L’ENSEIGNEMENT DES MANIPULATIONS SYNTAXIQUES

PRESENTATION DU COLLEGE ET DE SON ENVIRONNEMENT

Le collège : Situé dans le département du Val-d’Oise (95), le collège Pablo Picasso a été inauguré en 1974. Il accueille à la rentrée 2018 cinq-cent-onze élèves. Du point de social, la population du collège paraît hétérogène : la ville du collège est bâtie sur une diversité de zones d’habitations, avec des quartiers résidentiels apparemment favorisés et des quartiers sensiblement moins favorisés.
Le niveau scolaire des élèves : Cette diversité sociale est perceptible au sein du collège qui accueille une partie non négligeable des populations non-favorisées. Aussi, les élèves sont très hétérogènes du point de vue de leur niveau. Toutefois, on observe une moyenne faible dans les résultats du Diplôme National du Brevet (DNB) pour lequel on constate un taux de réussite de 85% en moyenne sur les années 2016 à 2018 contre 89% en moyenne académique et 87,3 % en moyenne nationale. Le pourcentage de réussite à l’examen pour la session 2019 s’élève à 76,2% contre 89,2 % à l’échelle académique. Du point de vue du français, les Évaluations Nationales des classes de sixième (2019) manifestent globalement une « maitrise satisfaisante » des élèves. Toutefois, les niveaux de « maitrise fragile » et « maitrise insuffisante » sont majoritaires dans le domaine de la grammaire. Ces résultats ne contredisent pas ce qu’on observe en classe. On s’aperçoit en effet, dans la pratique, du niveau généralement faible des élèves non seulement en grammaire, mais aussi parfois en lecture et en interprétation des textes. Si la compréhension globale des textes est généralement acquise ou en voie d’acquisition pour tous les élèves, on s’aperçoit rapidement de la faiblesse du jugement interprétatif qu’ils font de ces mêmes textes. Si l’on porte attention plus particulièrement à l’étude de la langue, on constate la faiblesse du niveau des élèves, tant du point de vue de la maitrise orthographique que dans l’analyse grammaticale. Sur ce point, les élèves en début d’année de cinquième paraissent encore loin des attendus de fin de cycle 3 (6e). Les résultats du test Repérage Orthographique Collectif (ROC) (en annexe 1) ont montré les difficultés des élèves à orthographier certaines formes lexicales et certaines tournures morphosyntaxiques. Une évaluation sommative sous la forme d’une dictée négociée a quant à elle rendu manifestes leurs faiblesses dans l’analyse, parfois basique en apparence, de la phrase simple.
Les dispositifs mis en place dans l’établissements : Le collège dispose en son sein d’une Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire (ULIS) qui accueille des élèves en situation de handicap. Parfois intégrés dans les classes, ces élèves sont suivis par un total de quatre Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap (AESH). Depuis la rentrée 2019, une équipe de professeurs volontaires s’est formée pour mettre en place le projet de « classe innovante ». Pour le moment réservé à une seule classe de sixième dont nous ne sommes pas professeur, ce dispositif cherche à développer un enseignement novateur fondé sur l’emploi du numérique (TBI, tablette, ordinateur, Web TV, Web Radio, imprimante 3D) et la disposition évolutive du matériel à disposition (tables et chaises modulables) lors des séances. Ce dispositif, qui ne sera pas exploité dans le cadre de notre mémoire, a pour objectif de créer des séances d’enseignement pensées sur une dynamique d’ateliers.

