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Les besoins d’information RH inhérents à la relation hiérarchique contractuelle
La fonction RH a des besoins de production d’information inhérents à la nature de la firme comme coordinateur des actions des salariés. Pour coordonner, la firme a besoin de plus ou moins d’information selon les mécanismes de coordination mis en œuvre, comme le montre la synthèse de Brousseau et Rallet (1997) sur « Le rôle des technologies de l’information et de la communication dans le changement organisationnel. » Ces auteurs ont dressé un cadre théorique général d’analyse des organisations que ousn appliquons ici à la firme et à sa fonction RH. Selon ces auteurs, la firme recourt à deux type s de mécanismes de coordination : d’une part, l’architecture organisationnelle, qui procède de deux principes de coordination, la hiérarchisation et l’interdépendance ; d’autre part, les principes de comportement individuel, qui servent deux objectifs : la compatibilité des actions et le respect des engagements. Les principes de comportement sont définis « comme des dispositif de coordination rendus nécessaires par la rationalité limitée des agents, l’existence d’asymétries d’information, les situations d’incertitude et les problèmes qu’entraînent dans ce contexte lescomportements opportunistes des agents. » (Brousseau et Rallet 1997, p.9) Les mécanismes assurant la compatibilité des actions sont les routines et le principe d’autorité. Le respect des engagements est assuré par les mécanismes d’incitation et de représailles.
Dans le cadre de cette partie de la thèse, consacrée au déploiement des TI dans la fonction RH, nous nous concentrerons sur la production d’information associée au fonctionnement des principes de comportement. En effet, les choix en matière d’architecture organisationnelle (partage vertical de l’autorité et spécialisation ou intégration horizontale des tâches) se jouent à l’échelle de la firme et non de la seule fonction RH. De plus, selon Brousseau et Rallet (1997) « le rôle joué par les [TI] dans l’adoption de nouvelles architectures [apparaît] marginal, le choix des architectures étant plutôt dicté par […] la nécessité de s’adapter aux conditions du marché. »
De plus, nous nous limiterons à l’examen des problè mes d’information liés au principe d’autorité et aux mécanismes d’incitation, en raison des caractéristiques du contrat de travail. En effet, le contrat de travail est incomplet, puisqu’il ne contient que l’information explicitement partagée par le salarié et la firme au moment de leur interaction sur le marché du travail, alors qu’il couvre une période beaucoup plus longue que le temps de cette transaction.
L’incomplétude du contrat résulte aussi de la limitation de la rationalité des agents : le salarié et la firme ne peuvent prévoir, et encore moins spécifer explicitement, toutes les circonstances dans lesquelles vont se dérouler leurs interactionssur la durée du contrat, ni les actions à mener dans chacune de ces circonstances. Or, les routines, concept introduit par les fondateurs de l’économie évolutionniste pour expliquer la stabilité des modes d’action des agents économiques (Nelson et Winter 1982), définissent à l’avance l’ensemble des comportements possibles suivant les différents états du monde envisagés. Donc, dans le cadre du contrat de travail entre la firme et le salarié, la compatibilité des actions des salariés est prioritairement assurée par le principe d’autorité. Les contrats définissent en termes généraux le contexte des interactions entre la firme et les salariés, et laissent l’autorité et la liberté à la firme de décider au fur et à mesure de l’allocation effective des re ssources humaines. Concernant le respect des engagements, les mécanismes de représailles, bien u’ilsq existent dans le contrat de travail, jouent un rôle secondaire par rapport aux mécanismes d’incitation, qui sont d’ailleurs présentés par la littérature économique comme le principal moyen de protection de la firme contre le risque d’aléa moral du salarié.
Ainsi, nous allons voir pourquoi et comment la fonction RH traite de l’information selon les besoins du fonctionnement du principe d’autorité (sous section 1.1) et des mécanismes d’incitation (sous-section 1.2).
Le traitement d’information permet le fonctionnement du principe d’autorité dans les décisions de GRH
Comme l’organisation ne peut en permanence optimiser ses décisions et ses structures, elle met en œuvre une rationalité procédurale identifiée par Simon (1978). L’une des manifestations de cette rationalité est l’utilisation des 5 mécanismes de coordination identifiés par Mintzberg (1982) : la supervision directe, l’ajustement mutuel, la standardisation des résultats, la standardisation des procédures et lastandardisation des qualifications.
