La Décision : le processus de désignation du candidat officiel de l’UMP et les prémisses d’une campagne électorale locale perturbée
L’état du parti
La situation de l’UMP est en quelque sorte inédite. L’UMP n’a jamais perdu une élection nationale depuis sa création en 2002 avant les élections présidentielles de 2012. Cela représente tout de même deux élections présidentielles en 2002 et 2007, deux élections législatives les mêmes années et enfin deux élections sénatoriales en 2004 et 2008. La défaite lors de l’élection présidentielle de 2012, a été suivie dans la foulée par la défaite attendue aux élections législatives. L’année précédente avait déjà vu la droite être en difficulté lors des élections sénatoriales et la gauche dans son ensemble avait pour la première fois de son histoire eu la majorité dans la Chambre Haute. Depuis lors, l’UMP n’a cessé de tenter de se reconstruire sur les bases du parti laissé par Nicolas Sarkozy après la défaite du 6 mai 2012. Cependant, Jean-François Copé, qui avait déjà réfléchi à sa trajectoire politique depuis de nombreuses années se retrouve alors face à problème de leadership. En effet, il n’est plus le seul a avoir des ambitions présidentielles et pas seulement concernant le parti de droite républicaine. Lui qui pensait aux élections présidentielles de 2017 en se rasant le matin depuis maintenant plusieurs années a du partager le pouvoir puis s’est trouvé dans une impasse politique suite à sa démission de la présidence de l’UMP. Le parti est secoué par différentes affaires politico-judiciaires, les caisses sont vides, les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy n’ont pas été validés et le fait d’être retourné dans l’opposition après autant de temps au pouvoir empêche le parti de se reconstruire sur de nouvelles bases solides, et de se consacrer sereinement aux prochaines échéances.
François Fillon, qui a été à la tête de tous les gouvernements qui se sont succé dés de 2007 à 2012 estime être le plus à même de gagner les présidentielles de 2017 et cela passe par le rassemblement du parti autour de son projet en devenant Président de l’UMP en 2012. Tout le monde connait la suite de cette affaire, le vote ne se fait pas dans de bonnes conditions et chaque camp estime que la victoire est sienne. L’UMP propose alors un piètre spectacle qui permet de voir éclater au grand jour les très importantes dissensions au sein du mouvement créé par Jacques Chirac dans un souci de rassemblement dix ans plus tôt. A partir de ces élections, les fillonistes représentent 50% de la direction de l’UMP et les copéistes représentent l’autre moitié, autant dire que la cohabitation est difficile et cela se ressent jusque dans les fédérations locales. Les Alpes Maritimes, troisième plus grande fédération de l’UMP est elle aussi très divisée, entre les fillonistes Eric Ciotti et Christian Estrosi d’un côté et Michèle Tabarot de l’autre, bras droit de Jean-François Copé. Cette querelle est donc arrivée jusqu’à Cannes, sujet de ce mémoire. Les deux candidats, membres de l’UMP depuis leur jeunesse, fidèles du parti, se déchirent pour obtenir le sésame de l’investiture pour les élections municipales dans leur ville d’origine. Mauvais timing pour eux, leurs affinités avec des ennemis politiques les empêchent d’entamer leur campagne sereinement, sous les bonnes hospices de l’appareil, et de la machine de leur parti politique. David Lisnard soutient François Fillon dans la course à la présidence de l’UMP et l’inverse est aussi juste dans la course à la mairie de Cannes. L’équation est la même concernant Philippe Tabarot et Jean-François Copé.
L’organe interne du parti chargé des investitures aux élections est la Commission Nationale d’Investiture, présidée par le même duo Copé Fillon et elle est composée de soutiens des deux hommes politiques de façon égale plus quelques indépendants. Alors que d’autres investitures se déroulent sereinement, que la règle du « sortant UMP reçoit l’investiture » s’applique partout, Cannes fait elle, exception. Dans la commune de La Roquette sur siagne, il n’y a pas eu de problèmes d’investiture pour l’UMP car le maire sortant André Roatta se représente et que son principal concurrent, Christian Ortega ne fait pas partie d’une formation politique, à la différence de quelques uns de ses colistiers.
