Les acteurs de la réponse immunitaire anti-tumorale

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Les lésions prénéoplasiques

Les lésions bronchiques prénéoplasiques sont bien connues, elles vont de la dysplasie au carcinome in situ. La transformation des lésions prénéoplasiques en adénocarcinome est moins bien connue car peu de biopsies de ces lésions ont été effectuées, essentiellement à cause de la résolution du scanner qui ne permettait pas jusqu’alors de les diagnostiquer. Néanmoins, les études moléculaires nous permettent de supposer que les hyperplasies pneumocytaires atypiques sont des lésions prénéoplasiques et que les adénocarcinomes in situ (anciennement carcinomes bronchioloalvéolaires ou BAC) sont des lésions pré-invasives (Gazdar and Brambilla, 2010). Les lésions d’hyperplasie pneumocytaire atypique sont définies par l’OMS comme des proliférations de pneumocytes présentant des atypies cellulaires, dont la taille est inférieure à 5 mm.

Les métastases pulmonaires

En dehors des tumeurs pulmonaires primitives, le poumon peut être le siège de tumeurs secondaires ou métastatiques. Les métastases pulmonaires les plus fréquentes proviennent des cancers du sein, du côlon-rectum, de la prostate, du pancréas et du rein. L’étude immunohistochimique avec l’anticorps anti-TTF1 permet généralement de différencier les adénocarcinomes primitifs des métastases pulmonaires d’adénocarcinomes. L’antigène TTF1 (thyroïd transcription factor 1) est un facteur de transcription, d’où son marquage nucléaire en immunohistochimie, il est exprimé dans le poumon normal par les pneumocytes de type II et par les cellules épithéliales normales de la thyroïde. Il est impliqué dans le développement pulmonaire et la différenciation du poumon distal. Environ 90% des adénocarcinomes pulmonaires non mucineux l’expriment (Yatabe et al., 2002) alors que les métastases ne l’expriment généralement pas sauf celles de la thyroïde.
Le poumon peut également être le siège d’envahissement par des tumeurs malignes primitives de la plèvre ou mésothéliomes. Les mésothéliomes sont constitués de plusieurs sous-types histologiques (épithélioïde, sarcomatoïde, desmoplasique et biphasique). Le sous-type épithélioïde ressemble morphologiquement aux carcinomes, il se distingue des carcinomes pulmonaires primitifs par l’étude immunohistochimique. Dans les mésothéliomes, les cellules tumorales sont marquées par les anticorps anti-calrétinine et anti-WT1 alors qu’elles ne sont pas marquées par le TTF-1, l’ACE et le CD15, ce qui est l’inverse dans les adénocarcinomes pulmonaires. Un panel de 4 marqueurs au minimum doit être utilisé pour le diagnostic de mésothéliome, 2 marqueurs positifs pour le mésothéliome (par exemple : calrétinine, cytokératine 5/6, WT-1) et 2 marqueurs positifs pour les adénocarcinomes mais négatifs pour les mésothéliomes (par exemple : TTF1, ACE et CD15) (Husain et al., 2009).

Les facteurs cliniques et biologiques

Les principaux facteurs pronostiques cliniques indépendants sont le performance status, l’âge et le sexe. En effet, un bon indice de performance, selon l’échelle de Karnofsky, le sexe féminin et un âge inférieur à 60 ans sont des caractéristiques cliniques favorables indépendantes (Graziano, 1997; Takise et al., 1988).
Parmi les critères biologiques, l’hypoalbuminémie (<3.5 g/dl) traduisant la dénutrition est un facteur de mauvais pronostique (Espinosa et al., 1995). L’hypercoagubilité (augmentation des D-dimères et thrombocytose) est corrélée à un mauvais pronostic dans les CBPNPC (Unsal et al., 2004; Gonzalez Barcala et al., 2010). De même, un taux élevé de CRP (Alifano et al., 2011) et un taux de fibrinogène sérique élevé (Sheng et al., 2013) sont également des marqueurs de mauvais pronostic.

Les facteurs histologiques

Les marqueurs histologiques sont les facteurs pronostiques les plus performants, ils regroupent la classification TNM récemment actualisée en 2009 et la nouvelle classification des adénocarcinomes pulmonaires décrite en 2011 par un regroupement d’experts internationaux de l’IASLC (International Association for the Study of Lung Cancer), l’ATS (American Thoracic Society) et l’ERS (European Respiratory Society) (Travis et al., 2011). Les embols tumoraux vasculaires sont également des marqueurs histologiques pronostiques (Strano et al., 2013). La plupart des études montrent que la présence d’embols est associée à un mauvais pronostic, essentiellement chez les patients porteurs d’un CBPNPC de stade précoce (stades I et II). Certains auteurs suggèrent également d’intégrer la présence d’embols tumoraux dans la prochaine classification TNM voire de proposer systématiquement aux patients ayant une tumeur de stade I possédant des embols vasculaires une chimiothérapie adjuvante (Nentwich et al., 2013; Maeda et al., 2011; Kudo et al., 2013; Harada et al., 2011; Strano et al., 2013).