L’ajustement mutuel n’implique que les personnes concernées (collègues ou supérieurs hiérarchiques, et subordonnés), et ne laisse pas deplace à l’intervention de la fonction RH3. L’essentiel de l’information échangée pour l’ajustement mutuel échappe à la fonction RH, d’autant qu’il s’agit le plus souvent d’informationorale. À titre de fonction de production d’information, la fonction RH peut connaître une standardisation de ses procédés et de ses résultats, souvent d’ailleurs en rapport avec son nformatisation4. Cependant, ces deux mécanismes de coordination concernent en priorité’activitél principale de la firme et les acteurs de l’élaboration de ses produits. En revanche, la supervision directe est à la source des informations traitées dans les processus de contrôle de la relation salariale, — l a fonction RH recueille une partie des informations issues de la supervision directe pour le calcul des rémunérations — et, surtout nécessite beaucoup d’information, de sorte que le superviseur demande en général à la fonction RH de la lui fournir. Autrement dit, la fonction RH joue le rôle d’auxiliaire spécialisé dans le stockage et le traitement de l’information associée aux interactions entre les salariés supervisés et leurs superviseurs dépositaires de l’autorité dela firme sur leur domaine de responsabilité. En effet, « généralement [préférée aux routines] entuationsi d’incertitude forte car elle permet une plus grande flexibilité, la solution de l’autorité implique une manipulation intensive d’informations. L’instance qui est en charge de la décision doit en un temps court collecter, sélectionner et traiter un grand nombre d’informations puis transmettre rapidement la décision aux unités opérationnelles. » (Brousseau et Rallet1997, p.11).
Parmi les modes de coordination identifiés par Mintzberg, la coordination par standardisation des qualifications est une des raisons d’être naturelles de la fonction RH en tant que fonction de traitement d’information. Selon Mayère (1990) p. 89 l’entreprise recourt à la standardisation des qualifications « pour le cas où ni le procédé ni les résultats ne peuvent être standardisés, dans la mesure où l’activité doit être adaptée spécifiquement à des objets chaque fois distincts […]. La qualification permet la coor dination à partir d’un savoir commun […] » L’utilisation, l’entretien et l’amélioration de ce mécanisme ressortent directement des activités de la fonction RH. Cette activité suppose la formalisation d’une description des compétences des salariés. Cette description sert pour les décisions d’allocation des ressources humaines dans l’organisation de la firme. Plus généralement, la estiong des compétences devient de plus en plus nécessaire dans le cadre d’une organisation du travail par projets dans laquelle elle représente la meilleure chance de succès, la prescription des modes opératoires étant impossible.
Selon Mayère (1990), en considérant la prise de décision comme un processus, les développements réalisés par Simon (1978) sur le traitement de l’information dans les organisations mettent en évidence l’importance du raitement de l’information dans la prise de décision au regard du présupposé de l’instantanéitéfrquemment utilisé. Autrement dit, décider implique de prendre le temps de s’informer. Or, pour la firme, la relation salariale est faite en bonne part d’un nombre limité de types de décisionsd’allocation (embaucher, (ré)affecter à un emploi, licencier), de décisions incitatives (fixer les règles de rémunération, de promotion, accorder une augmentation), de décisions d’investissement en capital humain (formation). Une décision peut procéder de ces trois types à la fois. Promouvoir un salarié consiste à la fois :
à le réaffecter à un niveau hiérarchique supérieur,
à lui donner une incitation financière plus forte puisqu’en général un plus haut niveau de responsabilité s’accompagne d’un salaire supérieur,
et à le former, puisqu’il lui faudra développer (ne serait-ce qu’en apprenant sur le tas) certaines compétences comme la direction d’équipe uo la défense d’un budget.
Pour chaque type de décision de GRH, la firme traite de l’information : curriculi vitae sélectionnés et comptes-rendus d’entretiens d’embauche pour un recrutement, comptes-rendus d’entretiens d’évaluation pour une promotion ou une mutation, bilans de compétence pour une formation.
