Le noyau est un organite présent dans les cellules eucaryotes et contenant la plupart du matériel génétique de la cellule. Il a deux fonctions principales : contrôler les réactions chimiques du cytoplasme et stocker les informations nécessaires à la division cellulaire. Il a un diamètre variant de 10 à 20 micromètres ce qui fait de lui le plus grand des organites. Le noyau des cellules eucaryotes est entouré par une enveloppe qui sépare l’intérieur du noyau du cytoplasme (figure 1). Cette enveloppe est composée (1) des membranes nucléaires interne et externe qui fusionnent à intervalle régulier, formant les pores nucléaires, (2) des complexes protéiques des pores nucléaires et (3) de la lamina nucléaire. Elle permet d’isoler les réactions chimiques se déroulant dans le cytoplasme de celles se déroulant à l’intérieur du noyau. Elle est initialement devenue un sujet d’étude important à cause du rôle des pores nucléaires dans le transport entre le cytoplasme et le noyau : les composants des complexes des pores nucléaires ont été identifiés, les détails mécanistiques du transport cytoplasme/noyau ont été élucidés.
Plus récemment, il a été découvert que des mutations dans plusieurs protéines de l’enveloppe nucléaire sont responsables de graves maladies héréditaires (Somech et al., 2005). L’analyse de l’effet de ces mutations a permis de préciser le rôle de l’enveloppe nucléaire dans la structuration du noyau, et de proposer des rôles nouveaux pour les protéines de l’enveloppe dans l’organisation de la chromatine et la régulation de l’expression des gènes (Bengtsson and Wilson, 2004; Gruenbaum et al., 2005; Worman, 2006). Les tissus affectés par les mutations pathologiques étant très variés selon la mutation incriminée, et certaines protéines de l’enveloppe nucléaire étant spécifiques des tissus en voie de différentiation, il a été suggéré que la lamina nucléaire jouait le rôle de plate-forme pour le recrutement de facteurs nécessaires à la différentiation des cellules, en particulier dans les muscles et les tissus adipeux (Gotzmann and Foisner, 2006). Enfin, la découverte que certaines maladies caractérisées par un vieillissement extrêmement prématuré étaient provoquées par une mutation dans le gène de l’un des composants principaux de la lamina a provoqué une réflexion sur les rôles respectifs de l’enveloppe nucléaire et de la machinerie de réparation des dommages de l’ADN dans les phénomènes de vieillissement (Lans and Hoeijmakers, 2006). En particulier, Scaffidi et Misteli ont observé que les mécanismes moléculaires à l’origine de la progéria de Hutchinson Gilford, une pathologie sévère du vieillissement, ont lieu bien qu’à un plus faible niveau dans les cellules âgées saines (Scaffidi and Misteli, 2006). Le fait que le vieillissement chez un patient atteint de la progéria et chez un sujet âgé et sain partagent une base cellulaire et moléculaire commune suggère que la lamine A participe au processus de vieillissement normal.
L’enveloppe nucléaire, structure et fonctions
L’enveloppe nucléaire est composée des membranes nucléaires, des complexes des pores nucléaires et de la lamina nucléaire (figure 2). Les membranes nucléaires sont divisées en trois domaines morphologiquement distincts mais interconnectés : externe, interne et pore. Les membranes des pores connectent les membranes externe et interne en de nombreux points. Elles contiennent des protéines intégrées uniques, telles que gp210 et POM121 dans les mammifères et POM152 dans les levures, lesquelles appartiennent aux complexes des pores nucléaires. Ceux-ci sont constitués d’environ une cinquantaine de protéines de types différents appelées nucléoporines (Cronshaw et al., 2002; Rout et al., 2000). La structure des complexes des pores nucléaires, leurs compositions protéiques ainsi que leurs rôles dans le transport nucléo-cytoplasmique ont été le sujet de plusieurs revues récentes (Bednenko et al., 2003; Cronshaw and Matunis, 2003; Fahrenkrog and Aebi, 2003; Rabut et al., 2004; Suntharalingam and Wente, 2003).
