Interdisciplinarité du droit pénal
« Le droit pénal est, par essence, orienté vers les autres disciplines du droit1 ». Tels sont les mots utilisés par le doyen Jean-Christophe SAINTPAU à l’occasion d’un colloque dont le titre, Droit pénal et autres branches du droit. Regards croisés, est une preuve irréfragable du caractère pluridisciplinaire propre à la matière. En effet, il considère le droit pénal comme un « droit mixte2 » au regard de sa nature et de sa fonction. D’abord en raison de sa nature, parce qu’il dépasse la summa divisio entre le droit public et le droit privé, en réglementant la relation entre les particuliers et l’État, alors que « l’atteinte à l’intérêt général que postule une infraction se double fréquemment d’une atteinte à un intérêt privé3 ». D’ailleurs, les poursuites, le cas échéant, se font devant le juge judiciaire. Ensuite en raison de sa fonction, parce qu’en réalité, le droit pénal vient sanctionner le non-respect des lois des autres branches du droit, afin de « garantir l’efficience de leur norme4 ». C’est ce qu’a affirmé Portalis le 21 janvier 1801 : « les lois pénales ou criminelles sont moins une espèce particulière de lois que la sanction de toutes les autres5 ». En réalité, il suffit de s’intéresser aux conséquences que peut avoir la commission d’une infraction pénale pour voir que le droit pénal a, en réalité, un impact sur quasiment toutes les disciplines du droit. Comme a pu l’exprimer le professeur Philippe CONTE, « dans droit pénal, il y a d’abord le mot droit6 ». Afin d’illustrer l’approche pluridisciplinaire du droit pénal seront mis en avant des exemples de relation qui concerneront le droit pénal et le droit de la famille, le droit des sociétés, et le droit des biens et le droit du travail.
Droit pénal et droit de la famille
La famille, au sens large, est une « [l’] ensemble des personnes qui sont unies par un lien du sang, qui descendent d’un auteur commun7 ». Dans son périmètre restreint, elle est composée des pères et mères, ainsi que de leurs enfants vivant avec eux, et est majoritairement régie par les règles du Code civil. En effet, on y retrouve des titres entiersliés à la famille, notamment concernant la filiation, le mariage ou encore le divorce. Le droit pénal trouve à s’appliquer au sein de ces familles, puisque, « en se déstructurant, la famille donne de plus en plus d’importance aux gendarmes, au droit pénal, aux prisons, à l’aide sociale, aux maisons de retraite, à tout ce qui n’est pas la famille9 ». Ainsi, les liens familiaux peuvent avoir des répercussions sur la répression, mais aussi, et inversement, la répression peut avoir des conséquences sur les liens familiaux. Premièrement, le lien familial peut être une circonstance aggravante. Par exemple, pour ce qui concerne le meurtre, il est puni de trente ans de réclusion criminelle lorsqu’il est simple (art. 221-1 C. pén.), et de la réclusion criminelle à perpétuité s’il est commis par un ascendant légitime ou naturel ou sur les pères ou mère adoptifs, par le conjoint ou le concubin de la victime, ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité (art. 221-4, 2° ; 9° C. pén.). Ensuite, le lien familial peut être un élément préalable nécessaire pour que l’infraction soit constituée. C’est le cas par exemple de l’abandon de famille de l’article 227-3 du Code pénal. Enfin, une infraction pénale peut avoir des conséquences sur le lien familial, comme les violences conjugales – qu’elles soient physiques ou morales10 – qui peuvent être à l’origine d’un divorce pour faute.
L’action publique – Mise en mouvement
Au sens de l’article 1er du Code de procédure pénale, l’action publique peut être mise en mouvement de deux manières : soit par les magistrats ou les fonctionnaires auxquelles la loi confie la mise en mouvement de l’action et l’application des peines, soit par la partie lésée, c’est-à-dire la victime, par le biais d’une plainte avec constitution de partie civile (al. 2). Le parquet dispose d’un principe qui est celui de l’opportunité des poursuites (art. 40-1 C. pr. pén.) : lorsqu’il reçoit une plainte ou une dénonciation, c’est lui qui apprécie des suites à donner. Plusieurs possibilités s’offrent à lui. Premièrement, il peut décider, de façon motivée, de classer sans suite ou de classer sous conditions (art. 41-1 C. pr. pén.). Il peut aussi proposer de passer par un mode alternatif de règlement des conflits, comme la médiation (art. 41-1 5° C. pr. pén.), ou la transaction pénale (art. 41-1-1 C. pr. pén.). Enfin, il peut décider de poursuivre, soit par le biais d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (art. 495-5 à 495-16 C. pr. pén.), soit par la saisine d’une juridiction d’instruction (obligatoire en matière criminelle, sinon facultative) pour qu’il instruise sur des faits plus ou moins complexes. Enfin, il peut saisir directement une juridiction de jugement par le biais d’une citation directe, d’une comparution volontaire, d’une convocation par procès-verbal ou d’une comparution immédiate. La victime dispose, elle aussi, de la possibilité de déclencher le procès pénal, à condition de verser une consignation allant jusqu’à 15 000€ de manière à empêcher les plaintes abusives, sauf si la victime dispose de l’aide juridictionnelle. La victime peut déposer une plainte avec constitution de partie civile (art. 85 15 Gérard CORNU, op. cit., p. 27 16 Étienne VERGÈS, « La notion d’action », in Procédure civile et procédure pénale. Unité ou diversité ? (Sous la dir. de Soraya AMRANI-MEKKI), Bruylant, Groupe Larcier, Bruxelles, septembre 2014, p. 107. 17 Gérard CORNU, op. cit., p. 565.C. pr. pén.) à condition qu’une plainte simple ait été préalablement déposée et que celle-ci ait été classée sans suite ou soit restée sans réponse.
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Table des matières
PARTIE 1 – L’ACTION À FINS CIVILES : UNE ACTION CALQUÉE SUR LES AUTRES ACTIONS EN JUSTICE
TITRE 1ER – NOTIONS FONDAMENTALES COMMUNES À L’ACTION À FINS CIVILES ET AUX AUTRES ACTIONS EN JUSTICE
TITRE 2ND – RÈGLES PROCÉDURALES COMMUNES À L’ACTION À FINS CIVILES ET AUX AUTRES ACTIONS EN JUSTICE
PARTIE 2 – LES PARTICULARITÉS DE L’ACTION À FINS CIVILES
TITRE 1ER – L’ADAPTATION DU JUGE CIVIL À L’EXISTENCE PROBABLE D’UNE PROCÉDURE PÉNALE
TITRE 2ND – LES INCERTITUDES AUTOUR DE L’ACTION À FINS CIVILES
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