L’environnement péri-opératoire du patient âgé

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Le patient âgé

Le vieillissement physiologique

Le vieillissement peut être considéré comme un processus irréversible qui débute ou s’accélère lorsque l’organisme atteint sa maturité. Il est caractérisé par une défaillance progressive de la capacité à préserver l’homéostasie sous des conditions de stress physiologique, ce qui accroît la vulnérabilité de l’individu et limite sa viabilité.
De ce fait, de nombreuses modifications organiques vont survenir et sont décrites dans le tableau 2 (2,3).

Age physiologique/âge chronologique

L’âge chronologique peut être défini comme l’âge réel d’une personne. A contrario, l’âge physiologique définit l’état de santé fonctionnel du corps.
L’espérance de vie estimée à un âge donné est couramment utilisée en pratique clinique. Cependant, pour un âge chronologique donné, il existe de grandes variations de l’état clinique et biologique se répercutant sur la morbimortalité et la perte d’autonomie (4,5). La figure 1 représente un schéma modélisant la décompensation fonctionnelle de la personne âgée, proposée par un gériatre français en 1984 (6). Ce raisonnement gériatrique est particulièrement efficace pour rendre compte de la plupart des situations cliniques en gériatrie.
Sur cette figure 1, l’âge du patient est porté en abscisse. En ordonnée, la fonctionnalité d’un organe est représentée sur une échelle de 0 à 100%. Un seuil clinique d’insuffisance marque la décompensation fonctionnelle potentiellement irréversible.
La courbe 1 représente les effets du vieillissement sur la fonction : vieillissement cardiaque, vasculaire, rénal, cérébral qui n’aboutirait jamais à lui seul à la décompensation fonctionnelle. Les effets du vieillissement réduisent progressivement les réserves fonctionnelles, sans jamais à eux seuls entraîner la décompensation (= physiologique).
La courbe 2 représente l’effet d’une ou de plusieurs maladies chroniques qui viennent se greffer sur le vieillissement telle qu’une coronaropathie, l’hypertension artérielle, un syndrome démentiel ou l’ostéoporose (= comorbidités). La maladie chronique, si elle évolue, peut conduire au stade d’insuffisance : par exemple une maladie d’Alzheimer compliquée de dénutrition et d’infections, cardiopathie ischémique au stade d’insuffisance cardiaque globale, …
La courbe 3 représente le facteur aigu de décompensation : c’est souvent l’élément sur lequel la médecine a davantage de prise telle qu’une pathologie iatrogène (alpha-bloquant, hypotension orthostatique et chute), une affection médicale intercurrente (broncho-pneumopathie ou OAP), ou un stress aigu (= stress chirurgical et anesthésique).
Le vieillissement est donc un processus hétérogène variable d’un individu à l’autre et d’un organe à l’autre. Chez certaines personnes âgées, le vieillissement se traduit par une diminution des capacités maximales liée à la réduction des réserves fonctionnelles, responsable d’un état de fragilité (frail elderly). D’autres personnes conservent, même dans le grand âge, des capacités fonctionnelles optimales, et sont donc considérées comme robustes (fit elderly). Nous pouvons nous reporter à la figure 2 qui illustre la personne âgée fragile ayant moins de réserve, et présentant donc un haut risque de perte d’autonomie même après une agression physique minime contrairement au patient non fragile.

