La notion d’équité La notion d’équité
Il est indispensable de comprendre suffisamment le sens de l’équité afin de pouvoir juger de son importance pour le système de santé. La notion d’équité constitue un principe universel que la société assimile généralement à un amalgame de plusieurs concepts : l’égalité des chances, la justice, le droit humain naturel. C’est un principe à forte connotation morale et à tendance naturelle, que l’on admet devoir régir « normalement » les rapports, quelles qu’ils soient, au sein de la communauté. Voici deux définitions académiques qui peuvent nous aider à cerner les dimensions de l’équité. Selon Le Petit Larousse : Equité : (lat. aequitas, égalité) 1. Vertu de ce qui possède un sens naturel de la justice, respecte les droits de chacun, impartialité. Décider en toute équité 2. Justice naturelle ou morale, considérée indépendamment du droit en vigueur. Equité d’un partage. Pour sa part, l’encyclopédie Microsoft® Encarta® 2006 définit l’ Equité comme 1. Qualité qui consiste à reconnaître le droit de tous et de chacun : en toute équité, le devoir d’équité 2. DROIT justice naturelle, exercée avec modération, indépendamment du droit positif. Le jugement en équité. Dans son caractère universel, l’équité s’adresse à tous les domaines sociaux, mais tout particulièrement à la santé. Considérant les définitions académiques de l’équité que nous avons citées supra, d’un point de vue opérationnel, au sein du système de santé, l’équité peut se définir comme « la plus faible différence de traitement possible entre individus et entre groupes ». L’équité suppose que « le système [de santé] satisfait tout le monde et qu’il n’existe pas de discriminations ni de différences dans le traitement accordé à chacun »9. Elle peut alors être observée à plusieurs niveaux :
• Au niveau des systèmes de santé qui mettent œuvre ou gèrent des programmes : le terme « équité » sert, entre autres, à qualifier le fait que chaque cible du programme puisse bénéficier d’une manière harmonieuse des programmes de santé.
• Au sein d’un programme, la notion d’équité transparaît dans la gestion des ressources : la répartition des ressources sanitaires constitue un indicateur d’équité capital.
• En matière de prestations de services de santé, l’ « équité » apprécie à qui on dispense les soins, qui reçoit les soins et qui n’en reçoit pas
• Enfin, en matière de financement des soins, l’«équité» apprécie qui paie ou qui assure la prise en charge des soins de santé.
Pour le cadre de notre étude, l’équité sera appréciée à travers les indicateurs ci-après, que nous avons empruntés à RIDDE10[9] :
• Répartition des ressources : Répartition géographique des ressources financières, matérielles et humaines
• Utilisation des services : selon certaines caractéristiques/besoins (malades, pauvres, enfants…)
• Mesures d’exemption : utilisation et connaissance de la gratuité des services par les pauvres, solidarité traditionnelle.
• Perception de la qualité des services : Perception différente selon les statuts des utilisateurs (pauvres…)
• Participation des groupes vulnérables : Participation au processus d’élection, de gestion des comités de santé
• Utilisation des fonds recueillis : Utilisation prioritaire pour améliorer l’accès aux soins
• Prix des médicaments : Établissement des prix selon les capacités financières des populations
La notion d’équité au sein des Objectifs du Millénaire pour le Développement
Les objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) constituent un cadre adopté à l’échelle du monde entier pour orienter les actions sanitaires jusqu’en 2015. Le présent sous chapitre vise à mettre en lumière la place et l’importance que les OMD accordent à l’équité. En 200012[12], les dirigeants de 189 pays du monde ont conclu un pacte mondial sans précédent, traduisant leur engagement d’éradiquer en 15 ans l’extrême pauvreté etd’améliorer la santé et le bien être des populations les plus pauvres. C’est ainsi qu’a été émise la Déclaration du Millénaire, cadre général de cet engagement politique, fixant huit objectifs principaux intitulés Objectifs du Millénaire pour le Développement. La santé est visée par trois des huit objectifs, mais elle joue aussi un rôle décisif dans la réalisation des cinq autres, en particulier de ceux qui concernent l’éradication de l’extrême pauvreté et de la faim, l’éducation et l’égalité des sexes. L’une des spécificités des OMD réside dans le fait que le huitième objectif demande la mise en place d’un partenariat mondial pour le développement, ce qui implique qu’il incombe aux pays riches de prendre un certain nombre d’initiatives, pour permettre aux pays pauvres d’atteindre les objectifs de 1 à 7. En