La membrane nucléaire externe est essentielle au positionnement du noyau
La membrane nucléaire externe contient des ribosomes sur sa surface cytoplasmique. Elle a longtemps été admise comme identique, en composition protéique, à la membrane du réticulum endoplasmique rugueux, avec lequel elle est en continuité. Cependant, des données récentes suggèrent que la membrane nucléaire externe contient l’intégralité des protéines impliquées dans le positionnement nucléaire qui ne sont pas présentes au niveau du réticulum endoplasmique (Starr and Han, 2003). Parmi ces protéines, nous trouvons les produits de deux gènes, nesprine 1 et nesprine 2 (aussi appelées syne-1 et syne-2 ou encore Nuance ou Myne1 ou ENAPTIN ou ANC-1), qui codent pour des polypeptides contenant des répétitions de séquences de type spectrine (Young and Kothary, 2005; Zhang et al., 2001). Ces répétitions ont tout d’abord été identifiées au sein de grandes protéines, les mieux caractérisées étant des protéines cytoplasmiques comme la dystrophine et l’-actinine. La structure générale de ces protéines est : un domaine central contenant les répétitions impliquées dans l’auto-association de la protéine, une région Nterminale liant l’actine composée de deux domaines homologues à la calponine et une région C-terminale contenant un domaine fonctionnel distinct. Les régions C-terminales interviennent dans des activités telles que l’association aux membranes, la liaison aux filaments intermédiaires et aux microtubules. Dans le cas des nesprines, une initiation alternative de la transcription ainsi qu’un épissage alternatif de l’ARN génèrent de multiples isoformes avec des poids moléculaires qui s’étendent approximativement de 50 kDa (Nesprine-2) à 800 kDa (Nuance). Certaines isoformes de nesprines n’ont pas de région Cterminale. D’autres isoformes ont comme région C-terminale un domaine KASH (pour Klarsicht, Anc-1, Syne-1 Homology ou « Klarsicht-like domain», figure 3), constitué d’un passage transmembranaire suivi d’un segment de 35 résidus riche en proline.
Les nesprines peuvent diffuser latéralement dans la membrane du réticulum endoplasmique, mais alors que les petites isoformes sont capables d’atteindre la membrane nucléaire interne, les grandes isoformes sont exclues de cette membrane, probablement à cause de la taille restreinte des canaux des complexes des pores nucléaires (Soullam and Worman, 1995).
Les grandes isoformes de nesprine interagissent par leur domaine N-terminal avec le cytosquelette d’actine (figure 4) (Zhang et al., 2002). De plus, elles s’attachent par leur domaine C-terminal KASH aux domaines périnucléaires SUN des protéines de la membrane nucléaire interne telles que UNC84 (Lee et al., 2002b; Malone et al., 1999) et Matefin chez Caenorhabditis elegans et SUN1 et SUN2 (Hodzic et al., 2004) chez les mammifères. Un exemple en est la protéine ANC-1 de C. elegans contenant une répétition de séquences de type spectrine et un domaine périnucléaire qui interagit directement ou indirectement avec le domaine périnucléaire SUN de UNC84 (Starr and Han, 2002). Les plus petites isoformes s’associent dans le noyau avec l’émerine et les lamines A/C (Zhang et al., 2005). Enfin, certaines isoformes s’ancrent, de part leur segment transmembranaire, à la membrane d’organites autre que le noyau, comme le réticulum endoplasmique ou la mitochondrie (Starr and Han, 2002). D’autres protéines localisées à la membrane nucléaire externe contiennent un domaine KASH (Starr and Fischer, 2005). Ces domaines KASH s’associent aux domaines SUN des protéines de la membrane nucléaire interne et ancrent ainsi les protéines qui les possèdent à la membrane nucléaire externe .
