L’engagement de l’individu dans le processus d’apprentissage

L’entrée en formation : Le paradigme de l’« expectancy-value »

Le paradigme de l’« expectancy-value » fut développé dans les travaux de Cross (1978), Viau (1994) et Barbeau (1993). La décision de s’engager en formation résulterait alors d’une interaction positive entre ces deux facteurs fondamentaux, centraux que sont la « value » et l’« expectancy ». Nous allons donc maintenant développer ces termes et identifier leurs impacts sur l’engagement d’adultes en formation.

La value

La « Value » ou « valeur » en français, correspond aux apports de bénéfices que l’adulte perçoit comme importants pour lui, à un moment donné de sa vie. Différentes successions de phases et donc, de changements, viennent alors rythmer la vie de cet individu :
– Des phases « naturelles de la vie », telles que le premier emploi, le mariage, les enfants, les premières responsabilités, la retraite, etc. ;
– Des phases accidentelles de la vie que sont la maladie, le décès, la perte d’emploi, le divorce, etc.
Dans le but de négocier au mieux les changements auxquels l’adulte est confronté à un moment donné de sa vie, ce dernier se donne des objectifs de vie, dont l’un des moyens d’y répondre est la formation.
Cet engagement en formation correspondrait alors à une réponse, une stratégie ou une dynamique identitaire dans laquelle l’individu serait engagé à un moment donné de sa vie, pour faire face à ce changement.

L’expectancy

L’« expectancy » ou « attente » en français, correspond à l’espérance qu’à l’adulte de réussir dans la formation. Ce dernier sera alors mieux disposé s’il perçoit que la formation lui apportera des bénéfices et s’il estime ses chances de réussite forte. Si une de ces deux caractéristiques est absente, l’individu ne prendra alors pas le risque de s’engager en formation. Cet espérance prend également racine dans les caractéristiques du milieu social d’appartenance de l’individu et le lien qui peut donc être établi entre ce dernier et son environnement.

L’engagement de l’individu dans le processus d’apprentissage

Apprendre c’est acquérir de nouvelles compétences, remettre en question ses conceptions, ses savoirs, ses savoir-faire familiers, ses croyances, en faire donc le deuil. Dans ce cadre-là, il est tout à fait habituel que l ’individu résiste à l’acte d’apprendre car c’est, pour lui, un choix coûteux, tant sur le plan pratique, cognitif, mais également sur le plan affectif.
Certaines connaissances sont, de plus, bien plus liées que d’autres à son identité car elles sont associées à un modèle identitaire positif qui fait référence, ce qui va accentuer la résistance que va avoir cet individu lorsqu’il devra s’engager dans le processus d’apprentissage. Ce dernier devra donc accepter de les mettre au travail, et de relever le défi de leur transformation.
En début de formation, il n’est donc pas rare que l’individu ne s’engage pas.
En effet, il ne s’implique pas au sein de la formation afin de préserver ses connaissances préalables et, pour se faire, met en place diverses stratégies cognitives.
Dans cette optique, un apprenant motivé sera persévérant, alors qu’un apprenant démotivé fera tout pour ne rien faire. C’est ce que l’on appelle la « stratégie d’évitement ». L’individu demandera des explications qu ’il n’a pas besoin, fera répéter le formateur, etc. L’apprenant démotivé se limitera alors à utiliser des stratégies de mémorisation, comme se répéter régulièrement la définition d’un concept.
La persévérance tout au long de la formation doit donc s’accompagner d’un engagement cognitif, avec la mise en place de stratégies d’apprentissage.
Dans ce cadre-là, nous pouvons nous demander quelles sont les conditions motivationnelles qui vont permettre à un apprenant de rentrer dans un processus d’apprentissage. Qu’est-ce qui peut alors aider cet individu à prendre la décision de s’engager en formation, dont il a, au préalable, mesuré les coûts, tant sur le plan pratique, cognitif que sur le pan affectif ?