La ville de Cannes est le parfait exemple des conséquences d’une querelle nationale interférant dans un contexte local d’élections. Il est reportédans les quotidiens et auprès des journalistes le fait que les réunions de la CNI se déroulent donc dans un climat exécrable lorsque la situation de Cannes est évoquée dans les discussions. Le débat est passionné, « les noms d’oiseaux volaient » et les deux camps ne lâchent surtout pas le morceau, afin de ne pas paraitre affaibli au sein du parti. La décision est plusieurs fois repoussée, un vote est proposé, notamment par Laurent Wauquiez et Xavier Bertrand. Au final, Christian Estrosi, président de la fédération des Alpes Maritimes propose de ne pas choisir et de laisser ce rôle aux cannois, en espérant que le second du premier tour se range derrière le gagnant. Il est en sera décidé ainsi, car cela permet aux deux candidats de faire campagne et de se revendiquer de leur parti. D’ailleurs, aucun des deux candidats n’a décidé de s’épancher sur ces péripéties de l’investiture. En effet, mentionner les résultats de la Commission Nationale d’Investiture lors de la campagne cannoise n’aurait pas profité aux deux candidats. Rappeler aux électeurs que leur parti connait des dysfonctionnements importants n’est psychologiquement pas fédérateur. Il était donc indispensable pour les deux camps de reléguer ces quelques mois de tractations et de déchirement au placard afin de lancer la campagne sur des sujets locaux, cannois, hors de toute influence nationale et partisane.
Une campagne électorale cannoise centrée sur l’UMP
Le processus de désignation du candidat au sein du parti a donc eu pour effet de voir s’intensifier la déjà « hargneuse » campagne cannoise. Philippe Tabarot explique par exemple que son concurrent David Lisnard est « un élu virtuel spécialiste des réseaux sociaux » . Il fustige l’habitude prise par le Président du Palais des Festivals et des Congrès de poster chaque matin (ou presque) une photo de la vue de la baie de Cannes depuis son bureau. Il estime aussi que « l’investiture ne change rien, j’espère rassembler au delà de l’UMP ». Mais voilà, même si Philippe Tabarot dispose du vote pied noir grâce à l’aura de son père Robert Tabarot figure emblématique de l’OAS (Lisnard mettant en avant le fait que lui n’est pas « un fils à papa de la politique » dans le même article du Point) et de sa soeur qui fait des pieds et des mains auprès des sympathisants UMP pour faire élire son frère cadet, c’est David Lisnard qui aura réussi à attirer vers lui la grande majorité des électeurs cannois de l’UMP, mais aussi des électeurs de droite et de façon plus large encore des autres partis politiques (Apolline Crapiz, ancienne leader de l’opposition socialiste de Cannes avait tenté de se rallier au candidat Lisnard). Enfin, à l’opposé de Philippe Tabarot qui ne peut revendiquer que l’étiquette UMP, David Lisnard peut se targuer lui, d’avoir reçu le soutien de l’UDI avec la présence sur sa liste de Gilles Cima, figure du centrisme cannois à la 9ème place de la liste et du MODEM avec la présence de Pascale Vaillant en 14ème position. Le rassemblement de la droite et du centre s’est alors fait autour de la candidature de l’adjoint au maire sortant.Qu’en est-il alors des ténors du parti. Lors des élections, ils effectuent toujours un tour de France des villes pour soutenir le candidat du parti. Mais pour Cannes, si un membre du parti se déplace, c’est parce qu’il prend position ets’affiche avec Tabarot ou Lisnard et se positionne de la même façon dans le débat national pour Jean François Copé ou François Fillon. Du côté de David Lisnard il a reçu le soutien vidéo sous forme de lettre de la part de François Baroin, Alain Juppé, Bernard Accoyer, Bruno Le Maire. Du côté des personnes qui se sont déplacées, on retient Patrick Devedjian, Eric Ciotti et Bernard Debré. De plus, le maire de la commune voisine de Mandelieu, Henri Leroy a toujours été un fervent opposant de Bernard Brochand. Il a subitement changé d’avis lors de cette campagne, ce qui a notamment été visible lors des réunions de la Communauté d’Agglomération des Pays de Lérins où les relations entre les deux maires étaient au beau fixe. Ce soutien a été très mal perçu pour des amis de longue date, les Tabarot qui ont maintes fois exprimé leur étonnement. Il est néanmoins facile à comprendre que ce ralliement de dernière minute a permis à Henri Leroy d’être positionné en position éligible sur la liste UMP pour les sénatoriales dans les Alpes Maritimes à la place du sénateur sortant Jean-Pierre Leleux. Cette entente était donc un choix politique clair. On peut souligner qu’il a aussi été nommé début Avril 2014 Président du Conseil Portuaire de Cannes, poste qu’occupait depuis 2001 Philippe Tabarot. Enfin, il est important de noter le soutien implicite de Nicolas Sarkozy qui a rencontré David Lisnard et dîné en petit comité pendant la campagne, accompagné notamment d’Eric Ciotti.
