L’emploi public dans l’espace local de l’emploi

L’emploi public dans l’espace local de l’emploi 

Un espace local et décloisonné de l’emploi

Longtemps prétendus agricoles, puis en partie mis de côté des priorités de la recherche en sciences sociales, les espaces ruraux bénéficient depuis plusieurs années d’une re-conceptualisation et d’un regain d’intérêt  . Ce nouvel élan s’est donné pour programme de recherche notamment de donner à voir la densité de la morphologie sociale et des formes de stratification dans ces espaces , souvent réifiés au prisme des « sociétés paysannes », et d’aborder l’objet rural sous un prisme non ruraliste à travers différentes spécialités.

Le Mainiotais est une petite région similaire aux autres espaces ruraux français, quoiqu’il connaisse des dynamiques économiques et démographiques qui le distingue de beaucoup d’autres. Se situant dans l’Ouest, une région dans l’ensemble en relative bonne santé économique, dotée de métropoles en expansion, mais montrant tout de même des inégalités marquées, le Mainiotais connaît une situation stable avec un taux de chômage faible. Il se distingue ainsi des espaces ruraux des régions Grand-Est et Bourgogne-Franche-Comté, qui ont servi de terrains d’enquête privilégiés en sociologie des mondes ouvriers, populaires et ruraux, et qui ont violemment subi d’importants mouvements de désindustrialisation .

En ce sens, il faut être prudent avant d’émettre des jugements sur ces espaces ruraux, et faire attention aux analyses – parfois produites depuis les grandes villes dynamiques et universitaires – qui parlent du “déclin” de certains espaces ruraux de l’Ouest. Il faut avant tout prendre en compte ces espaces dans leurs propres configurations géographiques : la plupart, comme le Mainiotais, sont en tension entre différents pôles d’attraction comme Le Mans, Angers, Tours et particulièrement Nantes et Rennes, qui sont tous reliés à des infrastructures routières et ferrées, sont des villes universitaires et de grande taille dont l’influence a été multipliée ces dernières décennies, et qui sont maintenant des villes dites « attractives », centrales et centralisantes dans l’espace. Pourtant, les espaces ruraux décrits ici correspondent à plusieurs autres qui « s’en sortent », ou du moins connaissent une situation de relative stabilité, facilement perçue par les observateurs scientifiques ou profanes comme « le début de la pente ». il convient donc de prendre en compte les configurations de l’espace et les caractéristiques des populations et les structures de l’économie avant de comparer. Le but de ce chapitre préalable est de faire voir les principales structures de la population active et de l’emploi dans l’espace où se situe le Mainiotais. Il s’agira ensuite de se tourner vers les employés publics et de montrer comment ils en sont représentatifs. Ce rapide éclairage permettra enfin d’introduire quelques éléments à propos des emplois dans les collectivités territoriales rurales.

Un marché de l’emploi géographiquement et socialement situé 

La ventilation de la population par catégorie socio-professionnelle illustre l’importance statistique des classes populaires dans les espaces ruraux, où l’on observe habituellement une surreprésentation des ouvriers et une sous-représentation des cadres . En Mayenne et en Sarthe, sans prendre en compte l’aire urbaine du Mans, les agriculteurs représentent 4,5 % de la population active, contre 5,7 % pour les artisans, commerçants et chefs d’entreprise, 8,1 % pour les cadres et professions intellectuelles supérieures – dont la part est augmentée en raison de la présence de l’agglomération mancelle, qui d’ailleurs a le statut de communauté urbaine, l’un des plus élevés –, 20,8 % pour les professions intermédiaires, 26,5 % pour les employés et enfin 33,6 % pour les ouvriers. Ces chiffres sont similaires à la moyenne que l’on peut observer dans les espaces ruraux.

À cet égard, une autre statistique est très parlante : le ratio entre les cadres et les ouvriers. Celui-ci s’élève à 29,1 cadres pour 100 ouvriers en Mayenne et 36 pour 100 en Sarthe . Si l’on regarde les EPCI de ces deux départements de plus près, on peut trouver onze communautés de communes où l’on trouve moins de 20 cadres pour cent ouvriers – les plus bas ratios descendant à seulement 13 pour cent –, huit autres en ont moins de 27, quand les sept dernières en accueillent davantage. On peut faire remarquer que dans le département de la Mayenne, seule la communauté d’agglomération de Laval dépasse la moyenne départementale. En resserrant la focale sur les principales agglomérations de cette région, la distribution spatiale des cadres est encore plus claire et structurante : dans les communes situées dans un rayon de 20 kilomètres autour de Laval, le ratio de cadres pour cent ouvriers est de 45,8, il est de 35,5 autour de Vendôme, 37,6 autour d’Alençon, 80,5 autour d’Angers, 91,6 autour de Tours et de 141,5 autour de Rennes .

Cette répartition différenciée des catégories socio-professionnelles se répète quand on regarde les niveaux de diplôme de la population. Aux extrémités des départements de la Mayenne et de la Sarthe, c’est-à-dire autour des villes de Laval et du Mans et de leurs espaces périurbains, les diplômes professionnels tels les CAP ou les BEP sont largement présents .