La classification TNM 2009

La classification TNM est le facteur pronostique le plus puissant dans les cancers et en particulier dans les cancers du poumon. La dernière classification datant de 2009 (7ème édition) est marquée par de profonds changements modifiant le T, le M et le stade. La nouvelle édition a été proposée par l’IASLC International Staging Project (Goldstraw et al., 2007) puis acceptée par l’Union for International Cancer Control (UICC) et l’American Joint Commitee on Cancer (AJCC) (Sobin and Compton, 2010) (Tableau 1). Elle dérive de l’analyse de plus de 100 000 cas de cancer du poumon provenant de 19 pays dans le monde. Dans cette nouvelle édition, l’utilisation de cette classification pour les tumeurs carcinoïdes (typiques et atypiques) est validée.
La taille de la tumeur (T) : le seuil de 3 cm sépare le T1 du T2, le T1 et le T2 sont également séparés en deux catégories : 2 cm sépare le T1a du T1b, 5 cm sépare le T2a du T2b. Une taille supérieure à 7 cm devient T3. Il est recommandé de mesurer la taille de la tumeur sur un poumon non fixé (Travis, 2009).
Cette nouvelle classification relance la question du type d’intervention chirurgicale à proposer pour les tumeurs de petite taille sans envahissement ganglionnaire, en particulier les tumeurs classées pT1aN0 et pour les adénocarcinomes in situ. Deux études prospectives sont actuellement en cours pour évaluer la balance bénéfice/risque de la lobectomie versus la segmentectomie ou la résection atypique dans ce type de tumeur (études CALGB 140503 et JCOG0802/WJOG4607L). De même, l’étude European COSMOS montre que le curage ganglionnaire peut être évité dans les carcinomes pulmonaires de stade précoce, cliniquement N0 quand la taille pathologique (pT) n’excède pas 10mm ou lorsque le SUVmax est < 2.0 (Veronesi et al., 2011).
L’extension ganglionnaire (N) : n’a pas été modifiée dans cette actuelle édition par rapport à la 6ème édition. La description des différentes aires ganglionnaires est schématisée dans la Figure 4. Les recommandations sont l’exérèse complète d’au moins six aires ganglionnaires dont 3 médiastinales et 3 du groupe N1. Il a été démontré que, plus le nombre de ganglions réséqués était grand, meilleure était la survie (Wright et al., 2006 ; Watanabe and Asamura, 2009), même si la tumeur était classée N0 (Gajra et al., 2003). D’après l’étude de l’IASLC, trois groupes pronostiques de tumeurs avec métastases ganglionnaires ont été identifiés : celui de meilleur pronostic constitué par l’infiltration d’une seule aire N1 (48% de survie à 5 ans), celui de plus mauvais pronostic constitué par l’infiltration de plusieurs aires N2 (20% de survie à 5 ans) et celui de pronostic intermédiaire constitué soit par l’infiltration d’une aire N2 ou de plusieurs aires N1 (35% de survie à 5 ans) (Rusch et al., 2007). Les micrométastases ganglionnaires correspondent à une taille tumorale dans le ganglion entre 0,2 et 2 mm2, elles sont classées pN1, 2 ou 3 (mi). Les métastases ganglionnaires sous forme de cellules isolées (<0,2mm2) sont classées pN0(i).
Les nodules multiples : lorsqu’un ou plusieurs nodules sont associés à la tumeur principale, deux hypothèses diagnostiques sont possibles, soit il s’agit d’une métastase pulmonaire de la tumeur principale (ou nodule satellite), soit il s’agit d’un deuxième cancer synchrone. Les aspects morphologiques, immunophénotypes et moléculaires, lorsqu’ils sont différents, peuvent permettre de porter le diagnostic de deuxième tumeur primitive. Cette distinction a une importance car les tumeurs primitives multiples synchrones doivent être classées, selon la TNM, séparément, alors que les nodules satellites modifient le T selon leur localisation par rapport à la tumeur principale. Lorsqu’il s’agit de 2 tumeurs primitives, on peut faire figurer les 2 stades ou bien, si un seul stade doit figurer, on précise le plus élevé et on y ajoute (m) pour multiple ou bien le nombre de tumeur entre parenthèse, par exemple pT3(m) ou pT3(4). Lorsqu’il s’agit de tumeurs définies comme métastatiques, le T ou le M dépendent de la localisation de la ou des métastases, pT3 : si elles sont dans le même lobe, pT4 : si elles sont dans 2 lobes séparés mais homolatéraux, pM1a : si elles sont bilatérales.
La présence de tumeurs multiples d’origine différente est donc définit par (Martini and Melamed, 1975) :
• Tumeurs métachrones de même morphologie, apparues > 2 ans après la 1ère tumeur, situées dans des lobes différents, sans métastase ganglionnaire et sans métastase systémique.
• Tumeurs synchrones de même morphologie, situées dans des segments ou lobes différents, sans métastase ganglionnaire N2 ou N3 et sans métastase systémique.
• Tumeurs de morphologie ou de caractéristique moléculaire différente.

