Les acylcarnitines
La carnitine
La carnitine (du latin carnus : viande) est une molécule ubiquitaire que l’on retrouve dans les tissus des mammifères. Elle a été découverte dans des extraits de muscle squelettique par Gulewitsch et Krimberg en 1905 (18). Sa structure chimique, C7H15NO3, a été établie en 1927 par Tomita et Sendju (19). La carnitine est biologiquement active sous sa forme lévogyre. Elle est présente dans l’organisme sous ses deux formes : L- et D-carnitine. C’est une petite molécule ayant un poids moléculaire d’environ 161,2 .Elle comprend une fonction ammonium quaternaire et est hydrosoluble. Dans les années 1950, la carnitine a pris l’appellation de « vitamine Bt » en référence à son rôle de facteur de croissance chez le verre de terre Tenebrio molitor(20).
Les premiers cas de pathologies concernant la carnitine dans le cadre de la ßOAG datent de 1973 : Engel et Angelini décrivirent un déficit en carnitine (21) et Di Mauro et Di Mauro un déficit en CPTII (9). La carnitine est retrouvée quasiment chez toutes les espèces animales ainsi que chez les plantes. Les concentrations sont cependant très variables selon les tissus et les espèces. La carnitine est distribuée dans tout l’organisme. Certains tissus contiennent plus de 95% du stock total de carnitine, comme le coeur et les muscles squelettiques, principaux consommateurs de carnitine. Ils contiennent 1570 à 3010 nmol de carnitine par gramme de tissu. Le foie, principal lieu de synthèse, est le troisième organe contenant le plus de carnitine. Le plasma contient environ 0.6% du pool total de carnitine, ce qui correspond à une concentration de 36 à 56 μmol/L (22)(23). Les mammifères sont capables de synthétiser de la carnitine à partir d’acides aminés (Lmethionine et L-lysine). Les principaux sièges de synthèse endogène sont le foie, le rein et le cerveau (24). La majorité des apports (75%) est d’origine exogène. La viande, surtout la viande rouge et le poisson, sont les principales sources de carnitine, puis les produits laitiers dans une moindre mesure (25).
Chez les sujets végétariens et végétaliens, les taux de carnitine sont bas mais ils restent dans les limites physiologiques (26). La biosynthèse de carnitine peut fournir jusqu’à 90% des besoins d’un organisme n’ayant que très peu d’apports exogènes(27). Certaines bactéries comme Pseudomonas aeruginosa ou Escherichia Coli utilisent la carnitine comme source de carbone ou d’azote dans des conditions aérobies. D’autres utilisations sont possibles dans des conditions anaérobies (28).
Rôles de la carnitine
En 1995, il a été montré que la carnitine pouvait être acétylée de manière réversible par l’acétyl-coenzyme A (acétyl-CoA) (33). La même année, il fut montré que la carnitine stimulait l’oxydation des acides gras dans le foie (34). C’est à partir de ces constatations que fut découverte l’implication de la carnitine dans le transport des acides gras à longues chaînes activés, depuis le cytosol, à travers les membranes mitochondriales, jusque dans la matrice mitochondriale, lieu de la ß oxydation des acides gras.
Le métabolisme des acides gras a lieu dans la matrice mitochondriale. Cependant, la membrane interne est imperméable aux acides gras. La carnitine transporte alors les acides gras à longues chaînes jusqu’à la matrice. Ce processus implique diverses enzymes. Les acides gras à longues chaînes sont d’abord activés par la PCS (palmitoyl-CoA synthetase) en acyl-CoA. La PCS est située sur le versant externe de la membrane externe de la mitochondrie. Ces esters CoA présents dans le cytosol passent la membrane externe mais ils doivent être trans-ésterifiés en acylcarnitines à longues chaînes pour traverser la membrane interne. Dans cette réaction, la partie acyl des acides gras à longues chaînes est transférée du CoA vers le groupe hydroxyl de la carnitine (figure 5) .Cette étape est catalysée par la CPT 1 (palmitoyltransférase 1), située sur le versant interne de la membrane externe (7). Ces acylcarnitines à longues chaînes entrent alors dans l’espace intermembranaire et sont transportés à travers la membrane interne via un transporteur spécifique : la CACT (Carnitine Acylcarnitine Translocase) (35).