La nouvelle grammaire : une approche du système linguistique

      Depuis les années 1970, l’enseignement de la grammaire a considérablement évolué. À l’origine de travaux issus de la recherche en linguistique, les programmes de l’enseignement de la grammaire ont amorcé une rénovation progressive qui, encore aujourd’hui, influence nettement le cadre prescriptif de l’étude de la langue. Afin de rompre avec la grammaire scolaire traditionnelle introduite dans les années 1920, Marie Nadeau et Carole Fisher4 montrent que dès les années 1970 l’enseignement de la langue passe d’un modèle traditionnel à un modèle fonctionnel. Ce second modèle privilégie dans ses objectifs la maitrise de l’expression (ce qu’elles nomment le « savoir-écrire ») au détriment d’une étude sur le fonctionnement de la langue. Bien que l’idée génératrice de ce modèle ait été inspirée de la linguistique contemporaine, le traitement qui en a été fait s’est très nettement éloigné d’une approche systématique de la grammaire. Toutefois, même si ce courant n’a pas eu l’effet escompté dans son application et qu’il s’éloigne de la grammaire nouvelle telle qu’elle est définie aujourd’hui, il aura contribué à repenser l’enseignement de la grammaire en voulant s’éloigner de la tendance traditionnelle d’un apprentissage pleinement déductif centré sur l’apprentissage de règles et de leurs applications. Nadeau et Fischer explique en effet l’impulsion positive de la rénovation scolaire : « Au départ, les promoteurs de ce modèle préconisaient un enseignement qui donne à l’élève un rôle actif et qui se fonde sur l’induction (Milot, 1978 : Milot et Pineau, 1975) ».  À partir des années 1990, la grammaire nouvelle s’impose avec plus de rigueur car elle est accompagnée d’une meilleure réflexion didactique. Dans cette perspective, on laisse alors plus généreusement la place à l’étude du fonctionnement de la langue. Cette grammaire est en effet guidée à l’origine par deux objectifs : le premier consistant à pallier les faibles performances des élèves dans la maitrise de l’écrit ; le second consistant à « amener les élèves à comprendre le fonctionnement de la langue, à la percevoir comme un système ». 6 Ce second objectif entend ainsi développer une grammaire non plus centrée sur un catalogue notionnel (généralement celui des parties du discours) mais sur des schémas de base qui permettent d’analyser des structures phrastiques. En effet, l’appui de son enseignement sur des schémas de base permettent de se soustraire à un enseignement prescriptif ou purement explicatif qui s’appuierait sur des développements trop théoriques et non suffisamment objectivables. La grammaire nouvelle, qui s’entend uniquement du point de vue scolaire, est issue des travaux linguistiques des années soixante qui ont forgé deux théories linguistiques : celle de la grammaire structurale et celle de la grammaire générative et transformationnelle. Développées dans le courant des descriptions structuralistes, ces grammaires entendent axer l’étude du point de vue syntaxique, par opposition au courant traditionnel qui axait cette étude du point de vue orthographique : « L’orthographe s’est vue reléguée au second plan au profit de la syntaxe de la phrase, vue non plus comme une simple suite de mots mais comme une structure hiérarchique où les éléments s’emboîtent les uns dans les autres un peu à la manière des poupées gigognes. L’accent est mis sur les groupes fonctionnels (groupe nominal, groupe verbal, etc.), sur leurs relations réciproques et sur leur constitution interne. » 7 En plus de cette approche syntaxique, la grammaire rénovée s’appuie sur un ensemble de définitions morphosyntaxiques des catégories grammaticales et des phénomènes linguistiques là où la grammaire traditionnelle s’appuyait sur des définitions sémantiques. L’atout de la nouvelle grammaire est d’engager les apprenants à considérer les phénomènes grammaticaux comme faisant partie d’un tout et dont les unités ou les groupes de mots ne sont que les pièces d’un système dont chacun et chacune dépendent. Aussi, cette relation de dépendance permet d’expliquer à la fois les phénomènes syntaxiques, c’est-à-dire la structure des phrases, la position des mots ou des groupes de mots les uns par rapport aux autres, et les relations d’accords grammaticaux, c’est-à-dire la forme des mots modifiée sous l’influence de la syntaxe. Ces deux plans d’analyse forment ainsi un atout non négligeable dans les apprentissages autant dans l’étude de la langue que dans la maitrise orthographique.

Que sont les manipulations syntaxiques et à quoi servent-elles ?