La classification IASLC/ATS/ERS des adénocarcinomes pulmonaires

L’adénocarcinome est le type histologique le plus fréquent et correspond à plus de la moitié des carcinomes broncho-pulmonaires non à petites cellules. La nouvelle classification a été développée par un panel d’experts internationaux comprenant des pathologistes, des chirurgiens, des oncologues, des biologistes moléculaires et des radiologues, représentants de l’IASLC (International Association for the Study of Lung Cancer), de l’ATS (American Thoracic Society) et de l’ERS (European Respiratory Society) (Travis et al., 2011). Cette classification ne peut s’appliquer que sur des tumeurs pulmonaires ayant bénéficiées d’une résection chirurgicale emportant la totalité de la lésion, elle ne s’applique pas aux prélèvements biopsiques (Tableau 3). De nombreux changements sont apportés par cette classification IASLC/ATS/ERS (Tableau 4). Le plus marquant est la disparition de l’entité « carcinome bronchioloalvéolaire » car il regroupe désormais plusieurs entités différentes : -1- les adénocarcinomes in situ, -2- les adénocarcinomes avec invasion minime, -3- les adénocarcinomes infiltrants à prédominance lépidique (Figure 6). L’adénocarcinome in situ (AIS) est défini par une tumeur mesurant ≤ 3 cm, la prolifération cellulaire tumorale suit l’axe des cloisons alvéolaires (architecture lépidique), sans cellule tumorale à l’intérieur des alvéoles. Il n’existe ni stroma, ni invasion pleurale, ni embol tumoral vasculaire. Ils peuvent être non mucineux, mucineux ou mixtes mais la grande majorité d’entre eux ne sont pas mucineux. La survie à 5 ans est de 100% si la lésion est réséquée en totalité. La fréquence de l’AIS est rare, estimée entre 0,2 et 3 % dans la population caucasienne (Russell et al., 2011), mais elle a probablement été sous-estimée à cause de l’insuffisance de détection du scanner avant la mise en place des scanners en coupes fines. Les AIS sont à distinguer des hyperplasies pneumocytaires atypiques qui sont également des lésions préinvasives, dont la taille ne doit pas dépasser 0,5 cm. La fréquence des hyperplasies pneumocytaires atypiques peut atteindre 20 % dans les lobectomies pour adénocarcinome pulmonaire (Nakahara et al., 2001; Miller, 1990).
L’adénocarcinome avec invasion minime (AIM) est une lésion très proche de l’AIS, elle mesure ≤ 3 cm, son architecture est lépidique en majorité. En revanche, elle possède un ou plusieurs territoires invasifs mesurant ≤5 mm chacun. Comme dans les AIS, il n’existe ni invasion pleurale, ni embol tumoral vasculaire, ni nécrose tumorale. Comme dans les AIS, ils peuvent être non mucineux, mucineux ou mixtes. La survie à 5 ans est d’environ 100%, si la lésion est réséquée en totalité. Les diagnostics d’AIS et d’AIM ne doivent être établis que sur des pièces de résection chirurgicale emportant la totalité de la lésion également analysée en totalité.
Ils représentent la majorité des adénocarcinomes car les AIS et AIM sont extrêmement rares. Ces tumeurs sont hétérogènes morphologiquement car elles sont constituées de plusieurs types architecturaux d’où leur dénomination mixte dans la classification OMS 2004. Dans la classification révisée par l’IASLC/ATS/ERS, les adénocarcinomes infiltrants sont classés selon leur architecture prédominante (Figure 6). Chacun des types architecturaux est quantifié en pourcentage, le sous-type prédominant est celui qui possède le pourcentage le plus élevé, chacun des sous-types doit représenter au moins 5% de la surface tumorale.
• L’adénocarcinome à prédominance lépidique : correspond à une prolifération de cellules tumorales dont la croissance suit les cloisons alvéolaires. Les adénocarcinomes infiltrants à prédominance lépidique se différencient des AIS et des AIM par une ou plusieurs des caractéristiques suivantes : taille tumorale >3 cm, territoire d’infiltration >5mm, invasion tumorale vasculaire ou de la plèvre viscérale, nécrose tumorale. La survie à 5 ans est estimée entre 86 et 90 % pour les stades I (Yoshizawa et al., 2011). Le terme d’adénocarcinome à prédominance lépidique ne doit pas être utilisé pour les adénocarcinomes mucineux.
• L’adénocarcinome à prédominance tubulaire (ou acinaire) : prend différents aspects, le plus fréquent est représenté par des cellules tumorales s’agençant autour d’une lumière centrale mais il peut s’agir également de la présence d’amas tumoraux, sans lumière, dont les noyaux ont un agencement périphérique. Les agencements cribriformes font partie de l’architecture tubulaire. Il semblerait que les agençements cribriformes soient de plus mauvais pronostic que les agençements tubulaires purs (Kadota et al., 2013).
• L’adénocarcinome à prédominance papillaire : correspond à une prolifération de cellules tumorales s’agençant autour d’un axe fibrovasculaire.
• L’adénocarcinome à prédominance micropapillaire : correspond à la formation de touffe cellulaire sans axe fibrovasculaire, ces cellules sont souvent retrouvées flottant dans les alvéoles. Cette architecture, lorsqu’elle est prédominante, est associée à un mauvais pronostic.
• L’adénocarcinome à prédominance solide (ou compacte) : correspond à une prolifération tumorale n’ayant pas d’architecture glandulaire mais présentant au moins 5 cellules mucosécrétantes /champs X40 sur 2 champs. Les diagnostics différentiels de ces tumeurs sont les carcinomes à grandes cellules et les carcinomes épidermoïdes peu différenciés.
• L’adénocarcinome mucineux : cette variété se distingue des autres tant sur les caractéristiques cliniques (multifocal, bilatéral), phénotypiques (souvent TTF1-, CK20 +), que moléculaire (souvent KRAS muté). Tous les types d’architecture peuvent se voir (lépidique, tube, papille, compacte, micropapille) mais on retrouve des flaques de mucus dans les sacs alvéolaires. Les experts tendent à s’accorder pour dire que les adénocarcinomes mucineux sont le plus souvent infiltrants et que le diagnostic d’adénocarcinome in situ de type mucineux est rare, probablement à réserver aux lésions de petite taille. Le pourcentage du contingent invasif doit être précisé. Ces tumeurs se présentent souvent sous forme multicentrique parfois même bilatérale. Il faut toujours penser à rechercher une tumeur primitive (digestive ou ovarienne le plus souvent).
• L’adénocarcinome de type colloïde muqueux : ces tumeurs sont constituées de flaque de mucus distendant les alvéoles et détruisant les cloisons alvéolaires. Dans ces flaques de mucus, on retrouve des amas de cellules tumorales mucosécrétantes. Une tumeur classée de type colloïde muqueux doit avoir une prédominance de ce contingent.
• L’adénocarcinome avec contingent de cellules en « bague à chaton » : ces tumeurs doivent être classées comme les autres selon leur type architectural qui est le plus souvent compact. Ces tumeurs sont assez rares et seraient selon certains auteurs associées à un réarrangement EML4-ALK (Rodig et al., 2009).