Une fois à l’intérieur de la matrice, la CPT 2 (carnitine palmitoyltransférase 2) reconvertit les acylcarnitines à longues chaînes en acyl-CoA à longues chaînes respectifs. La CPT 2 est située sur le versant matricielle de la membrane interne. Les acyl-CoA à longues chaînes libérés subissent alors leur ß-oxydation intramitochondriale. Une partie de la carnitine libérée dans la matrice mitochondriale quitte la mitochondrie via la CACT. Elle se retrouve de nouveau disponible dans le cytosol pour un nouveau cycle de transport. Une autre partie de la carnitine libre est utilisée pour former des acylcarnitines à courtes et moyennes chaînes grâce à la CAT (Carnitine Acétyl Transférase), à partir des produits libérés au cours de la ß-oxydation des acides gras à longues chaînes. Ces acylcarnitines peuvent aussi quitter la mitochondrie via la CACT. A travers ces mécanismes d’acylations réversibles, la carnitine est capable de réguler la concentration intarcellulaire du CoA libre et des acyl-CoA (29). Trois différents groupes de transférases existent et se distinguent par leur substrat, leur localisation cellulaire et leur structure (36). L’action d’une tranférase est la suivante : Acyl-CoA + carnitine Acylcarnitine + CoASH Les CPT 1 et 2 utilisent les groupes acyl à longues chaînes et se trouvent dans la mitochondrie (37).
Détoxification de métabolites pouvant être toxiques Lorsque les acyl-CoA s’accumulent dans la mitochondrie en cas d’anomalie de la ß-oxydation des acides gras (6) ou en cas d’intoxication par certains résidus acylés issus de médicaments faiblement métabolisés (acide pivalique, valproate…) (41), le mécanisme de détoxification par la carnitine devient indispensable. En effet, la carnitine transporte des fragments acylés issus de la ß-oxydation des acides gras ou issus d’un métabolisme partiel de médicaments hors de la mitochondrie et des peroxysomes. Ils sont alors évacués de la mitochondrie vers le cytosol sous forme d’acylcarnitines. Ils sont ensuite excrétés dans les urines. Cette action permet de régénérer le 27 pool de CoA libre mais elle entraîne une déplétion en carnitine qui peut être traitée par une supplémentation en carnitine (42). L’hypocarnitinémie peut donc être le reflet d’une anomalie de la ß-oxydation des acides gras ou d’une intoxication par certaines molécules. Dans d’autres situations pathologiques comme certaines aciduries organiques, la carnitine joue aussi un rôle d’épurateur.
La décarboxylation oxydative de certains acides aminés ramifiés (dérivés de la leucine et de la valine) entraîne une production de groupes acylés qui sont transportés hors de la mitochondrie sous forme d’acylcarnitines. Ils sont ensuite éliminés dans les urines (40). Cette voie de détoxification a récemment été accusée de jouer un rôle dans la pathogénie du diabète de type II et de l’insulino-résistance (43)(44)(45). Ces conditions pathologiques sont caractérisées par une accumulation d’acides gras dans la mitochondrie dépassant les capacités métaboliques d’épuration. Cet état est reflété par une augmentation des acylcarnitines plasmatiques et une baisse de la carnitine libre. De nouvelles approches thérapeutiques préconisent d’obtenir des taux élevés de carnitine, permettant l’exportation des acylcarnitines hors de la mitochondrie (46).
