Les acteurs compétents dans le domaine de l’eau
L’inégale répartition de la ressource en eau à la Réunion
Située dans une zone intertropicale humide, la Réunion bénéficie d’abondantes ressources en eau. Cependant, elle est soumise à une inégale répartition temporelle et spatiale de cette dernière. En effet, les précipitations à la Réunion sont considérables. La Région possède les records mondiaux de précipitations entre 12 heures et 15 jours. L’île est soumise à de fortes pluies de novembre à avril et à de faibles précipitations de mai à août. Selon l’Office de l’eau de la Réunion, « les précipitations annuelles représentent environ 9 milliards de mètres cubes17 ». « Le volume d’eau de ruissellement et d’infiltration est estimé à environ 6 milliards de mètres cubes18 ». Le territoire de l’île est accidenté est perméable, permettant aux eaux de ruissellement de s’infiltrer en profondeur dans le sol. L’eau des rivières est envoyée du fait des fortes pentes vers l’océan. L’île possède notamment une originalité climatique puisque l’est est soumis à de fortes précipitations et l’ouest à de faibles pluies. Les alizés sont responsables de ces précipitations. Les masses d’air de l’océan indien contenant la vapeur d’eau rencontrent les massifs montagneux de l’île dont les températures sont plus froides. Ils forment alors des précipitations. Ces masses d’air se déplaçant d’est en ouest, les précipitations sont fortes dans l’est et très faibles dans l’ouest de l’île. La Réunion est donc formée de deux côtes, nommées « la côte au vent » qui possède une pluviométrie importante et « la côte sous le vent » dépourvue de précipitations. Pour l’année 2008, l’Office de l’eau a mesuré des précipitations pour le sud d’environ 500 mm et d’environ 8750 mm à l’est de l’île19. Il pleut environ cinq fois plus dans l’est que dans l’ouest de la Réunion.
Autre contraste du territoire, celui de l’occupation des sols. L’ouest de l’île, fortement ensoleillé et sec est impropre à la culture. Le littoral ouest est ainsi soumis à une forte densité de population, ainsi qu’une forte urbanisation. Les surfaces cultivées diminuent au profit de l’urbanisation. La micro-région ouest regroupe une importante zone d’activité économique (tourisme, industrie, agriculture). Ainsi, à cette inégale répartition de la ressource en eaux naturelles sur le littoral ouest, s’ajoute des besoins en eau de la population de plus en plus forts et des besoins pour l’industrie et l’agriculture.
Le projet de basculement des eaux d’Est en Ouest
Le projet de basculement des eaux d’Est en Ouest (ou Projet d’Irrigation du Littoral Ouest) a débuté en 1983 et devrait se terminer probablement en 2010. Il doit permettre de remédier à l’inégale répartition de la ressource en eau entre l’est et l’ouest, en transférant l’eau disponible de la côte est vers la côte ouest. L’objectif principal de ce projet réside dans le développement de l’agriculture, notamment cannière grâce à la mise en culture de nouvelles terres en friches et par l’augmentation des rendements. En principe, 80% des prélèvements sont destinés à l’irrigation des terres agricoles, et 20% à l’Alimentation en Eau Potable (AEP). Ce projet qui s’élève à près d’un milliard d’euros, est financé en grande partie par l’Union Européenne, par le département et par l’Etat. Il doit permettre d’irriguer un périmètre d’environ 7150 hectares, divisé en neuf périmètres20, c’est-à-dire neuf antennes d’irrigation, qui sont progressivement mis en service. Ce projet alimentera en renfort cinq communes de l’ouest, pour satisfaire des besoins domestiques, industriels, ainsi que la réalimentation de la nappe phréatique de la rivière des galets du Nord-ouest de l’île. Il consiste en trois étapes, le captage de l’eau dans l’est, le transfert vers l’ouest et enfin, la distribution. Il s’agit de prélever une partie des eaux de quatre rivières des cirques de Mafate (rivière des Galets et rivière Bras de Sainte-Suzanne) et de Salazie (rivière des Fleurs Jaunes et rivière du Mât) et de la transférer par 30 kilomètres de galeries souterraines sous les montagnes, vers un réservoir de tête de 50 000 m3 situé sur le littoral ouest. L’eau prélevée dans l’est de l’île s’écoule par les galeries vers l’ouest sous l’effet de la gravité. Les débits de prélèvement d’eau au niveau des rivières et les débits réservés sont fixés par décret ministériel du 8 février 2002. Le débit transférable est fixé par décret ministériel à 6,35m3/s. L’arrêté préfectoral du 13 juillet 199921 portant autorisation du projet au titre de la loi sur l’eau, fixe les volumes annuels affectés aux différents usages de la ressource.
