L’enseignement de la science et de la technologie au primaire

L’enseignement de la science et de la technologie au primaire

LA PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE

En science et technologie, le discours explicatif est particulièrement pertinent à travailler avec les élèves du primaire. En premier lieu, il s’agit là d’un mode de discours inhérent à la nature même des activités scientifiques et technologiques : celles-ci visent en effet à expliquer le monde qui nous entoure (Thouin, 2004; MEQ, 2001 ). En deuxième lieu, expliquer un phénomène scientifique ou technologique est une composante clé de la construction de la pensée et du discours scientifique (Bisault et Fontaine, 2004). En troisième lieu, expliquer, c ‘ est se situer par rapport à un objet un phénomène, un événement afin de tenter de le comprendre; le locuteur ou le scripteur doivent alors adopter une attitude métalangagière, objectif important dans le développement des capacités langagières des élèves (Simard, Dufays, Dolz et Garcia-Debanc, 201 0).

Aussi bien dire que le discours explicatif est important dans l’apprentissage d es élèves en science et technologie sur le plan de leur d éveloppement cognitif. Il y a donc un réel enjeu à développer le discours explicatif chez les élèves, car ce dernier leur permet de produire un discours visant à modifier les connaissances de leur interlocuteur. Aussi, favoriser le discours explicatif aide les élèves à décoder eux-mêmes l’information et à l’adapter pour la rendre compréhensible. Mais qu’en est-il du discours même de l ‘enseignant pour qui l’explication contribue pour beaucoup à 1 a médiation des apprentissages d es élèves (Vygotsky, 1934)? Car cel a est bien connu : l’enseignant est celui qui explique aux élèves, « expliquer » étant souvent considéré, dans l’opinion commune, comme un synonyme d’« enseigner».« Ma prof nous a expliqué plein d’affaires en science aujourd’hui», peut-on entendre de la bouche d’un élève qu’on questionne sur sa journée d ‘ école. L’enseignant explique pour se faire comprendre, ou plutôt pour « faire comprendre » aux élèves les savoirs à apprendre. Par ses explications, l’enseignant médiatise les savoirs pour les porter jusqu’aux élèves. Mais qu’en est-il dans le context scientifique et technologique?

Dans le contexte des activités scientifiques et technologiques au primaire, l’enseignant sait-il toujours bien diriger ses explications en « comment >> et en « pourquoi>>, deux enjeux clés de l’explication en science et technologie? Est-il conscient de son rôle de médiateur lorsqu’il adopte les conduites explicatives en classe de science et technologie? Connaît-il bien les enjeux de son discours explicatif par rapport à la discipline de la science et de la technologie? Comment gère-t-il son discours devant ses élèves? Quelles activités favorisent l’utilisation de l’explication? Quels types d’explications découlent de ces activités? Quels procédés utilise-t-il? Ce projet de maîtrise vise à répondre à ces questions. En fait, nous souhaitons décrire des pratiques orales de deux enseignants du 3e cycle du primaire lorsqu’ils utilisent le discours explicatif en classe de science et technologie, et particulièrement dans le contexte spécifique d’apprentissage de 1′ effet de la gravité sur un objet, faisant partie de 1′ univers matériel. Cette description permettra de caractériser ces pratiques orales explicatives d’un point de vue discursif, mais aussi pragmatique, c ‘est-à-dire en situation effective d’enseignement, et ce, dans le but de dégager les assises épistémologiques sous-jacentes.

Clarification préliminaire de quelques termes Sans entrer pour le moment dans le détail des concepts de « mode de discours explicatif >>, de « conduite explicative n, de « conduite langagière explicative>>, d’« explication n proprement dite, mentionnons néanmoins, pour le bénéfice du lecteur, que le discours explicatif a pour but d’expliquer quelque chose à quelqu’un en répondant à un besoin de questionnement. La conduite explicative, elle, renvoie à ce qu’ Élizabeth Nonnon (2002) décrit comme un moyen dont le locuteur dispose pour expliquer« quelque chose >> à quelqu’un. La conduite langagière, terme qu’utilise Nonnon, correspond à une unité d’activité partagée, mettant en jeu plusieurs dimensions (interlocutive, discursive et construction d ‘ objets de discours). Enfin, l’explication, terme plus générique, consiste à apporter une information destinée à faire comprendre quelque chose à quelqu’un au moyen de mécanismes langagiers (Bergeron et Harvey, 1999). Pour les besoins de notre étude, nous utiliserons désormais le terme de « conduite explicative », étant donné que la definition (voir 2.5.1.1) est plus directement orientée vers la pratique enseignante proprement dite.