Problématique et hypothèses retenues en début de recherche

D’après les chiffres fournis par l’INSEE en 2018, en France, 21% des 25-64 ans ne possédaient pas de diplôme, soit 6 734 161 personnes. De ce nombre, venait se rajouter, cette année-là, moins de 100 000 élèves qui sont sortis de l ’école sans diplôme. On estime que 50% d’entre eux seront au chômage dans les trois prochaines années (Ministère de l’Éducation Nationale, 2018). L’absence de qualification pour l’ensemble de ces adultes a donc un impact sur leur participation au monde du travail. De fait, parmi les personnes sans emploi en 2018, 16,2% d’entre elles n’avaient pas de diplôme, alors que le pourcentage de personnes sans emploi, ayant un niveau CAP, BEP ou BAC était de 9,7% (INSEE, 2018). C’est alors parmi ces 9,7% que nous allons retrouver les adultes en formation MCAD, inscrits cette année au sein du GRETA du Loiret. L’approfondissement des sources motivationnelles ainsi que des obstacles motivationnels à participer à une action de formation, pour ces adultes en reprise d’études, est donc important au regard de l’avancement
des connaissances en éducation, mais également en neuroscience.
Peu d’études ont effectué des entretiens auprès des formateurs ainsi qu’auprès d’ adultes en formation. Les recherches se concentrent essentiellement sur la motivation des élèves à apprendre (Barbeau et al, 1997 ; Viaud, 1996, 2000) ou la motivation d’adultes salariés à s’engager dans une action de formation (Bourgeois, 2009 ; Fenouillet, 2011). Nous pouvons alors en déduire, en plus de la question centrale présentée en début de dossier, la problématique suivante : quelles sont les sources motivationnelles ainsi que les obstacles à la motivation ayant un impact sur l’engagement, en formation, d’adultes en reprise d’études ?
Pour analyser les sources ainsi que les obstacles motivationnels à l’engagement d’adultes en reprise d’études au sein de la MCAD, cette étude s’appuie sur les travaux de Lavoie (2007), dont les recherches s ’appuient elles mêmes sur les catégories conceptuelles proposées par Cross (1981) et développées par la suite par Darkenwald et Merriam (1982).
Ces catégories interdépendantes sont au nombre de quatre : institutionnelle, dispositionnelle ou psychosociale, situationnelle et informationnelle. De ces recherches, j’émets alors les hypothèses suivantes :
En premier lieu, les situations de vie propres à chaque adulte pourraient avoir un impact sur l’engagement de ces derniers en formation. En effet, le manque d’argent et les coûts découlant de la formation, trop élevés pour certains de ces adultes, seraient un frein à leur inscription. De plus, ces derniers préféreraient travailler plutôt que de s’engager en formation, car travailler constituerait une activité de survivance qui garantirait alors une source de revenus (PGF Consultant Inc, 1997). Le travail aurait donc un statut plus important que la formation, représentant alors l’autonomie et une forme de valorisation au regard des proches.
L’éloignement géographique peut être un frein à l’engagement d’adultes en formation, notamment pour ceux qui habitent en campagne, accentué par le fait qu’ils ne disposeraient pas d’un moyen de transport personnel ou bien que les transports en commun seraient rares, inexistants ou onéreux.
Les charges et les impératifs familiaux empêcheraient les adultes de s’engager puis de poursuivre une formation (Cross, 1981 ; Hayes et Darkenwald, 1988 ; Long, 2002). Les femmes ayant des enfants en bas âge souhaiteraient davantage rester à la maison afin de s’occuper de leurs enfants et de les voir grandir. Partir en formation serait alors, pour ces dernières, vécu comme un abandon de leurs responsabilités familiales. A noter également que les pressions subies par certains adultes, notamment par des femmes, de la part d ’un membre de la famille, seraient également un obstacle à l’inscription en formation. A contrario, Beder et Valentine (1990) indiquent que les responsabilités familiales peuvent être une motivation à s’engager, puis à poursuivre une action de formation.
Le manque de temps serait également un obstacle à l’engagement de ces adultes en formation. Ce manque de temps serait en réalité lié à l’utilisation qu’en font ces derniers (Rubenson et Xu , 1997). En effet, ce temps serait utilisé pour des priorités différentes que celle de se former.
En second lieu, l’aspect psychosocial propre à chaque adulte pourrait avoir un impact sur l’engagement d’adultes en formation.

