L’émergence d’un nouvel enseignement : l’Histoire des arts
L’apparition d’un enseignement de l’histoire des arts au sein de l’école élémentaire est aujourd’hui possible grâce à un long processus d’évolutions des pratiques pédagogiques et des recherches sur la place de l’éducation artistique et culturelle au premier degré. Ce nouvel enseignement est l’héritier d’une discipline universitaire : l’Histoire de l’Art. Il convient donc de rappeler quelques éléments historiographiques afin de retracer cette transposition de l’éducation de l’Histoire de l’Art vers l’Histoire des Arts.
Quelques éléments sur l’histoire de l’Éducation artistique et culturelle
La politique de Jules Ferry
L’enseignement de l’Histoire de l’art a vu le jour en l’Allemagne à la fin du XVIIIème siècle. Johann Joachim Winckelmann (1717-1768) est considéré comme le père de la discipline, et premier théoricien du genre. Il instaure en effet les principes méthodologiques de l’étude des œuvres d’art. L’Histoire de l’art apparaît au sein du système universitaire dès 1801, avec sa première chaire à Berlin. Puis, cette discipline se développe en France, durant la seconde moitié du XIXème. La première chaire française d’ Histoire de l’art voit le jour à la Sorbonne en 1893. C’est également en cette même année que l’on peut observer la toute première réclamation, qui vise à introduire dans l’enseignement secondaire un enseignement d’Histoire de l’Art distinct de celui du dessin.
Les idées de développement des connaissances et des enseignements culturels sont déjà présentes sous Jules Ferry, dès la création de l’école obligatoire, gratuite et laïque en 1881-1882. En effet, l’objectif premier est de faire de la culture un outil pour créer le sentiment d’appartenance à une communauté propre à la nation. De créer une nation unie autour d’une culture commune. Jules Ferry développe notamment cette idée dans les années 1890 : « faire une nation par la culture ». L’histoire de l’art est le représentant par excellence de cette culture commune. Cette tendance ne fera que se renforcer par la suite. C’est en effet après la seconde-guerre mondiale, qu’un historien de l’art, André Chastel, professeur d’Histoire de l’Art à la Sorbonne et éditorialiste au journal Le Monde, milite à son tour pour cette ouverture disciplinaire .
Du patrimoine à la pratique artistique : d’André Malraux à Jack Lang
En 1959 le général De Gaulle décide de créer un nouveau ministère, spécialement conçu pour André Malraux, écrivain français et homme de lettres, qu’il veut avoir à ses côtés pour fonder la Vème République. André Malraux devient donc le nouveau ministre des affaires culturelles. Celui-ci considère que la culture et l’enseignement sont deux domaines précis, qui se doivent d’être développés : «La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert » affirme t-il alors. Il expose une vision moderne et s’oppose à l’idée d’héritage et de « don » de la culture, valorisant une éducation artistique et culturelle ayant comme finalité la démocratisation de l’art. Mais pour certains, Malraux démontre ici la conviction qu’un contact direct avec les œuvres vaut tous les discours de l’art, qu’il faut passer par la sensibilité et non par la connaissance. On observe également, durant les premières années de la Vème République, la mise en place d’un Ministère des Affaires Culturelles et d’un Haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports, se traduisant par une séparation des deux secteurs. L’action culturelle et l’action d’éducation populaire se développent dans des établissements distincts, avec des objectifs et des modalités d’actions divergentes. Un schisme semble donc se dessiner entre les deux ministères de l’éducation et de la culture.
