LES ACIERS INOXYDABLES ET LES ALLIAGES A BASES DE NICKEL
Les alliages à bases de nickel
Le nickel pur est un matériau métallique de choix pour les applications à hautes températures (T>400 0C). En effet, c‟est un matériau très stable : sa structure cristallographique cubique face centrée (phase austénitique) est conservée à toutes les températures inférieures à sa température de fusion (Tf = 1455 0C). Le nickel est réputé pour sa résistance à la corrosion en présence de gaz portés à haute température et pour ses propriétés mécaniques. Lorsque le milieu est corrosif et très agressif, que la température est très élevée (haute température T>400 0C) et que les propriétés mécaniques du matériau sont mises à rude épreuve, l‟utilisation des alliages à base de nickel s‟avère indispensable. Bien plus couteux que les alliages spéciaux de fer (acier inoxydables), les superalliages à base de nickel résistent cependant à des conditions extrêmes. Comme pour les aciers inoxydables, la présence de chrome (entre 15 à 25%), dans la composition de l‟alliage conduit à la formation d‟un film passif, en milieu électrochimique et d‟une couche d‟oxyde protectrice, en milieu gazeux portés à haute température.
Dans le cadre de notre investigation, nous avons utilisé comme alliage à base de nickel l‟Inconel 600 (alliage du type nickel-chrome-fer, voir la composition chimique table I.2). Cet alliage de structure cristallographique cubique face centrée (phase austénitique) présente une bonne résistance à la corrosion. La forte teneur en nickel rend le métal pratiquement insensible à la corrosion sous contraintes en présence d‟ions chlorures. Le chrome permet d‟améliorer la résistance à la corrosion haute température due aux composés soufrés, ainsi qu‟aux solutions agressives. Généralement, lors du processus d‟élaboration, l‟Inconel 600 subit un traitement thermique spécifique de telle sorte qu‟il soit constitué de grains fins : Cette caractéristique est fondamentale car elle assure une amélioration de ses propriétés mécaniques telles que :
La résistance à la traction
La résistance à la fatigue
La résistance au choc
Les alliages à base de nickel sont très utilisés dans l‟industrie, dans les domaines où les aciers inoxydables, par exemple, sont pris en défaut. On fait appel aux superalliages également lorsque les conditions sont extrêmes. L‟inconel 600 peut être utilisé dans de vastes gammes de températures allant de la cryogénie jusqu‟aux hautes températures (1095 0C) [13]. Il est utilisé dans l‟industrie nucléaire notamment -les réacteurs nucléaires à eau pressurisée (REP)- et dans les situations où les matériaux sont confrontés à des gaz corrosifs portés à hautes températures. On retrouve également ces alliages (Inconel 601 par exemple) dans des domaines telle que la pétrochimie, l‟industrie chimique et dans l‟élaboration de four, …
Films passifs
La passivation est un phénomène imposé par un opérateur ou spontané qui conduit à la formation d‟une couche d‟oxyde protectrice à la surface des métaux. Le film formé à la surface agit comme une barrière qui isole le métal du milieu agressif auquel il est exposé, bloquant ainsi le déplacement des ions : il y a donc une inhibition de la dissolution du métal. De la qualité du film va dépendre la résistance d‟un métal à la corrosion. La capacité de résistance à la corrosion des métaux provient donc en général de leur capacité à former une fine couche d‟oxyde sur leur surface (métaux passifs). Cette couche joue le rôle de barrière séparatrice entre la solution et le métal, empêchant la dissolution de ce dernier. C‟est pourquoi, pour comprendre, et donc remédier aux problèmes dus à la corrosion, les scientifiques se sont concentrés sur l‟étude de ces films, barrière protectrice des métaux [17- 21]. La composition, les propriétés physiques et électrochimiques vont, pour l„essentiel, dépendre de la composition chimique du substrat [22] mais aussi du milieu extérieur (composition chimique, température, pression, pH..).