particulier, ce huitième objectif nous rappelle que la sécurité et la prospérité mondiales passent par l’établissement d’un monde plus équitable pour tous. Par ailleurs, l’OMS stipule que « des systèmes de santé (…..) équitables » constituent un préalable pour l’atteinte des OMD liés à la santé. Malgré la ferme volonté exprimée dans les OMD par les pays du monde à réduire la pauvreté et atténuer les disparités entre les riches et les pauvres, l’évolution de la situation sanitaire semble indiquer que le principe de l’équité n’est pas toujours respecté, voire que c’est le contraire qui est en train de se passer. Dans son rapport sur La santé et les Objectifs du Millénaire pour le Développement en 2005, l’OMS met l’accent sur une aggravation de la fracture sanitaire entre les riches et les pauvres. Les interventions sanitaires menées conformément à la Déclaration du Millénaire , pendant ces 10 dernières années, n’ont semble-t-il pas permis de toucher les populations pauvres aussi efficacement qu’on le souhaitait. « La hausse des taux de survie [de la mère et de l’enfant] enregistrée dans de nombreuses régions du monde a profité aux groupes les plus favorisés, et cela au détriment des plus démunis », « la réduction de la mortalité de l’enfant a été beaucoup plus lente dans les campagnes que dans les villes », et « la mortalité précoce des adultes est comparativement plus importante dans les pays en voie de développement »13 C’est ainsi qu’à l’échelle plus restreint des pays, l’OMS, conformément au principe de l’équité, recommande que les services de santé soient mieux axés sur les besoins des populations pauvres et vulnérables.
Les défauts des systèmes de santé face à l’équité
A l’aube de ce nouveau siècle, les systèmes de santé ont le pouvoir et la possibilité de réaliser d’extraordinaires améliorations. Malheureusement, ces systèmes peuvent aussi abuser de leur pouvoir et gaspiller leurs énergies. Insuffisamment structurés, mal dirigés, organisés de façon inefficace et sous financés, ils risquent de faire plus de mal que de bien. De nombreux pays sont loin de réaliser tout leur potentiel dans ce domaine, et la plupart ne s’attachent pas suffisamment à améliorer la réactivité du système et l’équité des contributions financières. Dans presque tous les pays, on observe de graves lacunes dans l’exercice d’une ou plusieurs fonctions. Ces lacunes sont la cause d’un très grand nombre de maladies et incapacités évitables, de souffrances inutiles, d’injustices, d’inégalités et du nonrespect des droits fondamentaux de l’individu. Leur impact est particulièrement grave chez les pauvres que l’absence de protection financière contre la mauvaise santé enfonce encore plus profondément dans la misère. (..) Dans beaucoup de systèmes de santé, « Les pauvres sont ceux dont les besoins sont le moins pris en compte. Ils sont traités avec moins de respect que les autres, sont moins à même de choisir les prestataires de services, et sont soignés dans des conditions moins satisfaisantes », « Les pauvres ont besoin d’une protection financière, tout autant, sinon plus, que les riches, étant donné que même des risques limités dans l’absolu peuvent avoir pour eux des conséquences catastrophiques. D’autre part, ils ont tout aussi droit au respect que les riches, bien que l’on ne puisse pas faire autant pour eux sur le plan matériel »
Le système national de santé
Le système national de santé se définit comme l’ensemble des ressources humaines, matérielles et financières, ainsi que les institutions et les activités destinées à assurer la promotion, la protection, la restauration et la réhabilitation de la santé de la population. (voir figure n° I) Le système national de santé actuel s’articule selon trois niveaux fonctionnels, dont les domaines de compétences sont clairement circonscrits par l’organigramme :
1. Le Niveau Central « Ministère de la Santé et du Planning Familial » définit l’orientation globale de la Politique Nationale de Santé, les grands axes stratégiques et la mise en œuvre.
2. Le Niveau Régional « Direction Régionale de la Santé et du Planning Familial » coordonne l’exécution de la Politique Nationale de Santé et la mise en œuvre au niveau de la région.
3. Le Niveau District « Service de Santé de District » constitue le niveau périphérique, et assure la mise en œuvre de toutes les activités des programmes de santé aux niveaux des Centres Hospitaliers du niveau 1 et 2 et des CSB. Ces CSB assurent les soins de santé primaire.
4. Le Niveau communautaire constitue la base du système. C’est à la fois un acteur et un bénéficiaire Les principales parties prenantes impliquées au sein du système de santé à Madagascar sont illustrées dans la figure suivante.
