L’engagement professionnel au coeur des rapports de genre au travail

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

L’attribution des charges connexes à l’enseignement : une vulnérabilité plus importante des femmes vis-à-vis du « donnant donnant » ?

Dans ce chapitre, nous analyserons plus finement les formes de pressions exercées sur les enseignant-es autour des activités connexes (charge de professeur principal, responsable de niveau, coordonnateur -trice, responsable de projet, engagement au conseil d’administration…). Nous montrerons que les femmes sont plus vulnérables au chantage à l’emploi du temps que leurs homologues masculins, du fait des enjeux d’articulation des sphères de vie qui leur incombe souvent.

Les charges de professeur principal

Les entretiens individuels et collectifs font ressortir que les femmes subisssent plus de pressions que leurs collègues, indépendamment de leur ancienneté pour tenir la fonction de professeur principal, pour animer des ateliers. Que négocie-t-on lorsque l’on accepte la charge de professeur principal alors que l’on ne souhaitait pas cette responsabilité : « Je ne veux pas le faire, mais je le fais quand même ; qu’est-ce que je gagne à le faire ? » Les femmes n’auraient-elles pas plus d’enjeux en termes d’articulations entre les sphères de vie, les rendant plus vulnérables aux injonctions de la hiérarchie ? Plusieurs enseignant-es interrogé-es le laissent penser.
Dans l’établissement dans lequel j’étais, c’était comme ça : le principal avait même une formule « donnant, donnant ». Ça, il ne s’en cachait pas, c’était « donnant, donnant ». Il donnait la possibilité de sortir à 16h au lieu de 17h pour aller chercher les enfants à l’école ; en contrepartie, il fallait que l’on accepte la charge de professeur principal : c’était « donnant, donnant ». (F, 56, Clg, EPS)
Oui, cette année on m’a demandé d’être professeur principal alors que je ne souhaitais pas avoir cette responsabilité du fait que je suis déjà en flux tendu (4 jeunes enfants et à temps partiel). Mais comme j’ai eu un bon emploi du temps cette année, j’ai accepté quand même. Si j’avais eu un autre emploi du temps, du même type que ceux des années précédentes (mauvais), je n’aurais pas accepté cette responsabilité ; j’aurais dit « non ». (F, 41 clg, Maths)
Des « arrangements » qui génèrent une augmentation sensible de la charge de travail ayant un impact à la fois sur le temps de travail mais également sur le temps personnel ; mais qui sont perçus parfois comme une contrepartie pour pouvoir concilier le rôle de mère-père sans lâcher ses missions d’enseignant-e.
Cette pression, qui semble plus marquée chez les femmes, s’exerce particulièrement en fin d’année lors des conseils d’enseignement ou pendant les congés scolaires, dans la période où la direction prépare les emplois du temps. D’après nos entretiens, les femmes sont beaucoup plus fréquemment appelées au téléphone durant l’été que leurs homologues masculins pour accepter cette responsabilité lorsque la direction manque de volontaires. L’inquiétude vis-à-vis des emplois du temps remis à la rentrée est telle que les femmes acceptent souvent cette charge qu’elles ne désiraient pas.
On a déjà téléphoné à une collègue femme pendant les vacances, mais pas à un homme. Moi ma femme est enseignante, on lui a téléphoné pendant l’été, alors que son collègue, lui, on ne lui a pas téléphoné. Moi, ce sont ces pratiques-là après qui m’énervent ! (H, 60, lyc, EPS) (focus)
Moi j’ai une collègue qui ne voulait pas être prof principal, ça fait deux ans qu’elle ne le voulait pas ; et à chaque fois, on l’appelle pendant les vacances, et à chaque fois elle cède. Et après elle se plaint : « Ça me fait beaucoup de boulot », elle est saturée ; mais à chaque fois elle a cédé. Mais elle a eu son vendredi matin et moi qui ai dit « non », je n’ai pas eu mon vendredi matin. (F, 49, Clg, EPS) (focus)
Au travers de la dernière phrase, on perçoit les conséquences d’un refus de rentrer dans la logique du « donnant-donnant » : une prise de risques pour obtenir des emplois du temps conformes aux vœux qu’elle a formulés en fin d’année pour la rentrée suivante et lui permettant une activité d’articulation des sphères professionnelles et personnelles harmonieuse, d’obtenir les classes demandées, de garder des rapports sereins avec la direction.
Ces pressions peuvent également porter sur des contractuels ou des titulaires remplaçants qui n’ont que quelques heures dans l’établissement ; et qui du fait de ces conditions de travail difficiles ne souhaitent pas cette charge.