Lorsqu‟un film passif est formé à la surface du métal, la corrosion se produit par la diffusion, vers l’extérieur des cations et par la diffusion vers l’intérieur des anions et ce à travers le film passif. Ainsi, le film passif doit être en mesure d’agir en tant que barrière à la diffusion [12]. La capacité des métaux et des alliages métalliques à résister à la corrosion va donc dépendre de leur capacité à former un film passif compact (peu poreux). La formation du film passif se fait par des réactions électrochimiques, d‟oxydation et de réduction. En général, la passivation des métaux et des alliages est décrite par une courbe courant/tension appelée aussi courbe de polarisation anodique. Comme nous pouvons l‟observer sur la figure I.9, cette courbe peut être décomposée en trois domaines de potentiels :
La zone 1 active ou zone de transition.
La zone passive (film formé).
La zone 2 active (transpassivité et/ ou dégagement d‟O2)
La zone 1 active, est une zone de transition. Dans un premier temps, la densité de courant augmente (dissolution du métal) jusqu‟à atteindre une valeur maximale pour un potentiel Ep appelé potentiel de passivation. Au-delà de ce potentiel, une chute brutale de la densité de courant est synonyme du ralentissement de la dissolution du métal due à la formation d‟un film qui à ce stade est instable. Lorsque le potentiel atteint le potentiel de Flade, EFlade, un film stable est formé et la dissolution du métal est inhibée (plus exactement elle est fortement ralentie). La zone passive correspond ainsi à une zone où la dissolution du métal est fortement ralentie suite à la formation d‟un film passif stable. Dans la gamme de potentiel qui s‟étend du potentiel de Flade au potentiel de transpassivité, Etrans, la densité de courant aussi faible soit elle, ne dépend pas du potentiel. Ainsi, on dira que le métal est passivé (protégé). Au-delà du potentiel de transpassivité, le courant augmente rapidement ce qui est synonyme de la détérioration du film (rupture de la passivité).
En général, cette dernière n‟est pas homogène sur tout le film. Elle est localisée, ce qui conduit à la formation de piqures. C‟est pourquoi le potentiel de transpassivité est aussi appelé, dans ce cas, le potentiel de piqures Epit. Le film passif n‟est pas statique dans le temps. On considère que pendant qu‟il se dissout à l‟interface film/solution, il se reforme simultanément à l‟interface métal /film. La passivité est atteinte lorsque la vitesse de formation du film est supérieure ou égale à sa vitesse de dissolution [15]. De nombreux auteurs [23-25] s‟accordent à dire que les ions chlorure Cl- provoquent la rupture de passivité : ceux-ci s‟adsorbent sur la surface, diffusent à travers le film passif et s‟accumulent au niveau de l‟interface métal/film.
Passivation en milieu électrochimique
Plusieurs modèles ont été proposés pour expliquer les mécanismes de formation des films passifs sur les métaux et les alliages. En 1973, Okamoto réalisa une bonne description de la formation de ces films passifs par le biais de son modèle qui est aujourd‟hui le plus utilisé. Cependant, il existe un autre modèle celui d‟Uhlig [14] qui peut être considéré comme étant complémentaire à celui d‟Okamoto sans être en contradiction avec lui. Selon le modèle d‟Okamoto [17] les molécules d‟eau jouent un rôle fondamental dans le processus de passivation. Comme le montre la figure (I.10.A), ce modèle stipule qu‟il y a une insertion des cations métalliques provenant de la dissolution du substrat dans un film amorphe ou semi-organisé composé de molécules d‟eau chimisorbées sur la surface métallique (H2O-M-H2O). L‟insertion de ces cations métalliques dans le film va dépendre de leur affinité avec l‟oxygène de la molécule d‟eau. Afin de conserver la neutralité électrique au sein du film passif, la molécule d‟eau va subir une déprotonation (figure I.10.B) [93]. La répétition du phénomène de déprotonation va générer les anions OH- et O2- selon les réactionsH OOH H 2 et 2 OH H O ce qui va conduire à l‟évolution progressive de l‟interface (métal/eau liée) H2O-M-H2O en un hydroxyde OH-M-OH (figure I.10.C) puis en un oxyde O-M-O.