Dans le cas d’une décision d’allocation de la maind’œuvre,- l’approche stratégique de la GRH considère la firme en situation d’asymétrie d’information par rapport au salarié, et notamment en ce qui concerne ses aptitudes. À cet é gard, le risque majeur encouru par l’entreprise est dit de sélection adverse : le schéma d’incitation et de protection que la firme offre aux candidats risque d’attirer les moins performants ou les moins fidèles. La solution proposée par la théorie des contrats consiste à proposer un menu de contrats adaptés. Pour autant, l’entreprise cherche en premier lieu à optimiser ses décisions d’embauche ou de mutation de salariés en traitant de l’information. C’est tou l’enjeu de l’appariement (matching) entre emploi et salarié, phénomène micro-économique de laconfrontation entre offre et demande de travail6. L’optimisation de l’appariement entre main d’œuvr e et outil de production nécessite une aussi bonne connaissance de la main d’œuvre que possible pour la firme afin de réduire les risques d’inadéquation (mismatching) et de sélection adverse attachés à une telle allocation. L’acquisition de cette connaissance passe par le traitement d’information. D’un côté, l’entreprise doit décrire le poste à pourvoir en termes de tâches si possible, mais plus généralement (de plus en plus avec le déclin des emplois non qualifiés) en termes de compétences requises. De l’autre côté, elle doit trouver un salarié (ou un candidat) dont le profil, la description des compétences, correspondaux nécessités de ce poste. Lorsque la source de l’information sur le salarié est interne à l’entreprise, le traitement d’information entre dans le cadre de la théorie des marchés internes du travail. Puisque nous avons insisté sur la coordination par l’autorité, qui est associée à une organisation hiérarchique, nous pouvons considérer, suivant Doeringer et Piore (1971), que dans la firme conçue comme hiérarchie, il n’existe pas de signal unique qui jouerait, comme le salaire d’embauche sur le marché du travail, le double rôle informatif et incitatif du prix. La rémunération et l’affectation du travail sont régies dans l’organisation par un ensemble de règles et de procédures administratives. Le rôle de la fonction RH consiste en particulier à in staurer et formaliser ces règles et procédures, à en contrôler l’exécution, à les faire évoluer en fonction des besoins de l’entreprise7 et à en assurer la mise en œuvre quotidienne. Dans le cas d ‘une embauche, le traitement d’information RH peut notamment s’interpréter par les modèles designaux sur le marché du travail, dont le plus connu est celui de Spence (1973) qui explique le rôle des diplômes sur le marché du travail (cf. Stankiewicz (1999) pp. 85-89, Baron & Kreps (1999) pp. 347-350).
Nous venons donc de voir que la fonction RH doit traiter de l’information pour permettre l’exercice du principe d’autorité. Nous allons voir maintenant un autre aspect de la GRH qui implique le traitement d’information : le contrôle de l’exécution du contrat de travail.
Le traitement d’information participe au fonctionnement des mécanismes incitatifs du contrat de travail
En matière de contrat de travail, même si les firmes ont des recours en cas de manquement de la part des salariés (il existe dans une certaine mesure des mécanismes de représailles), elles préfèrent se préserverex-ante contre le risque d’aléa moral du salarié en recourant à des mécanismes d’incitation. Or, « les mécanismes d’incitation impliquent une manipulation intensive d’informations en raison de la nécessité d’évaluer les conséquences des comportements observés par un système de supervision. » (Brousseau et Rallet 1997 p. 11) Cette supervision consiste à contrôler l’exécution du contrat de travail par le salarié (tout en lui garantissant le respect des droits associés à cette exécution).
Pour comprendre le rôle de l’information RH dans le cadre du processus de contrôle de l’exécution du contrat de travail, nous reprendrons l’approche proposée par Mintzberg (1982) de l’organisation comme système de flux régulésqui met en évidence différents rôles de l’information et différents modes de traitement. Cette approche sert notre analyse à deux niveaux.
