L’entreprise 2.0 et la veille 2.0

L’entreprise 2.0 et la veille 2.0

L’évolution des outils et des logiciels disponibles pour les entreprises est le centre d’intérêt de plusieurs recherches dans différents domaines. Les sciences de gestion, l’informatique, de l’ergonomie, les sciences de l’information et de la communication entre autres, cherchent à mieux connaitre les outils, leur processus de déploiement, leurs usages et ses conséquences dans les organisations. Depuis les années 1980, l’aspect social des logiciels a commencé à être mis en avant, et l’intégration d’outils collaboratifs à l’environnement numérique des entreprises s’est accompagné des questionnements sur les modes de management et d’organisation du travail en groupe.

Dans les années 80, la communauté de recherche du CSCW (Computer-supported cooperative work) se constitue pour étudier les dispositifs techniques appelés, de Groupware. Les recherches visent à comprendre « how collaborative activities and their coordination can be supported by means of computer systems » (Carstensen et Schmidt, 1999). Les caractéristiques et les modèles du travail coopératif, le design et les caractéristiques des logiciels et des plateformes, ainsi que la coordination des activités sont quelques exemples de sujets traités dans le domaine du CSCW.

L’apparition du Web 2.0 et de ses outils a représenté une opportunité de développement pour les logiciels utilisés dans les entreprises. Le terme « Enterprise 2.0 », proposé par McAfee (2006), correspond à l’usage des logiciels sociaux comme support au travail collaboratif et à la gestion des connaissances. Ce type de logiciel peut être utilisé au-delà des limites des entreprises, avec des partenaires et des clients. Depuis, les notions « Enterprise 2.0 », « travail collaboratif », «plateforme collaborative », « réseau social » sont fortement répandus et utilisés dans le milieu professionnel. Des associations, des rencontres, des conférences, ainsi que des méthodes de déploiement et d’usage d’outils, ont été créées pour promouvoir l’usage des logiciels sociaux dans les entreprises. La littérature grise sur le sujet argumente que l’auto-organisation, l’amélioration de la performance de l’entreprise et une organisation plus plate et plus coopérative sont, entre autres, les principaux apports de l’usage d’outils 2.0 dans les entreprises.

Selon Caseau (2011, p. 98), l’auto-organisation est la capacité des entreprises de permettre aux « communautés de pratiques d’émerger (…) et de se doter des outils pour travailler ». La gestion de l’information échangée au sein de ces communautés de pratique est considérée comme « un levier majeur de la performance de l’entreprise » (Caseau, 2011, p. 3). Le partage de l’information est vu comme une manière de faire face à la complexité qui ne cesse de croître dans le contexte actuel. La vision taylorienne de décomposition de tâches et de spécialisations demande aux manageurs de grands efforts de coordination et de communication. Ce mode de fonctionnement rend plus difficile pour l’organisation de répondre aux besoins d’innovation, d’agilité, de coopération avec des acteurs externes, etc. Comme le précise le chercheur Jean-Luc Bouillon (Bolon, Bouillon, Thierry, Schröter et Haakenstad, 2014), la « rhétorique de « l‟entreprise 2.0 », centrale dans les discours managériaux depuis la fin des années 2000, reflète bien cette nouvelle vision : l’organisation serait désormais plus plate, l’ordre hiérarchique s’estomperait au profit de l’initiative individuelle, de l’échange entre « collaborateurs » ».

Pour que les communautés de pratiques deviennent ce levier d’innovation et d’agilité pour les entreprises, il faudrait une transformation « du mode de management de l’entreprise, depuis un mode centralisé et planifié vers un mode décentralisé et réactif » (Caseau, 2011, p. 83). Les technologies 2.0 nées au berceau du web sont perçues comme des leviers pour améliorer la communication dans les entreprises et conséquemment permettre la transformation nécessaire pour qu’elles soient plus agiles et performantes. Plusieurs sont des outils existants qui ont pour objectif de promouvoir la collaboration entre ses utilisateurs. Plus récemment, ce sont les réseaux sociaux d’entreprises de type plateforme collaborative, fortement citées par les consultants experts, dans les blogs de technologies, dans les magazines professionnels et dans les manifestations aux entreprises .

Pourtant, les discours plutôt enthousiastes sur les nouvelles technologies et ses différentes possibilités d’usages font très souvent face à la barrière imposée par les caractéristiques du management des entreprises. Selon Hamel (2007, p. 255), actuellement les entreprises mobilisent des éléments de trois siècles différents : «your company has 21st-century, Internet-enabled business processes, mid-20th century management processes, all built atop 19th-century management principles ». Pour Caseau, « ce sont les challenges du XXIe siècle qui posent des nouveaux problèmes aux entreprises et qui exigent une « nouvelle excellence » de collaboration, difficile à atteindre avec des méthodes traditionnelles » (Caseau, 2011, p. 83). Les technologies semblent alors évoluer plus rapidement que les processus et méthodes d’organisation et de management.