Les convoitises de l’or bleu
Ce projet s’inscrit dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC) et de la sauvegarde de la filière cannière. L’objectif premier de cet apport d’eau dans la région Ouest, est l’irrigation des cultures de cannes à sucre. Certains s’interrogent sur le rôle du lobby agricole dans l’adoption par le département du projet de basculement des eaux. Le projet ILO n’a-t-il pas été adopté pour permettre l’augmentation de la production sucrière de 300 000 tonnes par an, soit 50 000 tonnes de sucre, fixée par l’Union Européenne? La production actuelle de sucre étant de 200 000 tonnes par an.Mais l’arrivée de l’eau dans l’Ouest, fait l’objet de nombreuses convoitises. L’eau amenée de l’Est s’est changée en or. Les espaces réservés à l’agriculture attirent désormais les promoteurs immobiliers. Les élus locaux de la microrégion ouest souhaitent ouvrir des terrains agricoles à l’urbanisation pour répondre à la croissance démographique. Le prix des biens fonciers étant élevés, ce projet d’irrigation risque d’augmenter le prix et de rendre de plus en plus rare l’usage agricole. Malgré des mesures prises afin de limiter l’urbanisation dans cette région notamment l’adoption par le département d’un Schéma Directeur d’Aménagement (SAR) et d’un Plan Local d’Urbanisme (PLU) pour chaque commune, il semble y avoir un réel manque de prise de conscience des décideurs. La maîtrise du patrimoine foncier à la Réunion est un sujet sensible. Mais les convoitises de l’eau risquent d’entraîner le déclassement de terrains à usage agricole en zone à urbaniser. Le basculement des eaux d’est en ouest, entraînera l’augmentation de la densité urbaine par l’arrivée massive d’individus dans cette microrégion ouest de l’île. L’augmentation de l’urbanisation entraînera l’augmentation des besoins en eau par la population dans la microrégion ouest de plus en plus nombreuse. Les transferts d’eau sont souvent de fausses solutions qui permettent de perpétuer les usages qui sont la cause même de la rareté de la ressource. Le transfert de l’eau ne garantit pas la préservation de la ressource pour les générations futures. Le droit a un rôle important dans la protection de l’eau. Dans le cadre de ce contexte territorial, il est nécessaire de s’interroger sur le droit applicable en Outre-mer, et particulièrement à la Réunion. Le droit appréhende-t-il les particularités de ces espaces insulaires ?
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Table des matières
REMERCIEMENTS
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE I – Le cadre d’intervention du droit de l’eau à la Réunion
CHAPITRE 1 : La prise en considération du contexte territorial
SECTION 1 – Au regard des caractéristiques de la ressource en eau
SECTION 2 – Au regard de l’état des eaux et des milieux aquatiques
CHAPITRE 2 : Un contexte juridique adapté
SECTION 1 – L’impact du droit communautaire
SECTION 2 – La portée du droit interne
PARTIE II – Les spécificités du droit de l’eau à La Réunion
CHAPITRE 1 : Au regard du cadre d’intervention
SECTION 1 – le statut juridique de l’eau
SECTION 2 – Les acteurs compétents dans le domaine de l’eau
CHAPITRE 2 : Au regard des modalités de mise en œuvre
SECTION 1 – les instruments de planification
SECTION 2 – Les mesures particulières de protection
CONCLUSION
LISTE DES ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
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