LES MANIFESTATIONS DE L’ENNUI
Définition de l’ennui
L’ennui est un sujet qui fait parler et écrire depuis toujours. Lorsqu’on cherche à définir « l’ennui », on pense rapidement à la mélancolie. Mais en poursuivant les recherches, « l’ennui » se décline sous plusieurs aspects.
D’après le CNRTL, dictionnaire en ligne créé par le CNRS, l’ennui se définit de plusieurs façons. L’ennui est un sentiment de lassitude. Également un sentiment de désagrément, de contrariété. Plus précisément, l’ennui est un sentiment de lassitude coïncidant avec une impression plus ou moins profonde de vide, d’inutilité qui ronge l’âme, sans cause précise ou qui est inspiré par des considérations de caractère métaphysique ou moral. Il est aussi un sentiment de fatigue, de découragement provoqué par l’inaction ou le manque total d’intérêt de quelqu’un ou quelque chose. Pour Blaise Pascal (1669) « rien n’est si insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos, sans passions, sans affaires, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. ». Huguet (1984) reprend cette idée : « l’ennui serait élaboré comme une défense face à un vide, un temps de transition ». Sur un plan physiologique, l’ennui se manifeste par une baisse de l’énergie et une somnolence envahissante.
Cependant selon Goethe (19e siècle) les singes pourraient être des êtres humains, à la condition qu’ils puissent s’ennuyer. L’ennui devient donc ce qui nous différencie des animaux.
Plusieurs travaux montrent l’aspect positif de l’ennui car il créé l’introspection (Gana, Delalang et Metais, 2000), la réflexion sur soi (Seib et Vodanovich, 1998) et une certaine lucidité sur soi (McLeod et Vodanovich, 1991). Séverine Ferrière (2009), dans sa thèse sur l’ennui en contexte scolaire, appuie ses propos : « Cette ambivalence de l’ennui, positif ou négatif est constante chez tous les auteurs qui ont proposé une typologie de l’ennui, des philosophes aux écrivains, en passant par les sociologues et les psychologues. Elle cite notamment Svendsen (1999), auteur de Petite Philosophie de l’ennui. Patrick Lemoine, (2013) psychiatre, docteur ès neurosciences, explique clairement ces deux formes d’ennui : l’ennui pathologique, et l’ennui « normal », qui est positif voire indispensable, qui s’apparente à la rêverie. L’inaction peut engendrer la création. L’ennui nous permet de prendre de la distance, de nous détacher de notre corps et de notre environnement pour réfléchir sur nous-mêmes.
A partir de ces réflexions, voici comment se définit l’ennui :
– L’ennui est ambivalent.
– Il peut être négatif s’il est inutile pour l’élève. Il se crée un sentiment de mal-être (lassitude, agacement, découragement). S’il perdure il peut devenir maladif. Il faut donc le combattre.
– Il peut être positif s’il est bon pour l’élève car il est source de créativité. L’ennui est productif, l’écriture, la lecture, le dessin, la réflexion sur soi, sur des stratégies, sur le monde sont alors des réponses à l’ennui. Cependant les rêveries et créations ne doivent pas prendre la place des apprentissages qui sont en cours.
Des comportements perturbateurs observés par le professeur
Afin d’appréhender l’ennui, il s’agit dans un premier temps de constater ce que font les élèves lorsqu’ils s’ennuient en classe. Une observation des comportements perturbateurs des élèves est faite et prise en note (voir Annexe 3 : tableau résultats comportements). Différentes manifestations de l’ennui chez les élèves s’observent régulièrement. Les premiers comportements perturbateurs sont : bavardage, jeu avec le matériel scolaire, dessin, gesticulation, déplacement inutile. Je constate la régularité de ces comportements via le tableau des comportements. Lorsqu’un élève perturbe une activité, c’est-à-dire s’il fait perdre du temps au groupe classe car je suis dans l’obligation de le reprendre pour pouvoir continuer l’activité, l’élève vient cocher une case dans le tableau. Au bout de trois croix, celui-ci se déplace à un bureau isolé, et colle un mot pour avertir les parents de son comportement. Ces observations me permettent de constituer 3 groupes.
Le groupe 1 « non perturbateur », constitué de 12 élèves, ne présente aucun comportement qui vient perturber les séances. Un élément cependant est difficile à relever étant donné l’interrogation trop occasionnelle des élèves : la rêverie chez les élèves. Lorsqu’une question est posée pendant une activité, certains élèves ne peuvent pas répondre car ils étaient en train de rêvasser, de penser. L’élève semble être en ennui positif, mais cela perturbe la logique de séance. Le fait de rappeler la question, la consigne ou l’explication viennent perturber la dynamique de l’activité.