La surexpression protéique d’EGFR 

Le récepteur à l’EGF est surexprimé dans de nombreux types tumoraux (Salomon et al., 1995) (Nicholson et al., 2001) dont le carcinome pulmonaire non à petites cellules (Hirsch et al., 2008). La surexpression de EGFR est retrouvée dans 60 % des patients atteints de carcinome broncho-pulmonaire non à petites cellules, elle serait associée à un plus mauvais pronostic (Hirsch et al., 2003). La surexpression protéique ne confère pas de sensibilité aux inhibiteurs de tyrosine kinase anti-EGFR (Hirsch et al., 2006 ; Lacroix et al., 2009). Néanmoins, une étude de phase 3 a démontré un bénéfice de l’utilisation des anticorps monoclonaux (cetuximab) en association avec une chimiothérapie à base de platine chez les patients porteurs d’un carcinome épidermoide ou d’un adénocarcinome surexprimant EGFR, la surexpression était mise en évidence par une technique immunohistochimique (Pirker et al., 2012).
La surexpression protéique peut être liée à une amplification du gène qui est définie par plus de 2 copies du gène par noyau. L’amplification du gène EGFR est retrouvée dans 30% des carcinomes épidermoïdes et dans 15% des adénocarcinomes mais jamais dans les carcinomes à petites cellules (Hirsch et al., 2003). Cette amplification est souvent associée à une mutation activatrice du gène qui précède généralement l’amplification (Yatabe et al., 2008), mais elle peut être retrouvée sans mutation EGFR associée (Li et al., 2008). Certains auteurs suggèrent que l’augmentation du nombre de copies du gène est caractéristique de la progression tumorale et du haut grade histologique de l’adénocarcinome (Soh et al., 2008), et que les lésions prénéoplasiques (hyperplasie pneumocytaire atypique) et préinvasives (adénocarcinome in situ) possèderaient rarement d’amplification (Yatabe et al., 2008).
L’impact prédictif de l’amplification est difficile à déterminer car d’une part, il est difficile d’affirmer que l’amplification a lieu sur l’allèle muté et non sur l’allèle sauvage et d’autre part, car l’amplification est souvent associée à la mutation ; ce qui rend difficile l’évaluation de l’impact de l’amplification seule.