Cadre ou Héritier, le statut des candidats
D’ailleurs, les deux candidats ont la chance de se présenter dans un département qui compte parmi les plus fournis en effectifs de jeunes de l’UMP, qui sont eux-mêmes prêts et impatients de militer pour leur champion et de faire leurs classes auprès de ces élites politiques locales. Il faut dire que les deux candidats qui se battent pour les mêmes électeurs ont tous deux des arguments de poids en leur faveur. S’il faudrait leur accoler des étiquettes, David Lisnard serait un « héritier » alors que Philippe Tabarot serait lui un « notable » ou un « cadre » local.
Tout d’abord, après avoir dirigé la campagne de Bernard Brochand pour la mairie de Cannes en 2001, David Lisnard devient second adjoint délégué au tourisme, au développement économique, aux questions de proximité et aux cultes mais aussi député suppléant en 2002. Il est aussi élu président du Conseil d’Administration du Palais des Festivals et des Congrès de Cannes (SEMEC), coeur névralgique de l’attractivité cannoise été comme hiver. Il devient aussi président du SICASIL, le syndicat intercommunal pour l’eau potable. Il va donc se créer un profil de travailleur acharné, de travailleur qui obtient des résultats aussi bien à la mairie qu’à la SEMEC ou encore au SICASIL. Il est remarqué par son travail, sa rigueur, aussi bien par ses supporters que ses opposants. Il devient alors une personnalité très importante de la vie politique, économique et sociale cannoise. Bernard Brochand a donc placé aux endroits stratégiques son poulain et héritier désigné.
Ses bons résultats l’ont ensuite légitimé dans cette posture de futur candidat avec la bénédiction, de l’homme providentiel qu’est à Cannes, BernardBrochand. La passation de pouvoir s’est donc effectuée tout au long du mandat, David Lisnard devenant de plus en plus omniprésent et attisant donc à la fois l’impatience de ses soutiens mais aussi l’exaspération de ses opposants qui estiment que son tour n’est pas encore arrivé et qu’il devra patienter avant d’exercer son pouvoir. Ce tandem Brochand-Lisnard est très critiqué par Philippe Tabarot notamment, qui juge qu’ils considèrent la mairie comme étant leur bien. Cet accaparement des instances liées à la mairie par DavidLisnard lui a permis de disposer d’un bilan très complet dans tous les domaines qui touchent les cannois « dans leur portefeuille », mais aussi l’attractivité du bassin cannois. Il annonce dans son programme que sous sa présidence du SICASIL et de la SEMEC, le prix de l’eau pour les cannois a baissé de 23%, et qu’il a réussi à désendetter le Palais des Festivals et des Congrès de 97% en 10 ans. Il met aussi en avant l’obtention d’un grand nombre de financement, de l’ordre de 4,8 millions d’euros de la part du Conseil Général par son activité au sein de cette assemblée, et aussi peut être grâce à ses très bon rapports avec le Président du Conseil Général Eric Ciotti qui l’a soutenu du début à la fin de la campagne. Comme on a vu, il réussit à mobiliser autour de son bilan et de son programme, mais aussi autour de sa personnalité. C’est donc à la fois son capital politique, l’héritage de la bonne gestion de la ville par Bernard Brochand (et lui-même), son profil travailleur qui lui permettent de faire une bonne campagne. Il détient en quelques sortes une double ressource, à la fois professionnelle vis-à-vis de son travail à la mairie mais aussi une ressource personnelle, par sa position dans le parti mais aussi au travers de sa place dans la société cannoise dans laquelle il agrandi et où il est revenu après avoir fait ses classes politiques auprès de Jacques Pelissard actuel Président de l’Association des Maires de France.
