« Les entrepreneurs sociaux ne se contentent pas de donner un poisson, ou d’enseigner la pêche. Ils n’auront de repos que lorsqu’ils auront réussi à révolutionner l’industrie de la pêche. » Bill Drayton, Fondateur d’Ashoka » Depuis une vingtaine d’année, se développe partout dans le monde une nouvelle manière d’entreprendre, qui conjugue efficacité économique et utilité sociale, et qui ouvre des voies prometteuses dans le combat contre les problèmes majeurs de nos sociétés : l’entrepreneuriat social. Le phénomène, mondial, semble dessiner un nouveau modèle, hétérogène, qui emprunte à la fois au secteur « non profit » traditionnel et aux pratiques du « business » ancrées sur le marché, afin d’apporter des réponses nouvelles et durables aux problèmes sociaux et environnementaux. Celui-ci suscite aujourd’hui un véritable engouement tant au niveau de la recherche que de la pratique. Les entreprises sociales se sont développées à un rythme très soutenu dans les deux dernières décennies : ainsi, selon la deuxième étude réalisée dans le cadre du Global Entrepreneursip Monitor (GEM) en 2006, environ 3,2% de la population active, soit près d’1,2 millions de personnes, étaient engagées dans des activités d’entrepreneuriat social au Royaume-Uni . L’émergence, dans le monde, de nombreux réseaux ou organisations destinées à accompagner et promouvoir l’entrepreneuriat social témoigne aussi de l’essor du phénomène : le réseau Ashoka, la Fondation Klaus Schwab pour l’entrepreneuriat social, ou encore la Fondation Skoll en sont les exemples les plus emblématiques. Dans le milieu académique, cette notoriété grandissante se traduit par le développement de centres de recherche et de formation en entrepreneuriat social dans l’enseignement supérieur : les initiatives pionnières de Harvard, Stanford, Columbia ou Oxford ont été suivies, plus récemment, par certaines des plus grandes écoles de commerce françaises (ESSEC et HEC). Si l’enthousiasme est tel, c’est que l’entrepreneuriat social apporte des réponses innovantes à des problèmes que les gouvernements, les institutions publiques ou les organismes de charité échouent à résoudre depuis bien longtemps. Dans son rapport sur le développement dans le monde 2010 , la Banque Mondiale estime qu’un quart de la population mondiale a moins d’1,25 dollar par jour pour vivre, qu’1,6 milliard de personnes n’a pas l’électricité et qu’un milliard n’a pas accès à l’eau potable. Les pays développés ne sont pas épargnés : en France, 13,2 % de la population en 2006 vivait en deçà du seuil de pauvreté (considéré par l’INSEE comme 60% du niveau de vie médian soit 880 euros par mois en 2006) .
A l’heure de la crise financière mondiale, de la montée du chômage et de l’exclusion, de la persistance de la pauvreté, du changement climatique, des catastrophes naturelles et humanitaires (Tsunami en Asie du Sud-Est en 2005, séisme d’Haïti en janvier 2010), l’entrepreneuriat social semble donc plus que jamais d’actualité. Le succès reconnu de formules innovantes apportées par des entrepreneurs sociaux, dont les exemples les plus probants et les plus connus, sont ceux du microcrédit développé par Muhammad Yunus avec la Grameen Bank ou encore du commerce équitable, donne une nouvelle perspective d’avenir à la lutte contre les problèmes sociaux. Selon Alex Nicholls (2006) .
L’entrepreneur et l’historique de l’entrepreneuriat social
Apparu dans les années 90, l’entrepreneuriat social, c’est avant tout une entreprise. Il désigne toute initiative privée dont la finalité sociale (réponse à un besoin social) est supérieure ou égale à la finalité économique (lucrativité). Les entrepreneurs sociaux sont des individus qui portent des solutions innovantes à des problèmes pressants de la société. Ils identifient des approches innovantes pour résoudre des problèmes qui apparaissaient souvent comme insolubles. Ces entrepreneurs ont ou développent la capacité à apporter des solutions concrètes, et à concilier l’approche économique avec des objectifs sociaux. En incarnant un modèle alternatif viable, l’entrepreneuriat social agirait donc comme un vecteur de changement .