Au premier niveau, Mintzberg distingue d’un côté le flux du travail opérationnel (ou flux de production) qui fait intervenir des mouvements de matériels et d’information dans une variété de combinaisons pour la mise en forme des roduitsp de la firme et, de l’autre côté, le système d’information fonctionnel qui concerne le flux d’informations circulant entre d’information traitée par les fonctionnels qui sert d’intrant au traitement de l’information des opérationnels. La fonction RH apparaît donc comme un fournisseur d’information interne11.
Au deuxième niveau, Mintzberg introduit les flux régulés de contrôlequi circulent dans deux sens. D’un côté, le flux des informations portant sur l’exécution du travail circule du centre opérationnel au sommet hiérarchique en faisant l’objet de traitements par synthèse progressive. De l’autre côté, le flux des ordres et instructions, selon un cheminement inverse, fait l’objet d’une transformation progressive de programmes en instructions détaillées. En fait, une part de ces flux procède de la gestion des ressources humaines. Dans le sens ascendant, il s’agit du contrôle par la firme de la bonne réalisation par le salarié de sa part du contrat de travail : contrôle de la présence, du temps de travail, des motifs d’absence, des niveaux de performance en cas de rémunération sur objectifs, qui aboutissent à la réalisation de la transaction travail contre salaire. Dans le sens descendant, les schéma incitatifs mis en œuvre par la firme en matière de rémunération et de promotion participentà la déclinaison des objectifs fixés par les dirigeants12.
Si l’entreprise consacre des ressources à contrôler ses salariés, c’est parce que la transaction d’échange de travail contre salaire l’expose à de l’opportunisme de leur part du simple fait que c’est une transaction étalée dans el temps13. Comme l’explique Mayère (1990) en reprenant un point de vue de Karl Marx, la valeur d’usage du travail existe comme potentiel au moment de l’échange, mais elle ne sera effective et spécifiée dans sa nature que lors de l’utilisation qui en sera faite par l’acquéreur : les contrats de travail sont incomplets. L’entreprise qui embauche un salarié prend un certain risque, puisque lorsqu’elle acquiert le droit de disposer de la force de travail de cet individu, il n’est pas totalement établi que l’usage qu’elle en fera correspondra à ce qu’elle prévoit. Dès lors, elle doit récolter des indices du potentiel d’adaptabilité du salarié aux évolutionspossibles de son emploi. Le système d’incitation en place au moment du recrutement pour pourvoir l’emploi considéré va évoluer avec cet emploi, et ne peut donc servir à garantir l’adéquation avec le futur emploi du salarié qu’il a servi à sélectionner.
Cette vision est reprise est mise en œuvre dans de nombreuses opérations de réorganisation de la fonction RH, généralement appuyées sur des technologies de l’information, comme la mise en place de centres de services partagés RH. Voir Merck et aliae (2002).
Cette déclinaison dans la politique et l’organisation de la GRH de la stratégie définie par la direction générale de l’entreprise constitue l’essentiel de la mission du DRH stratège tel que défini par la littérature de estiong.
D’abord, elle est conclue par la signature d’un co ntrat de travail ; ensuite, la force de travail, qui fait l’objet de l’échange, est mise effectivement à disposition de l’acquéreur, et, enfin, l’employeur peut évaluer laconformité du travail du salarié avec les engagements pris, notamment en termes de temps de mise à disposition de sa force de travail (présence / absence, respect des horaires)mais aussi de qualité du travail. La qualité de laforce de travail elle-même renvoie aux compétences donc au capital humaindu salarié. C’est une question différente : un salarié peut produire, à capital humain donné, plus ou moins d’effort (concentration, intensité, etc.)