La fragilité

Le syndrome de fragilité

Selon la définition de la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie (SFGG) de 2011, la fragilité est un syndrome clinique. Il reflète, comme nous l’avons dit, une diminution des capacités physiologiques de réserve qui altère les mécanismes d’adaptation au stress. Son expression clinique est modulée par les comorbidités et des facteurs psychologiques, sociaux, économiques et comportementaux. Le syndrome de fragilité est un marqueur de risque de mortalité et d’évènements péjoratifs, notamment d’incapacités, de chutes, d’hospitalisation et d’entrée en institution. L’âge est un déterminant majeur de fragilité mais n’explique pas à lui seul ce syndrome. La prise en charge des déterminants de la fragilité peut réduire ou retarder ses conséquences. Ainsi, la fragilité s’inscrirait dans un processus potentiellement réversible.
La figure 3 présente un schéma synthétique de la physiopathologie de la fragilité. L’âge est considéré comme le résultat de l’accumulation de dégâts moléculaires et cellulaires tout au long de la vie, causés par de multiples mécanismes, eux-mêmes régulés par un réseau complexe sous l’influence de la génétique et de l’environnement. Nous ne connaissons évidemment pas le niveau précis de dégât cellulaire requis pour causer une dysfonction d’organe. Le cerveau, le système endocrinien, immunitaire et musculaire sont interconnectés et sont les systèmes d’organe les mieux étudiés dans la genèse de la fragilité. La perte de réserve physiologique d’autres systèmes (cardiovasculaire, respiratoire et rénal) y contribue également. Influencée par le niveau d’activité physique et les facteurs nutritionnels, la perte cumulée de la réserve physiologique de ces systèmes d’organe mène à la fragilité. Les présentations cliniques typiques de la fragilité sont les chutes, les dysfonctions cognitives et la perte d’autonomie, qui sont autant de raisons menant à l’hospitalisation ou l’institutionnalisation, pouvant accélérer ce déclin (7).
Il a été démontré que la fragilité était associée sur le plan cellulaire à une baisse des paramètres antioxydants (8), ainsi qu’à une augmentation des biomarqueurs de stress oxydatif, spécifiquement la CRP et IL-6 (9). Ces données impliquent une association entre un état pro-inflammatoire et la fragilité.
En fonction des outils diagnostiques utilisés et des études, la prévalence de la fragilité dans la population des personnes âgées de plus de 65 ans varie de 5 % à 50 % et croît avec l’âge pour atteindre 20 à 26 % chez les personnes de plus de 80 ans et 32 % chez les plus de 90 ans (figure 4) (10–13).
La prévalence globale de la fragilité va donc avoir tendance à augmenter parallèlement au vieillissement de la population. Le déclin physiologique dû à l’âge, les pathologies aiguës ou chroniques parfois non déclarées car encore au stade infra clinique, contribuent au développement de la fragilité (14). L’état de fragilité s’installe progressivement, initialement de manière asymptomatique. Les symptômes apparaissent à l’occasion d’un phénomène aigu lorsque la baisse globale des réserves fonctionnelles atteint un seuil critique. Dans ces situations, la demande est supérieure aux capacités et un état de déséquilibre est atteint, les capacités d’adaptation étant dépassées.
La fragilité est donc un état instable avec risque de perte d’une fonction. Il s’agit par ailleurs d’un état réversible. Ces deux caractéristiques (instabilité et réversibilité) soulignent toute l’importance du diagnostic de fragilité.
Ce concept, bien développé dans la pratique de la gériatrie, fait consensus car il est associé à une valeur pronostique. Différents outils permettant de déceler la fragilité chez les patients âgés ont été développés.