Les mutations du gène EGFR 

Les mutations EGFR dans les cancers du poumon ont été décrites en 2004 (Lynch et al., 2004) (Pao et al., 2004). Elles sont situées au niveau de la poche à ATP du domaine tyrosine kinase, codé par les exons 18 à 21. Plus de 145 mutations ont été décrites (Horn et al., 2011). Il s’agit de mutations somatiques et hétérozygotes. Les mutations les plus fréquentes (> 85%) sont constituées par les délétions en phase de l’exon 19 et par la mutation ponctuelle sur l’exon 21 (p.L858R) ; ces deux mutations représentent environ 85% des mutations EGFR. Les autres mutations, plus rares, sont constituées par des substitutions dans l’exon 18 (p.G719A, p.G719C, p.G719S), des substitutions dans les exons 20 et 21 (p.T790M, p.L861X respectivement), des insertions de 1 à 3 acides aminés dans l’exon 20 et des insertions dans l’exon 19 (Figure 9) (He et al., 2012). Les mutations EGFR sont essentiellement retrouvées dans les adénocarcinomes (Coate et al., 2009) et particulièrement ceux comportant une architecture lépidique comme les adénocarcinomes à prédominance lépidique, les AIS ou AIM (Riely et al., 2006 ; Marchetti et al., 2005). Elles peuvent également être trouvées dans les contingents glandulaires des carcinomes adénosquameux et exceptionnellement dans les carcinomes épidermoïdes et les carcinomes à grandes cellules (Tochigi et al., 2011 ; Horn et al., 2011). Elles sont le plus souvent associées au sexe féminin, à l’absence de tabagisme et à la population asiatique (Rosell et al., 2009 ; Shigematsu et al., 2005). Dans la population caucasienne, les mutations EGFR sont présentes dans environ 10 à 15 % des adénocarcinomes (John et al., 2009). L’identification de ces mutations dès le stade pré-invasif (adénocarcinome in situ) suppose que l’apparition de ces mutations est précoce dans l’oncogenèse pulmonaire (Blons et al., 2006). Le rôle oncogénique des mutations EGFR a été démontré grâce à l’apparition, chez les modèles murins porteurs de mutations Del 19 ou p.L858R, de multiples adénocarcinomes pulmonaires (Politi et al, 2006).
La mutation EGFR variant III correspond à une délétion des exons 2 à 7, résultant en une absence de fixation du ligand et en une activation constitutionnelle du récepteur. Elle est retrouvée essentiellement dans les carcinomes épidermoïdes du poumon (Pedersen et al., 2001) mais pas dans les adénocarcinomes (Ji et al., 2006) ; elle touche préférentiellement les hommes fumeurs. Ce type de mutation est insensible aux thérapies ciblées anti-EGFR (gefitinib et erlotinib).
Les résultats des études sont contradictoires concernant le rôle pronostique des mutations du gène EGFR, certains retrouvent un impact pronostique positif sur la survie globale comme l’étude de Izar B et al portant sur 62 tumeurs EGFR mutées de stade I opérées (Izar et al., 2013 ; Johnson et al., 2013). D’autres, au contraire, retrouvent un taux de récidive et de survie sans progression plus mauvais dans les tumeurs EGFR mutées par rapport aux tumeurs EGFR WT chez des patients possédant un CBPNPC N2 traités par chimiothérapie néoadjuvante puis chirurgie (Ahn et al., 2013). Enfin, certains ne retrouvent pas de valeur pronostique sur la survie globale (Kim et al., 2013; Ragusa et al., 2013; Liu et al., 2014).