Du côté de l’élève Le programme privilégie des contextes d’apprentissage pour que l’élève soit mis en situation où il doit recourir à la science et à la technologie. Ces deux disciplines requièrent d es d émarches d e l’esprit comme le questionnement, l’observation méthodique, le tâtonnement, la vérification expérimentale, l ‘étude des besoins et des contraintes, la conception de modèles et la réalisation de prototypes (MEQ, 2001). Ces d émarc hes d e l’esprit sont structurées dans une recherche d’investigation. L’élève doit donc s’engager, dans ce « type de démarche en passant par l’exploration de problématiques tirées de son environnement, à comprendre la nature de ces activités et à acquérir les langages qu’elles utilisent» (MEQ, 2001, p. 144). Le PFÉQ (2001) prévoit qu’au cours du troisième cycle, l’élève sera capable d’aborder des problématiques et des problèmes qui seront liés à son environnement élargi et qu’il établira, avec une plus grande facilité des liens entre ses explications et ses pistes de solutions.

Il se rendra compte qu’il existe souvent plusieurs solutions possibles. Il apprendra à reconnaître, à l’intérieur d’une problématique, la part respective de la science et de la technologie. Il fera aussi appel à des connaissances plus élaborées, tant scientifiques que technologiques, et développera ainsi des habiletés plus complexes. Cependant, à la suite de nos observations d’élèves de 3e cycle, ces derniers ne seraient pas en mesure de relever tous ces défis, car ils n’ont pas encore cerné ce qu’était une problématique de recherche. Ils ne peuvent donc pas comprendre comment mener à terme une recherche en prenant soin de réaliser toutes les éta pes que le p rogramme mentionne. Pour que l’élève soit en mesure de répondre à c es exigences, il 1 ui faud rait faire preuve d’ ouverture d ‘esprit et de créativité d ans le but d ‘arriver à identifier des probl ématiques pertinentes et à circonsc rire , à l ‘intérieur d e c elles-ci, des p roblèmes qui se p rêtent à l’observ ation et à l’analyse (Désautels et Laroc helle, 1997).

Du côté de l’enseignant

En ce qui concerne l’enseignant, le PFÉQ (2001) lui attribue plusieurs rôles en contexte d’enseignement d e la science et de la technologie. Il d oit avant tout encourager l’ élève à poser des questions, à faire d es ob servations et des recherc hes bibliographiques pour se familiariser avec l’objet d ‘étude, à émettre des hyp othèses qu’il teste et à communiquer avec les autres. Le PFÉQ (2001) propose que l’enseignant accompagne l’élève d ans cette recherc he en maîtrisant la situation. Le rôle d e l’enseig nant est d ‘être un médiateur entre la scienc e et l’élève, ainsi qu ‘entre les élèves eux-mêmes. Le programme suggère à l’enseignant d’organiser la communication en s’effaçant pour laisser place au questionnement de l’élève. Il n’est pas facile pour l’enseignant d’y arriver, car en même temps, il ne doit pas perdre de vue son but qui est de faire construire par l’élève une connaissance scientifique.

