L’enseignement d’une DNL en Bachibac
L’enseignement bilingue en France
En France, il existe deux modalités de l’enseignement bilingue : l’enseignement des langues régionales et l’enseignement d’une discipline non linguistique en sections européennes, internationales ou binationales.En 1982, un mouvement de revalorisation des langues régionales a entraîné l’application de la circulaire Savary qui suppose la création d’écoles de langue régionale dans des régions où la langue minoritaire – le corse, la basque, le breton – avait été longtemps méprisée.Dix ans plus tard sont créées les sections européennes et de langue orientales (SELO). L’objectif initial étant de calquer le modèle des sections internationales et de l’étendre à un maximum d’établissements scolaires. En effet, les sections internationales, créées en 1981, comptent un pourcentage obligé d’élèves étrangers et le recrutement des élèves y est très sélectif. Les sections internationales sont souvent associées à une éducation élitiste. Par souci de démocratisation, les autorités éducatives ont ainsi créé les sections européennes et de langue orientale. Les finalités de ces sections ne sont pas uniquement d’élargir les compétences linguistiques des élèves mais aussi de permettre les échanges interdisciplinaires ainsi que la connaissance de valeurs citoyennes, comme la prise en compte de l’altérité et de la pluralité des langues et cultures21. Néanmoins, même si les sections européennes se multiplient, de nombreux chercheurs ont souligné la prédominance de l’anglais dans le choix de la langue de la section. Ce risque d’hégémonie linguistique ne se produit pas dans d’autres sections, les sections binationales qui n’ont pas l’anglais comme langue partenaire. En définitive, la création des sections binationales répond d’un double objectif : l’acquisition de connaissances linguistiques et interdisciplinaires dans une autre langue européenne et l’obtention d’un double diplôme européen. Il existe trois sections binationales, les sections Bachibac, franco-espagnoles, les sections Esabac, franco-italiennes et les sections Abibac, franco-allemandes. Les sections Abibac étant pionnières dans le domaine. Ce sont ces sections que nous allons étudier plus en détails dans notre développement.
Finalement, au sein des différentes filières bilingues présentes sur le territoire français, le choix de langue est toujours tactique et il traduit un engagement au niveau politique, mais aussi institutionnel. Le rectorat et les établissements scolaires ne choisissent jamais par hasard l’ouverture d’une section et les enjeux ne sont pas simplement pédagogiques. Or, si le choix de la langue de la section bilingue est toujours stratégique, le choix de la discipline non linguistique est lui aussi âprement discuté.
DNL, une notion discutée
« Faut-il apprendre pour entreprendre ou entreprendre pour apprendre ?22» Cette interrogation constante chez les didacticiens prend tout son sens dans le cadre d’un enseignement pragmatique d’une discipline non linguistique. En effet, est-ce en apprenant une discipline par le biais d’une langue que l’on apprend cette même langue? L’expression « discipline non linguistique » désigne les disciplines scolaires qui sont enseignées en deux langues, la L1 et la L2. Or, cette formulation communément utilisée, est contestée car chaque matière scolaire articule les langues pour enseigner et apprendre23. Par conséquent, toute discipline est nécessairement linguistique. Or, cette négation de l’adjectif « linguistique » ne révèle-t-elle pas une conception cloisonnée de la part des didacticiens et des acteurs de l’enseignement bilingue? Il y a ici une séparation établie entre la langue comme discipline scolaire et les autres disciplines qui ne s’occupent ordinairement pas des langues. Toutefois, les DNL permettent aux apprenants, au même titre qu’un enseignement traditionnel de langue vivante, d’enrichir un savoir linguistique existant. L’unique différence serait que l’enseignant de L2 fait une entrée dans la langue par le code alors que l’enseignant de DNL effectue cette même entrée par le sens24.
Les DNL sont mises en place dans les filières bilingues (sections internationales, européennes et binationales) après un enseignement approfondi de L2 afin que cette langue ne soit plus totalement étrangère aux apprenants. De plus, dans une classe de DNL, l’enseignant et les apprenants se doivent d’utiliser la L2 et la L1 comme langues de travail pour élaborer les savoirs et les conceptualiser. La L2 d’abord étrangère pour les élèves devient le vecteur de l’apprentissage. De ce fait, cette langue n’a plus le même « degré de xénité25 » pour les apprenants car elle devient une langue de communication scolaire. Par voie de conséquence, le statut de langue change. La L2 n’est plus un objet d’étude en soi mais elle devient un outil pour accéder et élaborer des savoirs disciplinaires.Toutefois, quel est l’intérêt d’apprendre une discipline par le biais d’une L2 ? Laurent Gajo précise que « le fait de travailler dans des disciplines en langue étrangère permet d’approfondir la thématique, de l’élargir, d’entrer dans une matière, de la densifier et de la saturer. 26» Les apprenants par le détour de la L2 observent et perçoivent la discipline de manière moins subjective et moins orientée qu’avec leur L1. Ils enrichissent ainsi leurs connaissances lexicales et leurs savoirs conceptuels de la discipline. La langue de la discipline gagne à être abordée dans les deux langues. En effet, chaque discipline possède ses discours spécifiques et l’apprentissage de ces particularités discursives dans une autre langue représente une plus-value pour l’apprenant.
En résumé, l’enseignement d’une DNL repose sur le procédé de la tripe intégration27 : intégration entre les langues (dans un enseignement qui est supposé bilingue), intégration entre les contenus disciplinaires et intégration entre les langues et les DNL28.
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INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE
1. Présentation de l’objet de la recherche : l’enseignement d’une DNL en Bachibac
1.1. Champ de la recherche : la didactique du plurilinguisme
1.2. L’enseignement d’une discipline non linguistique
1.3. Le dispositif d’enseignement bilingue, le Bachibac
1.4. Le public étudié : les enseignants de DNL en Bachibac
2. Réflexion sur les notions-clés du sujet : langues, pratiques et représentations
2.1. Enseigner « en » langue
2.2. Enseigner une DNL, des pratiques de classe….
2.3. … aux représentations d’enseignants
3. Problématique et questions de la recherche
3.1. Problématique
3.2. Questions de recherche
DEUXIEME PARTIE : EXPOSE METHODOLOGIQUE
1. Déroulement général de la recherche
1.1. Processus de la recherche
1.2. Adoption d’une démarche qualitative
1.3. Délimitation de la cible
2. Choix de la méthode d’enquête
2.1. La méthode privilégiée
2.2. Les orientations méthodologiques
2.3. Détermination du corpus de recherche
3. Démarche d’enquête
3.1. L’attitude de l’enquêtrice
3.2. Les entretiens individuels
3.3. Les observations de classe
3.4. « L’effet loupe » des transcriptions
TROISIEME PARTIE : ANALYSE DES DONNEES
1. Présentation du contexte
1.1. Présentation des informateurs
1.2. Le contexte d’enseignement
2. Réponses aux questions de recherches
2.1. La langue, entre contraintes et bénéfices
2.2. L’action enseignante, entre pratiques et finalités
2.3. Des représentations plurielles sur leur agir
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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