Le domaine grandissant de l’entrepreneuriat social ne cesse pas d’attirer l’attention et la réputation. Le terme apparait dans les journaux, dans les discours politiques et économiques et c’est devenu un sujet commun dans les universités (il existe même des facultés entièrement consacré à l’étude et recherches sur l’ES). L’entrepreneuriat social est aussi au cœur de stratégie de plusieurs organisations social, y inclus les fondations Ashoka , Schwab et de Skoll . La raison pour cette succès en plein croissance est du d’un certain degré au travail des entrepreneurs social et la raison pour laquelle ils les font ainsi que leurs histoires remarquables. Si les gens sont attirés par l’entrepreneuriat social, c’est aussi grâce a l’intérêt qu’ils portent aux entrepreneurs sociaux comme Mohammed Yunus, lauréat de Prix Nobel en 2006 pour la transformation radicale qu’il a apporté aux communautés Bangladesh a travers le microcrédit. Mais l’intérêt de l’entrepreneuriat social dépasse le phénomène de la popularité et la fascination. Il cherche a entrainer un changement social tout en améliorant l’équilibre économique, ce qui lui mets à part des autres.
Cependant toute introduction à l’entrepreneuriat sociale doit commencer avec la définition du terme entrepreneuriat car si la notion de l’entrepreneuriat reste flou, la modification donc, du terme avec la descriptive social, n’aboutit pas à grande chose.
Le concept de l’entrepreneuriat social
Si la facette « entrepreneuriat » est essentielle dans la compréhension du concept de l’entrepreneuriat social, il s’avère tout d’abord indispensable d’essayer de définir ce que l’on en entend par entrepreneuriat, au-delà de la désignation trop restrictive du démarrage ou de la création d’une entreprise. Il est impossible de se limiter à une seule définition de l’entrepreneuriat, tant la notion renvoie à des situations différentes selon les auteurs et les disciplines (économie, gestion, psychologie). Nous ne nous proposons pas ici de dresser un panorama complet des conceptions de l’entrepreneuriat, ce qui dépasserait largement le cadre de la réflexion de ce mémoire, mais allons tâcher d’en cerner certaines caractéristiques, afin de mieux comprendre ce qui le lie ou le différencie de l’entrepreneuriat social. Les économistes ont tenté très tôt de définir la notion d’entrepreneur. Dans la tradition française, avec Cantillon (1755) et Say (1803), l’entrepreneur est celui qui saisit une opportunité en vue de réaliser un profit, mais qui en assure les risques puisqu’il investit son argent . L’économiste américain Knight (1921) reprend également la dimension de l’incertitude et du risque calculé qu’il place au cœur de son approche. Mais, nous devons également beaucoup, dans notre compréhension de l’entrepreneuriat, à l’école autrichienne et notamment à l’économiste Schumpeter (1947). Pour celui-ci, l’entrepreneur est un innovateur, un créateur, un agent du changement. Il insiste fortement sur l’aspect innovateur de l’entrepreneur, et sur sa participation active au développement économique par la « destruction créatrice ». L’entrepreneur n’est ni nécessairement l’apporteur de capitaux ni l’inventeur : c’est celui qui met en œuvre de nouvelles combinaisons pour apporter un changement. Une autre approche de l’entrepreneuriat est celle qui place le concept d’opportunité au cœur du problème. S’inscrivant dans la pensée de l’école moderne autrichienne (avec notamment Kirzner, 1973), les auteurs Shane et Venkataraman (2000) sont sans doute ceux qui ont le plus approfondi l’approche de l’entrepreneuriat comme détection et exploitation d’une opportunité : l’entrepreneuriat est ici un « processus par lequel des opportunités à créer des produits et des services futurs sont découvertes, évaluées et exploitées. ». Dans une perspective plus psychologique, nombre d’auteurs se sont également intéressés à la personnalité et au comportement de l’entrepreneur : besoin d’accomplissement, d’indépendance et de liberté, goût d’entreprendre et de diriger, prise de risques, sont les principaux traits qui lui sont associés. Cette approche par les traits semble insuffisante à certains auteurs, à l’image de Gartner, qui dans un article publié en 1989, suggère d’étudier ce que fait l’entrepreneur, et insiste sur la création d’une organisation : « La recherche sur l‟entrepreneur devrait se focaliser sur ce que fait l‟entrepreneur et non ce qu‟il est ». Dans cette approche, l’entrepreneuriat renvoie à un processus de création d’une organisation (c’est-à-dire aux activités qui permettent au créateur de combiner des ressources pour concrétiser l’opportunité en un projet ou une organisation). Néanmoins, il est intéressant de remarquer que, quelle que soit la définition donnée à l’entrepreneuriat, la dimension liée à la personnalité de l’entrepreneur est toujours présente.
Enfin, beaucoup d’auteurs, à l’instar de Bruyat (1993) traitent l’entrepreneuriat à partir de l’acte d’entreprendre impulsé par un auteur principal (l’entrepreneur) qui parcourt un processus lui permettant, en cas de succès, de créer une entreprise susceptible de prendre peu à peu son autonomie. La conception de Bruyat s’inscrit dans ce qu’on peut appeler « une dialogique individu/création de valeur», qui lie fortement l’entrepreneur caractérisé par un engagement personnel fort et son projet ou organisation émergente.