La campagne de David Lisnard, portraits de militants
Après avoir assisté aux traditionnels voeux du candidat Tabarot le27 janvier, je me rends cette fois aux voeux de David Lisnard dans la même salle, au Palm Beach, haut lieu des évènements, soirées et cocktails cannois. La salle est comme pour Mr Tabarot, comble, même si la disposition n’est pas la même. Il aété préféré plus de places assises au rassemblement de Philippe Tabarot. Je m’assois donc au deuxième rang, où les places sont réservées aux élus des villes alentours. Petite introduction sur l’expérience du candidat Lisnard, puis s’en suit un bain de foule pour le candidat depuis le fond de la salle jusqu’à l’estrade. La disposition de celle-ci est assez classique, le candidat fait les cent pas sur le devant de la scène, il ne dispose pas de pupitre, alors que derrière lui sur deux lignes de chaises sont assis au premier rang des personnes du troisième âge qui le soutiennent et derrière eux des jeunes issus de la « Team Lisnard », le comité de soutien officiel des jeunes cannois pour le candidat. La parité fille/garçon est bien évidemment de rigueur sur la scène. Enfin, au dessus des drapeaux de la ville et du pays, se tient un écran géant sur lequel a été projeté une vidéo « surprise » sur la campagne et le candidat. ! Au sein des jeunes choisis pour être sur l’estrade, je reconnais unami que j’avais connu il y a une dizaine d’années, lorsque je faisais du football àl’Association Sportive de Cannes (AS Cannes). Il s’appelle Sofiane et je suis étonné de le voir assis au milieu de ces jeunes. Venant d’un milieu modeste, mes préjugés et souvenirs de notre période à l’AS Cannes ne me laissaient pas penser à un engagement politique de sa part. A la fin du meeting, je me suis alors dirigé vers lui afin de le saluer et de lui demander comment il a décidé de s’engager. Je n’ai pas d’entretien retranscrit car je ne trouvais pas cet exercice important dans ce cas de figure. Je voulais garder la conversation informelle et personnelle afin de mieux comprendre son engagement. Je n’avais plus eu de contacts avec lui depuis presque dix ans et beaucoup de choses ont changé. Ses parents avaient repris un petit restaurant dans le centre ville de Cannes la Bocca et les aidant depuis plusieurs années, il avait été témoin de l’administration communale et du développement du secteur dans lequel ses parents et lui travaillent. De plus, l’été, il travaille depuis maintenant trois ans sur les plages de Cannes. Je pouvais donc sentir dans ses paroles qu’il aimait l’idée de participer à l’attractivité de la ville été comme hiver. C’est dans ce cadre là, notamment le travail saisonnier estival qu’il a rencontré quelques uns des membres de la « Team Lisnard ». Il m’a raconté alors s’être rendu à plusieurs rencontres avec cette équipe qui se tenaient généralement dans des pubs du centre ville. À l’une d’elles est venu David Lisnard, au tout début de sa campagne afin de mobiliser ses jeunes troupes et Sofiane a eu un bon « feeling », comme il le dit lui même, après cette première rencontre. Sportif comme lui, ils ont un point commun dans « l’amour du maillot » de l’AS Cannes, club dans lequel le père du candidat a joué professionnellement pendant plusieurs années, évènement qu’il met souvent en avant dans ses prospectus, rencontres et discours.
Sofiane me raconte par la suite les diverses activités auxquelles il a participé, de la collecte de cadeaux à Noël pour les « enfants dans le besoin » de la ville. Il me raconte avoir connu cela dans son quartier lorsqu’il était petit et se mettre au service des personnes dans le besoin avait été une vraie « fierté ». Il avait ensuite tracté plusieurs fois et comptait bien continuer pendant la suite de la campagne. Je lui ai alors demandé s’il comptait s’impliquer plus en politique après les élections. Ilm’a plutôt sèchement répondu qu’il ne faisait pas de la politique, qu’il voulait aider son quartier, sa ville. Ça ne l’intéresse pas de s’engager à l’UMP, l’UDI ou le MODEM (les trois partis qui soutiennent David Lisnard), et il n’est donc encarté à aucun de ces partis, ni à un autre. Il a d’ailleurs plutôt mauvaise opinion des politiques « en général », surtout de droite qu’il trouve souvent racistes.! Il estime qu’il fait juste le nécessaire pour que sa ville continue de se développer et pour aider les pauvres et les enfants de la ville. Il compte passer son Bafa et d’autres diplômes pour pouvoir travailler dans les centres de jeunesse de la ville dans les prochaines années.