Les structures de l’emploi public dans les collectivités 

Si l’histoire sociale peut présenter des variations locales, il en va de même des formes et des dimensions que prend l’action publique selon les collectivités. Toutes les collectivités territoriales ne proposent pas les mêmes services, qui ont eux-mêmes une histoire qui leur est particulière : l’État-civil comporte des prérogatives anciennes et depuis longtemps déléguées aux communes, tandis que des secteurs comme l’animation ou la culture sont, par comparaison, relativement récentes . De plus, toutes les collectivités territoriales n’ont pas les mêmes moyens disponibles pour assurer ces services, en particulier financiers . Il ne faut pas oublier que la ligne de partage entre le domaine de l’État et celui des collectivités, et des marges de manœuvre de ces dernières, est un enjeu de luttes permanent depuis la Troisième République .

Des jugements localisés des conditions d’emploi 

Si la fonction publique territoriale se distingue de celle de l’État et de l’hospitalière, les employés publics ne semblent pas former un groupe avec ses caractéristiques propres. L’emploi dans les communes rurales, limité à des emplois d’exécution (de catégorie C) du fait de la faible quantité de travail et de compétences politiques assurées, semble rassembler des profils sociodémographiques « typiques » des espaces ruraux, dont le point le plus commun est un niveau de diplôme relativement faible – ou, du moins, la rareté des diplômes d’enseignement supérieur. Les intercommunalités montrent une plus grande diversité interne, que leur développement ces deux dernières décennies a très probablement favorisé. Dans celles des Pays de la Loire, les emplois de catégorie C sont encore majoritaires, mais les transferts de compétences vers les EPCI et la présence d’autres filières – notamment la culture, l’animation ou le médico-social – contribuent à enrichir le tableau d’ensemble.

Comme cela a pu être souligné ailleurs , la principale caractéristique de l’emploi public local en milieu rural semble plutôt être ses porosités avec le secteur privé local. Cet espace local de l’emploi est en grande partie décloisonné, dans la mesure ou des clivages parfois structurants – qu’ils soient objectivables comme les bagages scolaires, ou issus de sociologies spontanées comme l’attitude présumée des fonctionnaires vis-à-vis de leur travail, – peuvent être franchis et qu’il existe chez les agents publics des parcours très variés , en particulier dans la catégorie C qui rassemble des profils les plus fréquents dans les espaces ruraux. Ce décloisonnement peut être entrevu sous différentes formes. Pour Raphaël, encadrant du chantier d’insertion de la communauté de communes du Mainiotais, le réseau noué avec les entreprises locales est très important, car la plupart des participants n’iront pas dans le secteur public : « Sur les 76 % de sorties positives, c’est pas énorme ce qu’on remet en interne. Heureusement que Hervé a un réseau d’entreprises, il est vieux en plus, il a un réseau d’entreprises dans la poche qu’il développe tous les ans. Selon les souhaits, souvent, des projets professionnels. » Dans le cadre de la mission d’insertion, la situation locale de l’emploi est très déterminante, le chômage assez bas dans le Mainiotais facilite le travail d’Hervé, qui aide les participants du chantier à créer leur projet d’insertion.

« Actuellement c’est plus facile d’avoir des relations avec des entreprises, parce qu’ils cherchent des [gens pour occuper des] emplois. On a un taux de chômage assez bas, donc ils cherchent. Donc ils vont plus vers les personnes qui sont susceptibles de positionner des futurs candidats, quoi. Si le taux de chômage était à 12 %… ils attendent et ils sélectionnent les candidats. Et chez nous c’est un peu l’inverse, ils arrivent pas à recruter, ils trouvent pas de personnel, donc le partenariat [entre le chantier d’insertion et les entreprises] est plus facile. » .

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Table des matières

Introduction
L’intercommunalité : objet de recherches, de réformes et de luttes
Une communauté de communes rurale du Maine
Emploi, travail et recompositions
PREMIÈRE PARTIE L’EMPLOI PUBLIC DANS L’ESPACE LOCAL DE L’EMPLOI
Chapitre 1. Un espace local et décloisonné de l’emploi
Un marché de l’emploi géographiquement et socialement situé
Les structures de l’emploi public dans les collectivités
Des jugements localisés des conditions d’emploi
Chapitre 2. Une diversité de trajectoires
Des trajectoires stables
Des carrières longues et ascendantes
Des trajectoires d’ascension par mobilisation d’autres ressources
Des reconversions dans la fonction publique
La fonction publique territoriale comme voie de stabilisation
Des reconversions par les valeurs
DEUXIÈME PARTIE TRAVAILLER DANS UNE COLLECTIVITÉ TERRITORIALE RURALE
Chapitre 3. Traits généraux du travail dans une collectivité territoriale
Les services techniques
Entre polyvalence et spécialisations
Des équipes en auto-organisation
Des agents techniques administratifs
La filière administrative en contact avec le public
Administratives généralistes
Au contact du public
Être secrétaire de mairie au cœur des reconfigurations des collectivités
Une filière de l’action sociale
Un chantier de resocialisation
Un chantier inséré dans l’espace local de l’emploi
La construction d’une définition du service public
Chapitre 4. Travailler dans un milieu d’interconnaissance
Des relations de travail entre l’institution et l’interconnaissance
Hiérarchies symboliques, jugements de soi et des autres
Espace localisé et relations avec les usagers
Les élus ruraux : des employeurs locaux davantage éloignés
Des employés locaux dé-politisés ?
Conclusion
Bibliographie

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