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Table des matières
LISTE DES ENSEIGNANTS DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE D’ANGERS
COMPOSITION DU JURY
REMERCIEMENTS
LISTE DES ABREVIATIONS
PLAN
INTRODUCTION
PARTIE 1 REVUE DE LA LITTERATURE
Chapitre 1 La carnitine
1.1 Historique et aspects généraux
1.2 Biosynthèse de la L-carnitine
1.3 Rôles de la carnitine
1.3.1 Transport des acides gras à longues chaînes dans la mitochondrie, lieu de leur oxydation
1.3.2 Régulation du ratio acyl-CoA/CoA dans la mitochondrie
1.3.3 Détoxification de métabolites pouvant être toxiques
1.3.4 Oxydation des acides gras dans les peroxysomes
1.3.5 Neuroprotection
1.3.6 Autres fonctions
1.4 Régulation de la carnitine dans l’organisme
1.4.1 Aspects généraux
1.4.2 Le transport de la carnitine vers les tissus périphériques
1.4.3 Régulation de la distribution tissulaire de la carnitine
1.5 Les déficits acquis en carnitine
1.5.1 Situations pathologiques
1.5.2 Situations physiologiques
1.5.3 Effet de certains médicaments
Chapitre 2 La béta-oxydation des acides gras (ßOAG)
2.1 Son rôle
2.2 Le cycle de la ß-oxydation
2.3 Devenir des substrats : les acétyl-CoA
2.3.1 Oxydation dans le cycle de Krebs
2.3.2 Précurseurs de la biosynthèse des lipides et des phospholipides
2.4 Régulation de la ß oxydation des acides gras
2.5 Oxydation microsomale et peroxysomale des acides gras
Chapitre 3 Les acylcarnitines
3.1 Aspects généraux
3.2 Les différents types d’acylcarnitines
3.3 Méthodes d’exploration des acylcarnitines
3.3.1 Aspects généraux
3.3.2 Point sur la dérivatisation des acylcarnitines
3.3.3 Historique des techniques
3.3.4 Acylcarnitines: approches qualitatives, quantitatives, semi-quantitatives et ratios
3.3.5 Différences entre acylcarnitines réalisés sur papier buvard et sur plasma
3.4 Interférences analytiques
3.4.1 Les toxiques
3.4.2 L’hémolyse
3.4.3 L’anticoagulant EDTA
3.4.4 La cétose
3.5 Valeurs physiologiques des acylcarnitines et de la carnitine
3.6 Place de l’exploration des acylcarnitines en pathologie
Chapitre 4 Carnitine, acylcarnitines et erreurs innées du métabolisme
4.1 Le contexte
4.2 Les anomalies de transport de la carnitine et du cycle de la carnitine
4.2.1 Les anomalies de transport de la carnitine
4.2.2 Les anomalies du cycle de la carnitine
4.3 Les anomalies du cycle de la ßOAG (à l’intérieur de la mitochondrie)
4.3.1 Le déficit en Very Long Chain Acyl-CoA Dehydrogenase (VLCAD ; phenotype MIM number :609575)
4.3.2 Le déficit en Medium chain Acy-CoA Dehydrogenase (MCAD; phenotype MIM number: 607008)
4.3.3 Le déficit en Short Chain Acyl-CoA Dehydrogenase (SCAD; phenotype MIM number : 606885) .
4.3.4 Le déficit en Long Chain 3 Hydroxyacyl-CoA Dehydrogenase (LCHAD)/ protéine trifonctionnelle (TFP)
4.3.5 Une forme mixte entre anomalie de la ßOAG et anomalie du catabolisme d’acides aminés ramifiés :l’acidurie glutarique de type 2 (AG2) / déficit multiple en acyl-CoA dehydrogénase (MADD)
4.4 Les aciduries organiques ou acidémies organiques AO
4.4.1 Généralités
4.4.2 Les aciduries organiques classiques
4.4.3 Les aciduries organiques cérébrales
4.5 Principes de traitement et de suivi des anomalies de la ßOAG et des aciduries organiques
4.5.1 Traitement et suivi des anomalies de la ßOAG
4.5.2 Traitement et suivi des aciduries organiques
Chapitre 5 Stratégie diagnostique des anomalies de la ß oxydation des acides gras et de certaines anomalies du métabolisme des acides organiques
5.1 Orientation générale devant une suspicion de maladie métabolique
5.2 Orientation devant une suspicion d’anomalie de la ß oxydation des acides gras ou de certaines aciduries organiques
5.2.1 Généralités