Ce jeune engagé dans la campagne semble avoir un profil plus d’associatif que de militant politique. Il ne soutient pas de parti en particulier, n’a jamais voté (même s’il est encore jeune, 23 ans) et s’est enregistré sur les listes électorales pour la première fois l’année dernière. Il s’est engagé avec la Team Lisnard car les idées du candidat lui plaisaient mais aussi et surtout car c’était un moyen de rencontrer d’autres jeunes et d’autres générations autour de projets « d’entraide » et aussi pour « faire la fête ». Comme le résume Stephane Shazad, qui a lancé la « Team Lisnard », en parlant des activités mises en place, « ce n’est pas de la politique, c’est de la citoyenneté ». Il ne faut pas oublier que nous sommes dans un contexte général de rejet du politique, à droite comme à gauche, suite aux échecs des présidents Sarkozy et Hollande à faire rebondir l’économie du pays mais aussi à cause des nombreuses affaires judiciaires, Sarkozy, Balkany, Cahuzac.
Stephane Shazad a lui un parcours complètement différent, peut être plus classique pour un militant de droite. Issu d’une famille « confortable », ingénieur de formation, il dirige avec son père une société de construction BTP. Créée par son père, la société est « prospère » selon ses dires. Stéphane travaille donc dans l’entreprise familiale depuis quelques années déjà et compte bien en prendre les rênes par la suite. Il a rencontré David Lisnard lors des élections présidentielles de 2012 et il me raconte la façon dont il a été « impressionné par le caractère » de la personne dont il écoutait le discours en faveur de Nicolas Sarkozy. Ils avaient ensuite échangé pendant quelques minutes, sur l’avenir de la ville de Cannes et les prochaines élections municipales. Stephane était attentif à ce qui se faisait en mairie et il souhaitait se rapprocher encore plus du centre de décision pour mieux connaitre et comprendre son fonctionnement et pourquoi pas y participer. Il a donc rencontré David Lisnard plusieurs fois après cela dans le cadre de réunions de quartiers, ou de militants et l’idéede la « Team Lisnard » a germé petit à petit au cours de l’été 2012. Cette « équipe » devait être plus qu’un simple relais des idées d’un candidat lors d’une campagne municipale mais devait représenter un véritable « mouvement citoyen au service de la communauté cannoise ». C’est en quelque sorte une association de cannois qui effectuent des actions desolidarité dans leur ville et qui soutiennent officiellement un candidat. Ils cherchent par leur action à refléter le caractère et l’engagement de leur candidat pour la ville, pour les cannois. C’est en quelque sorte prouver aux électeurs que leurs actions au sein de la « Team » reflètent les actions de David Lisnard pour Cannes. Être dynamique, présent sur le terrain, solidaire, que les membres aient des profils de jeunes cannois actifs et entrepreneurs. C’était en effet le cas pour une majorité des jeunes que j’ai rencontré lors des différentes manifestations organisées par la « Team ». Etudiants, jeunes actifs, la plupart présentent un CV intéressant et ne semblent pas être touchés par les maux français actuels. Il est important de rappeler que l’attrait des jeunes pour le candidat Lisnard, bien plus notable que pour le candidat Tabarot peut s’expliquer par son attitude très dynamique, c’est un sportif mais aussi par la position de David Lisnard en tant que Président du Palais des Festivals et des Congrès de 2001 à 2014. Il a lancé ou aidé à lancer un grand nombre d’évènements pour la jeunesse de la ville, des Plages électroniques qui est un festival musical qui rencontre un franc succès chaque année depuis sa création en 2006. Il a aussi favorisé le développement, au sein de la mairie précédente, du sport et de l’accès aux sports toute l’année. Une compétition de Break Dance (Break the Floor) se tient aussi chaque année au Palais des Festivals et des Congrès.
