Le monde entier connaît actuellement les conséquences désastreuses de la tourmente économique et financière, de l’instabilité des prix des denrées alimentaires et des pénuries, mais surtout celle de l’énergie. Ces crises n’ont pas été sans effets sur le cadre social et environnemental. D’ailleurs, elles sont liées à des phénomènes incessants de la dégradation de l’environnement notamment la destruction de la biodiversité, la pollution, le changement climatique. Auparavant, la croissance auto-entretenue des pays industrialisés se faisait sans considération de l’état de l’environnement et n’accordait aucune importance à la nature. Depuis quelques années cependant, la Planète n’est pas arrivée à se passer des questions écologiques et reconnaît la « finitude » de ses ressources à déployer.
Le constat s’avère déplorable, la détérioration se poursuit de manière exponentielle, d’où l’urgence de prendre des mesures, d’élaborer des nouvelles stratégies, de trouver un nouveau mode de gouvernance. Des efforts ont été déployés, plusieurs conférences ont eu lieu, les limites que rencontrent les ressources naturelles demandent une nouvelle gestion à mettre en place sur le long terme. Les problèmes écologiques persistent : la température mondiale moyenne de l’air à la surface de la terre ne cesse d’augmenter, les forêts ne cessent d’être déboisées, la destruction de la biodiversité ne semble pas s’arrêter, sans oublier les différentes formes de pollution. Ces faits sont visibles et ne peuvent que faire monter les préoccupations de la population entière. Négliger l’environnement renvoie à négliger la survie de l’humanité.
L’environnement et les théories économiques
Selon l’économiste René Passet : « L’économie met en œuvre des activités d’appropriation et de transformation de la nature (extraction d’énergie et de matière première, rejets d’effluents et de déchets). L’acte économique (production, consommation) a nécessairement une dimension écologique ; l’économiste ne peut faire autrement que d’avoir un discours sur la nature ».
Les débats théoriques sur l’environnement
Un maximum de profit, un état d’équilibre, demande l’allocation optimale des ressources. Les écoles de pensée économique ont chacune leur propre hypothèse en introduisant ou non les ressources naturelles dans leur modèles comme facteurs de production.
Les écoles de pensée économique
Elles ont chacune leur propre manière d’aborder la place des ressources naturelles dans leurs études.
Les physiocrates
Pierre Samuel du Pont de Nemours a fondé le terme « physiocratie » en associant deux mots grecs : phusis (la Nature) et Kratein (gouverner), la physiocratie est le gouvernement par la nature. C’est une école de pensée économique et politique, qui contribue à la conception moderne de l’économie et à placer la réflexion et la pratique de l’économie dans un cadre plus autonome. Née en France en 1750, elle connait son apogée au cours de la seconde moitié du 18ème siècle. François Quesnay (1694-1774) et Jacques Turgot (1727-1781) en sont les principaux auteurs. Quant à F. Quesnay, il est devenu le chef de file incontesté après la publication du Tableau Economique en 1758. Son travail se penchait sur la création de richesse, mais surtout sur sa répartition. En prenant l’hypothèse : « le travail est la source de richesse », cette analyse affronte les intérêts de l’aristocratie française. Si un noble travaillait et que cela venait à se savoir, il perdrait sa noblesse. Ainsi, F. Quesnay ne pose plus le travail comme source de la richesse mais plutôt ce qui est source de cette dernière est la capacité miraculeuse de la terre à produire de la nourriture chaque année, chaque printemps. D’où l’émergence des principes foncièrement naturalistes, et des idées très souterraines de la part des physiocrates. Ainsi, la terre et toutes ses ressources sont considérées comme un don gratuit est le seul facteur réel de création de richesse. Elle multiplie les biens : plusieurs graines sont produites par une seule graine semée, elle laisse un surplus ou ce qu’on appelle un produit net. Pour eux, c’est la seule activité productive. L’industrie et le commerce sont des activités stériles, elles ne font que transformer des matières premières produites par l’agriculture. Cette vision naturelle de l’économie est connue à une époque où la plus grande majorité de la population est formée d’agriculteurs qui produisent pour assurer leur propre survie.
Une autre hypothèse de base est l’ordre naturel. Selon eux, il existe un ordre naturel gouverné par des lois qui lui sont propres, et qui repose sur le droit naturel. Les économistes ont pour rôle de faire connaître ces lois de la nature. Ils ne remettent pas en question le gouvernement d’un Etat mais veulent que le détenteur du pouvoir suprême se conduise conformément au droit naturel et le fasse respecter. Ainsi, le résumé de leurs principes est comme suit : « La doctrine des physiocrates est un mélange de libéralisme économique et de despotisme éclairé (…) la pensée des physiocrates s’ordonne autour de quatre grands thèmes : la nature, la liberté, la terre, le despotisme légal (…) » Leur thèse qui postule la terre comme la seule source de richesse les distingue de leurs successeurs classiques.