Les différents outils d’évaluation de la fragilité

L’autonomie (score IADL), l’état polypathologique (index de Charlson), les fonctions cognitives (score MMSE) disposent actuellement de moyens fiables et reproductibles d’évaluation et sont largement utilisés en pratique clinique. Par contre, ces outils très performants mais très ciblés, n’évaluent pas stricto sensu l’état de fragilité des patients.
Pour porter le diagnostic de fragilité, deux modèles distincts ont émergé. Le premier est le modèle du phénotype de fragilité (phenotype model) issu de l’étude américaine Cardiovascular Health Study (CHS), décrit par Fried en 2001 (10). Le deuxième est le modèle du déficit cumulé (cumulative deficit model) issu de l’étude canadienne Canadian Study of Health and Aging (CSHA), décrit par Rockwood en 2005 (15).
Le modèle du phénotype de fragilité de Fried repose essentiellement sur l’analyse de la composante physique de la fragilité et est défini comme suit :
– Amaigrissement : perte de 5 kgs ou de 5% du poids du corps dans l’année
– Affaiblissement : force de préhension inférieure à 20% de la norme pour l’âge, le sexe et l’index de masse corporelle
– Asthénie : autoquestionnaire
– Ralentissement : temps de parcours de 4,57 m inférieur à 20% des normes pour l’âge et la taille
– Dépense énergétique : hommes < 383 Kcals/semaine ; femmes < 270 kcals/semaine Le patient est considéré comme robuste si tous les items sont absents, pré-fragile si 1 ou 2 items sont présents et fragile si > 3 critères sur 5 sont présents (10).
Le modèle du déficit cumulé (ou Frailty-Index) de Rockwood recense plus de 70 items (symptômes, examen clinique, maladies déclarées, présence d’incapacités) pour créer une échelle de fragilité clinique (15) :
1. En forme : actif, énergique, motivé. Ces personnes ont une activité régulière et sont en meilleure forme que ceux de leur âge
2. En santé : sans maladie active mais en moins bonne forme que la catégorie 1
3. Traité pour une maladie chronique dont les symptômes sont bien contrôlés
4. En apparence vulnérable : bien qu’indépendant, ces personnes ont des symptômes d’une maladie active
5. Légèrement fragile : avec une dépendance limitée pour les activités instrumentales
6. Modérément fragile : ont besoin d’aide à la fois pour les activités instrumentales et pour les gestes de la vie quotidienne
7. Sévèrement fragile : complètement dépendant pour les activités de vie quotidienne ou en fin de vie
A côté de ces deux échelles considérées comme le gold standard, il existe d’autres outils. Parmi eux, l’évaluation gériatrique standardisée (EGS) ou Comprehensive Geriatric assessment (CGA) est une méthode validée mais demande du temps et plusieurs professionnels :
– Age supérieur à 85 ans
– Perte d’autonomie pour une activité de la vie quotidienne : ADL
– Instabilité posturale et risque de chutes : appui unipodal < 5 secondes
– Altération des fonctions cognitives et déclin des fonctions supérieures : risque de syndrome démentiel ou confusionnel si le Mini-mental test de Folstein (MMS) est inférieur à 24
– Baisse des réserves nutritionnelle : perte de poids récente, périmètre du mollet avec valeur seuil discriminante de 30 cms, albuminémie < 35g/l
– Isolement social et familial
– Troubles sensoriels mal compensés : syndrome de désafférentation
– Déficience rénale : clairance de la créatinine < 30 ml/min (avec la formule de Cockcroft)
– Symptômes dépressifs : souvent insidieux et masqués à dépister par le « Mini Geriatric Depression Scale »
– Polymédication : quatre médicaments ou plus
Mitnitski et al. ont aussi décrit un index de fragilité basé sur la recherche de 20 déficits lors d’une évaluation gériatrique standardisée, qui est ensuite comparée à l’âge chronologique de la personne. A un âge donné correspond une valeur maximale concernant l’accumulation de déficit au-delà de laquelle l’individu est considéré comme fragile. Cet index était plus fortement corrélé à la mortalité qu’à l’âge chronologique seul (5).
Le FI-CGA de Jones repose sur l’analyse de 10 domaines principaux que sont les fonctions cognitives, l’humeur et la motivation, les capacités de communication, la mobilité, l’équilibre, les fonctions sphinctériennes, les IADL et les ADL, l’état nutritionnel et les ressources sociales. Cet index a été associé à un risque élevé de décès et d’institutionnalisation (16).
Tous ces scores, sont intéressants mais ne sont pas toujours d’une utilisation aisée en pratique clinique notamment dans le contexte périopératoire. Le score ABCDEF, développé par l’équipe de gériatrie du CHU de Rouen (Pr Chassagne), est un score réalisable sans formation préalable majeure ni appareillage spécifique par tout soignant. Il analyse l’autonomie, l’amaigrissement, les comorbidités, la polymédication, l’équilibre et les fonctions cognitives (17).

Le score ABCDEF 

Au CHU de Rouen, à la demande de l’ARS de Haute-Normandie, lors de l’élaboration du schéma régional de l’organisation des soins de Haute-Normandie 2012-2017, un outil de repérage de la fragilité d’un sénior a été proposé dans le but d’harmoniser les pratiques avec un outil simple, fiable et reproductible. C’est pour faire face au polymorphisme gériatrique et répondre à la demande des cliniciens non formés à la gériatrie que l’outil « ABCDEF » a été conçu. Cet outil simple, rapide et réalisable par tous, a pour objectif de repérer 6 caractéristiques qui sont établies, sur des données de la littérature, comme étant péjoratives en termes de santé. ABCDEF apparaît réalisable sans formation préalable majeure ni appareillage spécifique par tout soignant ou médecin.
L’outil ABCDEF est constitué de 6 items :
– A : autonomie
– B : état nutritionnel
– C : comorbidités
– D : polymédicamentation
– E : équilibre postural
– F : fonctions cognitives
Chacun de ces items a été choisi sur les données de la littérature. Cet outil a été évalué sur une population communautaire de 300 patients de plus de 70 ans. Ces patients ont été adressés en consultation médicale ambulatoire de gériatrie par un médecin non gériatre, pour un motif non précisé et bénéficiaient dans ce contexte d’une évaluation gériatrique. Ce travail a retrouvé une sensibilité de 75% et une spécificité de 64% pour le repérage de la fragilité en considérant un seuil inférieur ou égal à 3 critères sur 6. Sa VPN était de 91%, permettant d’éliminer l’hypothèse d’une fragilité si les patients avait un score inférieur ou égal à 2 critères (17). Cet outil, simple d’utilisation, pourrait être adapté à l’environnement périopératoire.