     Les outils nécessaires aux élèves sont les manipulations syntaxiques. Celles-ci sont présentées par S-G Chartrand dans son manuel entièrement dédié à ces opérations. Chartrand y répertorie six manipulations : l’ajout (ou addition, adjonction, insertion), le dédoublement, le déplacement, l’effacement (ou suppression), l’encadrement et enfin le remplacement (ou commutation ; ou substitution). Elle définit ces outils comme « des opérations (ou tests) menées de façon volontaire et consciente sur une unité de la langue : un mot, un groupe de mots, une phrase subordonnée ou une phrase définie du point de vue syntaxique ». Elle ajoute que « l’usage de ces manipulations permet de comprendre le fonctionnement syntaxique d’une unité, notamment son rapport aux autres unités dans une P, c’est-à-dire sa fonction syntaxique. » Faisons ici une remarque importante : les manipulations sont à différencier des trucs ou des astuces. En effet, contrairement aux manipulations, les astuces ou trucs ne font pas intervenir les relations entre les mots dans un groupe ou entre les constituants de la phrase. Les trucs consistent à appliquer une procédure de manière isolée et déconnectée sur une unité de la phrase. Ils permettent ainsi de justifier une réponse parfois incorrecte lors d’une analyse syntaxique. Ainsi l’application des manipulations syntaxiques n’est possible que si l’on est confronté à un réel raisonnement. D’abord pensées par les linguistes, elles sont un moyen pour appuyer ou justifier un raisonnement grammatical et manifestent une compétence réelle de réflexion linguistique. De cette manière, on fait l’hypothèse qu’elles sont un moyen pour les élèves de exemple : dans la phrase « Dans le verger, poussent des pommes. », plusieurs élèves de 5e identifient le sujet « des pommes » comme le COD du verbe « poussent » car le truc le justifie raisonner sur la langue et de parvenir à conceptualiser des faits de langue en les contraignant à les mettre en lien. Par exemple, on peut considérer que repérer une expansion du nom à travers une manipulation obligera l’élève, d’une part, à prendre en compte le groupe syntaxique auquel appartient cette expansion, et d’autre part à analyser les unités qui composent cette expansion lorsqu’elles peuvent être confondues (par exemple une confusion entre un groupe nominal complément du nom et un groupe prépositionnel complément du nom à cause de la préposition des : dans « Chateaubriand fut ministre des affaires étrangères », nos élèves ont pu analyser « des affaires étrangères» comme un GN où « des » est analysé comme un déterminant). Dans notre exemple, le recours à une ou plusieurs manipulations implique à la fois de raisonner en termes de fonction syntaxique (groupes de mots occupant la fonction CdN) et de classe grammaticale (GN ou Gprép et déterminant ou préposition). Par ailleurs, on pose l’hypothèse que les manipulations sont un moyen de présenter le « pourquoi ça marche comme ça ? » aux apprenants. L’application de ces tests permet de démonter et démontrer le fonctionnement de la langue. Elle participe donc à rendre l’élève actif dans sa phase d’apprentissage et à l’engager sur le plan cognitif. Généralement, les manipulations permettent :
• de délimiter un groupe syntaxique dans une phrase ;
• d’identifier la ou les classes grammaticales d’une unité ou d’un groupe de mots ;
• d’identifier la fonction syntaxique d’une unité ou d’un groupe de mots au sein d’une phrase ; et, par voie de conséquence, elles permettent de :
• vérifier la structure d’une phrase ;
• vérifier la ponctuation d’une phrase ;
• vérifier l’orthographe grammaticale ;
• différencier des homonymes.
En fonction des situations, les manipulations nécessitent un certain degré de maitrise et de connaissances : elles ne sont en effet pas indépendantes des connaissances sur les « notions », mais plutôt interdépendantes. Par exemple, l’identification d’un nom au moyen du remplacement suppose de reconnaître la classe des noms afin de discriminer les autres mots. On constate ainsi que la connaissance des manipulations est intriquée à la connaissance des notions et que la manipulation ne peut être tout à fait opérée ex-nihilo. Il s’agit ici d’exploiter en partie la « capacité de mémorisation »  de l’élève qui ne peut être véritablement évacuée des apprentissages. Aussi, de la même manière qu’un apprentissage doit être fait des notions (par exemple les propriétés des classes), il convient d’amener progressivement l’apprenant à maitriser ces différents outils. Ainsi, nous estimons qu’un apprentissage à part entière de ces outils est nécessaire afin que l’apprenant puisse les motiver en toute conscience.

