Les aéroports des villes moyennes au défi d’une triple mutation

L’appréhension des plates-formes aéroportuaires demande d’entrer dans le détail des transformations du cadre réglementaire survenues au cours de notre période d’étude. Notre analyse ne peut se soustraire à ce contexte. En étant le support physique de l’activité de transport aérien, les aéroports ont été directement concernés par les bouleversements liés à la libéralisation du cadre réglementaire du transport aérien européen entre 1987 et 1997, et par ses effets sur les dessertes (1.). Un aéroport est également une infrastructure gouvernée, c’est-à-dire dont la gestion et le développement dépendent des décisions prises par les autorités qui en sont responsables. Or, la gouvernance des aéroports secondaires en France métropolitaine a connu des évolutions majeures (2.). Le principal changement a conduit à la décentralisation de 150 aéroports en 2004 de façon à ce qu’ils s’adaptent au nouveau contexte libéralisé. L’exploitation des plates-formes et l’élaboration de leur stratégie sont passées sous la responsabilité des collectivités territoriales nouvellement propriétaires. Après avoir développé ces éléments de contexte, nous avons cherché à identifier les questions spécifiques que pose la desserte aérienne des territoires de villes moyennes, auxquels est généralement associé le groupe des aéroports secondaires (3.). Enfin, nous précisons le positionnement scientifique de notre thèse ainsi que les hypothèses de recherche qui ont guidé notre travail (4.)

La libéralisation du ciel européen : un bouleversement du système d’organisation de la desserte aérienne 

L’évolution du cadre réglementaire régissant l’organisation de la desserte aérienne a constitué une évolution majeure du ciel européen. La libéralisation du transport aérien, progressivement mise en œuvre entre 1987 et 1997, a eu des effets importants sur les réseaux et la desserte des aéroports. Afin de mieux comprendre ces changements, nous revenons d’abord sur les principes régissant le cadre réglementaire antérieur à la libéralisation (1.1.) puis nous définissons plus précisément le processus de libéralisation du ciel européen, ses objectifs et ses conséquences principales sur l’organisation de la desserte aérienne (1.2.). Enfin, nous nous intéressons plus particulièrement aux effets de la libéralisation en France métropolitaine (1.3.).

Le transport aérien, une activité réglementée à l’échelle internationale depuis le début du XXe siècle

Le cadre réglementaire du transport aérien a été façonné par les Conventions de Paris et de Chicago. La Convention Internationale de Paris en 1919 réunit les vainqueurs de la Première Guerre mondiale et établit une charte internationale portant sur le contrôle et le développement du transport aérien à l’échelle mondiale (Dobruszkes, 2008). Elle adopte comme principe fondamental la souveraineté complète et exclusive des Etats sur l’espace aérien au-dessus de leur territoire. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle conférence internationale sur l’aviation se tient à Chicago (1944). Il s’agit de poser les bases du développement du transport aérien commercial dans le monde. La Convention de Chicago crée l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), agence intergouvernementale qui dépend de l’Organisation des Nations Unies (ONU), dont le rôle est de participer à l’élaboration des politiques et des normes qui permettent la standardisation du transport aérien international. Lors de la conférence, deux approches sont défendues. Les Etats-Unis plaident pour un large accord multilatéral et libéral tandis que les autres participants, européens, défendent une approche protectionniste. De ces deux approches inconciliables, résultent la Convention de Chicago et ses annexes qui confirment la souveraineté nationale absolue affirmée en 1919 et qui arrêtent les modalités d’accès aux marchés sur la base de conventions bilatérales entre Etats (Ibid). Les Etats négocient des conventions bilatérales qui ont pour objet l’échange de droits de trafic.

Les droits de trafic sont exprimés par les libertés de l’air (Figure 1). La Convention de Chicago définit cinq libertés de l’air, à savoir :
– La liberté de survoler le territoire des Etats signataires sans y faire escale (1e) ;
– Le droit d’atterrir sur le territoire des Etats signataires pour des raisons non commerciales (2e) ;
– Le droit de transporter des passagers ou des marchandises depuis le pays où l’aéronef est immatriculé vers un pays étranger (3e) ;
– Le droit de transporter des passagers ou des marchandises depuis un pays étranger vers un pays où l’aéronef est enregistré (4e) ;
– Le droit de transporter des passagers ou des marchandises entre deux pays étrangers à condition que le vol ait pour origine ou destination finale le pays dans lequel l’aéronef est enregistré (5e).

Elles ont été officieusement complétées par quatre libertés supplémentaires. Les libertés de l’air ne sont pas toutes évoquées dans les conventions bilatérales. Hormis les quatre premières libertés qui sont classiquement échangées entre Etats, la cinquième est beaucoup moins courante tandis que les quatre autres ne sont généralement pas évoquées.

Le transport aérien international est ainsi encadré par les accords bilatéraux. Les Etats jouent un rôle central dans son développement. Le transport domestique quant à lui n’est pas soumis aux accords bilatéraux et reste la chasse gardée des compagnies issues des pays concernés (Ibid). Des services aériens nationaux, difficiles à rentabiliser mais utiles au fonctionnement d’un territoire (continuité territoriale, désenclavement…), peuvent être subventionnés (Zembri, 2007). Le cadre réglementaire régissant le transport aérien, basé sur le principe de souveraineté nationale, a évolué avec la libéralisation étasunienne en 1978 puis plus généralement dans d’autres régions du monde, dont l’Europe, dans les années 1990.