Aussi, comme l’enseignant fonctionne en favorisant les expérimentations, qui sont une des étapes de la démarche d’investigation, la place de son discours se voit quelque peu restreinte, car l’élève construit son apprentissage au travers de l’expérimentation, moment pendant lequel le discours de l’enseignant est moins présent [Giordan et de Vecchi, 1987). Pour y parvenir, il devra, tout au long de son discours, faire appel aux présupposés connus de tous et recadrer la situation expérimentale vécue par les élèves dans le questionnement en cours. Ainsi, l’enseignant pourra reprendre, reformuler, répéter ce que l’élève a dit, mais il pourra aussi distribuer les rôles, apporter des informations supplémentaires lorsqu’il voit que l’élève éprouve des difficultés à progresser dans sa démarche d’investigation.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 LA PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE..
1.1 Clarification préliminaires de quelques termes
1.2 Le contexte d’enseignement de la science et technologie au primaire
1.2.1 Du côté de l’élève
1.2.2 Du côté de l’enseignant
1.3 L’accompagnement discursif en science et technologie : la phase de problématisation
1.3.1 Problématiser en science et technologie
1.3.2 Les conduites explicatives orales: enjeux discursifs
1.3.3 Les difficultés liées à l’explication orale: enjeux didactiques
1.3.3.1 L’idée que se font les enseignants de la science chez les enseignants
1.3.3.2 Les fondements épistémologiques de la science
1.3.3.3 Les conduites explicatives plutôt limitées sur le plan discursif
1.3.3.4 ue disent les recherches au sujet des conduites langagières orales en science et technologie?
1.3.3.5 Des conduites langagières difficiles à différencier
1.4. Les recherches en lien avec la difficulté à reconnaître les conduites
1.5. Pertinence de notre recherche
1.6. La question de recherche
1.7. Les objectifs de la recherche
CHAPITRE 2 LE CADRE CONCEPTUEL
2.1. L’enseignement de la science et de la technologie au primaire
2.2. Les fondements de l’apprentissage
2.2.1 Le constructivisme
2.2.2 Le socioconstructivisme
2.3. L’apprentissage de la science et la technologie
2.3.1 La démarche d’investigation scientifique au primaire
2.3.2 La démarche d’investigation technologique au primaire
2.4. La problématisation
2.4.1 Qu’est-ce que problématiser?
2.4.2 Apprendre à problématiser
2.4.2.1 Le rôle de l’élève dans la problématisation
2.4.2.2 L’accompagnement discursif de l’enseignant
2.4.3 La phase de problématisation en science et technologie au primaire
2.4.4 Le rôle de l’enseignant dans la phase de problématisation
2.4.5 Le rôle des élèves dans la phase de problématisation
2.5 L’enseignant accompagnateur dans la phase de problématisation : la conduite explicative orale
2.5.1 Les conduites langagières orales
2.5.1.1. Les conduites explicatives
2.5.1.2 Les procédés explicatifs dans la phase de problématisation
CHAPITRE 3 LA MÉTHODOLOGIE
3.1 Type de recherche
3.2 Recherche qualitative ou quantitative?
3.3 Devis de recherche
3.4 Recrutement des participants
3.4.1 Population
3.5 Description des participants
3.5.1 Échantillon
3.6 Situation d’apprentissage observée en science et technologie
3.7 Méthode de collecte des données
3.7.1 Observation directe
3.8 Outils de collecte de données
3.8.1 Le journal de bord
3.8.2 La grille d’observation
3.8.2.1 Production de la grille systématique d’observation
3.8.3 La captation vidéo
3.9 Déroulement de l’analyse des données
3.9.1 Le type d’analyse et l’interprétation des données
3.9.2 L’analyse de contenu
3.10 Le logiciel d’analyse
3.11 Les limites de ma recherche
3.12 Considérations éthiques
CHAPITRE 4 PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
4.1 La grille d’observation
4.2 Le journal de bord
4.2.1 Enseignante 2000
4.2.2 Enseignante 2001
CHAPITRE 5 ANALYSE DES RÉSULTATS
5.1 Les conduites explicatives orales lors de la phase de problématisation
5.1.1 La gestion de l’interaction :repérer l’enjeu de la communication
5.1.2 La gestion de l’objet: mobiliser le savoir disponible sur l’objet..
5.1.3 La gestion de l’objet: sélectionner les éléments sur lesquels portera l’explication
5.1.4 La gestion du discours: l’utilisation des conduites explicatives
5.1.5 La synthèse des conduites explicatives orales lors de la phase de problématisation
5.1.5.1 L’enseignante 2000
5.1.5.2 L’enseignante 2001
5.2 Les assises épistémologiques sous-jacentes aux conduites explicatives
CONCLUSION
ANNEXE A
ANNEXE B
ANNEXE C
ANNEXE D
BIBLIOGRAPHIE

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