L’école classique et l’école néoclassique
Si le facteur « terre » est la source de richesse pour les Physiocrates, il n’apparaît pas dans les facteurs de production dans l’école classique et l’école néoclassique. Ces dernières soulignent le facteur capital et travail. L’agriculture que les Physiocrates ont pris pour référence perdait son importance, la production reposait de plus en plus sur l’industrialisation. La terre n’est pas un facteur, donc elle ne fait pas partie du capital mais seulement elle représente les biens qui existent naturellement. Pour Adam Smith ou David Ricardo , la Nation doit chercher à se spécialiser dans les secteurs d’activité pour lesquelles elle dispose un avantage comparatif, absolu ou relatif, qu’elle dispose des dotations initiales en ressources naturelles favorables ou d’une avance technologique. Ceci afin de permettre la satisfaction des besoins en utilisant moins de facteurs de production. Ainsi pour l’école classique, les ressources sont considérées comme libres et en quantité illimitée. Selon Jean Baptiste Say , « les richesses naturelles sont inépuisables car sans cela nous ne les obtiendrons pas gratuitement. Ne pouvant être multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l’objet des sciences économiques ».
Et à partir des années 1870, avec l’école néoclassique, les ressources naturelles vont disparaître de la pensée économique. L’économie s’intéresse désormais aux optimums, c’est à dire la meilleure allocation des ressources rares entre usages alternatifs, en s’accommodant aux préférences des agents économiques. L’optimum de Pareto devient au cœur des études de la science économique, en désignant une situation dans laquelle on ne peut plus améliorer le bien-être d’un individu sans détériorer celui d’un autre. C’est devenu une situation de référence de la théorie économique. Et la production provient des facteurs travail, capital et terre. Mais la terre se limite seulement au sol. Mais pendant ce temps, des analyses sur la dynamique de la population et des caractéristiques de l’agriculture constituent aussi des cadres qui mettent l’accent aux limites que le développement économique peut rencontrer.
L’existence des tensions écologiques
Pour le principe de population de Robert Malthus , il s’interroge sur le progrès de l’humanité qui s’avère être un progrès sans limite ou un progrès qui connaît tout de même des obstacles. Le principal obstacle est ce qu’il appelle le principe de population : « La nature a répandu d’une main libérale les germes de la vie dans les deux règnes, mais elle a été économe de place et d’aliments (…) Les plantes et les animaux suivent leur instinct, sans être arrêtés par la prévoyance des besoins qu’éprouvera leur progéniture. Le défaut de place et de nourriture détruit, dans ces deux règnes, ce qui naît au-delà des limites assignées à chaque espèce ». Selon R. Malthus, la population humaine s’accroît suivant une progression géométrique tandis que les ressources vivrières suivent une progression arithmétique. L’intervention d’une régulation démographique peut s’effectuer par le frein destructif ou préventif. Et en ce qui concerne la loi des rendements décroissants, D. Ricardo compare la terre à une série graduée de machines propre à produire du blé et des matières brutes, une analogie proposée par R. Malthus. Chacune des machines est impérissable et indestructible. La nature est éternelle et inépuisable selon lui, mais du point de vue de leur fertilité, les machines apparaissent plus ou moins performantes, la productivité décroissante est possible. D. Ricardo affirme que la production industrielle ne rencontrera aucune limite, ni écologique, ni économique. Ce qui n’est pas le cas pour la production agricole. Les meilleurs terres sont utilisées les premières mais au fur et à mesure de la croissance démographique et de l’augmentation des besoins alimentaires, des terres de moins en moins fertiles doivent être mises en culture.
Si les classiques accordaient une importance aux ressources naturelles en reconnaissant leur rôle moteur dans l’industrie et dans l’agriculture dans leur théorie, l’analyse des néoclassiques se penche plutôt vers la satisfaction qu’un bien procure mais non à sa consistance matérielle. Ceci explique pourquoi les néoclassiques se sont si longtemps désintéressés de l’environnement.
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Table des matières
INTRODUCTION
Partie1 : LA RELATION ENTRE ECONOMIE ET ENVIRONNEMENT
Chapitre 1 : l’environnement et les théories économiques
Section 1: Les débats théoriques sur l’environnement
Section 2 : l’économie de l’environnement
Chapitre 2 : L’environnement : un pilier du développement durable.
Section 1 : Historique
Section 2: Le concept du développement durable.
Chapitre 3 : L’économie verte
Section 1 : Concept de l’économie verte
Section 2 : La transition vers l’économie verte à travers différents secteurs
Partie 2 : L’ENVIRONNEMENT PEUT- IL ÊTRE AU SERVICE DU DEVELOPPEMENT ?
Chapitre 1 : L’activité humaine : responsable et victime de la dégradation de l’environnement
Section 1 : Le rôle des actifs naturels
Section 2 : Les principaux problèmes environnementaux perçus globalement
Section 3 : L’activité humaine menace l’environnement
Chapitre 2 : Le niveau de développement économique et la préoccupation environnementale
Section 1 : La croissance va-t-elle de pair avec la protection de l’environnement ?
Section 2 : Peut-on concilier pauvreté et contraintes écologiques ?
Section 3 : Perspectives et recommandations
CONCLUSION