METHODOLOGIE

Enquête numérique auprès des formateurs GRETA

Au gré de conversations informelles avec quelques formateurs, ces derniers m’ont fait part du manque de motivation des apprenants ainsi que des comportements et des attitudes néfastes qui en découlaient. Pour ces formateurs, ces apprenants venaient en formation pour des raisons d’ordre financier. Prendre en compte le regard de l’ensemble des formateurs sur les apprenants est alors important car il va permettre de vérifier si ce qui est dit lors de ces conversation informelles est partagé l’ensemble des formateurs, ou si ce regard est propre à quelques individus.
En premier lieu, une méthode quantitative fut donc mise en place dans le cadre de la contextualisation de ce dossier de recherche. En effet, un questionnaire d’une charge approximative de quinze minutes fut créé sur GOOGLE DOC (Cf. Annexe 2 : Enquête numérique auprès des formateurs GRETA), puis envoyé aux quatre formateurs qui interviennent actuellement au sein de la formation MCAD. En plus de ces derniers, ce questionnaire fut envoyé à deux anciennes formatrices, qui sont intervenues au sein de cette même formation jusqu’à l’année dernière (Cf. Annexe 3 : Identifiants des formateurs de la section MCAD). Le choix de questionner ces deux anciennes formatrices, ayant une expérience significative dans cette formation, me permettra d’avoir une vision plus large de la perception qu’ont les formateurs de ces apprenants.

Entretiens avec les apprenants

Présentation des apprenants

Avant leur entrée en formation, ces adultes, tous inscrits au pôle emploi, ont participé à une réunion d’information concernant la Mention Complémentaire Aide à Domicile (MCAD), réunion organisée par le GRoupements d’ETAblissements (GRETA) du Loiret, au sein des locaux du Pôle Emploi de Montargis (45120). Après cette réunion d’information, ces derniers ont réalisé des tests écrits, puis ont passé un entretien individuel avec les responsables de la formation. A l’issue de ces entretiens, onze apprenants (dix femmes et un homme), furent acceptés au sein de la formation, se déroulant actuellement au Lycée Professionnel et Technologique du Château Blanc, à Châlette-sur-Loing (45120) (Cf. Annexe 4 : Conditions de travail et règles de fonctionnement en formation MCAD). Ces apprenants sont âgés en moyenne de vingt-neuf ans (de dix-neuf ans à quarante-huit ans) et habitent dans les régions du gâtinais Est et du gâtinais Ouest. A noter également que deux apprenantes ont démissionné en début de formation, pour des raisons personnelles (rapport de désengagement selon Kaddouri (1994, 1996)). Cette dernière fut alors remplacée par une autre apprenante, une semaine après que la formation a débuté. Dans le cadre de ce dossier de recherche, j’ai choisi d’utiliser les récits de vie car ils permettront de recueillir des données qualitatives. En effet, ces entretiens permettront de retracer la vie de ces apprenants et donc d’identifier, d’une part, leurs obstacles motivationnels et, d’autre part, leurs sources motivationnelles quant à leur engagement dans cette formation.

Les récits de vie

Les récits de vie sont des outils sociologiques qui ont été utilisés dans les années vingt et trente à l’école de Chicago et apparu en 1976, en France, par Bertaux.
Les récits de vie sont donc des supports pour explorer les parcours individuels ou l’histoire de collectifs professionnels, institutionnels ou communautaires. L’intérêt réside précisément dans la capacité, à travers lui, à saisir les univers sociaux qui façonnent les identités, la manière dont ils se sont construits et le sens que leur attribue le narrateur. Deux moments clés sont identifiés dans les récits de vie.
En premier lieu, la reconstruction des différentes étapes de la vie du narrateur, ainsi que de la reconstruction de la trajectoire permettant d’amener ce dernier à les raconter, telles qu’il s’en souvient ou telles qu’il les juge. Il s’agira alors, par la suite, de l’inviter à analyser ces différentes étapes. Dans le cadre de cette recherche, cela a pour objectif d’obtenir, de la part des apprenants, de plus amples détails descriptifs sur les différentes étapes de leur parcours de vie.
En second lieu, l’identification du cercle social du narrateur. Cette seconde étape permet donc d’interroger le narrateur sur les liens entretenus avec les différentes personnes mentionnées dans son récit. Il s’agira alors de l’interroger notamment sur les personnes clés de ses réseaux exprimés, qui ont pu influencer, orienter, la construction de son parcours de vie. Ces individus correspondent aux « autruis significatifs », développés par Bidart en 2008. Dans le cadre de cette recherche, cela a pour objectif d’encourager les apprenants à porter un regard critique sur leur passé et leur présent.
Les récits de vie partent donc du vécu subjectif lors d’un entretien oral. Lorsque le narrateur raconte sa propre histoire, il bénéficie d’une occasion privilégiée d’affirmer et de faire reconnaître une place et une identité singulière.