5.2.2 Explorations spécialisées
5.2.3 Explorations complémentaires
5.2.4 Exemple de stratégie diagnostique australienne devant un patient suspect d’anomalie de la ßOAG
Chapitre 6 Principes de la spectrométrie de masse
6.1 Introduction
6.2 Notions élémentaires et définitions
6.3 Les sources d’ionisation
6.3.1 Définition
6.3.2 La source MALDI (Matrix Assisted Laser Desorption Ionization)
6.3.3 L’ionisation par électro-nébulisation ou ESI
6.4 Les analyseurs de masse
6.4.1 Généralités
6.4.2 Analyseurs utilisant un champ électrique oscillant
6.4.3 Couplage des méthodes séparatives avec la spectrométrie de masse
6.4.4 Notion de quantification en spectrométrie de masse
PARTIE 2 DONNEES EXPERIMENTALES
Chapitre 1 Objectifs de l’étude et mise au point de la méthode
1.1 Objectifs et justification de l’étude
1.2 Mise au point de la méthode: considérations générales
Chapitre 2 Matériel et méthode
2.1 Principe
2.2 Etapes préanalytiques
2.3 Matériel
2.3.1 Réactifs
2.3.2 Etalons internes deutérés
2.3.3 Standards non deutérés pour la préparation de la gamme
2.3.4 Contrôles de qualité
2.3.5 Matériel et consommable
2.3.6 LC/MSMS
2.4 Méthode
2.4.1 Préparation des étalons internes
2.4.2 Préparation des standards de carnitine et acylcarnitines non deutérés pour la gamme d’étalonnage externe
2.4.3 Préparation de la gamme d’étalonnage externe
2.4.4 Préparation des échantillons et des contrôles
2.4.5 Préparation des tampons
2.4.6 L’HPLC, paramètres issus de la mise au point de la méthode
2.4.7 Paramètres du spectromètre de masse
2.5 Validation de méthode
2.5.1 Particularités des analytes étudiés
2.5.2 Paramètres étudiés
2.6 Tests de stabilité de la carnitine et des acylcarnitines
2.7 Approximation des valeurs de référence biologique
Chapitre 3 Résultats
3.1 Validation de méthode
3.1.1 Répétabilité
3.1.2 Fidélité intermédiaire
3.1.3 Evaluation de la justesse du CO
3.1.4 Estimation de l’incertitude de mesure
3.1.5 Limites de détection (LOD) et de quantification (LOQ) en μM
3.1.6 Limites supérieures de linéarité (LSL)
3.1.7 Stabilité des acylcarnitines
3.1.8 Etude de la contamination
3.2 Valeurs de référence biologique
3.2.1 Adultes
3.2.2 Témoins prématurés
3.2.3 Témoins âgés de 1 à 7 jours
3.2.4 Témoins âgés de 7 jours à 2 mois
3.2.5 Témoins âgés de 2 à 18 mois
3.2.6 Témoins âgés de 18 à 59 mois
3.2.7 Témoins âgés de 5 à 10 ans
3.2.8 Témoins âgés de 10 à 17 ans
3.2.9 Evolution des analytes fonction de l’âge
Chapitre 4 Discussion
4.1 Particularités et principales difficultés des analytes à doser
4.1.1 Molécules très hétérogènes
4.1.2 Absence de gold standard
4.1.3 Absence de contrôles qualité
4.1.4 Etalons internes choisis
4.1.5 Axes d’amélioration
4.2 Principales difficultés de la technique
4.2.1 La spectrométrie de masse
4.2.3 La gamme
4.2.4 La chromatographie
4.2.5 Suppression d’ionisation, effet matrice, saturation du signal
4.3 Performances et limites de la méthode
4.4 Stabilité des acylcarnitines
4.5 Estimation des valeurs de référence biologique
4.5.1 Discussion générale
4.5.2 Comparaison des résultats par rapport aux valeurs « normales » disponibles dans la littérature
4.5.3 Comparaison des résultats entre les différentes tranches d’âge
4.6 Principes d’interprétation
4.7 Perspectives
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
Annexes
A.Détail de l’étude des témoins adultes
B.Détail de l’étude des témoins prématurés (9)
C.Détail des témoins de 0-7jours (3)
D.Détail des témoins de 7jours-2mois (7)
E.Détail des témoins de 2-18 mois (11)
F.Détail des témoins de 18-59 mois (7)
G.Détail des témoins de 5-10 ans (8)
H.Détail des témoins de 11-17 ans (10)
Table des matières
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