Une fois le contrat de travail signé et le candidat devenu salarié de l’entreprise, l’employeur doit se prémunir contre l’aléa moral dusalarié (qualifié de flânerie par Taylor 1911), c’est-à-dire ses possibilités d’opportunisme lors d’actions qui sont cachées à l’employeur, sur lesquelles celui-ci n’exerce pas d e supervision directe (Cf. Green, Mas-Colell et Whinston (1995)). L’employeur a longtemps disposé de la mesure de la quantité de produit, les salariés étant payés à la tâche . Puis, la parcellisation du travail a empêché de onnerd un sens individuel à l’expression « quantité produite » puisque le travail était prévu comme répétition d’un geste. L’employeur a donc contrôléétroitement le temps de travail , considéré comme bijectif avec la quantité de travail fournie par le salarié du fait de la définition extrêmement précise de la tâche à accomplir (notamment dans le fordisme16) et de la détermination de sa cadence par le rythme programmédes machines. Coriat (1979) pp. 93-99 montre que la création d’un lien direct entre temps de travail et rémunération avec l’instauration du Five Dollar Day17 par Ford en 1914 apparaît comme une forme d’incitat ion particulièrement efficace : chute du turn-over de plus de 28% à 0,5% , et, malgré la réduction de la journée de travail de 9 à 8 heures, une réduction de 17% du coût de production par voiture grâce à l’intensification du travail.
Ce principe de rémunération au temps, et les modalités de contrôle associées (chronométrage, pointage puis badgeage ) ont longtemps concerné surtout les emplois industriels de fabrication à la base de la hiérarchie, le lien entre temps de travail et production étant moins étroit dans les emplois d’encadrement te de bureau. Depuis les années 1990, les emplois tertiaires sont de plus en plus concernés. Les nouvelles réductions dans la durée légale du travail (lois Aubry) ont incité les entreprises de services (banques, assurances) à resserrer le contrôle du temps de travail de leurs salariés. Parallèlement, la convergence des technologies informatiques et de télécommunication a permis de réerc des emplois de services sur postes de travail taylorisables, c’est-à-dire à productivité directement quantifiable, et en particulier chronométrable (centres d’appels) (Veltz 2001). La mesure objective du temps de travail, longtemps perçue comme une contrainte (« flicage ») , est devenue, aux dires de fournisseurs d’équipements de gestion des temps19, une source de garantie pour les salariés. En particulier pour les heures supplémentaires ou décalées (nuits,etc.), cette mesure automatisée garantie l’application de la réglementation du temps de travail sur les maxima de durée de travail.
Avec la sophistication des emplois, le contrôle n’a pas disparu, mais il suit des procédures plus complexes (entretien individuel annuel de performance) qui décalent dans le temps la décision de rémunération (versement ou nond’une prime selon que l’objectif est atteint ou non).
L’importance des flux d’information RH croît bien e ntendu avec la taille de l’entreprise en termes d’effectif salarié. Non seulement le nombre de contrats dont l’exécution doit être suivie augmente, mais aussi la diversité des types de contrats, puisque l’accroissement des effectifs est souvent associé à un développement des structures des fonctions supports (dont la fonction RH), mais également lié à l’apparition de nouveaux métiers (par spécialisation ou innovation dans l’activité productive de la firme). L’augmentation de la taille de la firme la soumet en outre à une contrainte réglementaire plus grande, comme nous le verrons à la sous-sous-section 2.3.1.2 Chapitre 4.
Cette analyse de la place de l’information RH dans l’entreprise nous permet de justifier notre vision de la fonction RH comme fonction de traitement d’information dans le cadre des processus de contrôle et de décision concernant les ressources humaines. Ces besoins naturels d’information RH de la firme sont modifiés ou étendus par les exigences des institutions du salariat, dont nous allons voir à présent les manifestations concrètes.
Les besoins réglementaires d’information RH
La réglementation du travail est destinée à exercerun contrôle social du contrat de travail « à rebours » du contrôle associé au princi pe de coordination par le principe d’autorité. En effet, comme le rappellent souvent les juristes20, l’objectif premier du droit du travail est de protéger le salarié contre d’éventuels abus d’autorité de la firme. La réglementation du travail exerce cette protection en particulier en intervenant sur les flux d’information associés aux interactions entre la firme et ses salariés. La réglementation du travail détermine à la fois la technologie de traitement de l’information RH et une part de son produit :
— Certains processus de traitement d’information existent par obligation de communication d’information à des institutions exte rnes (bulletins de paye, déclarations sociales, déclarations fiscales liées à la paye etaux dépenses de formation, bilan social) ou par obligation d’actes de gestion (Droit Individuel à la Formation).