Ce mécanisme permet d‟expliquer la structure en bicouche des films passifs dont la couche interne est essentiellement composée d‟oxyde et la couche externe d‟hydroxyde (figure I.10.D). D‟après CHAO [20], la concentration abondante de défauts ponctuels contenus dans le film est propice au déplacement des anions O2- et favorise sa croissance. La présence d‟un fort champ électrique dans le film permet une migration des cations et des anions : celle des premiers se fait du film vers la surface extérieure, celle des seconds se fait en sens inverse. En général, lors de la croissance du film, les anions participent au courant ionique qui s‟établit dans le film mais leur contribution est souvent inférieure à celle des cations [2]. Dans ce modèle, l‟oxygène provient de la molécule d‟eau et ce, contrairement au modèle suivant où l‟oxygène est dissout dans l‟électrolyte. Pour Uhlig [14], le mécanisme de formation du film repose sur l‟adsorption de l‟oxygène dissous à la surface et sur la dissolution des cations métalliques ; en effet, l‟oxygène adsorbé sur la surface métallique va prendre la position des cations métalliques qui sont passés en solution. La multiplication du phénomène conduit à la croissance du film qui, d‟après CHAO [20] va se déshydrater à l‟interface métal/film.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
REFERENCES DE L’INTRODUCTION
CHAPITRE I CORROSION, PASSIVATION, FILMS D’OXYDE : CONCEPTS GENERAUX ET ETAT DE L’ART POUR LES ACIERS INOXYDABLES ET LES INCONELS