Recueil des récits de vie

Avant les entretiens individuels

Il fut en premier lieu nécessaire de rencontrer l’ensemble des apprenants afin de leur exposer le but de ma démarche, le thème de recherche et de ce que j’en attendais. Lors de cette rencontre, il fut également nécessaire d ’expliquer aux apprenants pourquoi je m’intéressais à eux, pourquoi réaliser des récits de vie, ainsi que les modalités du déroulement et de durée des entretiens individuels. A la fin de cette rencontre, les apprenants et moi-même avons convenu, sous forme d’un planning, la date, l’heure et l’endroit des entretiens pour chaque apprenant et ce, pour le mois de janvier (Cf. Annexe 5 : Planning des entretiens réalisés en janvier 2019) et pour le mois de juin (Cf. Annexe 6 : Planning des entretiens réalisés en juin 2019).
Les onze apprenants ont tous accepté de réaliser ces entretiens. L’endroit choisi pour interroger ces derniers au mois de janvier était un petit bureau qu ’ils ne connaissaient pas, un endroit neutre, afin de ne pas créer d’interférences lors de nos échanges. A contrario, l’endroit choisi pour interroger ces apprenants, au mois de juin, fut la cuisine familiale, pour des raisons pratiques car cette salle était, d’une part, libre et, d’autre part, plus grande que le bureau ou j’avais réalisé les entretiens au mois de janvier.

Pendant les entretiens individuels libres en janvier

Une phrase d’introduction au début de chaque entretien individuel fut prononcée : « Pouvez-vous me parler de vous, de votre parcours de vie en général et de la place de la formation MCAD dans celui-ci ? ».
Lors des entretiens, un dictaphone pour enregistrer les entretiens, avec l’accord des apprenants, fut utilisé. Aucune prise de notes ne fut réalisée durant les entretiens, afin de ne pas créer d’interférences dans la communication.
Les apprenants ont donc raconté leur vie de manière globale (enfance, famille…). Cela leur a permis de s’exprimer en toute liberté en prenant l’initiative d’organiser leur récit de façon indépendante et d’exprimer ce qui leur tenait à cœur, afin donc de collecter, au final, un maximum d’informations. Chaque entretien individuel a duré entre vingt-cinq et cinquante minutes.
À la fin de chaque entretien, la suite du travail fut expliquée et un deuxième entretien (au début du mois de juin), validé pour chaque apprenant, cette fois pour identifier les évolutions éventuelles des sources motivationnelles et des obstacles.
Ces entretiens ont été, par la suite, retranscrits (Cf. Clé USB : Retranscription des entretiens du mois de janvier).

Analyse des entretiens individuels du mois de juin

Une méthode d’analyse différente a été utilisée pour les entretiens du mois de juin. En effet, ces entretiens directifs et non plus libres comme ceux du mois de janvier, sont basés sur quatre questions. Il ne s’agit plus ici d’indiquer le nombre d’occurrences pour chaque catégorie ainsi que pour chaque sous-catégorie, mais seulement de les identifier, afin de constater une possible évolution quant aux sources motivationnelles ainsi qu’aux obstacles, du mois de janvier au mois de juin.
Il s’agit alors de les identifier pour chaque entretien, puis d’en faire une analyse que l’on retrouvera dans la partie « Regard des apprenants sur leur engagement en formation ».
Nous allons maintenant, après avoir indiqué la méthodologie qui sera utilisée dans cette recherche, d’une part identifier le regard que portent les formateurs sur les apprenants puis, d’autre part, identifier le regard que portent ces apprenants sur leur engagement au sein de cette formation.

REGARD DES FORMATEURS SUR LES APPRENANTS

Sur les six formateurs sollicités, quatre d’entre eux ont répondu à ce questionnaire

Résultats obtenus sur les questions fermées

D’après les résultats du dépouillement des questionnaires (Cf. Annexe 9 : Résultats obtenus sur les questions fermées du questionnaire), nous pouvons observer que les formateurs(-rices) ayant répondu au questionnaire sont des femmes (100%), dont l’âge se situe entre 35 et 49 ans, avec une expérience dans cette formation se situant entre 1 à plus de 10 ans. 75% de ces formatrices interviennent ou sont intervenues toute l’année au sein de la formation et ce, de quelques heures à quelques jours par semaine.