Moi ça m’est arrivé une année où j’étais en complément de service sur 2 établissements, on voulait que je sois prof principale ; j’ai dit « c’est difficile parce que je suis 6 heures sur votre établissement, tout mon service je le fais ailleurs, comment voulez-vous que je suive une classe ? » Prof principal, c’est des heures sup aussi parce qu’il y a les heures de vie de classe qui sont à faire. « Mme X, très bien ! Moi, si vous ne voulez pas, c’est bien vite vu, le jeudi de 10 à 12 vous serez chez nous, de 13h30 à 14h30 vous serez à JPS et de 15h30 à 16h30 vous venez pour la 5ème 3 ». Et je leur ai dit « Eh bien faite ! Donnez-moi prof principal, j’accepte, je toucherai la prime, et puis, je ne pourrai pas faire le boulot » ; et d’ailleurs c’est ce qui s’est passé parce que quand il y avait les réunions, je n’étais pas là du fait que j’étais dans l’autre établissement. Vu comment s’était passée la conversation et vu qu’il y avait eu plusieurs courriers qui étaient remontés parce qu’en plus les heures de vie de classes il ne les payait pas et qu’on avait une action avec le SNES, ils ont bien compris qu’il ne fallait pas pousser trop loin. Donc, il y a eu quelques réflexions qui ont été faites aux élèves, du genre la CPE qui disait « normalement le prof principal il devrait faire vie de classe tous les quinze jours », ça les élèves me l’on dit : mais, je n’ai pas eu de représailles directes, sur ma notation ou des choses comme cela. J’ai bien eu des réflexions désagréables, m’enfin bon… ! J’ai tenu le coup toute l’année comme prof principale ; le problème c’était de ne pas faire le travail correctement, c’est quand même frustrant, c’était plus ça. (F, 36, tit rpl, PC)
Ici le problème est également la gestion du temps ; mais le déterminant n’est pas la gestion des enfants car cette enseignante n’a pas d’enfant, mais l’articulation d’une activité partagée entre deux établissements. Le chantage à l’emploi du temps, qui est très explicite ici, contraint l’enseignante à accepter cette charge, à son corps défendant, alors qu’elle sait d’emblée qu’elle ne pourra pas remplir correctement cette mission. En découle la frustration d’avoir « mal fait son travail vis-à-vis des élèves » ; et c’est ce qui l’a le plus contrariée au vue de ses valeurs de métier.
Des pratiques qui peuvent révolter leurs collègues masculins, conscients de leur traitement différencié.
Moi je trouve ça lamentable ! Je ne parle pas des collègues, mais des chefs d’établissement. Là, c’est lamentable ! C’est lamentable ! Moi, je ne comprends pas : on est dans du public, on n’est pas dans le privé ! Je trouve ça lamentable ! Là, moi, j’aime pas ça parce qu’à un moment donné, tout est permis ! Ça s’arrête où ? Je suis sûr qu’il y a des magouillages : « Vous me faites des petites choses en plus… » Je suis sûr qu’il peut redemander s’il y a encore un problème à ces collègues-là qui ont déjà accepté, pour reprendre une autre démarche, pour une autre responsabilité qu’il va donner. Moi, je ne suis pas du tout d’accord avec ça ! Je n’incrimine pas les collègues ! Mais à toutes les stagiaires que j’ai eues, les filles, je leur ai dit « Ne rentrez pas là-dedans parce qu’on va vous demander un peu plus, puis un peu plus, et encore un peu plus quitte à téléphoner pendant les vacances ! » (H, 60, LP, EPS) (focus)
Ces pratiques, qui semblent au vue des personnes interrogées, plus fréquentes vis -à-vis des femmes, posent problèmes à leurs collègues hommes qui peuvent parfois jouer un rôle protecteur vis-à-vis de telles pratiques : « Mais à toutes les stagiaires que j’ai eues, les filles, je leur ai dit « Ne rentrez pas là-dedans parce qu’on va vous demander un peu plus, puis un peu plus, et encore un peu plus quitte à téléphoner pendant les vacances ! »
Et à la question, « Mais pourquoi se permet-on davantage ce type de pratique vis-à-vis des femmes que des hommes », un collègue a proposé une analyse fondée sur les rapports sociaux de genre : Je pense que c’est une culture ; ça ne date pas d’aujourd’hui. Ça vient de très loin. On est habitué ou les femmes ont habitué ou leur éducation fait qu’on rentre plutôt dans la négociation que dans le conflit. Et là, j’ai l’impression que c’est culturel, c’est éducatif, c’est tout ce que tu veux. (H, 60, LP, EPS) (focus)
Mais certaines femmes résistent aux injonctions, assumant de prendre des risques pour faire accepter leur décision.
Certaines femmes acceptent de prendre des risques. Tu te souviens quand on avait eu le conflit avec mon principal ? Il voulait nous donner 3 classes à 2 profs en 3° ; c’était Philippe qui avait appelé pour dire que ce n’était pas possible. Il nous a convoqués les premiers jours des vacances début juillet pour nous dire qu’il n’était pas content dans son bureau ; et quand je suis partie, je me suis dit « l’année prochaine, je vais arriver à 8h le matin et repartir à 17h tous les soirs, et travailler le mercredi, c’est-à-dire faire le maximum ». Il était tellement en colère ! Finalement non ! Mais cette perspective, je l’ai envisagée et je l’ai acceptée ! Mais je pense que pour certaines femmes, c’est un risque qu’elles ne veulent pas prendre ! Moi j’ai pris le risque et finalement j’ai bien fait parce que je n’ai pas été sanctionnée sur mon emploi du temps ! Mais ce n’est pas que sur les femmes parce que mon collègue masculin voulait faire marche arrière parce qu’il avait peur pour ses emplois du temps aussi, en étant un homme ! (F, 56, Clg, EPS) (focus).