L’environnement périopératoire du patient âgé

Les complications postopératoires

Les complications classiquement recensées chez la personne âgée dans la période postopératoire sont variées et atteignent toutes les fonctions d’organe. La survenue de ces complications est bien évidemment dépendante du type de chirurgie. Dans le cadre de la chirurgie orthopédique programmée, la mortalité est inférieure à 0,5% et la morbidité sévère est de l’ordre de 5% (18,19). A contrario, dans un contexte de chirurgie urgente, la morbimortalité postopératoire peut être multipliée par 10 (20).
En chirurgie orthopédique, les complications les plus fréquentes sont d’origine cardiaque (décompensation cardiaque et pathologie ischémique), neurologique (AVC et confusion), infectieuse (respiratoire et urinaire) et thromboembolique. Spécifiquement chez les patients d’orthogériatrie, pris en charge pour une fracture de l’extrémité supérieure du fémur (FESF) en urgence, les complications les plus fréquentes décrites sont la confusion, l’infection urinaire sur sonde et la pneumopathie (21).
Les complications cardiovasculaires sont la principale cause de morbimortalité chez le sujet âgé. La chirurgie orthopédique est reconnue à risque intermédiaire (1 à 5%) de survenue d’une complication cardiaque post-opératoire (22). La mortalité postopératoire au long-terme serait de 2 à 15 fois plus élevée chez les patients ayant présenté un épisode d’ischémie myocardique péri-opératoire (23), d’où l’intérêt de monitorer les paramètres biologiques cardiovasculaires de manière accrue chez ces patients (24,25). Spécifiquement après chirurgie orthopédique prothétique du membre inférieur programmée, le risque d’embolie pulmonaire s’élève à 1,1% (26).
Il existe aussi une augmentation du risque de mortalité dans les 3 premiers mois postopératoire chez les patients ayant présentés des complications respiratoires et rénales. Toute complication avérée, quelle qu’en soit la nature, entraînerait un doublement de la mortalité à moyen terme (27). Leur prévention, au-delà de leur prise en charge, est indispensable (kinésithérapie respiratoire, immuno-nutrition, maintien de la volémie…).
La confusion postopératoire est une complication fréquente chez le patient âgé caractérisée par un déficit attentionnel aigu, associé à des symptômes moteurs hyper ou hypoactifs, survenant lors de la phase postopératoire précoce (24 à 48 heures) (28), dont le diagnostic est aisé grâce à la CAM (Confusion Assessment Method). La prévalence est estimée de 11 à 42 % selon les séries (29). Les conséquences sont majeures, la confusion aigüe entraînant une augmentation de la morbimortalité postopératoire (30). Les risques principaux sont l’augmentation de la durée de séjour de 48 à 72 heures, des coûts, du risque d’institutionnalisation du patient âgé (31), du déclin cognitif tardif et du taux de mortalité à long terme qui est multiplié par deux (32–34). Les complications postopératoires sont également deux à cinq fois plus fréquentes (35). Les facteurs de risque de syndrome confusionnel postopératoire se classent en deux catégories : les facteurs prédisposant et les facteurs précipitant (tableau 3).
Les deux principaux facteurs de risque prédisposant sont l’âge et l’existence de troubles cognitifs sous-jacent, dont 50 % des cas sont non diagnostiqués (36). De nombreux autres facteurs de risque ont été décrits dans la littérature : un antécédent d’AVC, une dépression préexistante, une hypoalbuminémie, un éthylisme chronique, une faible activité physique ou des troubles électrolytiques (35,37).
Parmi les facteurs précipitant, le type de chirurgie et la durée de l’anesthésie ont été décrits. Toute chirurgie majeure ou urgente provoquant un état pro-inflammatoire important est à risque. Concernant l’anesthésie, l’incidence de la confusion reste similaire selon le type d’anesthésie (38). Sur le plan physiopathologique, les anesthésiques généraux ont un spectre d’action complexe sur les différents systèmes neurotransmetteurs, dont ceux à l’acétylcholine et au glutamate, qui sont impliqués dans différents processus cognitifs, la mémoire, l’apprentissage et l’attention. En bloquant les récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine et les récepteurs muscariniques M1 postsynaptiques, ils jouent un rôle probable dans la dysfonction cognitive (39). De nombreux agents anesthésiques sont incriminés, dont les produits de prémédication (benzodiazépines (40), hydroxyzine, ranitidine, cimétidine), ainsi que toute molécule aux propriétés anticholinergiques, dont la prescription altère la neurotransmission et augmente le risque de confusion. La concentration sanguine d’atropine avec son effet antimuscarinique a été également reliée au risque de confusion (41).