Résultats obtenus sur les questions ouvertes

Les résultats obtenus ci-dessous sont classés selon une catégorisation proposée par la formatrice F3, ayant la plus grande expérience au sein de cette formation (10 ans). Au regard de son expérience, j’ai alors choisi de garder ses catégories taxonomiques, car les termes utilisés par l’ensemble des formatrices pour caractériser les apprenants, partageant donc des propriétés communes, forment ces catégories taxonomiques.
Les mauvais souvenirs de l’école, l’histoire de vie, les préoccupations extérieures, l’âge, le manque de confiance en soi, l’angoisse des changements, etc. seraient les sources des comportements et des attitudes des apprenants de la deuxième et troisième catégories, pour l’ensemble des formatrices. Ces dernières perçoivent alors trois grandes catégories d’obstacles à la motivation pour ces apprenants : situationnels, psychosociaux et liés aux difficultés. À aucun moment dans ce questionnaire, les formatrices n’indiquent d’aménagements, pouvant prendre en compte ces trois catégories d’obstacles motivationnels. Des solutions sont tout de même envisagées mais pour des obstacles qui seraient de l’ordre informationnel (être honnête et mettre en confiance les apprenantes, instaurer une heure de vie de classe, valoriser les observations et les questionnements des apprenants, ect.) et institutionnel (être plus attentif et mieux cerner les motivations de chacun lors du recrutement), sans jamais n’y faire référence lorsqu’on les questionne sur les causes possibles des comportements et des attitudes adoptés par ces apprenants, à la question six.
L’absence de changement de comportements ou d’attitudes chez certains apprenants est également observée par la formatrice F3 (« Je n’ai pas constaté de changement de comportements ou d’attitudes chez les apprenants : les trois « types » de comportements ou d’attitudes sont présents, la répartition varie seulement en fonction des années »). Vision également partagée par la formatrice F1. Cet état de fait est notamment remarqué pour les apprenants des catégories deux et trois car, contrairement aux apprenants de la catégorie une, ces derniers « doutent sur la nécessité des contenus d’enseignement » (formatrice F3 et F5), sont « désintéressés » (formatrice F3) et/ou « désinvestis » (formatrice F3). Attitudes donc qui mettent ces apprenants en situation de vulnérabilité, en particulier liée aux apprentissages.
Lors de l’analyse de ce questionnaire, nous avons pu observer que l’ensemble des formatrices catégorisent les apprenants dans trois groupes bien distincts. Le premier groupe où l’on retrouverait des apprenants investis, motivés, avides d’apprendre, ou la formation serait, au final, un moyen de concrétiser un projet professionnel bien défini en amont de la formation. S’en suit une deuxième catégorie d’apprenants qui rentreraient en formation sans projet professionnel défini mais dont les contours seraient plus nets au fil de la formation.
Peu ouvert en début de formation, ces derniers s’ouvriraient de plus en plus aux autres, prendraient également confiance en eux, se remettraient en question afin de progresser davantage. Enfin, une troisième catégorie est identifiée par l’ensemble des formatrices ou l’on retrouverait des adultes désinvoltes, désinvestis, désintéressés, « arrivant dans la formation par nécessité, pensant qu’ils sont faits pour aider les autres et que leurs expériences personnelles face aux difficultés pourront les aider à réussir dans la formation » (formatrice F3). Mais alors, quels seraient, pour ces formatrices, les obstacles motivationnels des apprenants à s’engager en formation ? Il s’agirait alors des enjeux de la formation, les impératifs familiaux et les mauvaises expériences professionnelles et personnelles (obstacles situationnels), puis l’angoisse de ne pas réussir les examens, la différence d’âge et les mauvais souvenirs de l’école (obstacles psychosociaux) et enfin le manque d’assurance, de confiance en soi et le stress (obstacles liés aux difficultés). Aucune source motivationnelle, à l’engagement des apprenants dans la formation, ne fut identifiée par les formatrices.
Nous allons donc maintenant, dans une deuxième partie, identifier les sources motivationnelles ainsi que les obstacles à la motivation des apprenants d’une part, à s’engager dans la formation puis, d’autre part, à poursuivre cette même formation.
Cela permettra alors, premièrement, de comprendre le constat des formatrices quant aux relations que peuvent avoir les apprenants avec la formation et, deuxièmement, de confronter les points de vue de ces dernières et des apprenants, quant aux sources et aux obstacles motivationnels à l’inscription de ces adultes en reprise d’études, ainsi qu’au plein investissement de ces derniers, au sein de cette même formation.

Critères spécifiques quant aux sources motivationnelles

Nous pouvons observer, d’après le tableau 3 : Critères motivationnels des apprenants à s’engager en formation, que le premier critère motivationnel à s’engager dans cette formation, pour la totalité des apprenants soit, onze adultes, est le fait de prendre soin des autres. Cette vocation trouve son origine dans diverses sources.
Pour certains adultes, cela est le fait d’héberger ou de rendre régulièrement visite un grand-parent, afin de l’aider dans les tâches quotidiennes (« Je lui faisais à manger, je lui massais les jambes avec de l’ huile exprès, je la coiffais » A1 / ligne 208).
Pour la plus jeune des apprenants, cette origine trouve racine dans la perte d’un grand-parent (« Un cas personnel aussi qui fait que je voulais faire cette formation, ma grand-mère qui est décédée, il y a bientôt 3 ans, le 28 janvier » A1 / ligne 208).
Enfin, pour la totalité des adultes, les expériences accumulées grâce à des stages ou des emplois antérieurs, que cela soit à domicile ou dans des structures, tels que des EHPAD, ont permis de développer, chez eux, leur capacité à aider et à prendre soin des autres (« J’ ai été aide à domicile, à l’ ADAPA, où maman travaillait. Cela m’ a confirmé le fait que j’ aimais le contact avec les personnes, que j’aimais aider » A11 / ligne 12). C’est cette caractéristique qui a permis de développer le sentiment d’amour et de don de soi chez ces derniers et donc, de conforter leur souhait de vouloir apprendre plus (« C’était des gens qui avaient besoin d’ amour » A4 / ligne 82).
En effet, pour sept de ces dernières, le deuxième critère à l’inscription dans cette formation est de vouloir acquérir de nouvelles compétences afin d’aider au mieux les personnes au quotidien, notamment lors d’accidents (« S’ il arrive à une personne qui tombe, je veux savoir quoi faire tout de suite, maintenant et pas la mauvaise chose qui… soit plus grave. Donc c’est principalement pour ça que je fais la formation » A7 / ligne 68). Un résultat qui vient contredire les travaux de Lavoie (2007) car, d’après ses recherches, le fait de vouloir acquérir de nouvelles compétences n’était pas une source motivationnelle à s’engager dans une formation, pour les adultes. Ces apprenants ont en effet envie d ’apprendre les bons gestes, acquérir les bonnes postures à avoir afin de manipuler, au mieux, les usagers dans le but de ne pas leur faire de mal (« C’ est un peu pour ça que j’ ai fait la formation, pour acquérir les gestes et pour le bien-être de la personne » A4 / ligne 130).
A noter également que la présence de prérequis est une source de motivation à s’inscrire dans cette formation pour deux apprenantes. Pour exemple, l ’une des apprenantes évoque le fait d’avoir obtenu un diplôme dans le secteur sanitaire et social. L’inscription au sein de la MCAD est alors, pour elle, la suite logique de son parcours scolaire (« Au lycée, on faisait la cuisine, l’ entretien des locaux, l’entretien du linge et je me suis dit qu’ avec le CAP, avec la formation, pour moi, ça suivait » A1 / ligne 230). Des compétences alors travaillées dans leur dernière formation ou au sein de leurs anciens stages ou emplois et reprises au sein de la MCAD, leur permettent de se sentir plus confiantes et donc, les motivent à s’engager au sein de cette formation (« Pour le lit au carré, c’ était celui qui ferait le plus vite ou celui qui en ferait le plus pendant le temps du TP (…). On regardait l’heure : « C’ est déjà l’heure, on a déjà tout fait, on a déjà tout fini, mais en plus, c’ était l’heure de partir ».
On n’avait pas vu le temps passer. On arrive à le faire tout en s’ amusant, tout en gardant notre apprentissage, parce qu’il y a des choses que l’on va rajouter pardessus (…) C’est sympa » A7 / ligne 434). Cela est, de plus, renforcé par l’accompagnement de leurs anciens enseignants, lors de l’orientation, qui permet à ces adultes d’être informés au mieux quant aux éventuelles poursuites d’études (« Ma professeure principale (…), m’a conseillée d’aller voir Pôle Emploi pour la formation MCAD » A1 / ligne 180).
Pour quatre apprenantes, leur capacité à persévérer pour pouvoir suivre cette formation, malgré les possibles obstacles du quotidien, est une source motivationnelle à suivre cette formation (« Même si j’avais le pied dans le plâtre, j’irais jusqu’ au bout, même sachant que je ne l’ aurais pas, parce que j’ ai le pied dans le plâtre et que je ne peux pas faire mes stages. » A4 / ligne 320). En effet, leur capacité à persévérer malgré les possibles difficultés et donc pour, au final, concrétiser leur projet professionnel, est un moteur motivationnel à suivre cette formation. Cette capacité à aller de l’avant est alors la genèse de leur motivation.
Pour trois de ces apprenantes, être maman au foyer afin de s’occuper de leurs enfants, ne leur permettait pas de développer une vie sociale. S’inscrire en formation est donc pour elles un moyen de rencontrer du monde, de retrouver du lien social (« Rester à la maison c’est aussi la routine, c’ est compliqué, on voit presque personne. Enfin, on s’isole vachement en restant à la maison » A8 / ligne 156 – « Je dis, maintenant, à mon tour, il faut que je reprenne ma vie, je veux retrouver ma vie de femme (…), j’ai perdu ma vie de femme » A4 / ligne 84). Au travers des stages qui seront réalisés au sein de la formation, cela leur permettra également de tisser un réseau professionnel nécessaire pour leur vie professionnelle future.