Les heures supplémentaires (HS)

Nous évoquerons ici les heures supplémentaires sous deux angles :
– dans des couples d’enseignants, qui fait les heures supplémentaires ?
– les pressions autour de l’acceptation des heures supplémentaires dans la continuité de ce que nous avons observé du point de vue de la fonction de professeur principal.

Dans les couples d’enseignants, qui fait les heures supplémentaires ?

Nous avons eu deux retours d’enseignants intéressants sur ce point ; l’un d’une femme, l’autre d’un homme. Tous les deux vont dans le même sens : dans un couple, s’il y a des heures supplémentaires à réaliser, c’est l’homme qui les prend, l’épouse s’occupant des enfants.
Moi je suis convaincue que le fait qu’il soit un homme, il n’est pas perçu de la même façon qu’une femme. Il y a encore dans les esprits que les hommes sont plus disponibles que les femmes. D’ailleurs, lui fait des heures sup et moi je n’en fais pas ; lui intervient à la fac, moi non. Il y a plusieurs éléments qui rentrent en ligne de compte. Mais c’est un choix dans notre couple, aussi ; moi je lui ai dit « Moi, je ne fais pas d’heures sup, mais moi je consacre plus de temps à la maison. Toi, tu fais des heures sup, donc tu fais moins de choses à la maison ». (F, 43, lyc, Eco)
Dans ce premier cas, l’enseignante accepte volontiers la situation ; son investissement auprès de ses enfants étant une priorité pour elle. Dans le second cas ci-dessous, nous n’avons pas rencontré la conjointe pour connaître son opinion.
Moi je fais beaucoup d’heures sup et des enseignements à l’extérieur de l’établissement dans différentes grandes écoles ; il y a toujours des besoins. Ma femme, elle n’en fait pas : elle s’occupe de nos enfants (6). (H, 42, lyc, Philo)
Si cette organisation au sein des couples permet de limiter la surcharge de travail pour l’épouse en charge des enfants et satisfaire les besoins financiers de la maison, elle peut soulever des questions de deux points de vue :
– les femmes ont moins la possibilité de montrer leur engagement dans l’établissement, et de ce fait se mettront moins en visibilité par rapport au chef d’établissement, leur trajectoire professionnelle pouvant s’en trouver affectées (attribution de certaines classes du sup par exemple) ;
– c’est sans compter avec le fait que refuser les heures supplémentaires peut être mal perçu par les chefs d’établissement parfois et déboucher sur des tensions importantes que nous allons aborder dans le point ci-dessous.
Donc des stratégies familiales qui à termes peuvent fragiliser la position des femmes alors même que la décision d’accepter les heures supplémentaires ou non relève d’une stratégie du couple.

Les pressions autour de l’acceptation des heures supplémentaires

Les heures supplémentaires sont également de gros enjeux au niveau du fonctionnement des établissements ; nous l’avons évoqué plus haut. De ce fait-là, elles deviennent un moyen de pression, voire parfois de chantage vis-à-vis des enseignant-es. Et nous allons voir que les hommes et les femmes n’ont pas toujours les mêmes marges de manœuvre pour résister à la pression des heures supplémentaires lorsqu’ils ne les souhaitent pas. Deux facteurs semblent déterminants de ce point de vue : le fait d’être femme ou homme en charge de famille – et – le fait d’avoir un statut précaire ou non. Il arrive même parfois que les tensions autour de ces heures supplémentaires soient perçues comme des formes de harcèlement par les enseignant-es concerné-es.
Faire accepter les heures supplémentaires est une injonction des recteurs auprès des chefs d’établissements : ces derniers n’ont pas le choix ; et de leur capacité à les faire accepter par leur personnel, en découlera leur propre évaluation. Si certain-es enseignant-es les recherchent, d’autres n’en veulent pas. Or il y a plus de personnes qui les refusent que de personnes qui les acceptent.
Les chefs d’établissement sont entre le marteau et l’enclume, cad que de toute façon, eux quand ils prévoient une rentrée scolaire, s’il n’y a pas tant d’heures supplémentaires comme c’est demandé par le rectorat, le rectorat va leur dire « Non, ça ne colle pas ; il faut recommencer ! Ça ne va pas ; refaites-le ! Débrouillez-vous pour que vos profs les acceptent ». Alors parfois, les profs acceptent, certains principaux vont négocier, certains vont menacer, d’autres vont enfumer complètement ! Certains acceptent les HS, certains les demandent, certains les refusent ; ça dépend des choix de chacun. On a le droit de les refuser au-delà d’une heure supplémentaire ; on a le droit, mais en ce qui concerne le droit, le chef d’établissement a aussi le droit de faire un emploi du temps absolument ahurissant. (H, 36, clg, Maths)
En résultent des formes de pressions différentes. Si certaines s’inscrivent dans le cadre d’échanges et de dialogues sur les difficultés rencontrées (c’est le cas dans l’établissement dans lequel nous avons travaillé), d’autres relèvent davantage de processus de chantages. Nous en avons identifié différentes formes :
– un mauvais emploi du temps, c’est-à-dire un emploi du temps à trous obligeant l’enseignant-e à travailler tôt le matin et travailler en fin de journée, et travaillant le mercredi matin ou samedi matin ;
Du point de vue des vœux, j’ai été bien loti. J’ai été bien loti ; c’est à ça justement que l’on reconnaît les professeurs qui acceptent des charges pour rien ! Mais ça fait partie des choses qui sont âprement observées en début d’année : qui a quel emploi du temps et pourquoi ? Parce que ça veut tout dire ! Celui qui a plein de trous dans son emploi du temps, on a bien compris que lui il n’est pas en odeur de sainteté ! Moi, les vœux que j’avais formulés, c’était le mercredi matin libre pour m’occuper de mon petit ; je l’ai obtenu sans problème. (H, 36, clg, Maths)
– une répartition des classes sur l’ensemble des niveaux scolaires obligeant l’enseignant-e à travailler sur l’ensemble des programmes ;
Le chef d’établissement a aussi le droit de faire un emploi du temps absolument ahurissant, il a aussi le droit de nous mettre 4 niveaux différents pour nous obliger à bosser les 4 programmes. Ça se fait forcément parce que le chef d’établissement, lui, a obligation de caser ses heures sup et les profs n’ont pas obligation de les accepter. Donc ça peut être du troc ; ça peut être de la pression.

Et est-ce que ce type de comportement de la direction est plus porté par des hommes ou par des femmes, ou indifférent ?

En l’occurrence, en Seine St Denis, c’était une femme ; ici c’est un homme et je retrouve vraiment des méthodes assez similaires, pas tout à fait les mêmes, mais elles se ressemblent beaucoup. Donc ce n’est pas genré. Je crois que c’est ce que demande la hiérarchie, quoi, cad que ce sont les méthodes qu’on leur demande d’appliquer, et qu’on leur présente comme étant les méthodes à utiliser. (H, 36, clg, Maths)
– l’attribution de moyens pour réaliser certains projets ou achats de matériels ;
– c’est chercher à mettre l’enseignant en faute ;
En début d’année, il y a une chose qui a profondément déplu à ma principale : c’est qu’il fallait que je fasse 23h de cours et je lui ai dit que je ne voulais pas faire 3h sup. Ma collègue qui avait besoin d’argent m’a dit « Je les prends, pas de problème ». Déjà là, j’avais senti que ça ne lui plaisait pas. On n’est pas rentrées en conflit ; ça a toujours été très hypocrite ; c’était des réflexions en permanence, c’était chercher à me mettre en défaut dans mon travail en me mettant dans des situations intenables, à me mettre en situation de faute professionnelle. Par exemple, quand je travaillais dans un gymnase éloigné du lycée, j’allais directement sur les lieux où j’avais cours, donc je ne passais pas nécessairement dans mon établissement avant. Elle avait mis une réunion un vendredi soir à 18h et moi j’avais cours à cette heure-là. Je n’avais pas été au courant de la réunion vu que je n’étais pas passé dans l’établissement ; donc j’avais fait mon cours. Après, elle m’avait fait comprendre que j’avais fait une faute professionnelle parce que je n’étais pas à la réunion sauf que je n’avais pas eu l’info et je n’étais pas au courant. Je n’étais pas allée me promener ! Il y avait plein de petites histoires comme ça qui se multipliaient où tu avais l’impression que tu faisais jamais ce qu’il fallait alors que j’étais de bonne foi et que j’étais là, je faisais mon boulot ! Donc toute l’année, c’était des petites réflexions : on te reprochait des trucs qui n’avaient rien à voir. (…) Cette femme était machiavélique, elle était vicieuse, elle faisait toujours les coups en douce. Je n’étais pas la seule comme ça : quand on en parlait en salle des profs, tu avais plein de profs qui demandaient leur mutation. Il faut savoir que cette année-là, il y avait plus de la moitié de l’effectif qui voulait partir ; et au niveau des résultats, alors que c’était un lycée centre-ville, on était avant-derniers, c’était un lycée qui coulait ! (F, 49, clg, EPS)
– le refus de donner l’autorisation de mener des activités connexes ;
Après il y a du chantage aussi aux activités annexes. Moi quand je fais des khôlles par exemple en classes prépas tous les ans, il faut que j’aie l’autorisation de mon chef d’établissement pour le faire, ce qui est un peu contradictoire au fait qu’ils peinent à trouver des khôlleurs parce que pour toutes ces activités-là, que ce soit pour les khôlles en prépa, que ce soit les corrections de Capes blanc à l’IUFM ou à la fac, ce sont des profs de l’Education Nationale qu’il faut rémunérer par le rectorat, donc par l’Education Nationale, je veux dire que ce n’est pas une entreprise privé. Il faut l’autorisation de notre chef. Donc tous les ans, « si vous n’acceptez pas, je ne vous donne pas l’autorisation ». Ça c’est quelque chose que j’ai vraiment très souvent entendu ; et du coup ils se retrouvent à ne plus avoir de personnes pour faire les klölles en prépa. Là il y a un dysfonctionnement. (F, 35, tit rpl, PC)
– du chantage affectif visant à jouer sur la culpabilité de l’enseignant-e ;
Dans le lycée où j’étais en Seine St Denis, j’avais une collègue d’Allemand qui était au bord de la dépression au bout de deux mois parce qu’elle avait refusé les heures supplémentaires qu’on lui avait proposées ; et il y avait une classe de lycée qui n’avait pas de prof d’allemand. Comme il n’y avait « que trois heures », le rectorat ne voulait pas envoyer un enseignant faire si peu d’heures. Et donc pendant deux mois, tous les jours, tous les jours, la chef d’établissement a été voir ma collègue en lui demandant, « Est-ce que vous allez leur faire cours ou pas parce que sinon il n’y a pas cours ? » La collègue avait droit de refuser, mais on fait comprendre au professeur que s’il ne fait pas les heures, les élèves n’auront pas cours. On stigmatise pas mal les professeurs qui refusent. (H, 36, clg, Maths)
Cela passe aussi par le fait de brouiller les pistes en jouant sur les collègues ; 4 enseignants ont évoqué la stratégie ci-dessous :
Ma compagne, quand elle est arrivée à G., s’est retrouvée dans une situation où il y avait des HS : deux professeurs de mathématiques dans l’établissement avec 44h à faire, donc 22h chacun ! Ma compagne a appelé l’établissement et la chef d’établissement lui a dit « Ecoutez, il y a 22h chacun et votre collègue a déjà accepté, donc il n’y a plus moyen de faire venir quelqu’un pour les 3h supplémentaires à faire ». En gros, c’est le même principe : « soit vous les faites, soit personne ne les fera ». Sauf qu’en fait, la collègue ne les avait pas acceptées ! En fait, elle avait appelé une enseignante en disant « Votre collègue a accepté » ; et elle a fait pareil de l’autre côté. Donc une gestion du personnel qui induit des comportements problématiques « N’importe quel moyen, pourvu que ça marche ! » (H, 36, clg, Maths)
Ce peut être des remarques faites aux enseignants devant des tiers de manière à les pointer du doigt, à les stigmatiser dans leur prise de position.
Quand j’étais à G., j’avais mes 18h obligatoires ; j’en faisais 21. C’est vrai que de la part des gens qui ne sont pas nécessairement dans le système éducatif, ça ne paraît pas grand-chose ; mais ça correspond à quelqu’un qui travaille à qui on demanderait de travailler le samedi en plus, ce n’est pas une petite charge de travail. Donc j’avais déjà accepté 3 heures supplémentaires, j’avais accepté de m’occuper du réseau pédagogique parce que plus personne n’était là pour s’en occuper (ça veut dire s’occuper de la maintenance du réseau informatique de tous les ordinateurs), et elle m’avait demandé de faire encore un autre truc avec le collègue de SVT qui correspondait à 1,5h / semaine : j’ai refusé en disant que déjà la coupe était pleine. Et la chef d’établissement, au cours du conseil d’administration, devant les parents délégués, devant les familles, devant le maire de la ville, devant les représentants de tous les personnels de l’établissement, a expliqué qu’elle avait réussi à obtenir des heures d’enseignement en mathématiques mais que les professeurs avaient refusé de les faire. Voilà, c’est plein de petites perversions ! Demander tous les jours à un professeur qui ne veut pas accepter les heures sup, c’est … On lui demande, c’est dans l’intérêt des élèves ! Et puis il a droit de refuser ! La limite entre la demande et le harcèlement, elle est floue, elle est fictive ! Dire au conseil d’administration que les profs de maths ont refusé de faire les heures, ma foi, c’est la vérité ! Ils sont suffisamment conscients des limites pour ne pas les dépasser, en tous les cas, la plupart du temps, mais c’est toujours très très tangent. (H, 36, clg, Maths)

Tensions autour des emplois du temps et de l’attribution des classes

Au sujet de l’attribution des classes entre collègues en fin d’année pour l’année suivante, des tensions entre collègues ont été évoquées. Ce qui semble le plus déterminant dans ces tensions selon nos entretiens, c’est moins la question du genre que l’émergence de caractères forts, de personnalités qui veulent imposer leurs attentes à leurs collègues, qu’ils soient hommes ou femmes.
On est une équipe de 6, 4 femmes et 2 hommes. On s’entend bien, il n’y a pas de tensions particulières ; mais on s’entend moins bien avec un des hommes. Je pense que ce n’est pas inhérent au fait qu’il soit homme, mais inhérent à son caractère personnel et à sa façon d’exercer le métier. Vous voyez hier, on s’est réparti les matières pour l’année prochaine ; et ce collègue avait fait 5 demandes, et on lui a satisfait 4 demandes sur 5. Il exigeait qu’on lui satisfasse sa 5° demande ; on lui a dit que nous on n’avait pas forcément pris tout ce qui nous intéressait, on a pris des choses aussi qui ne nous intéressaient pas forcément mais il faut bien qu’il y ait des gens qui les prennent. Ce collègue était moins prêt au compromis que les femmes. Il y avait un autre collègue qui lui était prêt aux compromis : il a dit qu’il était prêt à prendre certaines matières si c’était dans l’intérêt du service parce que si tout le monde demande la même chose, on ne peut pas satisfaire tout le monde. C’est plus lié à sa personne plutôt que lié au fait qu’il soit homme ou femme parce que quand je suis arrivée à l’Education Nationale, dans un autre établissement, il y avait une collègue qui avaient des exigences : c’était une femme, elle disait « Moi, je veux ça, ça, ça et ça », et elle a obtenu ce qu’elle voulait. Ce n’est pas lié au fait d’être homme ou femme : il y a des personnes qui ont des exigences, qui font tout pour les obtenir, alors que d’autres ont des souhaits et pas forcément des exigences. (F, 43, lyc, Eco)
Lors de la répartition des classes en fin d’année, on se retrouve à une quinzaine de personnes. Ce sont des collègues supers ; mais le jour de la répartition ça devient des hyènes assoiffées de sang, vraiment, c’est invraisemblable ! La coordinatrice, qui est quelqu’un qui est comme moi « donnez-moi ce qui reste », arrête d’être coordinatrice à cause de ça l’année prochaine. C’est lamentable ! Je pense que ce serait une erreur de penser que c’est le choix d’une classe qui induirait ça en lycée en tout cas ; en collège, peut-être ; c’est le choix de l’emploi du temps. (H, 36, lyc, Maths) Ce sont des éléments que nous avons retrouvés dans les entretiens menés avec les membres de direction de l’établissement où nous avons réalisé notre étude.

Des rapports de pouvoir entre enseignants fondés sur le statut et l’ancienneté dans l’établissement

Il nous a paru important de faire un point sur l’impact de l’ancienneté et du statut des enseignant-es dans l’établissement car ce sont des critères qui entrent fréquemment dans l’attribution des classes et des niveaux, bien plus que la variable sexe. L’ancienneté dans l’établissement (et non dans le métier) et le statut de l’enseignant (agrégé-e, certifié-e) confèrent souvent des privilèges.
Ce sont souvent des déterminants importants des relations de travail au sein des équipes disciplinaires, autour desquels se jouent des formes de discrimination autour de l’attribution des classes : les nouveaux prennent en général ce que les plus anciens et les plus qualifiés leur ont laissé, en l’occurrence les classes qu’ils n’ont pas voulues ou les classes les plus difficiles. Les certifiés passent souvent après les agrégés pour l’attribution des classes prestigieuses ou dans le supérieur. Ce que nous confirme ce proviseur.
Il y a deux critères qui sont traditionnellement pris en compte pour l’affectation des classes : c’est le statut – l’agrégé aura toujours une espèce de priorité sur un certifié et on ne parle pas d’un vacataire ou d’un contractuel qui prendra ce qu’on lui laissera, je caricature un petit peu mais je ne suis pas loin de la vérité .
– l’ancienneté dans l’établissement. Quand on cumule agrégé et ancien, on obtient les classes attendues. Parfois, on insiste pour créer une alternance, en particulier une alternance entre les voies générales et les voies technologiques parce qu’un prof de maths, s’il avait le choix, il ferait toujours une 1° ou TS sauf que l’on a 15 profs de maths et on n’a pas que des 1° ou TS. Et là-dessus, il n’y a pas de différences entre hommes et femmes. En fait quand il y a tensions et qu’il faut trancher, ces deux critères font références. (Proviseur adjoint, H, 55)
Dans mon lycée, je suis arrivée j’avais 30 ans ; c’était un établissement où la moyenne d’âge est à 50 à peu près. C’était au tout début où il y avait points accordés à des personnes qui avaient travaillé dans des lycées APV (points d’affectation qui sont valorisés dans les établissements difficiles) ; c’était la première année et il y avait beaucoup de points au début. Donc du coup j’étais arrivée avec beaucoup de points dans l’académie, et j’ai eu cet établissement-là qui est très demandé habituellement. Et donc quand je suis arrivée dans cet établissement, il y a deux choses que l’on m’a dites et que j’ai encore marqué au fer rouge dans ma tête, c’est 1 : « Comment t’a fait pour arriver si jeune ici ? » ; ça m’a choquée. Et 2 : « Tu sais, de toute manière, dernière arrivée, dernière servie » parce que j’avais commencé à expliquer qu’étant enceinte, si d’habitude les affectations m’étaient un peu égal, là j’avais des exigences parce que je ne me voyais pas avoir des classes à examen. En plus je n’avais jamais travaillé en lycée ; donc je ne me voyais pas avoir des classes à examens en n’ayant jamais travaillé en lycée. Et c’est là que l’on m’a expliqué que « dernière arrivée, dernière servie ! Les 6° sont réservées, les machins sont réservés, donc il te reste ça, ça et ça ». J’ai eu gain de cause par rapport aux premières parce que le chef d’établissement voyait quand même les choses derrière ; mais sur le reste non. Il n’y a pas de discussion et ça marche toujours comme ça. (F, 36, cité sc, SVT) (focus)
Or de nouveaux arrivés dans l’établissement peuvent revendiquer au nom de l’égalité de traitement que ce soit des attributions qui se discutent collectivement au sein du conseil d’enseignement. Peuvent en découler des tensions fortes lors des conseils d’enseignement dont nous donnerons ici deux illustrations.
Oui, nous avons des conflits entre collègues parce que la moyenne d’âge est élevée dans ces classes d’âge en général, même à 50 ans je viens de perdre le titre de benjamin. Donc il y a des habitudes d’enseignements qui sont prises d’individualisation du service de chacun en disant « Moi je fais telle partie du programme ; je n’ai pas à m’intéresser à ce qui se passe ailleurs ». C’est un peu difficile, particulièrement en ce moment avec les deux nouvelles recrues beaucoup plus jeunes qui ont envie de changer les choses. On n’arrive pas à convaincre les anciens collègues de voir les choses autrement. Et on finit par y renoncer parce qu’ils ont 60 ans, 62 ans, 65 ans… Le fait que cette personne de 65 ans reste pose problème parce qu’il n’y a plus d’autre objectif que de maintenir un salaire, mais pas vraiment de travailler avec les autres. Ce n’est pas un choix autre que financier qui est fait par la personne qui est en poste. Donc il y a confrontation entre l’immobilisme et le dynamisme ; chez nous c’est flagrant. Du coup, les relations sont tendues. (H, 50, lyc, Eco)
(Coordinateur discipline) Dans les classes techniques on a fait notre « printemps », je ne dirais pas notre printemps arabe mais presque. On a réussi à imposer dans notre établissement que les profs travaillent aussi bien en lycée général qu’en techno et BTS…. je dis « on » c’est un « on » très impersonnel… mais à plus ou moins imposer par pression à des gens qui n’en avaient jamais pris depuis très très longtemps des classes de Seconde, Première ou Terminale, et qui essayaient de ne pas en avoir ; voilà, donc il y a des tensions. C’est clairement des tensions qui se règlent relativement pacifiquement, mais il y a des tensions. Et c’est l’aspect qui me déplaît le plus dans la fonction de coordonnateur, parce que je suis obligé de les gérer ces tensions. (H, 48, lyc, HG) Ce sont souvent les coordinateur-rices de disciplines qui ont en charge l’animation de ces réunions ; ce n’est que lorsque les régulations à ce niveau ne fonctionnent pas que le principal ou proviseur interviennent généralement.
Mais certains chefs d’établissements estiment ce système peu égalitaire vis-à-vis des nouveaux-elles arrivant-es et tentent d’introduire un système de rotation des classes entre enseignants.
Je me souviens d’avoir entendu l’année dernière un prof de philosophie dire « M’enfin, c’est quand même moi le plus ancien agrégé de la maison ! » Après la réponse de la direction, c’était que ce n’était pas un critère, c’est très net : je ne vois pas en quoi ça change quoi que ce soit. C’était pour avoir une Terminale Littéraire. S’il y a quelqu’un qui réussit très bien en TL… Ça ne veut pas dire que la personne en question n’aura jamais de TL ; on a décidé d’un tour de rôle. Moi j’impose aux enseignants qui travaillent dans le sup de faire aussi des heures dans le secondaire ; c’est important de créer une continuité entre les enseignements. Ceux du second degré ont droit d’avoir aussi des enseignants expérimentés. (Proviseur H, 60)
Cela n’est pas toujours bien compris des enseignant-es et les négociations peuvent être âpres. C’est compliqué à faire comprendre. Les anciens nous disent qu’ils ont passé suffisamment de temps dans le secondaire et qu’ils veulent passer dans le sup. Si c’est des agrégés, ils nous disent « Moi je passe dans le sup » ; mais rien ne le dit dans les textes ! Ces problèmes se posent de manière aigue au moment des départs à la retraite quand il faut remplacer : il ne faut pas céder parce qu’on a dit que l’on mettait cette politique en place. Et je rajoute que les plus jeunes devraient attendre dans le secondaire ; non, on partage ! Et c’est pas facile à faire entendre. Mais s’il faut être entendue, il ne faut pas qu’on lâche, il faut que l’on traite les personnes de la même façon. Deux personnes sont rentrées l’année dernière ; elles ont eues 2h dans le sup, c’est suffisant, ils voient que l’on fait un effort, nous ! Elles ne me l’avaient pas demandé. Elles ont au moins un pied dedans et ils voient qu’on n’attend pas qu’elles nous le demandent. C’est bien pour ces gens-là ; c’est moins facile pour ceux qui voudraient avoir tout leur service dans le sup (Chef de travaux, F, 54).
Un combat pour l’égalité de traitement des enseignant-es qui n’est pas simple, dont les motifs doivent être expliqués régulièrement et relever de décisions managériales de l’ensemble du personnel de direction.

Tensions dans la réalisation de tâches connexes à l’enseignement disciplinaire

Dans le cadre des évolutions du travail des enseignants, sont apparus depuis plusieurs années de nouvelles épreuves au collège ne relevant pas spécifiquement de la responsabilité d’une discipline, mais mobilisant plusieurs enseignants. Cela impose un travail d’accompagnement, de suivi, des travaux de corrections supplémentaires non affectés et souvent non rémunérés en rapport à la charge de travail générée. Une intensification du travail pointée par les enseignant.e.s très régulièrement. Cela est à l’origine parfois de tensions entre collègues.
La répartition du travail est source de tensions entre enseignants. Par exemple en 3ème, les élèves font un stage obligatoire ; qui corrige le rapport de stage ? Qui fait passer les oraux de stages ? Quels sont les critères d’évaluations ? Si je corrige un rapport de stage, est ce que l’on peut m’imposer un barème qui ne me convient absolument pas ? Toutes ces questions-là sont des questions importantes et qui donnent lieu à des conflits parce que ce sont des charges de travail importantes, que personne n’est vraiment rémunéré pour le faire. Donc là il y a des conflits. De même pour l’épreuve d’histoire de l’Art maintenant qui compte pour le brevet des collèges. (F, 36, tit rpl, PC)
Le fait que leur prise en charge relève de la bonne volonté des enseignants rend compliquée leur attribution : chacun cherche à se préserver dans un contexte où la charge de travail est déjà importante. Ensuite, des stratégies de mise en visibilité de son engagement peuvent faire qu’à un moment donné, l’on ait certains volontaires qui se dégagent.

Des échanges verbaux agressifs lors de conseils de classes

Trois enseignants ont relaté des conflits entre collègues s’exprimant publiquement lors de conseils de classe, donc devant des collègues, la direction, de manière plus problématique devant des élèves et parents délégués. La présence de cette audience contribue à générer une souffrance importante de l’enseignant visé. La réaction de la direction face à de tels comportements est importante. Nous en donnerons ici un exemple.
Moi j’ai été agressée dans un conseil de classe où j’étais professeure principale au mois de juin par un collègue qui s’est mis à m’insulter, à me brailler après, devant les élèves délégués ; voilà, ça fait du bien ! C’était le conseil de classe, on discutait des orientations ; on donne des avis qui ont été préparés préalablement. On demande aussi l’avis du proviseur adjoint qui est le président du conseil de classe. Et il y a des collègues qui ont envie de dire beaucoup de choses, qui discutent sur des petits détails, pourquoi pas mais ça ne fait pas avancer les choses ! Il faut quand même cadrer parce qu’il y a quand même 35 élèves, il y a des parents délégués, on n’a que 2h, donc on dit « Voilà, pour l’élève, tout le monde est d’accord pour le passage en telle classe, en STL ? » Et là je ne sais pas, à un moment, mon collègue, on ne sait pas pourquoi, il est parti– c’est son tempérament, il le fait tout le temps, ce n’était pas la première fois qu’il le faisait, il m’avait déjà agressée en salle des profs 2 ans avant – il s’est mis à dire « Oui, il y en a marre, on ne peut pas dire ce que l’on veut, tu nous infantilises, tu nous prends pour des débiles », en me tutoyant et en faisant vraiment la grosse colère comme on peut le faire dans le privé ; c’était en public devant tout le monde. De ma carrière, ça n’a jamais été comme ça ; si les gens ont des choses à dire, ça ne se passe pas devant les élèves délégués, devant les parents délégués, ça ressemblait à du règlement de compte. « Infantile » ; justement, quand on me reproche d’infantiliser, des comportements comme ça, ça ressemble à des comportements d’adolescents un peu ! Le proviseur adjoint n’a pas réagi alors que je m’attendais à une réaction. J’ai pris sur moi, mais j’ai ramassé ; je n’ai rien dormi de la nuit. Et le lendemain, je suis allée voir le proviseur adjoint qui m’a dit « Non, ça m’a surpris, j’essaierais de voir Mr X » ; rien n’a été fait. Je suis allée voir le proviseur lui-même puisque c’est la hiérarchie et il était très gêné quand il m’a vue à la porte, il était très gêné. Je lui ai dit « Je ne vous dérange pas ? Je venais vous parler… » « Oui, je suis au courant, on va lui parler ». Je n’ai eu droit à 0 excuse de qui que ce soit, c’est une anecdote vous voyez ! Il y a quand même des collègues autour, dont une jeune collègue de mathématique qui était là et qui faisait partie de l’équipe, qui a été aussi choquée de ce type de comportement du collègue, surtout qu’il est jeune ce collègue ! Il doit avoir à peine la quarantaine, c’est un jeune qui fait partie des nouvelles générations. On était assez choquées ; et on trouve que c’est inapproprié dans un milieu éducatif. Il y avait des témoins, on était 20 autour de la table, les parents ont été choqués, ils sont venus me voir à la fin du conseil de classe. Qu’il y ait au moins une parole de dite ! Parce que c’est vrai qu’une personne qui s’excuse… ! Il a un tempérament qui part dans tous les sens, il aime bien brailler très fort, il s’exprime, il s’éclate, il fait beaucoup de volume de bruit ; mais ce n’était pas le lieu ! Il est allé un peu loin ; au moins qu’il le reconnaisse et qu’il s’en excuse, ça limite quand même un peu les dégâts. Mais ne pas s’en excuser, ça en rajoute, ça en rajoute dans le préjudice ! (F, 57, lyc, HG) Des situations compliquées qui demandent une régulation de la part de la hiérarchie au risque de pérenniser dans le temps des relations tendues ; c’est ce qu’attendent les personnes que nous avons rencontrées et qu’ils ne trouvent pas nécessairement dans leur établissement comme nous l’avons vu dans le verbatim précédent.
Dans l’établissement où nous avons réalisé notre étude, le proviseur intervient directement dans les équipes qui posent problème pour rétablir un climat de travail permettant le dialogue.
On a parfois des tensions au sein de certaines disciplines, il y en a 2 qui posent actuellement problème : j’ai dit en réunion « Vous ne ferez pas une réunion sans que je sois là. Je suis là pour réguler, pour que l’on ne sorte pas du cadre professionnel», et même dans le cadre professionnel c’est difficile. Derrière ça, il y a une histoire que je ne maitrise pas ; mais quand ils peuvent se faire une crasse, ils se la font. Ça a été à ce point-là que je dise « Quand vous vous réunirez, je serai là ». Donc ça, ça peut entrainer des tensions sur lesquelles on peut être amenés à intervenir. (Proviseur H, 60)