Libéralisation du transport aérien européen : définition, objectifs et processus

La libéralisation peut être définie comme le passage d’une réglementation strictement étatique à la loi du marché et de la libre concurrence (Dacharry, 1992). Elle ne concerne que l’aspect commercial du transport aérien (Varlet, 1997) et, dans un espace donné, elle signifie offrir le libre accès des compagnies au marché de cet espace (Dobruszkes, 2008). La libéralisation du transport aérien est intervenue en 1978 aux Etats-Unis, puis s’est généralisée dans les années 1990 dans le reste du monde, notamment en Europe (Amiel et al., 2005). Cette évolution réglementaire est intervenue dans un contexte de forte croissance du transport aérien et a contribué à renforcer cette dernière. L’Union européenne s’est acheminée vers la mise en place progressive d’un marché unique de l’aviation entre 1987 et 1997, mettant fin à la souveraineté des Etats sur le contrôle de leur espace aérien national et à la réglementation des liaisons intra-européennes par un système d’accords bilatéraux. Le marché unique devait répondre à des objectifs d’amélioration de la productivité et de la rentabilité du transport aérien mais également de la qualité des services, en parallèle à la réduction des prix (Varlet, 1997). La progressivité du processus devait notamment permettre d’éviter le choc brutal qui a caractérisé la libéralisation du marché aérien aux Etats-Unis en 1978 (Thompson, 2002), où les compagnies aériennes se sont livrées à des « guerres tarifaires », ce qui a provoqué la faillite de nombre d’entre elles (Varlet, 1997). En Europe, l’Acte Unique de 1986 lance la libéralisation du transport aérien qui sera progressivement établie sous la forme de trois paquets de mesures, adoptés par le Conseil des ministres de l’Europe. Le premier paquet est adopté le 14 décembre 1987 et entre en vigueur au plus tard le 31 décembre 1987. Il assouplit les règles du jeu : il étend les possibilités d’application des troisième, quatrième et cinquième libertés entre les Etats membres et a introduit une certaine flexibilité en termes de répartitions des capacités de sièges entre les compagnies des deux pays signataires alors que jusquelà c’est la règle de la parité qui prévalait.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 – Les aéroports des villes moyennes au défi d’une triple mutation
Introduction du chapitre 1
1. La libéralisation du ciel européen : un bouleversement du système d’organisation de la desserte aérienne
1.1. Le transport aérien, une activité réglementée à l’échelle internationale depuis le début du XXe siècle
1.2. Libéralisation du transport aérien européen : définition, objectifs et processus
1.3. Les effets de la libéralisation en France métropolitaine
2. Une recomposition de la gouvernance des aéroports français
2.1. Le rôle historique de l’Etat et des collectivités locales dans le développement des aéroports
2.2. Objectifs et mise en œuvre de la réforme aéroportuaire
2.3. L’évolution de la réglementation européenne en matière d’aides publiques aux aéroports
3. Réinterroger le rôle des aéroports pour les villes moyennes
3.1. Une faiblesse de la demande aérienne liée d’abord aux caractéristiques démographiques des villes moyennes
3.2. Une diversité de villes moyennes du point de vue des caractéristiques socio économiques : une diversité de rôles aéroportuaires ?
3.3. Situation géographique et accessibilité des villes moyennes
4. Positionnement scientifique et hypothèses de recherche
Chapitre 2 – Le dispositif méthodologique de la thèse
Introduction du chapitre 2
1. Une approche par les données de la demande aérienne pour éclairer les évolutions du paysage aéroportuaire entre 1990 et 2016
1.1. La délimitation de l’échantillon d’aéroports secondaires et de la période temporelle étudiée
1.2. L’évolution des aéroports secondaires du point de vue des données de la demande aérienne
2. La mobilisation d’une approche qualitative pour mieux comprendre les facteurs d’influence des trajectoires des aéroports secondaires
2.1. La sélection des cas d’étude
2.2. Les acteurs identifiés pour la conduite d’entretiens semi-directifs
2.3. La préparation et la construction du guide d’entretien
Chapitre 3 – Les trajectoires des aéroports secondaires au prisme de la demande aérienne
Introduction du chapitre 3
1. Une croissance de la demande aérienne moins bénéfique aux aéroports secondaires en raison d’une plus grande sensibilité à la conjoncture économique et aux évolutions du transport aérien
1.1. Une métropolisation de la croissance de la demande aérienne
1.2. Des aéroports secondaires plus fragiles que les aéroports régionaux
2. Les caractéristiques de l’évolution de la demande aérienne des aéroports secondaires
2.1. Une européanisation progressive de la demande aérienne
2.2. Une faible croissance du trafic de passagers intérieurs
3. Des aéroports secondaires caractérisés par une diversité de trajectoires
Conclusion du chapitre 3
Chapitre 4 – Présentation des cas d’étude
Introduction du chapitre 4
1. Les couples d’aéroports analysés dans le chapitre 5
1.1. Couple 1 : les aéroports de Perpignan et de Pau
1.2. Couple 2 : les aéroports de Périgueux et d’Agen
1.3. Couple 3 : les aéroports de Bergerac et de Carcassonne
2. Les couples d’aéroports analysés dans le chapitre 6
2.1. Couple 4 : les aéroports de Pau et de Tarbes
2.2. Couple 5 : les aéroports de Périgueux et de Bergerac
2.3. Couple 6 : les aéroports de Carcassonne et de Perpignan
3. Les allers-retours sur le terrain et l’organisation des entretiens
Conclusion générale

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