— Certaines contraintes à respecter dans l’utilisatio n de la force de travail des salariés se traduisent dans des règles de traitement de l’information : calcul de la paye, des droits à congé ou à formation.
— Des normes ou standards régissent la forme et/ou le contenu de l’information à produire (informations obligatoires ou prohibées).
Les spécificités temporelles de la production de lapaye sont ainsi mises en valeur par le Bulletin Interne de Liaison de l’ANDCP (1949) : « Ces problèmes de la paie ont sur les autres problèmes de l’activité de l’entreprise cette particularité de se renouveler, de semaine en semaine21 et de mois en mois. Ils sont de ceux qui ne peuvent pas être ajournés ; la paie doit être faite à date fixe. » Un autre facteur explique l’importance du respect des règles en priorité sur les préoccupations d’efficience au sein de la fonction RH, et plus particulièrement dans le domaine de la paye : la nature du risque associé aux erreurs ou retards dans le traitement de l’information. En contrepartie de leur subordination à l’employeur, les salariés bénéficient d’une très forte protection de leur rémunération : retards et erreurs sont sanctionnés par la loi (cf. Vander-Ham 2005) ou par la grève, causant dans les deux cas, un surcoût irrécupérable et improductif pour la firme.
La réglementation du travail détermine en partie comment la fonction RH traite l’information
La réglementation du travail impose des contraintesde type technique à la fonction RH en tant que fonction de traitement d’information RH . Le domaine sous-fonctionnel le plus caractéristique de ce phénomène est celui de la paye, assez logiquement si l’on considère l’ancienneté du corpus réglementaire qui le régit.
Outre que l’obligation de verser un salaire est inscrite dans les textes juridiques fondamentaux22, les modalités de calcul et de publication du salaire sont entièrement réglementées, surtout depuis les années 1930 avec’apparitionl puis le développement et la complication croissante de la part sociale du salaire23 (Voir Annexe 2). Lors d’une journée d’étude sur « Le problème de la paie » organisée par le CNOF24 fin 1948, le discours d’ouverture affirmait que « [les] problèmes [de la paie] étaient extrêmement simples au temps où les économistes considéraient que le travail estune marchandise, que le salaire est le prix de cette marchandise et où il suffisait d’appointer quelqu’un à taux fixe. » Selon cet article, la complication des problèmes de la paye résulte de laréglementation du travail. Il est vrai que cette réglementation éloigne le salaire de sa seulefonction économique (prix du travail et incitation des salariés à la productivité) pour luiconférer une fonction sociale. Ainsi, avant la Seconde guerre mondiale, les assurances sur les accidents puis les assurances sociales ont introduit des traitements supplémentaires sur les données de paye, et, juste avant la guerre, les entreprises ont même été chargées de prélever l’impôt à la source 25.
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Table des matières
Introduction Générale
Partie I Le traitement de l’information RH dans les entreprises françaises
Chapitre 1 L’entreprise a besoin de traiter de l’information sur ses ressources humaines
Section 1 Les besoins d’information RH inhérents à la relation hiérarchique contractuelle
1.1 Le traitement d’information permet le fonctionnement du principe d’autorité dans les décisions
de GRH
1.2 Le traitement d’information participe au fonctionnement des mécanismes incitatifs du contrat de
travail
Section 2 Les besoins réglementaires d’information RH
2.1 La réglementation du travail détermine en partie comment la fonction RH traite l’information.26
2.2 La réglementation détermine certains produits informationnels de la fonction RH
Section 3 Le traitement de l’information RH assure l’interaction dynamique entre coordination
hiérarchique et coordination contractuelle
Conclusion
Chapitre 2 L’organisation de la fonction RH structurée par les besoins de traitement d’information RH
Section 1 Gestion des temps et des activités, gestion administrative du personnel et paye : le contrôle de l’exécution du contrat de travail
1.1 L’administration du personnel
1.2 La gestion des temps et des activités (GTA)
1.3 Les informations impliquées dans la production de la paye
Section 2 La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et les fonctions associées : de l’allocation de la main d’oeuvre à la gestion du « capital humain »
2.1 L’allocation des ressources humaines à capital humain constant à court terme
2.2 L’allocation des ressources humaines à capital humain constant à moyen terme
2.2.1 Le recrutement
2.2.2 La gestion de la mobilité interne / gestion des carrières
2.3 La gestion de la formation : un début de gestion du capital humain
2.4 La gestion des connaissances