La veille dans les organisations et les outils 2.0

L’usage des technologies inspirées du Web 2.0 en entreprises semble être entouré de discours enthousiastes sur les divers changements et améliorations qu’ils peuvent susciter. Si les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont très souvent liées à des gains d’efficacité dans les organisations, Flanagin et Bator (2011, p. 173) précisent que « these efficiency gains are for the most part firmly rooted in the processing of information, rather than in the generation, support, and transmission of organization knowledge » . Même si les TIC sont importantes pour le traitement de l’information, elles ne seraient pas suffisantes pour changer d’une manière fondamentale la création et gestion de la connaissance dans les organisations. Toutefois, les auteurs gardent un regard optimiste sur l’usage des outils basés sur les web et sur leurs caractéristiques communicationnelles qui facilitent le processus de création de connaissances.

Ainsi, l’information dans les organisations est considérée une ressource pour la production de valeur. Le traitement de l’information, comme celle-ci est identifiée et systématisée dans les entreprises a changé à plusieurs reprises, tant au niveau de ses stratégies que de ses technologies. La gestion d’information a fait référence, pendant plusieurs années, à la chaîne documentaire et au métier de documentaliste. Cette gestion a évolué et intègre des activités comme la veille, l’intelligence économique et le knowledge management. L’intelligence économique « est un processus à caractère stratégique ayant pour ultime objectif de mener à une prise de décision, à un moment opportun. Ce processus se concrétise par un ensemble d’actions coordonnées entre elles, mettant en œuvre des moyens humains et matériels au sein d’une entreprise » (Goria, Knauf, David et Geffroy, 2005, p. 84). Avec le processus d’intelligence économique, des nouveaux métiers ont surgi dans les entreprises tels que ceux de « veilleur, chargé d’étude, chargé de l’intelligence économique, consultant en organisation de système d’information, etc. » (Goria et al., 2005, p. 84).

La veille fait partie du processus d’intelligence économique et elle est définie comme étant une « activité mise en œuvre par l’entreprise pour suivre les évolutions susceptibles d’influer sur le devenir de son métier » (Rouach, 1996, p. 18). Le processus de la veille regroupe un ensemble de « techniques visant à organiser de façon systématique la collecte, l’analyse, la diffusion de l’exploitation des informations techniques utiles à la sauvegarde et à la croissance des entreprises » (Wheelwright cité par Rouach, 1996). Le cycle de traitement de l’information, son adéquation avec les stratégies d’intelligence économique et le rapport veilleur-information sont des éléments centraux du processus de veille.

Les outils issus du Web 2.0 viennent aussi influencer la réalisation de l’activité de veille et les outils de veille proposés aux entreprises. Selon Balmisse et Meingan (2008, p. 179), les évolutions du web 2.0 rendent disponible « une information plus riche, plus importante, plus facilement et rapidement accessible et diffusable ». Comme d’autres auteurs déjà cités, Balmisse et Meingan (2008) s’intéressent à l’influence du web 2.0 dans le processus de création et diffusion de l’information sur internet, mais aussi aux apports d’outils 2.0 au travail des veilleurs.

Pour Leitzelman (2010, p. 126), l’analyse du processus de veille réalisé avec des outils 2.0 doit être conduite au-delà du rapport de l’individu à l’information. L’auteure explique que pour appréhender la veille 2.0, il est nécessaire de « replacer l’humain au cœur de l’analyse du processus de veille, notamment en intégrant la notion d’interaction sociale effaçant ainsi le rôle de la technologie au premier plan » (2010, p. 126). Bien que les technologies 2.0 valorisent l’humain et les relations au sein des collectifs, surtout dans la sphère privée, il nous semble encore difficile de vérifier que leurs usages modifient les « rapports de l’individu au groupe dans le monde du travail » comme le défend Leitzelman (2010, p. 126).