Auprès des responsables communaux
Les responsables au sein de la commune ont confirmé l’existence de la première liste de démunis établie bien avant l’instauration des Fonds d’équité par le Bureau d’Assistance Sociale (BAS). Ces démunis reçoivent, de temps à autres, quelques subsides de la part de la Commune (pendant les festivités du 26 juin et lors du Nouvel An, en général). Les critères d’identification des démunis fixés par la Commune sont différents de ceux préconisés par le Fanome. Les effectifs des démunis ne sont pas disponibles au niveau de la Commune. Le taux de prise en charge des démunis n’est pas établi. Par contre la situations des Fonds d’équité est disponible. Aucune action n’a été initiée, au niveau de la Commune pour sensibiliser les bénéficiaires potentiels des Fonds d’équité à venir se faire soigner au sein des CSB.
Les caractéristiques des démunis dans Toamasina I
L’identification des démunis reste tributaire de la conception que l’on se fait de l’indigence. Rappelons que pour le Ministère chargé de la Santé, quelques critères ont été proposés dans la lettre N°151 /SAN/SG/SCPC du 5 septembre 2005, à savoir : être sans habitat, être sans profession, être sans prise en charge, avoir une infirmité invalidante, être âgé de plus de 60 ans, faire partie d’une famille dont la taille est supérieure à 7. Pour être classé comme démunis, l’individu doit répondre à au moins quatre de ces critères. Dans notre étude de la population des démunis, il s’est révélé que le sexe féminin prédomine à 76% chez les démunis, et ce sont essentiellement des femmes monoparentaux au sein de leur ménage, dans 75% des cas. Les démunis sont relativement âgés, en majorité dans la tranche d’âge entre 50 et 59 ans. Leur niveau d’instruction s’avère très bas, 45% sont illettrés et 46% n’ont atteint que le niveau primaire, les femmes étant moins instruites que les hommes aussi bien qualitativement que quantitativement, avec 49% de femmes illettrées, contre 32% d’hommes. Cette prédominance du sexe faible ne peut qu’aggraver la vulnérabilité des démunis. En effet, il existe une étroite corrélation entre le degré d’instruction des mères et la mortalité de l’enfant : une étude en Inde semble indiquer qu’une réduction de 10% du taux d’analphabétisme permettrait de réduire la mortalité infantile de 12,5 pour 1.000. Le niveau d’instruction dérisoire chez les mères agit donc comme facteur aggravant de la vulnérabilité des démunis. De même, la pauvreté ne touche pas les hommes et les femmes de la même manière: les femmes sont plus vulnérables et davantage exposées à un certain nombre de risques comme la violence, la ségrégation professionnelle, le harcèlement, qui peuvent nuire à leur santé, ainsi qu’à celle des autres membres de leur famille27[26] . Ainsi, d’avantage d’attention doit être requise pour identifier les femmes en situation d’indigence et qui sont plus fragilisées.
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Table des matières
REMERCIEMENT
LISTE DES ABREVIATIONS SIGLES ET ACRONYMES
INTRODUCTION
PREMIER PARTIE : GENERALITES SUR LE CONTEXTE DE LA PAUVRETE ET LA PARTICIPATION FINANCIERE DES USAGERS
CHAPITRE I : LE CONTEXTE DE LA PAUVRETE
SECTION I : LES TROIS GENERATIONS DE REFORMES AU SEIN DES SYSTEMES DE SANTE
1).LE CAS DE MADAGASCAR-GENESE DU FANOME ET DU FONDS D’EQUITE
A-LA NOTION D’EQUITE
B-DIFFERENCES ENTRE L’ETUDE DE L’EQUITE ET CELLE DES INEGALITES SOCIALES EN SANTE
