effets secondaires défavorables. Actuellement, aucun produit n’est considéré comme efficace et sans danger.
La surveillance internationale L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) intervient dans le domaine de la grippe dans le but :
• d’une part, de surveiller l’évolution du virus et de détecter rapidement les nouveaux variants et mutants ;
• d’autre part, d’observer le déroulement des épidémies et les indices de leurs approches.
A cet effet, il existe deux centres internationaux de grippe :
– le centre de Londres a un caractère mondial ;
– le centre d’Atlanta (Géorgie USA) concerne les Amériques. Ces centres groupent les informations et recueillent les virus que leur envoient les centres nationaux. Les deux centres français, situés l’un à l’Institut Pasteur à Paris, l’autre au Laboratoire des Actions de Santé à Lyon, collectent des informations sur le nombre de cas recensés dans certains groupes de population (scolaires, vieillards, hôpitaux), et recueillent des prélèvements sanguins et des prélèvements de gorge afin d’analyser des virus. Les correspondants de ces centres sont volontaires et bénévoles.
Répartition de la grippe
Malades de la grippe, vus au CSB2 d’Ambohipo Malades de la grippe non dépistés au CSB2 d’Ambohipo Malades de la grippe dans le secteur sanitaire d’Ambohipo
Selon les tranches d’âge et le sexe
• La grippe frappe dans toutes les tranches d’âge. Au CSB2 d’Ambohipo, les plus nombreux qui viennent consulter sont les personnes âgées de 5 à 17 ans (45,8%) et de 18 à 49 ans (32,2%).
• Les malades vus en consultation sont, dans la majorité des cas, du sexe féminin (56,8%). Les hommes sont apparemment ceux qui supportent la grippe en prenant en automédication les produits pharmaceutiques habituels (paracétamol, aspirine, vitamine C).
Selon « la vulnérabilité »
Les groupes vulnérables vus en consultation sont :
– les nourrissons (moins d’un an) au nombre de 23 ;
– les femmes enceintes au nombre de 27 ;
– les insuffisants respiratoires (asthmatiques et bronchitiques chroniques) au nombre de 21 ;
– les personnes âgées de 50 ans et plus, au nombre de 72, soit au total 143 malades.
Ces malades dits « vulnérables » vis-à-vis de la grippe représentent 23,1% des personnes grippées. On n’a pas enregistré de cas référés, mais il est permis de penser que ces personnes « vulnérables » ont des symptomatologies plus graves par rapport aux autres.
Les variations saisonnières La saison semble avoir une influence importante sur la grippe. Selon le tableau n° 14 et la figure n° 8, la grippe est fréquente et prend une allure épidémique de janvier à mars et de juillet à septembre. Ces périodes correspondent respectivement à la saison des pluies et à la saison froide dans les hauts plateaux de Madagascar. La grippe sévit toutefois à longueur d’année.