Le débat du premier tour et le bilan des réunions publiques
La prochaine étape de l’affrontement cannois ne se déroulera cette fois pas « à distance » car Nice Matinet France Bleu Côte d’Azurorganisaient le 3 mars 2014 le premier (et seul) débat de ces élections municipales dans une salle de la Licorne pleine, qui est une salle de spectacle de Cannes la Bocca. Je suis moi même debout à l’arrière de la salle entouré de quelques uns des jeunes et moins jeunes militants des deux camps qui sont arrivés dans les derniers retardataires. Malgré la bonne volonté des journalistes qui tentent de rendre le débat audible et compréhensible par tous, celui-ci se déroule dans un climat de compétition acharnée. La scène du théâtre semble s’être transformée en un ring de boxe sur lequel David Lisnard et Philippe Tabarot se rendent coup sur coup sous l’oeil et les commentaires de leurs adversaires politiques qui n’ont existé à aucun moment de la campagne et qui ont recueilli que peu de voix lors des consultations des 23 et 30 mars. La seule candidate qui s’est démarquée en dépassant les 10% de voix exprimées au premier tour (mis à part les deux candidats de l’UMP) est Catherine Dortendu Front National, avec 14,77% . Les deux listes de gauche n’ont même pas rassemblé 10% à elles deux (Parti Socialiste 6,24% et Parti de Gauche 3,44%) et le débat du 3 mars ne présageait pas meilleur avenir pour ces listes tant leurs interventions étaient mal accueillies par une salle acquise aux deux candidats de la droite et à la candidate du Front National. Ce débat n’a donc pas apporté nombre d’éclaircissements sur les programmes des candidats. Lorsque l’on suit de près une campagne, il faut s’habituer à entendre des répétitions de programme et à écouter les mêmes discours plusieurs fois par semaine lors des réunions publiques.
C’était donc le cas ici, les programmes (ou le manque de programme) sont connus depuis plusieurs semaines déjà. Ce débat n’a malheureusement que peu« d’intérêt » concernant cet aspect là, mais est très intéressant pour cibler les caractères et les tactiques des candidats.
La tension est très vite montée, aussi bien sur la scène que dans la salle ou sur twitter, et elle n’est jamais retombée. Les noms d’oiseaux fusent dans la salle et les candidats ne veulent pas décevoir leurs soutiens et restent incisifs contre les attaques dirigées contre eux. Les pauses publicitaires toutes les 15 minutes ont pour effet de rendre les spectateurs impatients des joutes à venir. Il est intéressant d’être sur place pour ressentir les tensions au sein de l’audience. Les spectateurs et spectatrices n’hésitent pas à partager leur expérience entre eux, à s’invectiver sur tel ou tel sujet, sur un point de bilan de la mairie actuelle, un point de programme ou une affaire judiciaire qui touche l’une ou l’autre des équipes.
Le candidat du Front de Gauche cherche lui à dénoncer les grandes surfaces qui s’implantent en périphérie de Cannes et qui selon lui font perdre de la clientèle aux marchés locaux ou aux petits commerçants. Il est immédiatement coupé et invectivé par un quadragénaire assis dans la salle. Il est issu de l’immigration maghrébine et habite en logement social. A priori il ne dispose pas du profil type du soutien de candidat UMP et pourtant il va s’en prendre au candidat du Front de Gauche en utilisant l’argument de l’emploi, que ces grandes surfaces permettaient aux gens « des quartiers » de trouver un emploi plus facilement et de pouvoir se nourrir à prix raisonnable.
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Table des matières
I.La Décision : le processus de désignation du candidat officiel de l’UMP et les prémisses d’une campagne électorale locale perturbée
1. L’état du parti
2. Une campagne électorale cannoise centrée sur l’UMP
3. L’engagement des jeunes dans ces élections municipales
4. Cadre ou Héritier, le statut des candidats
II.La Campagne : le moment militant
1. Les outils de campagne : Du meeting à l’utilisation des réseaux sociaux et des jeunes
2. La campagne de David Lisnard, portraits de militants
3. Le débat du premier tour et le bilan des réunions publiques
4. Quelle place accorder aux sondages ?
III.L’Après élection, l’anti campagne ?
1. Les premiers mois d’essai de la « Méthode Lisnard »
2. L’usage de la presse quotidienne régionale par les hommes politiques locaux
3. Quelle opposition face au nouveau maire ?
Annexes
Bibliographie
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