Mécanismes de résistance primaire aux ITK anti-EGFR

La résistance primaire caractérise les patients réfractaires d’emblée au traitement. En effet, environ 30% des patients porteurs d’un adénocarcinome muté EGFR ne répondent pas au traitement par ITK (Rosell et al., 2012 ; Jackman et al., 2010). Les causes de résistance primaire sont multiples. Les insertions sur l’exon 20 d’EGFR ou certaines mutations ponctuelles sur l’exon 20, comme la p.V769L, la p.N771T et la p.T790M sont associées à une résistance primaire aux ITK (Kancha et al., 2009). Les autres mécanismes de résistance primaire sont liés à la présence de mutations sur d’autres gènes intervenant sur la même voie de signalisation qu’EGFR comme KRAS, PIK3CA, BRAF, ALK et HER2 (Ladanyi and Pao, 2008 ; Pao et al., 2005).

Mécanismes de résistance secondaire aux ITK anti-EGFR

Presque tous les patients traités et initialement répondeurs aux ITK vont progresser 6 à 18 mois après le début du traitement (Johnson and Jänne, 2005 ; Sequist et al., 2008 ; Rosell et al., 2009 ; Mok et al., 2009). Une partie de ces résistances secondaires s’explique par des mécanismes génétiques, comme l’apparition de nouvelles mutations sur le gène EGFR ou sur un autre gène, mais également par des changements phénotypiques des tumeurs (Figure 15). Il convient de rappeler qu’il faut d’abord éliminer une inefficacité thérapeutique liée à un faible dosage sérique des ITK avant de rechercher une cause de résistance secondaire. Dans le cas contraire, les mécanismes de résistance aux ITK sont la mutation p.T790M sur EGFR, l’amplification du gène MET, les mutations du gène PI3KCA, la transformation en carcinome à petites cellules, et la transition épithélio-mésenchymateuse (Sequist et al., 2011).
La mutation p.T790M : la présence de cette mutation explique plus de 50% des causes de résistance secondaire aux ITK, cette mutation se situe sur l’exon 20 d’EGFR (Kobayashi et al., 2005 ; Pao et al., 2005 ; Balak et al., 2006). Il s’agit d’une substitution d’une thréonine par une méthionine en position 790. Cette mutation restaure l’affinité du récepteur pour l’ATP (Yun et al., 2008). L’utilisation d’ITK de seconde génération comme l’afatinib ou le dacomitinib chez des patients ayant acquis une p.T790M montre qu’il n’existe pas de bénéfice en terme de survie globale mais un bénéfice sur la survie sans progression (Moran and Sequist, 2012 ; Miller et al., 2012 ; Jackman et al., 2010). En revanche, l’utilisation de l’afatinib couplé à un anticorps monoclonal dirigé contre EGFR (cetuximab) semble montrer une efficacité avec des réponses partielles chez les patients ayant une mutation p.T790M (Matar et al., 2004 ; Huang et al., 2004 ; Janjigian et al., 2011).
L’amplification du gène MET (mesenchymal epithelial transition growth factor ou hepatocyte growh factor receptor) : le deuxième mécanisme de résistance secondaire le plus fréquent est l’apparition d’une amplification du gène MET rapporté dans 5 à 20 % des cas (Engelman et al., 2007 ; Bean et al., 2007 ; Turke et al., 2010). Le gène MET est situé sur le même chromosome que le gène EGFR en 7q21, il code également pour un récepteur tyrosine kinase dont le ligand est l’hepatocyte growth factor. Sa dimérisation avec ERBB3 permet l’activation des mêmes voies de signalisation que celles activées par l’EGFR, en particulier PI3K/AKT, permettant ainsi d’activer cette voie même lorsqu’EGFR est inhibé par l’ITK. Des études ont montré que l’amplification de MET peut être associée à la p.T790M (Bean et al., 2007 ; Suda et al., 2010). Les amplifications de MET peuvent également survenir chez les patients non traités par ITK anti-EGFR, elles ont été retrouvées dans environ 1% des adénocarcinomes et 6% des carcinomes épidermoïdes pulmonaires (Go et al., 2010 ; Beau-Faller et al., 2008), il semblerait qu’elles soient associées à un mauvais pronostic (Cappuzzo et al., 2009). L’étude PROFILE 1001 a montré une efficacité du crizotinib (inhibiteurs de plusieurs récepteurs à tyrosine kinase ALK, MET et ROS1) chez les patients porteurs d’une amplification de MET de novo. L’utilisation d’un anticorps monoclonal anti-MET (MetMab ou onartuzumab) empêchant la fixation du ligand (Hepatocyte Growth Factor) a montré une bonne efficacité en terme de survie sans progression et de survie globale dans des études de phases 1 et 2 menées dans les CBPNPC de stade avancé, amplifiés MET, en association avec l’erlotinib en deuxième ou troisième ligne de traitement (Spigel et al., 2012).
Le changement phénotypique en carcinome à petites cellules (CPC) : il a été démontré que des tumeurs correspondants avant traitement par ITK à des adénocarcinomes mutés EGFR, changent de phénotype et deviennent des carcinomes à petites cellules après traitement, conférant ainsi une résistance aux ITK (Zakowski et al., 2006 ; Sequist et al., 2011). Dans ces cas on retrouve la même mutation EGFR dans le CPC. La transformation en CPC peut être associée à l’apparition d’une autre mutation dans le gène EGFR (p.T790M) ou dans le gène PIK3CA (Sequist et al., 2011) ou à une amplifications de MET (Yu et al., 2013). Cette transformation en CPC nécessite la mise en place d’une nouvelle thérapie par l’association étoposide-cisplatine.
La transition épithélio-mésenchymateuse (TEM) : elle correspond à l’acquisition par les cellules épithéliales d’un phénotype mésenchymateux, caractérisé par la perte de certaines caractéristiques épithéliales (perte de la cohésion cellulaire avec perte de la E-cadhérine) et par l’acquisition de caractéristiques mésenchymateuses (capacité de migration, expression de la vimentine). Ce phénomène est essentiel pendant l’embryogénèse. La TEM est connue pour être anormalement réactivée chez l’adulte dans deux types de pathologies : les fibroses tissulaires, en particulier rénales, et les cancers. Elle a été décrite comme une cause de résistance secondaire aux ITK anti-EGFR (Sequist et al., 2011; Thomson et al., 2005 ; Frederick et al., 2007 ; Fuchs et al., 2008 ; Rho et al., 2009). Comme dans les CPC, malgré le changement phénotypique, ces cellules de type mésenchymateux gardent la mutation EGFR détectée primitivement avant le changement phénotypique.
D’autres mutations ont été décrites comme causes de résistances secondaires mais elles sont plus rares : les mutations de la PIK3CA (Sequist et al., 2011), ou de BRAF (Ohashi et al., 2012), l’activation de IGFR1 (insulin growth factor receptor) et les pertes de PTEN (Sharma et al., 2007; Guix et al., 2008 ; Yamasaki et al., 2007). Cependant, il reste encore environ 30 % de cause de résistance secondaire non connues (Figure 15).