CONCLUSION
Les affections grippales ne sont pas toujours considérées comme des maladies sérieuses à Madagascar. En effet, à travers un vieil adage bien connu des malgaches « Raha sery vitan’anamalaha ve dia hamonoana vaton’akoho ? », on peut avoir une idée assez précise du comportement général quand on a la grippe. L’étude que nous avons menée au CSB2 d’Ambohipo montre pourtant qu’un nombre important de patients vient consulter pour la grippe. Les utilisateurs du CSB2 d’Ambohipo ne représentent toutefois pas la totalité des malades atteints de la grippe domiciliés dans le secteur sanitaire. On peut penser que ceux qui viennent consulter sont ceux qui sont déjà sérieusement atteints avec ou sans les complications connues de la grippe. Comme il s’agit en plus d’une maladie contagieuse, il est permis de penser que les malades qui ne se soignent pas correctement peuvent contaminer un nombre plus important d’individus. Le coût de prise en charge n’est pas toujours à la portée de tous car il varie de 1 800 Fmg à 5 750 Fmg par cas. Afin d’assurer une meilleure prise en charge des affections grippales, et pour mieux protéger les individus du groupe à risque, et éviter une perte importante de production, nous avons proposé 2 stratégies principales qui reposent d’une part sur la mise en œuvre d’un programme d’Information, Education et Communication (IEC), et d’autre part sur la vaccination contre la grippe des individus du groupe à risque utilisateurs du CSB2 d’Ambohipo. La vaccination des individus du groupe cible permettrait d’avoir un avantage chiffré à 7 296 000 F, car la protection des personnes à risque en période d’activité professionnelle rendrait possible la production de travail durant les journées qui auraient dû être chômées avec les accès de grippe.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES SUR LA GRIPPE ET SES CONSEQUENCES SOCIALES
1. La grippe et ses caractères épidémio-cliniques
1.1. Les agents responsables de la grippe
1.2. Caractères cliniques de la grippe
1.2.1. Principaux signes cliniques
1.2.2. Les complications
1.2.3. Les groupes à risque
1.2.4. Les groupes vecteurs
1.2.5. La thérapeutique
1.2.6. La surveillance internationale
1.3. Morbidité et mortalité
1.3.1. Mortalité
1.3.2. Morbidité
2. Coût de la grippe
2.1. Coût des grippes sans complication
2.1.1. Coût du traitement
2.1.2. La perte de production
2.2. Coût des grippes avec complications
2.2.1. Coût du traitement
2.2.2. Perte de production
3. Intérêt de la vaccination antigrippale
3.1. Données sur les vaccins
3.1.1. Préparation et fabrication
3.1.2. Efficacité des vaccins
3.2. Programmes possibles de vaccination
3.2.1. Groupes cibles
3.2.2. Contenu des programmes
3.2.2.1. Vaccination des nourrissons (moins d’un an)
3.2.2.2. Vaccination des personnes âgées
3.2.2.3. Vaccination des insuffisants respiratoires chroniques
3.2.2.4. Vaccination des femmes enceintes
3.2.2.5. Vaccination des enfants d’âge scolaire
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE EPIDEMIOLOGIQUE DE LA GRIPPE ET DE SES CONSEQUENCES SOCIALES
1. Cadre d’étude
1.1. Cadre général
1.2. Le secteur sanitaire d’Ambohipo
1.2.1. Les fokontany du secteur
1.2.2. Situation démographique et socio-économique
1.2.3. Les autres formations sanitaires
1.3. Le CSB2 d’Ambohipo
1.3.1. Le personnel
1.3.2. Les services du CSB2
1.3.3. Le service de la maternité
2. Méthodologie
2.1. Méthode d’étude
2.1.1. Objectif
2.1.2. Stratégie méthodologique
2.2. Paramètres d’étude
3. Résultats
3.1. Analyse épidémiologique
3.1.1. Profil de morbidité
3.1.2. Les cas de grippe
3.1.3. Répartition de la grippe
3.2. Variations saisonnières
3.3. Analyse socio-économique
3.4. Perte de production
3.5. Coût des journées de travail perdues
3.6. Coût total de prise en charge
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRES, DISCUSSIONS ET SUGGESTIONS
1. Commentaires et discussions
1.1. Place de la grippe dans les morbidités courantes
1.2. Répartition de la grippe
1.2.1. Selon les tranches d’âge et le sexe
1.2.2. Selon « la vulnérabilité »
1.2.3. Les variations saisonnières
1.3. Prise en charge de la grippe
1.3.1. Coût thérapeutique
1.3.2. Perte de production
2. Suggestions
2.1. Mise en œuvre d’un programme d’IEC sur la grippe
2.1.1. Objectif
2.1.2. Stratégie
2.2. La vaccination antigrippale
2.2.1. Programme de vaccination pour les groupes à risque ciblés
2.3. Le système de surveillance de la grippe
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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