2) LA NOTION D’EQUITE AU SEIN DES OBJECTIFS DU MILLENAIRE POUR LE DEVELOPPEMENT
SECTION II : LE ROLE DES SYSTEMES DE SANTE
1-LES OBJECTIFS DU SYSTEME DE SANTE
A-LES FONCTIONS ESSENTIELLES DU SYSTEME DE SANTE
B-LES DEFAUTS DES SYSTEMES DE SANTE FACE A L’EQUITE
CHAPITRE II : L’ORGANISATION DU SYSTEME DE SANTE A MADAGASCAR
SECTION I : LE CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL
1-LE SYSTEME NATIONAL DE SANTE
SECTION II : LE FINANCEMENT DU SYSTEME DE SANTE
1-AU NIVEAU INTERNATIONAL
2-AU NIVEAU NATIONAL
CHAPITRE III : LE FONDS D’EQUITE
SECTION I : LA CONSTITUTION DU FONDS D’EQUITE
1-LA GESTION DU FONDS D’EQUITE
A-LA MISE EN PLACE DU COMPTE « FONDS D’EQUITE »
B-LE NOMBRE DE DEMUNIS POUVANT BENEFICIER DE CE FONDS
2-LA GESTION DE LA PRISE EN CHARGE DES DEMUNIS
A-CHEZ LE PRESCRIPTEUR
B-CHEZ LE DISPENSATEUR
3-LES PROCEDURES DE REMBOURSEMENT DES BONS DE SOINS
A-CALCUL DE LA PART ATTRIBUEE AU FONDS D’EQUITE ET APPROVISIONNEMENT DU COMPTE
4-AUTRE POSSIBILITE D’UTILISATION DU FONDS D’EQUITE
SECTION II : LE COMITE DE GESTION (COGE)
1-DEFINITION ET DETERMINATION DES DEMUNIS
B- -DOCUMENT D’IDENTIFICATION DES DEMUNIS
DEUXIEME PARTIE : MATERIELS ET METHODES
CRITERES ET MODES D’IDENTIFICATION DES DEMUNIS
CHAPITRE I : PRESENTATION DU CADRE DE L’ETUDE (LE DISTRICT SANITAIRE DE TOAMASINA I
SECTION I : HISTORIQUE
1-SITUATION GEOGRAPHIQUE
2-SITUATION DEMOGRAPHIQUE
3-SITUATION SOCIO-ECONOMIQUE
A-L’EDUCATION
B-LA SANTE
C- L’HABITAT ET L’ENVIRONNEMENT
D-L’HYGIENE ET L’ASSAINISSEMENT
SECTION II : METHODOLOGIE DE RECHERCHE
1-L’ENQUETE AUPRES DES DEMUNIS ET DES MENAGES
A-LE TYPE D’ETUDE ET LA POPULATION CIBLE
B-L’ENQUETE SUR TERRAIN
2-LES INTERVIEWS SEMI-STRUCTURES
A-AUPRES DU CHEF SSD ET DES CHEFS CSB
B-AUPRES DES RESPONSABLES COMMUNAUX (BAS)
C-AUPRES DES PRESIDENTS DE COGE ET DES CHEFS DE QUARTIERS
CHAPITRE II : NOS RESULTATS
SECTION I : LES RESULTATS DE L’ENQUETE AUPRES DES DEMUNIS ET DISCUTIONS
SECTION I1-LES RESULTATS DE L’ENQUETE AUPRES DES MENAGES ET ANALYSE
SECTION III : LES RESULTATS DES INTERVIEWS SEMI STRUCTURES
1-AUPRES DU CHEF SSD ET DES CHEFS CSB
2-AUPRES DES RESPONSABLES COMMUNAUX
3-AUPRES DES PRESIDENTS DE COGE ET DE CHEFS DE QUARTIERS
CHAPITRE III : LES MATERIELS
SECTION I : LE CONTEXTE DE LA PAUVRETE A TOAMASINA I
1-LES CARACTERISTIQUES DES DEMUNIS DANS TOAMASINA
2 : L’EQUITE DANS LA GESTION DU FANOME AU SEIN DU DISTRICT SANITAIRE DE TOAMASINA
3 -L’EQUITE DANS LA REPARTITION DES RESSOURCES
A- LA REPARTITION DES INFRASTRUCTURES SANITAIRES
B- LA REPARTITION DES RESSOURCES HUMAINES
C- LA REPARTITION DES RESSOURCES FINANCIERS
4- L’EQUITE DANS L’UTILISATION DES SERVICES
A- LE NOMBRE D’EPISODES DE MALADIE VECUS PAR LES DEMUNIS EN 2008
B- L’EFFECTIF DES DEMUNIS PRIS EN CHARGE EN 2008
C- LES RECOURS THERAPEUTIQUES DES DEMUNIS EN CAS DE MALADIE
5 : L’EQUITE VUE A TRAVERS LES MESURES D’EXEMPTION
A-L’EFFECTIF DE DEMUNIS REPERTORIES EN 2008
B-LE MODE D’IDENTIFICATION DES DEMUNIS
C-L’INFORMATION DES DEMUNIS.
6-: L’EQUITE VUE A TRAVERS L’APPRECIATION DE LA QUALITE DES SERVICES PAR LES DEMUNIS
7- L’EQUITE VUE A TRAVERS LA PARTICIPATION DES GROUPES VULNERABLES
8 – L’EQUITE DANS L’UTILISATION DES FONDS RECUEILLIS
9 – L’EQUITE DANS LES PRIX DES MEDICAMENTS
SECTION II : SITUATION AU SEIN DES MENAGES
RECOMANDATION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE I
ANNEXE II
ANNEXE III
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
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