Pour essayer de concilier ces différentes approches, on peut s’aider du travail de Verstraete et Fayolle (2005) qui met en valeur quatre paradigmes afin de cerner le domaine de recherche de l’entrepreneuriat : l’opportunité d’affaires, la création de l’organisation, la création de valeur, et l’innovation. Ces paradigmes, qui peuvent se combiner, semblent assez bien synthétiser les différentes approches de l’entrepreneuriat dans la littérature internationale.
Finalement, la lecture de toutes ces approches, sans être approfondie, nous permet déjà de repérer des mots-clés qui caractérisent l’initiative entrepreneuriale : prise de risques, incertitude, innovation, opportunité, émergence organisationnelle, combinaison de nouvelles ressources, engagement de l’entrepreneur, création de valeur, sont autant de notions sur lesquelles se fondent la démarche entrepreneuriale. Cette caractérisation de l’entrepreneuriat classique va nous apporter un éclairage utile pour comprendre la dimension entrepreneuriale de l’entrepreneuriat social que la littérature sur le sujet a mis en exergue, comme nous allons le voir maintenant. On va pouvoir constater qu’à de nombreux égards, l’entrepreneur social ressemble à l’entrepreneur classique. Mais une revue de la littérature sur l’entrepreneuriat social nous permettra également de comprendre en quoi l’entrepreneur social se différencie essentiellement de l’entrepreneur classique.
Le processus de l’entrepreneuriat social.
Certains ont tenté d’apporter une définition de l’entrepreneuriat social sans faire référence à l’entrepreneur mais plutôt au processus. Opposant l’entrepreneuriat social à son pendant commercial, certains auteurs (Roberts et Woods, 2005; Marc, 1988) ont mis l’accent sur son côté novateur en termes de collecte, d’utilisation et de combinaison de ressources dans la construction, l’évaluation et la poursuite d’opportunités visant à une transformation sociale. Au lieu de les opposer, certains auteurs (Mair et Martí, 2004; Dees, 1998a) se sont intéressés aux communs dénominateurs entre ces deux formes d’entrepreneuriat autour des concepts d’innovation et de méthodes de gestion. Le Tableau B en annexe reprend les nombreuses définitions de l’entrepreneuriat social. Un élément central à toutes ces définitions ressort de ce tableau: la mission sociale.
La mission sociale
Exprimée en termes de création de valeur sociale, de transformation sociale ou d’impact social, la mission sociale est un critère clé, quelle que soit l’école de pensée. Plus précisément, le concept d’entrepreneuriat social renvoie aux qualités d’innovation et de créativité de l’entrepreneur, développées par l’École de l’innovation sociale, ou d’impact social dans le cadre organisationnel, évoqué par l’École de l’entreprise sociale. Selon l’approche de l’École de l’innovation sociale premièrement, l’entrepreneur social a pour but de créer de la valeur sociale et de soutenir de manière durable les améliorations sociales. L’impact social prime sur la génération de profit et de richesses. Pour l’École de l’entreprise sociale ensuite, l’impact social doit être le but premier des entreprises sociales (Boschee et McClurg, 2003). Le caractère social de l’entreprise sociale est, quant à lui, garanti par le fait que, selon cette école, elle est nécessairement une organisation à but non lucratif. La mission sociale revêt ainsi une signification aussi large que l’étendue des activités sociales dans lesquelles peuvent s’investir les organisations de ce type. Pour les membres du Réseau EMES enfin, les initiatives de l’entrepreneuriat social doivent avoir un objectif explicite de service à la communauté qui comprend des questions sociales et environnementales. Elles doivent aussi promouvoir le sens de la responsabilité sociale au niveau local. La section suivante traite de l’intensité requise du lien entre, d’une part, la finalité première de l’entreprise, sa mission sociale, et, d’autre part, les activités économiques qu’elle met en œuvre pour y parvenir.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : L’entrepreneur et l’historique de l’entrepreneuriat social
1- Qu’est ce que l’entrepreneuriat?
2- Le processus de l’entrepreneuriat social
3- L’entrepreneur social ?
4- Le business model de l’entrepreneuriat social
Chapitre 2: Les acteurs de l’entrepreneuriat social
1- Les entreprises sociales
2- Les réseaux privés de financement
3- Les entreprises « classiques »
4- Les pouvoirs publics
5- Les réseaux d’accompagnement
Chapitre 3- Les enjeux et les défis de l’entrepreneuriat social
1-Les enjeux de l’entrepreneuriat social
2- Les défis et obstacles et l’entrepreneuriat social
3- Attentes et visions de l’avenir
Conclusion
Bibliographie
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