Section 3 La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences rationalise l’interaction entre
Y. Papaix L’industrie des solutions RH en France recrutement, gestion de la mobilité et formation
Section 4 La création des règles de GRH : un circuit informationnel qui articule coordination hiérarchique et coordination contractuelle des salariés
Conclusion
Chapitre 3 Enjeux économiques du déploiement des TI dans la fonction RH
Section 1 La numérisation de l’information dans la fonction RH
1.1 Deux types d’information numérisable
1.2 La numérisation de l’information RH
1.3 Les logiciels RH ou l’incorporation de la méthode de traitement de l’information RH
Section 2 TI et organisation de la fonction RH
2.1 Les objectifs du déploiement des TI dans la fonction RH
2.2 Une explication des coûts organisationnels de déploiement des TI
2.3 Une explication économique de la « résistance au changement » face au déploiement des TI dans la fonction RH
2.4 Modifications de la structure organisationnelle de la fonction RH pour rechercher l’efficacité de
l’activité de coordination grâce au déploiement des TI
Section 3 L’effet des TI sur les choix d’externalisation dans le domaine de la GRH
3.1 Évaluations des tendances et interrelations entre l’externalisation de la fonction RH et les TI
3.2 Les arguments économiques du débat sur les différentes formes d’externalisation concernant la
fonction RH
Conclusion
Chapitre 4 Définition et analyse économique des solutions RH
Section 1 Les solutions RH : des produits systèmes composés de progiciels et de services
1.1 Progiciels, services informatiques et solutions informatiques : définitions
1.1.1 Logiciels, progiciels et applications
1.1.2 Les services informatiques
1.1.3 Solutions
Section 2 Solutions RH et complémentarité
2.1 Problèmes de compatibilité et de standards entre couches du système informatique de gestion
2.2 Complémentarité et compatibilité au sein de la couche applicative
2.3 Nature de la complémentarité entre progiciels et différents types de services dans les solutions
RH
2.3.1 Rôle de la réglementation du travail dans la complémentarité entre logiciels et services dans les solutions RH
2.3.1.1 L’évolution de la réglementation génère des mises à jour des logiciels
2.3.1.2 Influence de la réglementation sur la segmentation de la demande de solutions RH
2.3.2 L’interprétation traditionnelle des relations entre biens TI et services informatiques : services en informatique vs services informatisés (Dréan 1996)
2.3.3 Une interprétation alternative : services de traitement d’information RH vs progiciels
Section 3 Les solutions RH d’externalisation : les technologies de réseau réduisent la distinction entre production de logiciels et services de traitement d’information
3.1 Formes d’externalisation de l’informatique de la fonction RH
3.2 Formes d’externalisation du traitement d’information RH
3.3 Le contenu de la maintenance, critère de distinction entre les différentes formes d’externalisation de la fonction RH informatisée
Conclusion
Partie II Histoire de l’industrie française des solutions RH
Chapitre 5 L’ère du service dominant 1951 – 1978
Section 1 1951 à 1969 : l’ère des grands utilisateurs pionniers et de l’éviction de la mécanographie
1.1 La continuité avec la mécanographie
1.2 Les modèles à économies d’échelle : expérimentations des grands groupes et informatisation du service bureau mécanographique
1.3 Les premières sociétés de services informatiques (SCI) et le modèle de délégation de personnel
Section 2 1969-1978 Naissance des produits historiques et positionnement des premiers fournisseurs
2.1 Naissance de GSI et lancement de CGI dans les solutions RH : entrée en scène des principaux protagonistes français de l’alternative « Service vs Progiciel »
2.2 L’industrie de la paye informatisée en service bureau en France en 1977
Conclusion
Chapitre 6 L’essor du progiciel et la régression du service de traitement d’information RH 1978 – 1995
Section 1 1978-1992 le choc de la micro-informatique, l’explosion des progiciels RH et la formation
de l’industrie des solutions RH
1.1 Analyse économique des nouveautés introduites par la plate-forme micro-informatique
1.2 Les nouveaux entrants
1.3. Les firmes en place
Section 2 1992-1995 : les PGI en client-serveur ou la course à l’intégration horizontale et à la
complémentarité technique Internationalisation de la concurrence
2.1 La technologie du client-serveur (C/S), les progiciels de gestion intégrée et la question de la
complémentarité entre applications
2.2 Les nouveaux entrants
2.3 Les firmes en place subissent l’entrée massive des acteurs étrangers dans l’édition et le
traitement d’information RH en service
Conclusion
Chapitre 7 1996 à 2005 : l’adaptation de l’industrie des solutions RH aux réseaux ouverts à haut débit
Section 1 L’industrie des progiciels de gestion intégrés (PGI)