1) CORROSION
1.1 DIFFERENTES FORMES DE CORROSION
1.1.1 CORROSION UNIFORME OU GENERALE
1.1.2 CORROSION LOCALISEE
b.1 Corrosion par piqûre
b.2 Corrosion caverneuse
b.3 Corrosion galvanique
b.4 Corrosion intergranulaire
b.5 Corrosion bactérienne
2) LES ACIERS INOXYDABLES ET LES ALLIAGES A BASES DE NICKEL
2.1 QU’EST-CE QU’UN ACIER INOXYDABLE
2.2 LES ALLIAGES A BASES DE NICKEL
3) FORMATION ET STRUCTURE DES FILMS PASSIFS
3.1 DESCRIPTION DE L’INTERFACE METAL/LIQUIDE
3.2 LA DOUBLE COUCHE ELECTRIQUE
3.3 FILMS PASSIFS
3.4 PASSIVATION EN MILIEU ELECTROCHIMIQUE
3.5 PASSIVATION DU FER
3.6 PASSIVATION DES ACIERS INOXYDABLE
3.6.1 STRUCTURE DE LA COUCHE DE PASSIVATION
3.6.2 INFLUENCE DU POTENTIEL APPLIQUE
3.6.3 INFLUENCE DU PH
3.6.4 FILM FORMES SPONTANEMENT (OCP)
3.7 PASSIVATION DU NICKEL
3.8 PASSIVATION DES ALLIAGES A BASES DE NICKEL
3.9 ROLE DES ELEMENTS D’ALLIAGE
4) FILM D’OXYDE
4.1 FORMATION ET CROISSANCE DES COUCHES D’OXYDES
4.2 OXYDATION BASSE TEMPERATURE
4.3 OXYDATION HAUTE TEMPERATURE
4.4 OXYDATION DES ACIERS INOXYDABLES
4.5 OXYDATION DES ALLIAGES A BASES DE NICKEL
5) DISCUSSION SUR LE CHOIX DES TECHNIQUES UTILISEES
CONCLUSION DU CHAPITRE I
REFERENCES DU CHAPITRE I
CHAPITRE II DISPOSITIFS EXPERIMENTAUX
1) MICROSCOPIES A CHAMP PROCHE
1.1 LE MICROSCOPE A FORCE ATOMIQUE (AFM
1.1.1 PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT EN TOPOGRAPHIE
1.1.1.1 Schéma de principe du microscope
1.1.1.2 Potentiel de Lennard-Jones
1.1.1.3 Courbe de force
1.1.1.4 Interaction longue portée
1.1.1.5 Interaction à courte portée
1.1.2 LES DIFFERENTS MODES D’UTILISATIONS DE L’AFM
1.1.2.1 Mode contact (mode statique)
1.1.2.2 Mode non contact (NC-AFM
1.1.2.3 Mode contact intermittent (TappingModeTM
1.1.2.4 Description du mouvement du cantilever dans le mode contact intermittent (Tapping)
1.1.3 LES SONDES EN MICROSCOPIE A FORCE ATOMIQUE
1.1.4 TUBE PIEZOELECTRIQUE (SCANNER)
1.1.5 BOUCLE DE REGULATION ET CONSTRUCTION DE L’IMAGE
1.2 LA MICROSCOPIE A SONDE DE KELVIN EN CHAMP PROCHE (SKPFM
1.2.1 LE PRINCIPE DE LA SONDE KELVIN
1.2.2 PRINCIPE DE LA MICROSCOPIE A FORCE ATOMIQUE EN MODE KELVIN.
1.2.3 CARTOGRAPHIE DU POTENTIEL DE SURFACE
1.3 DESCRIPTION DU MICROSCOPE EN CHAMP PROCHE (MULTIMODEV SPM DE VEECO
2) METHODES ELECTROCHIMIQUES
2.1 CHRONOPOTENTIOMETRIE : SUIVI DU POTENTIEL EN CIRCUIT OUVERT (OCP
2.2 VOLTAMPEROMETRIE OU VOLTAMMETRIE (COURBE COURANT-POTENTIEL
2.3 SPECTROSCOPIE D’IMPEDANCE ELECTROCHIMIQUE (SIE
2.3.1 Principe
2.3.2 Description du film passif en termes d’impédances [86]
2.3.3 Exploitation des résultats de SIE
A) Représentation des données expérimentales
B) Interprétations des diagrammes de Nyquist et de Bode
2.4 DISPOSITIF EXPERIMENTAL ELECTROCHIMIQUE
2.5 SYNTHESE
CHAPITRE III COMPORTEMENT ELECTROCHIMIQUE DES ACIERS INOXYDABLES AISI 304, AISI 316 ET DE L’INCONEL 600 EN MILIEU ALCALIN
INTRODUCTION
3.1 PREPARATION DES SUBSTRATS
3.2 FILMS FORMES PAR VOLTAMMETRIE CYCLIQUE
3.2.1 FILMS FORMES SUR LES ACIERS INOXYDABLES AUSTENITIQUES (AISI 304 ET AISI 316)
3.2.1.1 Balayage dans le sens anodique
3.2.1.2 Balayage dans le sens cathodique
3. 1. 2 ETUDE DES FILMS PAR SIE
3.3 FORMATION SPONTANEE (NATURELLE) DES FILMS PASSIFS
3.3. 1 SUIVI DU POTENTIEL DE CIRCUIT OUVERT (OCP
3.3.2 ETUDE DE LA PASSIVATION SPONTANEE PAR SIE
3.3.2.1 Etude par SIE des aciers inoxydables AISI 316 et AISI 304
3.3.2.2 Interprétations des données expérimentales par un CEE
3.2.2.3 Etude par SIE de l’alliage à base de nickel l’INCONEL 600
CONCLUSION
REFERENCES DU CHAPITRE III
CHAPITRE IV ETUDE PAR MICROSCOPIE A CHAMPS PROCHES DES FILMS PASSIFS
INTRODUCTION
4. 1 ETUDE PAR MICROSCOPIE A FORCE ATOMIQUE
4.1.1 EVOLUTION DU RMS EN FONCTION DU TEMPS
4.1.1.1 Evolution du RMS des aciers inoxydables
4.1.1.2 Evolution du RMS pour l’INCONEL 600
4.1.2 EVOLUTION DE LA TAILLE DES GRAINS
4.1.2 .1 Evolution de la taille des grains pour les aciers inoxydables
4.1.2 .2 Evolution de la taille des grains pour l’INCONEL 600
4.2 ETUDE PAR MICROSCOPIE SKPFM
CONCLUSION DU CHAPITRE
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