Thérapies ciblant les tumeurs KRAS mutées

Aucune molécule inhibant KRAS n’a d’AMM dans le carcinome pulmonaire, cependant plusieurs agents thérapeutiques pourraient avoir un effet bénéfique comme les inhibiteurs de la farnesyl transférase, les inhibiteurs de MEK, les inhibiteurs de mTOR ou les inhibiteurs de HSP90.
Les inhibiteurs de la farnesyl transférase : l’activation de la voie de signalisation cellulaire RAS/RAF/MAPK nécessite l’ancrage de RAS activé à la face interne de la membrane cellulaire. L’ajout d’un groupe farnesyle en C-terminal à RAS grâce à la farnesyl transférase est nécessaire à cet ancrage membranaire. Après un début prometteur de l’utilisation des inhibiteurs de la farnesyl transférase (salirasib) in vitro, son utilisation dans un essai clinique chez 30 patients porteurs d’un CBPNPC mutés KRAS n’a malheureusement pas montré de réponse significative (Riely et al., 2011).
Les inhibiteurs de MEK : RAS active la voie MEK-ERK, l’utilisation d’inhibiteur de MEK (selumetinib) diminue la prolifération cellulaire dans des lignées cellulaires KRAS mutées (Dry et al., 2010) et réduit le volume tumoral chez des modèles de souris atteintes d’un CPBNPC KRAS muté (Chen et al., 2012). Une phase 2 comparant docetaxel+selumetinib versus docetaxel seul chez des patients porteurs d’un CBPNPC KRAS muté a montré une augmentation, non significative cependant, de la survie globale, une augmentation significative de la survie sans progression et un meilleur taux de réponse chez les patients traités par selumetinib (Jänne et al., 2013). Une étude randomisée avec un nouvel inhibiteur de MEK (GSK110212) est en cours chez des patients KRAS mutés.
Les inhibiteurs de mTOR : mTOR est une sérine thréonine kinase intervenant dans la voie de signalisation cellulaire PI3K/AKT. L’utilisation d’inhibiteur de m-TOR (ridaforolimus) chez deux patients présentant un CBPNPC KRAS muté a montré une réponse partielle améliorant la survie sans progression (Seki et al., 2012).
Les inhibiteurs de HSP90 : des études précliniques avaient montré une efficacité des inhibiteurs de HSP90 (heat shock proteins 90) dans des lignées cellulaires et des modèles d’animaux porteurs d’une tumeur KRAS mutée (Acquaviva et al., 2012). Malheureusement l’utilisation du ganetespib dans une étude de phase 2 n’a pas montré d’amélioration de la survie sans progression chez les patients porteurs d’une tumeur KRAS mutée (Socinski et al., 2013).