1.1 Les partenaires intégrateurs : la concurrence dans le marché des services au service de la
conquête du marché des progiciels de gestion
1.2 La bataille pour le mid market.
1.3 Concentrations dans le secteur des progiciels de gestion : les enseignements de l’industrie des
solutions RH
Section 2 Les nouveaux entrants
Section 3 Les firmes en place : le renouveau du service bureau avec l’externalisation de la fonction RH
3.1 ADP-GSI, les anciens du service bureau et les nouveaux de l’externalisation
Les SSII et l’externalisation de la fonction RH
Cegedim SRH : l’outsider du service bureau imite ADP-GSI en tout
3.2 Sage : le Microsoft du progiciel de gestion pour PME, du best-of-breed au PGI ?
Un mode de croissance et une organisation commerciale inspirée par Microsoft
Stratégies tarifaires pour mieux exploiter la base installée
PGI versus best-of-breed : avantage au PGI, malgré ses inconvénients, même auprès des PME
Le rachat d’Adonix : aveu de victoire des PGI et poursuite de l’imitation de Microsoft
Conclusion
Partie III Types d’acteurs et dynamiques concurrentielles dans l’industrie des solutions RH
Chapitre 8 Les acteurs de l’industrie des solutions RH en France
Section 1 Présentation du travail de terrain sur lequel se fonde l’étude des acteurs de l’industrie
française des solutions RH
Section 2 Typologie des fournisseurs de solutions RH
2.1 Part des différentes activités de production de solutions RH dans le chiffre d’affaires des
différents types de fournisseurs de solutions RH
2.3 Répartition des parts de marché des fournisseurs de solutions RH par segments de clientèle
Section 3 Les prestataires de services bureau de GRH
Section 4 Les éditeurs
Section 5 Les SSII non-éditrices
Section 6 Les SSII éditrices
Conclusion
Chapitre 9 Concurrence et coopétition pour la maîtrise des bases installées
Section 1 « service » vs « progiciel »
Section 2 Les écosystèmes des éditeurs de PGI
Section 3 Des modalités différentes de verrouillage et d’exploitation de la base installée
3.1 Solutions RH et coût de changement
3.2 Le partage de la rente associée aux coûts de sortie comme source de coopétition
3.3 Stratégies d’exploitation de la base installée par les fournisseurs de solutions RH : contraste
entre éditeurs et prestataires de service bureau de GRH
3.4 Désintégration verticale et conquête de parts de marché
Conclusion
Conclusion générale
Principaux résultats
Une analyse prédictive : vers la persistance d’éditeurs diversifiés horizontalement et de prestataires de service bureau de GRH non-éditeurs
Portée des résultats et prolongements envisageables de la recherche
Annexes
Annexe 1 La DADS-U : déclaration automatisée de déclarations sociales unifiée
Annexe 2 Une illustration de la fréquence des évolutions réglementaires à intégrer dans l’information méthode de la fonction RH
Annexe 3 Les difficultés méthodologiques liées à l’utilisation des études sur l’externalisation citées au chapitre 3
Comparaison méthodologique
Changements méthodologiques importants entre les différentes éditions du baromètre Ernst &
Young
Comparaison des résultats
Annexe 4 Impacts de la réforme de la formation en France sur l’industrie française des solutions RH
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