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Table des matières

Introduction
1. L’entreprise 2.0 et la veille 2.0
1.1. La veille dans les organisations et les outils 2.0
1.2. Contexte de la recherche – Une thèse CIFRE
1.2.1. EDF R&D
1.2.2. L’équipe Hermès
1.2.3. Laboratoire DICEN
1.3. Objectifs de la recherche
1.4. Temporalité de la thèse CIFRE
2. Problématique et stratégie de recherche
2.1. Problématique générale de la recherche
2.1.1. Hypothèses
2.2. Cadre théorique de référence
2.2.1. Une approche pragmatique de recherche
2.3. Méthodes de collecte de données
2.3.1. Analyse de l’usage du portail de veille collaborative d’Hermès
2.3.2. Les entretiens avec les communautés de veille
3. Plan de la thèse
Partie 1 La veille collaborative et Hermès
1. Panorama de la veille collaborative
1.1. Intelligence économique
1.1.1. L’information technique
1.1.1. L’intelligence économique en France
1.2. La veille en entreprise
1.2.1. Définitions de la veille
1.2.2. Le processus de veille
1.2.3. Les outils de veille en entreprise
1.2.4. Veille 2.0, veille collaborative, veille communautaire
Conclusion
2. Hermès, la veille et l’intelligence collective
2.1. De l’intelligence économique vers l’intelligence collective
2.1.1. La place de l’information et de la connaissance à la R&D
2.1.2. L’équipe responsable par la veille collaborative et par Hermès : Équipe Veille Innovation
2.2. Hermès – Un portail collaboratif de veille
2.2.1. L’historique du Projet Athéna
2.2.2. L’équipe-projet Hermès
2.2.3. Caractéristiques techniques et les fonctionnalités d’Hermès
2.2.4. Organisation du travail collectif sur Hermès
3. Analyse des traces d’usage d’Hermès
3.1. Processus de collecte de données
3.1.1. Données collectées
3.1.2. Analyse des données
3.1.3. Conclusion
Conclusion Partie 1
Partie 2 : La dimension organisante de la communication et la coopération au sein des communautés de veille
Introduction
1. La dimension organisante de la communication et la coopération
1.1. Comprendre les organisations par la communication
1.1.1. Constitution communicationnelle des organisations
1.1.2. Établir la tiercéité
1.2. La Sémiotique des Transactions Coopératives
1.2.1. Transaction, coopération et production de valeur
1.2.2. Modalités de cadrage des transactions coopératives
1.2.3. Les trois régimes de coopération
1.2.4. Des transactions coopératives et l’activité de veille collaborative
Conclusion : L’engagement dans la transformation d’une activité
L’engagement dans la transformation d’une activité
Le communicologue et une conduite du changement pragmatique
2. Les cas de veille collaborative
2.1. Analyse des transcriptions des entretiens individuels
2.1.1. Contenu des entretiens
2.1.2. Analyse par la théorisation ancrée
2.1.3. Cadre comparatif des régimes de coopération dans la veille
2.1.4. Présentation des résultats
2.2. Cas 1 – Communauté Veille « Recyclage »
2.2.1. La vision de l’activité de veille
2.2.2. Les compétences nécessaires et acquises dans la veille
2.2.3. Réalisation de l’activité de veille « Recyclage »
2.2.4. Modalités d’évaluation
2.2.5. Régime de coopération de la communauté « Recyclage »
2.3. Cas 2 – Communauté « Énergie alternative »
2.3.1. La vision de l’activité de veille
2.3.2. Les compétences nécessaires et acquises dans la veille
2.3.3. Réalisation de l’activité de veille « Énergie alternative »
2.3.4. Modalités d’évaluation
2.3.5. Régime de coopération de la communauté « Énergie alternative »
2.4. Cas 3 – Communauté « Politique européenne »
2.4.1. La vision de l’activité de veille
2.4.2. Les compétences nécessaires et acquises dans la veille
2.4.3. Réalisation de l’activité de veille « Politique européenne »
2.4.4. Modalités d’évaluation
2.4.5. Régime de coopération de la communauté « Politique européenne »
2.5. Cas 4 – Communauté « Innovation consommateur »
2.5.1. La vision de l’activité de veille
2.5.2. Les compétences nécessaires et acquises dans la veille
2.5.3. Réalisation de l’activité de veille « Innovation consommateur »
2.5.4. Modalités d’évaluation
2.5.5. Régime de coopération de la communauté « Innovation consommateur »
Conclusion : Les communautés Hermès
3. L’usage d’Hermès par les communautés de veille
3.1. Cas 1 – Usage d’Hermès par la communauté « Recyclage »
3.1.1. Appropriation d’Hermès
3.1.2. Usage d’Hermès
3.1.3. Perceptions et opinions sur Hermès
3.1.4. Régime de coopération et l’usage d’Hermès
3.2. Cas 2 – Usage d’Hermès par la Communauté « Énergie alternative »
3.2.1. Appropriation d’Hermès
3.2.2. Usage d’Hermès
3.2.3. Perceptions de l’intérêt du portail pour leur activité de veille
3.2.4. Régime de coopération et l’usage d’Hermès
3.3. Cas 3 – Usage d’Hermès par la Communauté « Politique européenne »
3.3.1. Appropriation d’Hermès
3.3.2. Usage d’Hermès
3.3.3. Perceptions de l’intérêt du portail pour leur activité de veille
3.3.4. Régime de coopération et l’usage d’Hermès
3.4. Cas 4 – Usage d’Hermès par la Communauté « Innovation consommateur »
3.4.1. Appropriation d’Hermès
3.4.2. Usage d’Hermès
3.4.3. Perceptions de l’intérêt du portail pour leur activité de veille
3.4.4. Régime de coopération et l’usage d’Hermès
Conclusion Chapitre 3
Partie 3 : Résultats et Conclusion
1. Interprétation des résultats
1.1. La veille collaborative et la veille communautaire
1.1.1. Objectif : l’intelligence collective
1.1.2. L’équipe-projet et la constitution de la veille collaborative
1.1.3. La veille comme tiercéité
1.1.4. La veille collaborative et la veille communautaire
1.2. Les usages d’Hermès et la coopération
1.2.1. Types d’usage et types de coopération sur Hermès
1.3. La compatibilité entre les régimes de coopération
1.3.1. Régime de coopération organisée prédominant
1.3.2. Transition d’un régime de coopération organisée vers un régime de coopération communautaire
1.3.3. Vers une transition
Conclusion

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