Thérapies ciblant les tumeurs BRAF mutées

Il a été rapporté que le vemurafinib, inhibiteur de la sérine thréonine kinase BRAF, déjà utilisé dans le traitement des mélanomes, a un effet bénéfique sur les adénocarcinomes pulmonaires mutés BRAF (Gautschi et al., 2012).

Thérapies ciblant les tumeurs HER2 mutées

Les données de la littérature concernant les effets thérapeutiques des anti-HER2 sont rares. Les plus prometteurs sont les inhibiteurs de tyrosine kinase irréversibles anti-EGFR et anti-HER2 comme le neratinib (HKI-272), le dacomitinib (PF-00299804), et l’afatinib (BIBW-2992). L’afatinib utilisé en monothérapie montre une réponse partielle chez 2 patients sur 5 porteurs d’un adénocarcinome muté HER2 (De Grève et al., 2012). Il existe quelques cas rapportés de réponse à la combinaison trastuzumab-paclitaxel/ou vinorelbine chez les patients porteurs d’un CBPNPC mutés HER2 (Cappuzzo et al., 2006) (Tomizawa et al., 2011). Des essais cliniques sont en cours pour l’utilisation du trastuzumab plus ou moins associé au carboplatine et paclitaxel chez les patients possédant une tumeur soit amplifiée soit mutée HER2 (protocoles NCT00004883 et NCT00758134).

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Table des matières

INTRODUCTION
1) Epidémiologie
2) Les facteurs de risque
3) Les différents types histologiques de tumeurs pulmonaires
4) Les facteurs pronostiques des carcinomes broncho-pulmonaires non à petites cellules 
4.1. Les facteurs cliniques et biologiques
4.2. Les facteurs histologiques
4.2.1. La classification TNM 2009
4.2.2. La classification IASLC/ATS/ERS des adénocarcinomes pulmonaires
5) La prise en charge thérapeutique des carcinomes pulmonaires
6) Les altérations moléculaires des CBPNPC
6.1. Le récepteur à l’EGF
6.2. La protéine KRAS
6.3. La protéine BRAF
6.4. Le récepteur HER2
6.5. Les réarrangements du gène ALK
7) Associations d’anomalies moléculaires avec le sous-type histologique des adénocarcinomes
8) Les principales thérapies ciblées des CBPNPC
8.1. Les thérapies ciblées anti-EGFR
8.2. Les thérapies ciblées anti-ALK
8.3. Les autres thérapies ciblées
9) Système immunitaire et cancer
9.1. Les origines de l’immunité anti-tumorale
9.2. Les acteurs de la réponse immunitaire anti-tumorale
9.2.1. Les cellules du système immunitaire inné
9.2.2. Les cellules du système immunitaire adaptatif
9.3. La réponse immunitaire anti-tumorale ou théorie des 3E : Elimination, Equilibre, Echappement
9.4. Le microenvironnement tumoral
9.6. Le rôle des cellules immunitaires dans le pronostic des tumeurs
OBJECTIFS DE LA THESE
PARTIE I : Etude de la valeur pronostique de la classification IASLC/ATS/ERS des adénocarcinomes pulmonaires et corrélation avec le statut mutationnel
Introduction
Patients et méthodes
Résultats
Discussion
Conclusion
PARTIE II : Etude de la distribution des mutations et du nombre de copies du gène EGFR dans une série caucasienne d’adénocarcinomes pulmonaires, et de son impact sur le diagnostic moléculaire initial
Introduction
Patients et méthodes
Résultats
Discussion
Conclusion
PARTIE III : Analyse de l’impact des caractéristiques morphologiques et moléculaires des cellules tumorales sur leur environnement immunitaire dans les adénocarcinomes pulmonaires
Introduction
Patients et méthodes
Résultats
Discussion
Conclusion
PARTIE IV : Valeur pronostique de la réponse pathologique et du microenvironnement immunitaire intra-tumoral chez les patients atteints d’un cancer broncho-pulmonaire non à petites cellules, traités par chimiothérapie néoadjuvante
Introduction
Patients et méthodes
Résultats
Discussion
Conclusion
DISCUSSION GENERALE
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES

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