Le groupe 2 « perturbateur occasionnel » est composé de 7 élèves. Différentes manifestations sont à noter comme le dessin, le bavardage, le jeu seul ou avec un voisin. Deux élèves, à l’origine dans le groupe 1, ont été placés dans le groupe 2 car ont perturbé plusieurs séances. Après un temps d’échanges, il s’avère que ces perturbations ont pour origine des problèmes familiaux divers.
Le groupe 3 « perturbateur durable», composé de 6 élèves, perturbe les séances régulièrement. Les comportements perturbateurs sont :
– bavarder à deux, à trois, voire seul
– jouer avec son matériel scolaire, généralement seul ou à deux
– gesticuler sur ou devant sa chaise, ce qui occasionne une gêne visuelle et sonore
– regarder dehors, qui attire d’autres élèves à regarder dehors
– dessiner, qui incite d’autres élèves à dessiner ou gêne par le bruit
– se déplacer à plusieurs reprises pour utiliser un mouchoir, pour tailler un crayon, pour aller aux toilettes
– refuser de se lancer dans l’exercice .
Par rapport au groupe 2, en dehors de la régularité des manifestations, il y a une forte présence de mouvements, soit dans la classe, soit à leur place en basculant sur leur chaise, ou en faisant du bruit avec leur matériel.
Les manifestations de l’ennui déclarées par les élèves
Suite à ces observations, en fin de période 2, je propose aux élèves de faire un point afin d’améliorer les activités. La consigne est suffisamment ouverte pour que chacun puisse s’exprimer : « Consigne : afin de vous proposer des activités plus motivantes pour la prochaine période, dîtes moi tout ce que vous aimez faire, ce que vous n’aimez pas faire en classe, ce qui vous ennuie, pourquoi vous vous ennuyez, ce que vous faites quand vous vous ennuyez. » .
Ces retours ont permis d’établir un questionnaire sur les raisons de l’ennui chez les élèves : « j’aime bien jouer avec mon voisin », « je dois pas bavarder mais je bavarde », « je fais semblant d’aller aux toilettes ou boire de l’eau », « quand l’activité est nulle, je pense à autre chose », « je pense au match de ce weekend»… Aujourd’hui comme l’explique Meirieu (2005) « Nous sommes face à des enfants qui veulent zapper le programme et changer ». Dans la classe c’est pareil, lorsqu’une séance n’intéresse pas, les élèves émettent très rapidement des signes révélateurs de leur ennui, un comportement qui peut perturber l’autorité de l’enseignant.
Le questionnaire (Annexe 1 : questionnaire comportements) permet d’apporter des éléments de réponses (reportées dans l’Annexe 3 : tableau résultats comportements) : Tout d’abord il faut noter la bonne participation des élèves qui ont osé avouer qu’ils bavardent, font des bêtises ou essayent de dormir en classe. Concernant les comportements perturbateurs liés aux mouvements, les élèves ont eu recours au tableau de comportements installés dans la classe pour se rendre compte qu’ils étaient souvent sanctionnés à cause de déplacements inutiles et gênants. Il serait utile d’avoir une réelle étude sur le lien dessin / ennui positif, car pour certains celui-ci est uniquement un coloriage apaisant, pour d’autres le dessin représente un réel travail créatif, ou une visualisation de leur imagination. Les déclarations faites sont majoritairement en adéquation avec les observations réalisées précédemment. Trois informations font évoluer le constat de base :
– le premier est que 100% des élèves s’ennuient, à des moments différents et de façons différentes, mais beaucoup plus régulière que les ressentis de base.
– Le second constat est que les élèves aux comportements perturbateurs multiplient les façons de perturber les séances.
– Le troisième enfin, un comportement que je n’avais pas relevé est le fait que 2 élèves révèlent avoir envie de dormir durant le temps de classe.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. LES MANIFESTATIONS DE L’ENNUI
a. Définition de l’ennui
b. Des comportements perturbateurs observés par le professeur
c. Les manifestations de l’ennui déclarées par les élèves
2. LES CAUSES DE L’ENNUI
a. Constats
b. Analyses
c. Remèdes à l’ennui
3. ACTIONS REALISEES FACE A L’ENNUI
a. Evolution des pratiques
b. Adaptation en séance d’histoire
c. Limites de l’écrit réflexif
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES