Mission humanitaire
A. Un peu d’histoire : L’aide humanitaire n’est pas une idée neuve : l’idée originelle consiste à aider les blessés de guerre. Avec la Révolution Française et la proclamation de l’égalité des citoyens, l’armée de métier est remplacée par une armée de citoyens. A cette époque, les officiers de santé et les ambulances doivent se tenir éloignés des champs de bataille et attendre la fin des combats pour intervenir. Indigné de cette situation, Dominique Larrey, figure incontestable de l’histoire de la médecine militaire, propose de créer des équipes volantes afin de dispenser les premiers soins et d’évacuer les blessés. Il ne sera malheureusement guère imité au XIXe siècle, malgré quelques exceptions [2]. Quelques années plus tard, Henry Dunant assiste à la bataille de Solférino (juin 1859) et y découvre les atrocités de la guerre ; les corps meurtris, l’agonie des soldats abandonnés à eux mêmes… [3]. Le respect de la personne humaine en temps de conflit armé devient sa priorité. Il se réunit en 1863 avec 4 personnalités genevoises et fonde le futur Comité International de la Croix-Rouge (CICR). Le 22 août 1864, le Comité soumet ses résolutions aux représentants de seize états. La première convention de Genève (ANNEXE II) est signée par les douze puissances les plus importantes du monde occidental, qui s’engagent à protéger en temps de guerre tous les blessés, qu’ils soient alliés ou ennemis. Le droit humanitaire international et la Croix-Rouge étaient nés. Association d’envergure internationale, la Croix Rouge repose sur 7 principes fondamentaux : « humanité, impartialité, neutralité, indépendance, volontariat, unité et universalité » [4]. Le mouvement actuel se compose de 3 organismes collaborant entre eux [5] :
– Le CICR (Comité International de la Croix-Rouge), qui intervient uniquement en situation de conflits. Il est le gardien du DIH (Droit Humanitaire International).
– La Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui coordonne les sociétés nationales et soutient leur développement.
– Les sociétés nationales, implantées dans différents pays et chargées de répondre à leurs besoins.
Les deux guerres mondiales, et plus particulièrement la Seconde Guerre mondiale, ont amené une évolution du droit humanitaire et de multiples modifications sont apportées à la convention de Genève. Le 12 août 1949, la conférence de Genève propose 4 conventions intégrant notamment la notion de protection des femmes civiles en temps de guerre [6]. A ces conventions sont ajoutés deux protocoles relatifs à la protection des victimes des conflits armés, internationaux ou non. L’ensemble de ces conventions et protocoles forment le droit humanitaire classique. Dans la période de reconstruction qui suit la guerre, de nombreuses organisations caritatives vont voir le jour, pour la plupart religieuses, ainsi que de grandes agences comme l’ONU (Organisation des Nations Unies). Vient ensuite la guerre du Biafra, véritable génocide du XXe siècle et l’une des plus épouvantables crises humanitaires de la deuxième moitié du XXe siècle. Quelques médecins de la Croix-Rouge Française, réunis autour de Bernard Kouchner, décident de transgresser le serment prêté à la Croix-Rouge de « … s’abstenir de toutes communications et de tous commentaires sur sa mission » et de témoigner à propos des atrocités qu’ils rencontrent. En décembre 1971 ils créent Médecins sans frontière (MSF) et auront sur le terrain le surnom de « French Doctors ». Ils n’ont qu’un objectif : porter secours aux victimes sans discrimination et sans prise en compte des frontières. Le devoir de secret de la Croix-Rouge est bouleversé par le devoir de témoignage de cette nouvelle organisation et une éthique humanitaire, fondée sur la Déclaration des droits de l’homme, voit le jour [7]. Avec l’accroissement des ravages dans la population civile lors des guerres, une morale de l’ingérence se forme. Le 8 décembre 1988, l’assemblée générale de l’ONU adopte une nouvelle résolution (43/131) qui « invite tous les Etats qui ont besoin d’une telle assistance à faciliter la mise en œuvre, par ces organisations de l’assistance humanitaire […], pour lesquels un accès aux victimes est indispensable ». [8] Ce libre accès aux victimes de tous les conflits et catastrophes est une condition essentielle au bon déroulement de l’assistance des victimes. M. Maietta, directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste des questions de géopolitique du développement et des problématiques de la solidarité internationale publie en 2015 dans la Revue Internationale et Stratégique un dossier intitulé Origine et évolution des ONG dans le système humanitaire international [9]. Selon lui, par ce libre accès aux victimes de tous les conflits et catastrophes, les ONG œuvrant dans des secteurs ou zones géographiques où les gouvernements ne pouvaient accéder, sont devenues « indirectement un vecteur du libéralisme », ce qui leur a valu de nombreuses critiques. Suite au génocide au Rwanda en 1994 et aux défaillances du système humanitaire durant cet évènement, des initiatives sont prises afin d’améliorer les standards de l’action humanitaire des ONG, amenant ainsi les ONG à se professionnaliser « avec la création d’un véritable modèle économique néolibéral, qui maximise les impacts et minimise les risques, notamment les risques sécuritaires ». On assiste par la suite à une véritable explosion des violences à l’encontre des travailleurs humanitaires, pris pour « cible politique banalisée », ce qui amène les ONG à restreindre l’accès humanitaire dans une optique de maîtrise du risque lors de la vague des printemps arabes, aboutissant à nouveau à une crise du système humanitaire international associant réponse humanitaire défaillante et ONG impuissantes.
Profil des sages-femmes (Cf. ANNEXE IV & V)
Parmi les 11 sages-femmes interrogées, 6 n’avaient effectué que la mission CAMINOR jusqu’à présent, Caroline (68 ans), Capucine (25 ans), Lisa (25 ans), Adèle (27 ans), Delphine (65 ans) et Inès (56 ans), tandis que Valentine (32 ans), Blanche (56 ans), Maud (30 ans), Claire (26 ans) et Léa (70 ans) avaient également réalisé d’autres missions, notamment des missions de longue durée. Léa et Maud ont d’ailleurs fait la mission CAMINOR 2 fois. 8 d’entre elles, âgées de 24 à 56 ans sont toujours en activité, dans le secteur hospitalier pour la majorité, en secteur libéral pour Lisa, Blanche et Capucine. Caroline, Léa et Delphine ont quant à elles, attendu d’être retraitées pour s’engager en humanitaire. Concernant leur souhait d’exercice professionnel initial, elles voulaient toutes évoluer dans le milieu médical, 6 sur 11 voulaient devenir sage-femme dès le début de leurs études, Inès voulait d’abord s’orienter vers la chirurgie, Blanche et Maud ont fait médecine « dans l’idée de devenir pédiatre et d’aller soigner les enfants au bout du monde » pour finir par se tourner vers les études de maïeutique tandis que Caroline et Léa ont commencé par passer le diplôme d’infirmier avant d’intégrer l’école de sage-femme. La grande majorité a travaillé en structure hospitalière : Maud, 30 ans, a travaillé 5 ans en hôpital, essentiellement en salle de naissance et suites de couche avant de réaliser la mission CAMINOR. Adèle, 27 ans, été diplômée depuis 4 ans et a travaillé dans les différents services de maternité, tout comme Claire, 26 ans, diplômée depuis 3 ans. Valentine, 32 ans, travaille également en milieu hospitalier, beaucoup en salle de naissance jusqu’en novembre 2017, depuis, elle fait beaucoup de consultations auprès des femmes enceintes et de l’éducation sexuelle dans les lycées. Inès et Blanche, 56 ans, ont travaillé en grande partie en milieu hospitalier : Isabelle est « dans le même hôpital depuis 30 ans », surtout en salle de naissance et depuis 5 ans, elle s’occupe du secteur des grossesses pathologiques et de suites de couche, Blanche a été « une bonne vingtaine d’années à l’hôpital en salle d’accouchement », a travaillé dans un foyer mèreenfant, à la PMI avant de s’installer en libéral : « je me suis lancée dans la gynéco ». Léa, 70 ans, retraitée, a toujours privilégié la salle de naissance en milieu hospitalier, contrairement à Delphine et Caroline, respectivement 65 et 68 ans, retraitées également : Delphine a travaillé dans différentes maternités, surtout en salle de naissance, s’est installé en libéral pendant 10 ans avant de revenir en temps plein en clinique, Caroline a travaillé dans tous les secteurs en hospitalier (consultations, suites de couche et salle de naissance) mais aussi en libéral pendant 5 ans avant de devenir sage-femme en PMI. Lisa (25 ans), diplômée en 2017, n’a pas travaillé avant de réaliser la mission CAMINOR (voyage en Afrique du Sud après le diplôme mais « rien à avoir avec sage-femme »). Depuis son retour de mission, elle fait des remplacements en libéral et quelques gardes en clinique « je suis pas trop en salle d’accouchement parce que ça me plait pas trop » Capucine, 25 ans, a un profil plutôt atypique. Diplômée en 2016, elle est « sage-femme les vacances et l’été » et a commencé récemment une formation pour être accordeur de piano. Elle fait essentiellement des remplacements libéraux, pour des raisons financières. En plus de leur mission humanitaire, elles ont pour la plupart participé à une ou plusieurs formations ayant trait à l’humanitaire, parfois avant même de réaliser leur première mission pour Caroline et Inès, la formation ayant convaincue cette dernière de son souhait d’engagement en humanitaire : « ça a été, pas une révélation, mais enfin j’ai compris que j’avais vraiment envie de m’engager dans cette direction ». Maud a assisté à la formation de gynécologie et d’obstétrique en humanitaire de GSF après avoir fait la mission CAMINOR pour la première fois. D’après elle, le fait de l’avoir faite après la mission était plus utile « parce que je savais de quoi on parlait, j’avais des exemples en tête, j’avais voilà c’était un peu plus concret disons ». A l’inverse, Blanche, Capucine et Claire n’en avaient pas encore réalisées mais cela faisait partie de leurs projets, Claire explique même que « c’est quand on est sur place, pas forcément formée, qu’on se rend compte qu’on est parti un peu vite, qu’on se rend compte des lacunes qu’on peut avoir » Certaines ont également eu l’occasion d’être formatrice : lors d’une intervention organisée par une ONG locale dispensant des conseils aux professionnels avant leur départ pour Valentine tandis que Léa a fait une intervention sur sa mission au Népal (mission de développement dans un centre PMI avec GSF).
Retour à la vie quotidienne
Pour les sages-femmes parties en mission humanitaire, le retour à la vie quotidienne semble ardu, que ce soit au retour de la mission CAMINOR ou d’autres missions. Cinq d’entre elles mettent en exergue la difficulté à en parler avec leur entourage, à raconter ce qu’elles ont vécu « quand je reviens c’est, enfin je peux pas raconter, j’ai l’impression que ça a pas de sens tu vois, que ça décharne un peu les choses » (Léa), « je pouvais pas en parler au début » (Caroline), parfois leur incompréhension « le problème du retour c’est que les gens comprennent pas[…] très difficile d’en parler vraiment, enfin d’en parler de façon juste » (Maud) Valentine précise qu’elle a pu en parler mais uniquement avec ceux qui se sont montrés intéressés « y’a des gens que ça intéresse pas beaucoup du coup la gestion ouais c’était assez dur ». Quatre sages-femmes évoquent la difficulté de mettre de côté ou de ne plus penser à la mission et la population rencontrée. Les termes utilisés sont parfois très forts : Valentine a été « choquée pour ceux que j’avais laissés, pour les migrants que j’avais laissé vivre dans ces conditions en France », Capucine conclut en pensant « mais bon le sentiment de honte est toujours présent à la fin », et Lisa parle de culpabilité « tu culpabilises ». Adèle exprime cette incompréhension de l’entourage « ils te demandent d’être comme d’habitude alors que toi t’es peut-être encore en train de digérer certains trucs ». Certaines essayent de continuer à agir à leur retour en sensibilisant la population générale, en racontant leur expérience à leurs patientes comme Blanche qui avait mis une affiche sur son cabinet avant de partir « et ça, ça m’a permis d’expliquer à certaines, en tous cas qui étaient demandeuses et qui me posaient des questions » ou encore Lisa « j’ai pas fait vraiment quelque chose de militant mais je pense que déjà en parlant et en se rendant compte que si on était dans la même situation on ferait la même chose ». Léa, quant à elle, a fait l’objet d’un article dans Profession Sage Femme à propos de sa mission réalisée au Népal et a été publié dans Vocation Sage-Femme un récit de son expérience sur le camp en Jordanie, mission réalisée avant la mission CAMINOR. Il y a néanmoins des avantages à partir en mission humanitaire, notamment celui d’apprendre à relativiser certaines situations, personnelles ou professionnelles, comme pour Lisa « Ouais, je me plaignais beaucoup avant et maintenant j’ai le mot « Calais » qui m’arrive en pleine face, t’as plus le droit de te plaindre. », Capucine « dans mes pensées et mes réflexions ça a apporté quelque chose c’est sûr ça permet de relativiser » ou encore Delphine « Que là non ben je relativisais en disant ben non donc voilà je pense que c’était, pour moi le résultat ça a été bénéfique ». A propos des autres missions, Valentine est la seule à nous avoir exprimé son vécu, toujours compliqué, que ce soit en Éthiopie « c’était 3 mois, ils avaient beaucoup de pauvreté, beaucoup de maladies, beaucoup de choc pour moi au niveau obstétrical c’était vraiment assez dur » et en Centre Afrique « c’était difficile quoi, parce qu’on avait vécu aussi un peu de combats, on était à la maison en chambre de sécurité du coup le retour c’était assez choquant de tout remettre en place ». Elle fait même un parallèle avec la mission CAMINOR : « vraiment c’était moi qui était choquée, pour ce que moi j’avais vécu… […] Mais après CAMINOR j’étais choquée (insiste sur le mot « choquée ») pour ceux que j’avais laissé »
Pérennité de l’engagement humanitaire
Toutes les sages-femmes que nous avons interrogé souhaitent rester dans le milieu de l’humanitaire, offrir leur aide, selon différentes formes. Concernant la mission CAMINOR, notons que 3 d’entre elles nous ont dit être prêtes à repartir sur cette mission : Claire (26 ans), Isabelle (56 ans) et Béatrice (56 ans). Au contraire, Caroline (68 ans), Delphine (65 ans) et Lisa (25 ans), pour qui c’était la première mission, veulent continuer leur engagement humanitaire mais pas auprès de l’association GSF, estimant que la mission était trop désorganisée ou qu’elle n’avait pas trouvé ce qu’elles attendaient : « Oui oui j’aurai envie de faire mais avec des trucs hyper cadrants quoi, genre Médecins du Monde ou un truc comme ça » (Caroline). Delphine envisage de repartir prochainement avec une autre association qui lui propose une mission dans un hôpital en salle d’accouchement, ce qui lui correspond plus d’après elle. Lisa qui dit avoir été « bien refroidie », envisage de repartir avec une organisation comme MSF. L’âge semble n’avoir aucune influence ici. 6 sages-femmes, Maud, Alice, Claire, Lisa, Capucine et Caroline nous ont exprimé l’envie de s’engager dans des associations, de faire plutôt des actions au niveau local, de perpétuer leur action sur un principe d’humanitaire « à la journée » : « j’aurai voulu voir si en effet y’avait possibilité, si y’avait besoin de personnes comme ça qui donnent 1 journée toutes les 2 semaines ou tu vois pour s’occuper de femmes » (Capucine), « envie de continuer un peu dans la même veine en intégrant des assos de prise en charge des femmes et des enfants ouais », « j’aimerai bien, une fois que je serai stabilisée dans un endroit où je bouge plus trop essayer de trouver des solutions, de travailler dans l’hébergement et l’accompagnement de ces femmes-là » (Claire), « on continue ici comme on peut quand on rentre chez nous quoi » (Lisa). Blanche s’est découvert une fibre militante qu’elle n’avait pas jusque-là « ça m’a donné envie d’aller militer dans une association pour essayer de faire quelque chose pour ces gens » (Blanche). Léa, Inès et Valentine pensaient déjà à leurs prochaines missions : Valentine et Inès avaient déjà des projets précis en tête, tandis que Léa « attend la prochaine mission ».
Exercer en humanitaire lors de missions de courte durée entraine-t-il une modification de la pratique professionnelle chez les sages-femmes ?
Durant leur mission, les sages-femmes n’ont malheureusement pas eu l’occasion de prendre en charge beaucoup de femmes, leur présence étant largement minoritaire sur les camps ou dans les structures d’accueil temporaires (gymnase de Grande-Synthe), l’essentiel de la prise en charge de ces femmes se résumant à leur transfert vers les hôpitaux et maternités alentours pour les différentes consultations prévues. Au niveau des soins médicaux, les sages femmes ont essentiellement réalisé des soins primaires auprès des hommes. Les objectifs de cette mission étaient finalement plutôt axés sur la prise en charge sociale et psychologique. Outre les difficultés qu’elles ont pu éprouver, toutes les sages-femmes interrogées ont évoqué la richesse de cette mission, et plus particulièrement la richesse culturelle, issue des relations qu’elles ont pu créer avec les migrants rencontrés sur les camps, que ce soit les hommes, les femmes ou les enfants. A propos de l’effet des missions sur la pratique professionnelle, il est à noter que l’analyse ne porte ici que sur 8 sages-femmes étant donné que Caroline, Léa et Delphine ont réalisé leur(s) mission(s) après leur départ en retraite. 6 d’entre elles ont noté une modification concernant l’aspect relationnel de notre profession. Qu’elles exercent dans le secteur libéral ou le secteur hospitalier, ces sages-femmes, utilisant la richesse des échanges qu’elles ont pu avoir durant la mission, ont estimé avoir plus d’empathie envers les patientes en situation de précarité, qu’elles soient étrangères ou non, être plus compréhensives et essayer de s’adapter davantage à la culture et religion de chacune. Elles notent avoir une prise en charge plus globale, plutôt portée sur le versant administratif et une vision du soin plus large, prenant plus en compte la vie et les difficultés des patientes « c’est vrai qu’à Calais je pense que j’ai appris à avoir une vision, ou une définition en tous cas plus juste du prendre soin ». Le partage de cette expérience avec leurs collègues est également mis en avant par 2 sages femmes, espérant ainsi « faire évoluer un peu les choses ». Toutefois, 2 sages-femmes ont également évoqué certaines difficultés d’adaptation à leur retour, notamment celle d’accepter les exigences de certaines patientes, ou encore les plaintes de leurs collègues. Concernant le versant relationnel, nos conclusions sont donc semblables à celles tirées dans les études d’E. Lanterne [34] et d’A-L. Relais [36]. Rappelons qu’elles avaient conclu à une évolution de l’empathie envers les patientes, les sages-femmes se sentant plus tolérantes et à l’écoute de leurs patientes. La difficulté, pour certaines sages-femmes, vis-à-vis des réclamations de certaines patientes est également retrouvée dans ces études. A l’inverse, la mission CAMINOR étant axée sur la prise en charge médico-psycho-sociale, voire même quasi-exclusivement psycho-sociale d’après les dires des sages-femmes interrogées, certaines données ne sont pas retrouvées dans notre étude, notamment concernant la modification de la pratique en termes de technique. Dans notre étude, une seule sage-femme a noté un changement quant à sa pratique à son retour de la mission, estimant avoir amélioré ses capacités d’adaptation. Une autre sagefemme a évoqué son développement du sens clinique mais précise qu’il résulte plutôt de son expérience lors de ses missions de longue durée. Les études d’A-L. Relais, de M. Moreau [35] et d’E. Lanterne faisaient état d’une meilleure gestion de l’urgence, d’une amélioration du sens clinique, allant de pair avec une diminution de la prescription des examens paracliniques. Toutefois, ces études concernaient des sagesfemmes ayant réalisé des missions humanitaires dont la durée s’étalait de quelques jours à plusieurs mois, nous pouvons donc nous demander si ces changements ne sont pas uniquement tirés d’une expérience de longue durée. Il apparait ici qu’en fonction des objectifs initiaux de la mission réalisée, ainsi que de sa durée, l’impact sur la pratique professionnelle varie de manière significative. En effet, quelle que soit la durée de la mission, nous assistons à une évolution de l’aspect relationnel de la profession par la richesse des connaissances culturelles issues des échanges entre les bénévoles et les populations rencontrées. Au contraire, pour ce qui est de l’aspect technique de la profession de sage-femme, nous n’obtenons pas les mêmes résultats suivant la durée de la mission, 7 sages-femmes sur 8 n’évoquant aucune modification suite à leur retour de mission. Pour expliquer ce fait, nous pouvons émettre deux hypothèses : Premièrement, la politique actuelle, politique d’endiguement des flux migratoires de l’Union Européenne, consiste en une orientation des migrants vers les structures d’accueil prévues à cet effet, qui concernent de fait majoritairement les femmes et les enfants. En effet, les hommes préfèrent rester en dehors du système pour optimiser leurs chances de passer la frontière, ce qui aboutit à une moindre présence des femmes et des enfants sur les camps, rendant singulier le contexte de cette mission. Deuxièmement, la brièveté de la mission avec le temps passé sur place ne permet pas de retrouver un impact sur le plan technique. En effet, les objectifs définis par GSF n’étaient pas tournés vers la prise en charge médicale en termes de technique mais plutôt vers l’accompagnement psycho-socio-administratif, c’est à dire organiser les différentes consultations et transferts nécessaires afin d’acheminer les patientes vers les hôpitaux alentours. Cette mission s’éloignant de nos compétences professionnelles habituelles, ce qui pourrait également expliquer cette absence de modification des pratiques au retour de mission.
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Table des matières
INTRODUCTION
THEORIE ET CONCEPTS
I. MISSION HUMANITAIRE
A. UN PEU D’HISTOIRE
B. L’HUMANITAIRE DANS LES CAMPS ; REFUGIES, MIGRANTS OU DEMANDEURS D’ASILE
C. ZOOM SUR LE CAS DE CALAIS
II. L’ENGAGEMENT HUMANITAIRE
A. LES ONG
B. LES VOLONTAIRES
III. L’IMPACT DES MISSIONS
A. AU NIVEAU RELATIONNEL
B. SUR LES PRATIQUES PROFESSIONNELLES
PRESENTATION DES RESULTATS
I. METHODOLOGIE
A. CHOIX DE LA POPULATION
B. CRITERES DE SELECTION
II. RESULTATS OBTENUS AU COURS DE L’ENQUETE
A. PROFIL DES SAGES-FEMMES
B. ATTENTES
C. CHOIX D’UNE MISSION DE COURTE DUREE
D. MILIEU PORTEUR
E. ACTIVITES EXERCEES DURANT LA MISSION HUMANITAIRE
1. Mission CAMINOR
2. Autres missions
F. RESSENTIS VIS-A-VIS DES MISSIONS
1. Aspects négatifs
2. Aspects positifs
G. LA VIE EN EQUIPE DURANT LES MISSIONS
H. LA PRATIQUE PROFESSIONNELLE AU RETOUR DE MISSION
I. RETOUR A LA VIE QUOTIDIENNE
J. PERENNITE DE L’ENGAGEMENT HUMANITAIRE
K. MOTIVATIONS
ANALYSE ET DISCUSSION DES RESULTATS
I. POINTS FORTS – POINTS FAIBLES – BIAIS DE L’ETUDE
A. POINTS FORTS
B. POINTS FAIBLES ET BIAIS DE L’ETUDE
II. ANALYSE ET DISCUSSION DES RESULTATS
A. L’ENGAGEMENT HUMANITAIRE DES SAGES-FEMMES SUR UNE MISSION COURTE
B. EXERCER EN HUMANITAIRE LORS DE MISSIONS DE COURTE DUREE ENTRAINE-T-IL UNE MODIFICATION DE LA PRATIQUE PROFESSIONNELLE CHEZ LES SAGES-FEMMES ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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