Lien entre fragilité et complications postopératoires

La fragilité est un facteur de risque indépendant de la survenue d’une mortalité postopératoire.  Chez une population de 66 105 patientes bénéficiant d’une hystérectomie, un taux de décès de 0,06 % est retrouvé chez les patientes robustes et 3,2 % chez les patientes diagnostiquées fragiles par le modified Frailty index ou mFi (score modifié de Rockwood défini par 11 variables), soit un risque multiplié par 50 (42).
La fragilité est également un facteur de risque indépendant de la survenue d’une morbidité postopératoire. Une étude réalisée chez 4 704 patients de 68 ans dans la période périopératoire de chirurgie vasculaire périphérique, retrouve une corrélation entre un état fragile mesuré par le mFi (modified frailty index) et une augmentation des complications majeures postopératoires comme le syndrome coronarien aigu, l’accident vasculaire cérébral ou l’insuffisance rénale aigüe (43). Leung et al. a également retrouvé chez une population de 63 patients de plus de 65 ans une prévalence de 25 % de confusion en postopératoire de chirurgie générale, orthopédique et thoracique. La confusion était associée indépendamment au score de fragilité (mesuré par le score de Fried), dont la prévalence était estimée à un tiers de la population (44). La fragilité, évaluée selon le modèle de Fried, a été retrouvée comme facteur prédictif de durée de séjour prolongée dans une cohorte de 127 patients de plus de 85 ans éligibles à une chirurgie programmée. Un phénotype robuste était également reconnu comme facteur protecteur (45). Dans le contexte de la chirurgie orthopédique, Cooper et al. a évalué les deux scores de fragilité les plus utilisés (score de Fried et mFi) chez une population de 415 patients âgés de plus de 70 ans. Tous deux ont démontré qu’un état pré-fragile ou fragile exposait à une augmentation du taux de complications postopératoires et de la durée de séjour (plus de 5 jours) (46). Même chez les patients âgés classés ASA 1 ou 2, il peut exister un syndrome de fragilité non détecté et donc un risque de complications postopératoires (47).
Les données de la littérature ont donc montré un lien significatif entre la fragilité et la survenue d’évènements postopératoires indésirables et ce pour tout type de procédure chirurgicale (cardio-thoracique, ORL, digestive, gynécologique, vasculaire ou orthopédique), programmée ou urgente (48–56). Les scores d’évaluation de la fragilité majoritairement utilisés dans les différents travaux cités étaient le modèle du phénotype de Fried et le modèle de Rockwood simplifié défini par 11 variables (mFi). Cependant, une revue de la littérature récente expose un problème de taille : sur 23 études évaluées, 21 instruments différents de mesure de la fragilité ont été utilisés (57). Il n’existe donc à ce jour aucun consensus sur la méthode de mesure préopératoire de la fragilité. La validation d’un outil diagnostique simple, reproductible et performant de la fragilité corrélé avec la survenue de complication postopératoire est donc un véritable enjeu dans le contexte périopératoire.

Objectifs de l’étude

Cette étude avait pour objectif principal d’évaluer le taux de complications postopératoires des personnes âgées de plus de 75 ans, après chirurgie de pose de prothèse totale de hanche (PTH) ou prothèse totale de genou (PTG) programmée pour ainsi évaluer la capacité du score ABCDEF à dépister les patients fragiles et donc à risque de complications.

MATERIEL ET METHODES

Il s’agissait d’une étude de cohorte prospective, descriptive, monocentrique réalisée dans l’unité de chirurgie orthopédique du Centre hospitalier Universitaire (CHU) de Rouen de février 2015 à février 2017. Cette étude a obtenu l’avis favorable du Comité d’Ethique de Recherche Non-Interventionnelle (CERNI) du CHU de Rouen.

Déroulement de l’étude

L’évaluation de chaque patient s’est déroulée en deux temps :
– Une évaluation préopératoire de leur statut de fragilité par l’intermédiaire du questionnaire ABCDEF a été réalisée par l’infirmière de consultation après chaque consultation préanesthésique.
– Dans un second temps, les complications postopératoire, la durée du séjour hospitalier, et les décès 6 mois après l’intervention ont été colligés durant la période post opératoire.

Critères d’inclusion

– Âge ≥ 75 ans
– Chirurgie orthopédique intermédiaire du membre inférieur (hanche ou genou) programmée : prothèse totale de hanche (PTH), reprise de PTH, prothèse unicompartimentale de genou (PUG), prothèse totale de genou (PTG), reprise de PTG.

Critères d’exclusion

– Âge < 75 ans
– Espérance de vie de moins de 1 mois au moment de la chirurgie, pronostic vital engagé à court terme dans un contexte de pathologie cancéreuse
– Métastases osseuses
– Refus
– Patient non opéré

Recueil des données

Le recueil des données a été réalisé de manière prospective. Certaines données manquantes ont été complétées après relecture du dossier de soin ou des courriers médicaux. Les données ont été saisies par l’investigateur principal de l’étude sur fichier Excel.