Le 17 Mars 1968, se réunissent à Amiens six cents éducateurs, chercheurs, intellectuels pour un colloque intitulé Pour une École Nouvelle. Il en ressort l’idée que, dans cette École Nouvelle, l’éducation artistique doit être complètement intégrée à l’enseignement général. On observe la création de deux camps opposés chez les spécialistes de la question. Celui d’André Chastel, représentant les historiens de l’art et celui des plasticiens, qui finissent par l’emporter. Le gouvernement œuvre donc pour la création d’un CAPES d’Arts Plastiques, et l’histoire de l’art est intégrée à cette discipline, comme champ secondaire. Cependant, cette année 1968 marque un véritable tournant dans l’enseignement de l’Histoire de l’art. On commence à réfléchir à l’instauration de premiers enseignements de l’histoire de l’art. En 1975, la publication de la loi Haby instaure le Collège Unique et préconise un équilibre entre les disciplines intellectuelles et les disciplines artistiques. En 1981, François Mitterrand devient président de la République et développe l’éducation artistique à l’école. C’est le jeune ministre de la culture, Jack Lang, qui perpétue l’action de démocratisation culturelle engagée par André Malraux. Il met en place cette nouvelle politique. Les maîtres mots sont alors « de permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d’inventer et de créer, d’exprimer librement leurs talents et de recevoir la formation artistique de leur choix » .
Jack Lang va conduire ce projet avec Alain Savary, alors ministre de l’Éducation Nationale. Le schisme jusqu’alors toujours présent entre le Ministère de la culture et de l’Éducation semble se résorber progressivement. En 1988, une loi sur les enseignements artistiques leur donnent une importance nouvelle dans le système éducatif. Ceux-ci ne portent plus seulement sur la musique et le dessin, mais « ils portent sur l’histoire de l’art et sur la théorie et la pratique des disciplines artistiques ». Ainsi émerge l’idée d’un enseignement théorique de l’art qui passe par une initiation à la pratique d’un ou plusieurs arts, mais aussi par une réflexion sur les œuvres. La reconnaissance de l’apport éducatif des enseignements artistiques consacre le succès du colloque d’Amiens. On cherche à lier l’histoire de l’art et les idées de Malraux, l’école devient un lieu où l’on associe connaissance et sensibilité .
|
Table des matières
Introduction
Questionnements et Hypothèses
Méthodologie et démarche de recherche
I/ L’émergence d’un nouvel enseignement : l’Histoire des arts
1) Quelques éléments sur l’histoire de l’Éducation artistique et culturelle
a. La politique de Jules Ferry
b. Du patrimoine à la pratique artistique : d’André Malraux à Jack Lang
c. Le rapport Philippe Joutard
2) De l’Histoire de l’art vers l’Histoire des arts : un glissement en tension
a. Une résistance du schéma universitaire
b. De la vulgarisation vers la transposition
3) Les fondements d’un nouvel enseignement : les programmes officiels
a. La réforme de l’enseignement de l’histoire des arts : grands principes de 2008
b. Les injonctions du Ministère de l’Éducation Nationale : objectifs et mise en œuvre
c. Une évolution des programmes d’enseignements : confrontation 2008 – 2015
d. De nouveaux textes pour opérationnaliser l’enseignement de l’Histoire des arts
II/ La question de la trace écrite dans la transposition didactique de l’histoire des arts à l’école primaire
1) Approches de l’enseignement de l’histoire des arts
2) Découverte de l’œuvre d’art
a. La rencontre avec les œuvres
b. Les entrées
c. La mise en réseaux
3) La place essentielle de la trace écrite
4) Des outils à notre disposition : approche comparative
a. Le cahier personnel d’histoire des arts
b. Le carnet de bord
c. Le Musée Imaginaire
d. L’espace d’affichage
e. Les TICE, ressources et outils
III/ Une mise en pratique artistique effective : lier histoire des arts et pratiques artistiques
1) Une pratique artistique effective en histoire des arts
a. Les intérêts de la manipulation à l’école élémentaire : les démarches pédagogiques
b. Quelques éléments d’analyses sur les propositions faites par les Académies
c. Quelques élément d’analyses sur les propositions faites par les ouvrages didactiques
2) Étude comparative avec une mise en pratique observée : récits de stages
a. Classe de CMI – CM2, Stage n°1
b. Classe de CM2, Stage n°2
3) Pour ma future pratique professionnelle : des propositions efficaces
a. Un projet de classe : « Le Musée Imaginaire »
b. Le cahier personnel d’histoire des arts
c. Le Parcours d’Éducation Artistique et Culturelle : application FOLIOS
d. Ce que je retiens : grille d’analyse des ressources documentaires et du terrain
Conclusion
Annexes
Bibliographie
Résumé