La motivation de l’apprenant : vers l’activation d’une posture métalinguistique

     Un des enjeux de l’enseignement de la grammaire est de motiver les élèves. Nombreux sont ceux en effet qui reculent déjà à l’annonce de séance de grammaire, la percevant comme rébarbative et hermétique. En plus des causes identifiées par les chercheurs et énumérées par Dominique Ulma26, on constate que la motivation est en partie liée à la nature des activités proposées aux élèves. Il convient en effet de soumettre des activités particulières qui puissent mettre les élèves dans une posture active. Ainsi on veillera à mettre en place des activités qui s’intègreront dans une séquence logique où les liens seront facilement faisables pour l’élève ; de plus, on veillera à proposer des activités productives qui confronteront l’élève à un résultat pour lui-même, c’est-à-dire pour sa réussite et sa valorisation personnelle, et non pas pour être évalué. Les activités autour des manipulations syntaxiques doivent amener l’apprenant à produire un résultat qui soit le fruit d’une réflexion sur la langue. Une fois l’usage des manipulations compris, il s’agit en effet que l’apprenant puisse réfléchir à comment utiliser ces outils face à un problème syntaxique et morphosyntaxique. Ce type d’activité permettrait de motiver l’apprenant par la nature de l’activité qui nécessite d’activer ses connaissances (pas de par cœur possible) et permettrait aussi d’activer une réflexion linguistique : La démarche de conceptualisation « initie les apprenants à une démarche expérimentale, développe leurs facultés d’argumentation, l’écoute, et une attitude scientifique face au réel, en donnant une place au doute, en valorisant l’erreur comme moteur de réflexion ou indice d’une appropriation en cours. Par la rigueur qu’elle exige et les manipulations sur lesquelles elle repose, elle contribue à faire accéder les apprenants à une posture réflexive sur la langue (Chartrand 1995). » On cherchera à faire entendre à l’élève que l’important dans les activités qui leur seront proposées sera de verbaliser des raisonnements et de verbaliser des choix linguistiques. À travers ce type d’activités on évacuera l’opposition bonne-mauvaise réponse en valorisant au contraire les contradictions, les confrontations de points de vue et de justifications. On cherchera ainsi à s’appuyer sur les situations (orales ou écrites) qui permettent d’opposer des avis en obligeant les apprenants à se situer face à un problème d’analyse grammaticale. De plus, l’activité de raisonnement qui sera soumis aux apprenants au gré des séances permettra de valoriser l’erreur. La focalisation sur l’erreur devra permettre de raisonner sur sa propre erreur afin de la comprendre et d’employer une manipulation pour justifier d’une correction.

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Table des matières

INTRODUCTION
Présentation du collège et de son environnement
Le collège
Le niveau scolaire des élèves
Les dispositifs mis en place dans l’établissement
Présentation de la classe
La classe de cinquième
La classe de cinquième au cœur de notre questionnement
Questionnement et construction d’hypothèses
Les manipulations syntaxiques
Le raisonnement grammatical
L’usage dans la correction orthographique
Problématique
PREMIÈRE PARTIE : LE CADRE DIDACTIQUE & THÉORIQUE
I. La grammaire rénovée : la langue étudiée comme système permet une plus grande conceptualisation
1.1 La nouvelle grammaire : une approche du système linguistique
1.2 La conceptualisation : créer du lien entre les faits de langue
1.3 La réflexion des apprenants sur le système de la langue
II. Les manipulations syntaxiques
2.1 Le modèle de la phrase comme base de travail
2.2 Que sont les manipulations syntaxiques et à quoi servent-elles ?
2.3 L’enseignement des manipulations : un point aveugle des programmes du cycle 4
III. Viser la posture active d’un apprenant capable de réflexion et de réinvestissement
3.1 L’apprentissage et les connaissances en jeu
3.2 La motivation de l’apprenant : vers l’activation d’une posture métalinguistique
3.3 Le transfert des apprentissages : vers la vigilance orthographique
DEUXIÈME PARTIE : MÉTHODOLOGIE DE LA DÉMARCHE DIDACTIQUE
I. La création d’une progression
1.1 La progression dans l’enseignement des manipulations syntaxiques
1.2 La terminologie progressive des manipulations syntaxiques
1.3 Des choix linguistiques en fonction des objectifs d’analyse
II. Conception de la séance de découverte des manipulations à la séance de transfert des apprentissages
2.1 La séance de découverte
2.2 La séance de structuration et de confrontation aux situations problèmes
2.3 La séance de transfert de l’apprentissage des manipulations
III. La conception des supports : quels choix & pour quels usages ?
3.1 La série d’exercices manipulatoires
3.2 Les vidéos : un support accessible et re-consultable
3.3 Les affiches : un support pour la classe
TROISIÈME PARTIE : RÉSULTATS DES SÉANCES
I. La mise en œuvre des séances dans la situation du covid-19
1.1 Une mise en œuvre repensée dans le cadre de la continuité pédagogique
1.2 Collecte des données et sélection des profils d’élèves
II. De la séance de découverte aux séances de structuration
2.1 La séance de découverte des manipulations
2.2 Les séances de structuration
III. Des activités de transfert des apprentissages
3.1 Mise en œuvre et pourcentage de participation aux activités
3.2 Le transfert des apprentissages par la résolution de problèmes grammaticaux
3.3 Les problèmes grammaticaux nécessitant plusieurs manipulations
CONCLUSION
Bibliographie
ANNEXES

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