Critère de jugement principal

C’était un critère de jugement composite caractérisé par la survenue d’une complication majeure durant 7 jours postopératoire définie par :
1. Le syndrome confusionnel, diagnostiqué selon les critères de la CAM (Confusion Assessment Method) (Annexe 2), caractérisé par un début soudain, une fluctuation des
symptômes et une inattention, accompagné d’une désorganisation de la pensée et/ou de troubles de la vigilance.
2. La pneumopathie, objectivée à la radiographie thoracique par un foyer systématisé, chez un patient fébrile et hypoxique.
3. Les complications thromboemboliques :
– la thrombose veineuse profonde (TVP) : œdème, douleur, chaleur unilatéral
évocateurs, de diagnostic échographique par doppler des membres inférieurs.
– l’embolie pulmonaire (EP) : dyspnée, tachycardie, et/ou douleur thoracique chez un patient hypoxique et hypocapnique aux gaz du sang, diagnostiquée à l’aide d’un angioscanner thoracique.
4. Les complications cardiovasculaires aiguës :
– l’accident vasculaire cérébral (AVC) ou accident ischémique transitoire (AIT) : Tout symptôme neurologique central évocateur d’AVC (dysarthrie, aphasie, négligence, hypoesthésie, hémiplégie ou hémiparésie, paralysie faciale, vigilance altérée), de diagnostic scannographique pour l’AVC.
– Le syndrome coronarien aigu (SCA) : cardiopathie ischémique définie par l’ascension de la troponine et/ou une modification significative du tracé électrocardiographique.
– L’œdème Aigu Pulmonaire cardiogénique (OAP): Crépitants/sibilants, et/ou expectoration mousseuses chez un patient hypoxique apyrétique, consécutif à un pic hypertensif ou une surcharge hydrosodée.
5. L’insuffisance rénale aigüe selon les critères KDIGO de la SFAR.
6. Décès intra-hospitalier, quelque-soit son origine.
e. Critères de jugement secondaires
– Performance du score ABCDEF à prédire les complications postopératoires et donc de pouvoir dépister la présence d’une fragilité préopératoire
– Durée de séjour intra-hospitalier
– Mortalité à 6 mois

Données préopératoires

ABCDEF est un outil simple, rapide, réalisable par tous, et facilement reproductible, permettant de repérer 6 caractéristiques péjoratives en terme de santé.
– A : Autonomie : IADL 4 items
– B : Etat nutritionnel : BMI < 18,5 kg/m² ou amaigrissement ≥ 10 % en 1 an
– C : Comorbidités : insuffisance cardiaque (symptômes au repos ou à l’effort, échographie
de référence), insuffisance respiratoire chronique (hypoxémie chronique sous oxygénothérapie à domicile), insuffisance rénale chronique (clairance de la créatinine ≤ 30 ml/min), diabète, dépression-anxiété, ≥ 2 hospitalisations non programmées en ≤ 6 mois
– D : Polymédicamentation (Drugs) : ≥ 10 médicaments par jour
– E : Equilibre postural : chute < 6 mois, vitesse de marche < 0,6 m/s, antécédent de fracture ostéoporotique (poignet, rachis, col fémoral)
– F : Fonctions cognitives : troubles cognitifs patents, mini-cog comportant un rappel des 3 mots et un test de l’horloge (test anormal si < 3/5)
L’évaluation du périmètre/vitesse de marche représentant un biais au calcul de l’item E (étant donné l’impotence fonctionnelle préopératoire), nous ne l’avons pas inclus dans le calcul de notre score.

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Table des matières

LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION 
I. Démographie
II. Le patient âgé
a. Le vieillissement physiologique
b. Age physiologique/âge chronologique
III. La fragilité
a. Le syndrome de fragilité
b. Les différents outils d’évaluation de la fragilité
c. Le score ABCDE
IV. L’environnement péri-opératoire du patient âgé
a. Les complications postopératoires
b. Le lien entre fragilité et complications postopératoires
V. Objectif de l’étude
MATERIEL ET METHODES 
I. Déroulement de l’étude
a. Critères d’inclusion
b. Critères d’exclusion
c. Recueil des données
d. Critère de jugement principal
e. Critères de jugement secondaires
II. Paramètres recueillis
a. Données préopératoires
b. Données peropératoires
c. Données postopératoires
III. Analyse statistique
RESULTATS 
DISCUSSION 
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHI

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