Les protéines à domaine KASH ont tout d’abord été identifiées chez Drosophila et C. elegans. En effet, des mutations au sein de ces protéines provoquaient un positionnement anormal du noyau. Plus récemment, les protéines à domaine KASH ont été montrées impliquées dans l’attachement du centrosome au noyau, la migration nucléaire et l’amarrage du noyau au cytosquelette d’actine. Comme pour la membrane nucléaire externe, l’espace périnucléaire entre les membranes nucléaires externe et interne a longtemps été considéré identique à la lumière du réticulum endoplasmique. On pourrait cependant imaginer que la composition de l’espace périnucléaire diffère du lumen de la plus grande partie du réticulum endoplasmique. Puisque des parties des protéines localisées et intégrées aux membranes, interne et des pores, dans la région luminale pourraient lier des protéines ne résidant pas à la membrane. En effet, des données récentes démontrent que des mutations au sein de la torsine A, une protéine luminale du réticulum endoplasmique impliquée dans la dystonia DYT1, provoquent la concentration de la protéine dans l’espace périnucléaire par liaison au domaine luminal de LAP1 (lamina associated polypeptide 1) (Goodchild and Dauer, 2005). Désormais, la membrane nucléaire externe et l’espace périnucléaire apparaissent comme des sous-domaines différentiés de la membrane du réticulum endoplasmique rugueux et du lumen.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : L’ENVELOPPE NUCLEAIRE, STRUCTURE ET FONCTIONS
I. LA MEMBRANE NUCLEAIRE EXTERNE EST ESSENTIELLE AU POSITIONNEMENT DU NOYAU
II. LES PORES NUCLEAIRES ET LE TRANSPORT NUCLEO-CYTOPLASMIQUE
1. Structures des pores
2. Transport nucléo-cytoplasmique
3. Interactions des pores nucléaires avec la lamina
III. LES PROTEINES DE LA MEMBRANE NUCLEAIRE INTERNE
1. Le LBR
2. Les LAPs
3. L’émerine
4. MAN1
IV. LA LAMINA NUCLEAIRE
1. Les gènes des lamines
2. Le rôle des lamines
A. Les lamines déterminent la taille et la forme du noyau
a – La forme du noyau
b – La taille du noyau
c – Résistance à la déformation
B. Association des lamines avec l’ADN et la chromatine
C. La dynamique des lamines pendant le cycle cellulaire
a – Dynamique en interphase
b – Dynamique pendant la mitose
3. La structure
A. Structure primaire
B. La polymérisation des lamines
C. Structure tridimensionnelle
4. Les modifications post-traductionnelles des lamines
5. Les laminopathies
A. Les myopathies
B. Les lipodystrophies
C. Neuropathie périphérique
D. Les syndromes de vieillissement prématuré
a – Les progérias
b – La dysplasie acromandibulaire
c – Dermopathie restrictive
E. Les mécanismes des laminopathies
V. ENVELOPPE NUCLEAIRE ET REGULATION DE LA TRANSCRIPTION
1. Les lamines, régulatrices de la transcription
A. Lamine, LAP2 et Rb
B. Les lamines de type A et SREBP1
2. LAP2 sert d’intermédiaire à la répression des gènes
3. L’émerine interagit avec des régulateurs de la transcription
4. MAN1, les lamines et les R-Smads : rôle de l’enveloppe nucléaire dans la transduction du signal
A. Rappels sur les protéines R-Smads
B. Lamines et Smads
C. MAN1 dans la transduction du signal
CHAPITRE 2 : ANALYSE DE LA REGION C-TERMINALE NUCLEOPLASMIQUE DE MAN1 HUMAINE
I. INTRODUCTION
II. CARACTERISATION STRUCTURALE DE LA REGION C-TERMINALE DE MAN1
1. Résultats préliminaires non publiés
A. Le premier domaine est replié d’après le Dichroisme Circulaire
B. L’ensemble de la région C-terminale contient un seul domaine structuré
2. Articles publiés
A. The carboxyl-terminal nucleoplasmic region of MAN1 exhibits a DNA binding winged helix domain
B. Lettre to the Editor: 1H, 13C and 15N resonance assignments of the region 655- 775 of human MAN1
3. Résultats complémentaires non publiés
A. La conservation en séquence de la région C-terminale de MAN1
B. Modélisation du domaine UHM
C. Essais de cristallogenèse
D. Modélisation du complexe MAN1/R-Smads
E. Essais de production et de purification du domaine MH2 de Smad3
CHAPITRE 3 : CARACTERISATION DES INTERACTIONS DE LA LAMINE A/C ET SES PARTENAIRES
I. INTRODUCTION
II. INTERACTION DE LA PARTIE « QUEUE » DES LAMINES A/C AVEC SES PARTENAIRES
1. Analyse de séquence du domaine de type immunoglobuline
2. Caractérisation structurale en solution de la partie « queue »
3. Analyse de l’interaction entre la lamine de type A et l’émerine
A. Mise au point des conditions d’expression de l’émerine 1-187
a – Les constructions issues de la plate-forme
b – La construction TEV#1
B. Caractérisation structurale de l’émerine : étude par RMN
C. Interaction émerine-lamine par pulldown
4. Analyse de l’interaction entre la lamine de type A et SREBP1
A. Interaction in vitro par pulldown
B. Cartographie de l’interaction lamine/SREBP1
III. CARACTERISATION D’UN MUTANT DES LAMINES DE TYPE A : R439C
1. Article: The FPLD-associated R439C LMNA mutation causes lamin oligomerisation that interferes with DNA binding (submitted to Human Mutation)
2. En cours : à la recherche des ponts disulfures de la lamine in vivo
CHAPITRE 4 : CONCLUSIONS