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Table des matières
Remerciements
I. Genèse du projet de recherche 
II. Cadre de référence de l’étude
1. Les apprenants en formation continue
1.1. L’entrée en formation : Le paradigme de l’« expectancy-value »
1.1.1. La value
1.1.2. L’expectancy
1.2. L’engagement de l’individu dans le processus d’apprentissage
2. Les conditions de la motivation
2.1. Les sources de motivation
2.2. Les perceptions spécifiques au contexte de formation
3. Problématique et hypothèses retenues en début de recherche
III. Méthodologie
1. Enquête numérique auprès des formateurs GRETA
1.1. Présentation des questions fermées
1.2. Présentation des questions ouvertes
2. Entretiens avec les apprenants
2.1. Présentation des apprenants
2.2. Les récits de vie
2.3. Recueil des récits de vie des apprenants
2.3.1. Avant les entretiens individuels
2.3.2. Pendant les entretiens individuels libres en janvier
2.3.3. Pendant les entretiens individuels directifs en juin
2.4 Analyse des entretiens individuels
2.4.1. Analyse des entretiens individuels au mois de janvier
2.4.2. Analyse des entretiens individuels au mois de juin
IV. Regard des formateurs sur les apprenants 
1. Résultats obtenus sur les questions fermées
2. Résultats obtenus sur les questions ouvertes
3. Interprétation des résultats obtenus
V. Regard des apprenants sur leur engagement en formation 
1. Sources motivationnelles à s’engager en formation
1.1. Vue d’ensemble des sources motivationnelles
1.2. Critères spécifiques quant aux sources motivationnelles
2. Obstacles motivationnels à s’engager dans la formation
2.1. Vue d’ensemble des obstacles motivationnels
2.2. Critères spécifiques quant aux obstacles motivationnels
3. Sources motivationnelles à poursuivre la formation au mois de janvier
3.1. Vue d’ensemble des sources motivationnelles
3.2. Critères spécifiques quant aux sources motivationnelles
4. Obstacles motivationnels à poursuivre la formation au mois de janvier
4.1. Vue d’ensemble des obstacles motivationnels
4.2. Critères spécifiques quant aux obstacles motivationnels
5. Sources motivationnelles à poursuivre la formation au mois de juin
6. Obstacles motivationnels à poursuivre la formation au mois de juin
VI. Discussion
1. Retour sur la question centrale et les hypothèses
1.1. Accompagner par la mise en place d’aides
1.2. Acquérir des compétences et être dans le Care
1.3. Informer au mieux pour réduire le stress
1.4. Instaurer un climat de confiance pour mieux avancer
2. Éléments de réponse autour de la question centrale
3. Impacts sur la formation
3.1. Evaluation de la satisfaction de la formation
3.2. Evaluation des apprentissages des apprenants
VII. Conclusion générale et perspectives
VIII. Références bibliographiques 
IX. Liste des figures et des tableaux 
Annexes

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