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
I. Un objectif d’amélioration des conditions de travail dans une perspective de genre
II. Une recherche pluridisciplinaire
III. Construction sociale de l’intervention
METHODOLOGIE : UNE RECHERCHE EN TROIS PHASES
I. Les entretiens individuels
II. Les entretiens collectifs ou Focus groups
III. Etude à l’échelle d’un établissement
PARTIE I. ANALYSE ERGONOMIQUE – DOMINIQUE CAU-BAREILLE
I. L’engagement professionnel au coeur des rapports de genre au travail
I.1. L’intensification du travail au coeur d’une nécessité de sur-engagement dans le travail des enseignant-es
I.2. Qu’est-ce qu’un-e « bon-ne enseignant-e » ? C’est un-e enseignant-e qui se surinvestit dans son travail
I.3. L’attribution des charges connexes à l’enseignement : une vulnérabilité plus importante des femmes vis-à-vis du « donnant donnant » ?
I.4 Les formes d’engagements professionnels au coeur des tensions entre collègues
II. Le sexe, la parentalité sont-ils à l’origine de processus de discriminations dans les établissements ?
II.1. Traitement et écoute différenciés des enseignant-es selon le sexe dans les établissements au quotidien ?
II.2. La prise en compte du rôle de « parents » dans la gestion des enseignants
II.3. Les enseignant-es à temps partiel font-elles et ils l’objet de traitements différents ?
III. Les évolutions de carrière sont-elles les mêmes pour les femmes que pour les hommes ?
III.1. Des discriminations institutionnelles ?
III.2. Rendre visible son activité et ses engagements professionnels : les femmes le fontelles autant que les hommes ?
III.3. Les contraintes familiales : des freins au développement professionnel aussi bien pour les hommes que pour les femmes ?
IV. Le fait d’être homme ou femme a-t-il un impact dans la relation aux élèves ?
IV.1. Débuter dans le milieu enseignant : des difficultés partagées entre hommes et femmes, quelles que soient les disciplines
IV.2. L’EPS : une activité que l’on enseigne différemment selon que l’on est homme ou femme du fait d’un rapport différencié aux élèves
IV.3 Des contextes particuliers où l’on peut parfois identifier des problématiques de genre pouvant fragiliser certaines femmes : le cas des professeurs d’EPS
IV.4. Une fragilisation des rapports aux élèves en fin de carrière
IV.5. Comportement de harcèlement homophobe de la part de certains élèves
IV.6. Travailler les stéréotypes de genre avec les élèves : une préoccupation des enseignantes ?
Bibliographie
PARTIE II. ANALYSE SOCIOLOGIQUE – JULIE JARTY
Introduction
I. L’expérience sexuée de l’évolution professionnelle
I.1. Une profession féminisée, qui entretien l’auto-censure féminine
I.2. Des biais de genre dans la gestion des carrières enseignantes
I.2.1. Des femmes moins repérées par l’institution pour « faire carrière »
I.2.2. La maternité : encore une source de discrimination directe
II. Tensions (de genre) en matière d’organisation du travail enseignant
II.1. L’organisation des emploi du temps : un révélateur de l’intrication des rapports de pouvoir dans les établissements scolaires
II.2. Inégalités et injustices dans les arrangements temporels
II.3. L’organisation sexuée du travail enseignant « hors les murs » : de l’autonomie au débordement
III. Expériences du sexisme et d’autres formes de harcèlement en situation de travail
III.1. « Est-ce qu’on aurait tenu de tels propos à un homme ? » Dévalorisations et dégradations souvent invisibles mais coûteuses du travail des femmes enseignantes
III.2. Stratégies pour faire face et puissance de résistance
Conclusions : des pistes pour lutter contre les inégalités et le sexisme
Annexe 1. Récapitulatif des entretiens individuels (ei)
Bibliographie

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *